Histoire des libertines (58) : Kiki, la reine de Montparnasse

- Par l'auteur HDS Olga T -
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Récit libertin : Histoire des libertines (58) : Kiki, la reine de Montparnasse Histoire érotique Publiée sur HDS le 10-05-2020 dans la catégorie A dormir debout
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Histoire des libertines (58) : Kiki, la reine de Montparnasse
Dans des textes publiés récemment dans le cadre de cette série historique, j’ai parlé de plusieurs femmes qui marquèrent leur époque et la vie parisienne depuis le milieu du XIXème siècle. Elles étaient des demi-mondaines, des courtisanes, des reines des nuits parisiennes. Telles furent :
• Lola Montès et Marguerite Bellanger, aux temps du Second Empire (voir « Histoire des libertines (50) : femmes d’influence à l’époque du Second Empire »)
• La Belle Otéro et Liane de Pougy (voir « Histoire des libertines (52) : Des libertines de la Belle Epoque », publié le 2 janvier 2020)
• Mata Hari (voir « Histoire des libertines (55) : Mata Hari », publié le 26 février 2020) certes plus connue comme espionne, mais qui fut aussi une grande libertine.

Kiki de Montparnasse, pseudonyme d’Alice Ernestine Prin (1901-1952), symbolisa, quant à elle, le Paris de l’entre-deux-guerres, sans pour autant entrer dans la même « catégorie » que les précédentes, car contrairement à elles, elle ne fut ni une courtisane, ni une demi-mondaine, mais elle appartenait comme elles au monde de la nuit et des cabarets.

« Reine de Montparnasse », Kiki fut aussi un modèle, une muse et l'amante d’artistes célèbres, mais également chanteuse, danseuse, gérante de cabaret, artiste peintre et actrice de cinéma.

Dans le Montparnasse de bohème et de génie des années 1920, Kiki réussit à s'extraire de la misère pour devenir l'une des figures les plus charismatiques de l'avant-garde de l'entre-deux-guerres. Compagne de Man Ray auquel elle inspirera ses photos les plus mythiques, elle sera immortalisée par Kisling, Foujita, Per Krohg, Calder, Utrillo ou Léger.

Ses Mémoires, refusées par la censure américaine, auraient dû paraître en anglais, en 1929, avec une préface d'Hemingway, la seule qu’il n’ait jamais signée : « Voici un livre écrit par une femme qui n'a jamais été une lady... mais une reine. » Celle d'un Montparnasse bohème, et irrévérencieux. Ils ne paraitront finalement qu’en 2005 !

UNE ENFANCE DANS LA PAUVRETE
Enfant illégitime, la jeune Alice est élevée par sa grand-mère dans une grande pauvreté. En 1913, elle quitte Châtillon-sur-Seine pour rejoindre sa mère linotypiste à Paris. L'année suivante, elle la retire de l'école pour la faire travailler comme apprentie.

Alice est successivement brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin et visseuse d’ailes d’avion. En 1917, elle est bonne à tout faire chez une boulangère, place Saint-Georges. Se révoltant contre les mauvais traitements qu’elle subit, elle est renvoyée.

MODELE NUE
Pour gagner de quoi vivre, elle devient modèle, posant nue chez un sculpteur. Cela cause une violente dispute avec sa mère qui l’expulse de chez elle malgré l’hiver. Elle est recueillie par le peintre Chaïm Soutine. Elle fréquente alors la brasserie La Rotonde mais au bar seulement. Pour avoir le droit de s’asseoir dans la salle, une femme doit porter un chapeau.

À la Rotonde, un soir d’automne 1918, Kisling avise une jeune fille de 18 ans, portant un chapeau d’homme, une vieille cape rapiécée et des chaussures trop grandes pour elle. Cette fille est d’une beauté particulière, un mélange de gouaille, de vivacité, une effronterie du langage qu’on retrouve dans ses gestes et ses sourires.

Elle se met alors en ménage avec un peintre juif polonais, Maurice Mendjizki (1890-1951). Il a presque 10 ans de plus qu’elle, il va l’intégrer dans la communauté des artistes de Montparnasse.

Elle pose ensuite pour les peintres Amedeo Modigliani et Tsugouharu Foujita dont le « Nu couché à la toile de Jouy » sera l'événement du Salon d'automne de 1922. Moïse Kisling l'a également peinte à de nombreuses reprises. Elle adopte la coupe au bol, les yeux abondamment soulignés de khôl, les lèvres peintes de rouge vif et le pseudonyme Kiki.

