Sur le fauteuil

- Par l'auteur HDS Exorium -
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Récit libertin : Sur le fauteuil Histoire érotique Publiée sur HDS le 18-09-2018 dans la catégorie En solitaire
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Sur le fauteuil
Tout a commencé comme ça : quelqu’un avait oublié une revue sur la banquette du café que nous fréquentions beaucoup plus assidûment, Amaelle et moi, que les amphis de la Fac de droit. Je l’ai distraitement feuilletée.
– Tiens, c’est marrant, écoute ! Un sondage : 87% des hommes et 69% des femmes reconnaissent se masturber régulièrement. Quelle conclusion on peut en tirer à ton avis ?
– Pas la moindre idée.
– Que 13% des hommes et 31% des femmes sont encore trop coincés pour l’avouer.
Elle a éclaté de rire.
– C’est pas complètement faux !
– Tu te ranges de quel côté ?
Elle a haussé les épaules.
– J’irais pas le chanter sur les toits, mais je vois pas pourquoi je m’en défendrais. J’ai toujours considéré ça comme parfaitement naturel. Pas toi ?
– Moi ? Je suis un fervent pratiquant depuis de longues années. Depuis que je suis en âge de l’être en fait.

Elle en a reparlé le lendemain.
– Il le sait Fabrice que tu t’offres des petits câlins toute seule ?
– Oui, ben alors là ! C’est un sujet qu’il est hors de question d’aborder avec lui ! La seule chose qu’il serait capable d’en conclure, c’est qu’il ne me satisfait pas puisque j’ai besoin d’autre chose. Ça n’a strictement rien à voir, mais ce qu’elle en prendrait un coup sa fierté de mâle ! Et toi, Anne, elle est au courant ?
– Oh, Anne, ça lui viendrait même pas à l’idée que je puisse en avoir envie, puisque je l’aime.

Le surlendemain aussi.
– Ça non plus j’irais pas le raconter à n’importe qui – pour quoi je passerais ? – mais un type, le plus souvent, il te gâche ton plaisir plus qu’autre chose. Il est dans sa tête à lui. Même s’il te connaît bien, s’il essaie de te faire des trucs que t’aimes, c’est presque jamais ceux que tu aurais voulu à ce moment-là. Ou pas de la façon qu’il aurait fallu à ce moment-là. Tandis que toute seule ! C’est toi qui mènes le jeu. À ton rythme. Avec tes images. Comme tu veux. Tu les prends, tu les abandonnes, t’en fais venir d’autres. Tu peux te mettre et mettre les autres dans toutes les situations dont tu as envie. Tu n’es jamais déçue. Jamais.


Elle a voulu savoir.
– Mais t’es pas obligé de me répondre. À quoi tu penses, toi, quand tu te le fais ?
– Ça dépend. Des jours. Du moment. De mon humeur. De tas de choses. Souvent ça part d’un petit rien. D’un coup de vent qui fait voltiger une robe, qui me laisse furtivement entrevoir une petite culotte. Du rideau d’une cabine d’essayage mal tiré. D’un regard croisé particulièrement appuyé. Dès que je suis seul, je revis la scène, je la fais durer, je brode tant et plus. Ça part dans tous les sens. Ça m’emmène où ça veut. Dans les endroits de moi-même les plus invraisemblables.
– Je connais ça aussi.
– Et puis j’ai mes histoires, des histoires qui me suivent depuis toujours. Qui sont chevillées à moi. Qui s’imposent quand elles l’ont, elles, décidé.
– Et qui ne doivent surtout pas être racontées. Elles en perdraient tout leur pouvoir. Ça aussi je le sais.

Elle a plongé ses yeux droit dans les miens…– Et à moi, tu y penses des fois pendant ?
– Si je te dis que non, tu me croiras ?
– Pas le moins du monde.
– J’y ai toujours pensé. Au lycée, il y avait trois ou quatre filles de la classe que je ramenais avec moi presque tous les soirs. Tu en faisais partie.
– C’était qui les autres ?
– Anaïs… Caelia… Romane… Amina…– Tu as bon goût. Et maintenant ?
– Maintenant ? Maintenant on est tout le temps ensemble tous les deux. Toute la journée. Partout. En amphi. En TP. À la bibliothèque. Au resto U. Ici, au café. Tu es là, constamment à portée de regard. On se parle. On en parle. Alors forcément tu es aussi avec moi quand je le fais. Il y a même des fois où…– Où ?
– Où j’ai hâte de te quitter pour aller te retrouver. Et toi ? Tu me fais venir ?
– Oui. De plus en plus souvent. De plus en plus longtemps.
– Et tu imagines quoi ?
– Qu’on le fait tous les deux ensemble. Côte à côte. Sans qu’il se passe rien d’autre.
– Ça, c’est vraiment pas difficile à réaliser…
On n’a pas voulu que ce soit tout de suite. Pour avoir le temps d’y penser. D’en avoir envie. De l’imaginer, chacun de son côté. Ou ensemble. On en parlait. On se racontait comment ce serait. Ça se déployait en mots. Ça existait. C’était comme si ça avait eu vraiment lieu. Alors on changeait. Autre chose. Autrement. Jusqu’au jour où…– On le fait ? On le fait vraiment ?

On a roulé jusqu’à la mer. On l’a longée. On l’a laissée nous lécher les pieds. On a imprimé nos pas dans le sable. On a beaucoup parlé. Mais pas de ça. Pas une seule fois. Et puis elle a voulu se baigner et on s’est poursuivis en grandes gerbes d’éclaboussures heureuses.