Elle va rencontrer les plus grands peintres, quand elle ne pose pas pour eux, elle couche avec. Et parfois, elle fait les deux !

LA MUSE DEVIENT ARTISTE
En 1921, elle devient la compagne et le modèle préféré de Man Ray qui trouve son physique « de la tête aux pieds, irréprochable ». Il l'a photographiée notamment à côté d'un masque baoulé, ainsi que de dos, nue, pour un célèbre cliché auquel il ajoute deux ouïes de violon et qu'il intitule « Le Violon d'Ingres », en 1924. Il lui fait rencontrer les dadas Tristan Tzara, Francis Picabia et les surréalistes Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Max Ernst et Philippe Soupault.

Elle commence également à dessiner des portraits pour les soldats britanniques et américains qui fréquentent La Rotonde. Par la suite, elle exposera régulièrement ses peintures dans des galeries parisiennes. Pablo Gargallo fait son portrait en bronze doré en 1928.

Kiki aime la vie, aime les arts, les hommes, l’alcool et la fête.

UN PASSAGE EN PRISON
En 1929, elle passe 10 jours en prison à Nice après s’en être violemment pris à un patron de bar. Elle raconte la scène dans un carnet de souvenirs :
« (…) Un soir, je vais retrouver des matelots amis dans un bar anglais où nous n’allons jamais. J’avais à peine ouvert la porte que le patron me crie: • Pas de putain ici !
Je me précipite sur lui et lui lance une pile de soucoupe sur la figure. Mes copains entament la bagarre, mais la police arrive. »
Lorsque la police tente de l’emmener au poste, elle frappe le commissaire à coup de sac à main ! Il faut dire qu’en cette période de crise, Kiki consomme beaucoup de drogue et d’alcool.

Elle est transférée à la prison de Nice, et le journal le Petit Niçois du 5 avril 1929 n’en fait pas un portrait très élogieux : « une fille aux mœurs légères, Alice Prin, âgée de trente ­deux ans, née à Paris [...]. »
En fait, tout le monde pense vraiment que c’est une pute qui vient dépouiller les marins de leur argent. Kiki passe plus de 10 jours en prison. Vu qu’on pense que ce n’est qu’une putain, on ne veut pas lui accorder une liberté sous caution. Heureusement Man Ray va faire jouer ses connaissances et le commissaire se contentera d’une « déposition bénigne ». Lorsque Man Ray arrive à Nice avec une lettre du médecin de Kiki, elle peut sortir.

REINE DE MONTPARNASSE
Kiki devient la maîtresse du journaliste Henri Broca en 1929, dont elle sera follement amoureuse. Ce dernier fonde le magazine Paris-Montparnasse, dans lequel paraissent les premiers chapitres du livre de souvenirs que Kiki s'apprête à publier. Malgré l’engagement du journaliste américain Edward William Titus, époux d’Helena Rubinstein, ainsi que la préface d’Hémingway, les autorités douanières américaines refusent l’introduction du livre aux États-Unis, pour cause de propos jugés « scabreux ».

Sa mère, puis Henri Broca sombrent dans la folie. Pour parer aux frais médicaux, elle fait le tour des boîtes de nuits, où elle chante et danse. En 1930, elle débute au Concert Mayol dans la revue « Le Nu sonore ». En 1931, elle chante à La Jungle, en 1932 à L'Escale. Cette année-là, elle a un engagement à Berlin. En 1936, elle chante « Nini peau d’chien » au moulin de la Galette. Elle chante aussi dans le célèbre cabaret de la rue de Penthièvre, Le Bœuf sur le toit, lieu où Man Ray expose ses photographies. Elle se rend aux studios de la Paramount Pictures à New York, mais sans résultat.

Buvant trop et se nourrissant mal, Kiki prend du poids. Cela ne l’empêche pas de poser pour le peintre Per Krohg qui, trouvant sa « croupe très belle », pense « à un trois-mâts toutes voiles dehors ».

De janvier 1935 à janvier 1937, elle chante régulièrement au Cabaret des fleurs au 47, rue du Montparnasse.

En 1937, elle ouvre son propre établissement « Babel » qui devient « chez Kiki », rue Vavin. André Laroque, pianiste et accordéoniste de ce cabaret, agent des contributions indirectes le jour, devient son nouvel amant. Il aide Kiki à lutter contre sa dépendance à la drogue et tape à la machine ses souvenirs qui ne seront publiés qu'en 2005. En 1939, elle chante au cabaret Le Gipsy's rue Cujas. En 1942, elle fait sa rentrée au Jockey, boulevard Montmartre. Elle s'y produit jusqu'au mois de juillet 1943.

DECLIN
En 1952, Frédéric Kohner, un américain, professeur dans une université de Californie, qui fut déniaisé par elle à l'âge de 19 ans, la revoit : • « La porte du bar s'ouvrit...Je la vis entrer. Elle portait un manteau de phoque très usé et un chapeau d'une taille ridicule, avec une voilette qui cachait ses yeux... J'eus un choc... J'avais l'impression qu'une terrible explosion s'était produite, ne laissant rien que d'horribles ruines. Je scrutais son visage tandis qu'elle titubait vers le bar... Son visage était ravagé par l'âge au point de la rendre méconnaissable. C'était un visage où l'on sentait la mort toute proche, où l'on devinait déjà le cadavre. Un maquillage outrancier ne faisait qu'accentuer l'impression de décomposition qu'il donnait. »
Elle meurt en 1953 à l'hôpital Laennec de Paris et est inhumée au cimetière parisien de Thiais. De ses nombreux admirateurs seul Léonard Fujita aurait assisté à son enterrement.

FEMME EMANCIPEE
Kiki de Montparnasse, est une femme libre, moderne, elle pose nue pour les peintres Fujita, Modigliani, Soutine… Elle chante, peint, danse, anime des soirées de folie. Man Ray, l’œil exercé, « trouve son physique irréprochable de la tête aux pieds », il en fait son égérie, elle, son amant. En un seul cliché argentique noir et blanc, il l’immortalise.

Kiki croise les poètes, les écrivains de l’époque, Hemingway devient son ami. De la Coupole à la Rotonde, du Jockey Club au Bal Blomet, endiablée, muse amoureuse, de New York à Berlin, Kiki s’étourdit, brûle sa vie et trace le destin d’une légende de Montparnasse.

Kiki demeure l’égérie infatigable du Montparnasse des années folles, muse émancipée et avant-gardiste du Paris artistique de l’entre-deux guerres. Si Kiki est la muse d'une génération qui cherche à oublier la Grande Guerre, elle est avant tout une des premières femmes émancipées de ce siècle. Au-delà de la liberté sexuelle et sentimentale qu'elle s'accorde, Kiki s'impose par une liberté de ton, de parole et de pensée qui ne relève d'aucune école autre que celle de la vie.

J’ai beaucoup de respect pour les femmes qui, comme Kiki, ont voulu affirmer leur indépendance et leur liberté, y compris sexuelle, à une époque et dans une société qui restaient misogynes et patriarcales et où un tel comportement faisait scandale. Si nous avons aujourd’hui les libertés qui sont les nôtres, c’est parce aussi parce que de telles femmes eurent un comportement précurseur !

PRINCIPALES SOURCES (outre l’article Wikipédia, dont j’ai largement repris le contenu) :
Une bande dessinée de Jean-Louis Bocquet (scénariste) et Catel (dessinateur) a été publiée chez Castermann en 2007.

Sur le net, je renvois à :
• https://vivreparis.fr/portrait-de-femme-qui-a-marque-paris-kiki-de-montparnasse/
• http://www.racontemoilhistoire.com/2015/02/kiki-de-montparnasse-reine-artistes/
• http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/inclassable/content/1804895-kiki-la-reine-de-montparnasse

Les avis des lecteurs

Merci Didier, Kiki fut en effet une femme libre, égérie des années folles, des peintres, des écrivains, des artistes

Histoire Erotique
Olga,
Par cette belle chronique tu nous brosse un magnifique portrait d’une femme, reine d’un Montparnasse de l’entre deux guerre, surnommée « Kiki de Montparnasse ».
Femme que je ne connaissais point je l’avoue.
Quelle femme, au parcours atypique, à la fois muse et maitresse de différents artistes, de toutes origines, les plus connus, les plus en vue, elle est aussi une artiste accomplie elle-même, comme chanteuse ou danseuse.
Ce que je retiendrais de ton écrit c’est que cette femme libertine fut surtout une femme libre en son temps.
Félicitation pour ce texte, et je te remercie une fois encore d’avoir partagé avec nous une fois de plus tes vastes connaissances.
Didier



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