Le soir, on a dîné aux chandelles, d’huîtres, de moules et de vin blanc dans une petite auberge à glycine et volets bleus. On est restés à discuter, les yeux dans les yeux, jusqu’à ce que, autour de nous, toutes les autres tables aient été libérées.

Je me suis couché le premier. Elle m’a rejoint dans l’obscurité, s’est silencieusement coulée auprès de moi dans le lit. Il s’est passé du temps. Beaucoup de temps. Et puis comme un frémissement à côté. Une vibration. Un tremblement. Mes doigts sont descendus se refermer sur moi. Elle a respiré plus vite, plus profond. Ça s’est affirmé, amplifié, en moutonnements délivrés. Une jambe est venue se poser contre ma cuisse, s’y est appuyée, ancrée. J’ai accéléré mon mouvement de va-et-vient. Elle a haleté, doucement gémi, s’est plainte, cabrée. Elle a déferlé. Je me suis répandu au hasard. Elle m’a recueilli, du bout des doigts, et est retournée vers elle…
Au réveil il faisait grand jour. Appuyée sur un coude, le menton dans la main, elle me regardait. On s’est souri.
– Tu pensais à quoi, pendant, cette nuit ?
– Qu’on le faisait dans notre café. Sous la table. Avec tous les gens autour qui pouvaient nous voir. Et toi ?
Elle a ri.
– En plein amphi. Sans nous cacher. Avec tous les regards sur nous. Tu aurais vu leurs têtes ! Elle a repoussé drap et couverture jusqu’au pied du lit.
– On recommence ?


C’était deux jours plus tard. Dans le grand amphi. Pendant le cours de droit administratif. On était assis côte à côte. Elle avait étalé son manteau sur ses genoux. Elle s’est appuyée contre moi, épaule contre épaule. Et elle a bougé. Imperceptiblement. Un remous qui a gagné tout le bras. Qui a pris consistance. À rythme plein. Échevelé. Elle a renversé la tête en arrière, s’est abandonnée contre moi. Elle s’est redressée, a chuchoté…– Ce sera ton tour tout-à-l’heure au café.

– Eh ben vas-y !
À la table juste à côté la fille semblait absorbée par son livre. Plus loin deux types étaient engagés dans une conversation à grands gestes animés. Plus loin encore, un couple d’amoureux s’embrassait à bouche-que-veux-tu. J’ai glissé ma main dans mon pantalon. J’ai laissé mes yeux dans les siens. Jusqu’au bout…– Tu sais quoi ? Te retourne pas, mais je crois bien que les trois filles derrière elles se sont aperçues de quelque chose.

– On repart le week-end prochain ?
– T’as pas peur qu’il finisse par se poser des questions, Fabrice ?
– Oh, Fabrice ! Il y en a que pour le foot en ce moment ! Ils partent en déplacement je sais pas trop où. Il s’apercevra même pas que j’étais pas là. Et toi, Anne ?
– Elle va chez ses parents. Et comme je suis indésirable là-bas.
– Eh bien on part alors ! Tu me laisses faire. Je m’occupe de tout.

C’était un château de rêve perdu au milieu des bois. Une suite avec lit à baldaquin et baignoire à remous.
– T’es complètement folle ! Ça doit coûter les yeux de la tête un truc pareil.
– T’occupe ! C’est mes oignons.
On a passé l’après-midi à arpenter lentement, au hasard, les rues d’une ville inconnue. En entrant de temps à autre dans une boutique. En regardant passer la foule, attablés à une terrasse de café. – C’est drôlement important pour moi, tu sais, d’être ensemble comme ça avant. De nous créer un climat, une ambiance à nous. On est bien. C’est ça qui me donne envie, à moi, qu’on se regarde le faire…
Elle a appelé de la chambre à côté…– Ça y est ! Tu peux venir. Allume ! Elle était assise, complètement nue, sur l’un des deux grands fauteuils droits, une jambe passée, de chaque côté, par dessus les accoudoirs. Elle m’a fait signe. Je me suis déshabillé et me suis installé dans l’autre, tout près, mes genoux contre les siens. Et je l’ai regardée. Les seins lourds, fermes, veinés de bleu. L’encoche en bas, à nu sur ses replis dentelés, feuilletés, ombrés. L’entrée offerte de son réduit d’amour. J’ai regardé. Et elle m’a regardé regarder. Longtemps…
Et puis elle s’est posé une main en bas.
– Ils sont là… Tu les vois ?
– Qui ça ?
– Eux. Fabrice. Anne. Les copains de la fac. Ceux du café. Tous ceux de tous les jours. Tous. Ils sont tous là.
Elle s’est lissée. Avec impatience. Avec emportement. De haut en bas. De bas en haut.
– Oui. Ils sont là.
Longs mouvements circulaires. Pressés. Insistants. Avec obstination. Avec délices. Je l’ai accompagnée.
– T’as vu comment ils nous regardent ? T’as vu ? Ils n’en peuvent plus.
Son souffle s’est fait plus court. Ses lèvres se sont entrouvertes. Ses yeux se sont embrumés.
– Comment ils sont dressés ! C’est vers moi. C’est pour moi. Rien que pour moi. Et les filles ! T’as vu les filles ?
Elle s’est cabrée, a doucement sangloté son bonheur.
J’ai libéré le mien.

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