Mister Hyde - 14

- Par l'auteur HDS LVolante -
Récit érotique écrit par LVolante [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Récit libertin : Mister Hyde - 14 Histoire érotique Publiée sur HDS le 07-04-2017 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Mister Hyde - 14
14-
- Coucou vous.

Frédéric leva les yeux du journal qu’il ne lisait pas pour découvrir Lucile, la jeune étudiante rencontrée à l’aller. Elle était vraiment très mignonne dans sa robe de jean et le sourire qu’elle arborait ne gâtait rien. Il apprécia en connaisseur. Il se leva pour l’aider à monter son sac dans le porte bagages et, d’un geste de la main lui offrit le siège en face de lui. Elle s’installa et commença à bavarder.

C’est étonnant comme les jeunes filles ont toujours quelque chose à dire, elles sont intarissables… Et il s’attacha à suivre le monologue de sa vis-à-vis.

En fait, cette rencontre tombait à pic. Frédéric était préoccupé et le charmant babillage de Lucile allait le distraire pendant les trois heures du voyage. Il fit la connaissance, narrative, de ses parents : Marguerite et Henri ; de ses amis : Cassiopée et Gauvain ainsi que de leurs parents : Maude et Merlin. Elle lui raconta son week-end par le menu – exception faite des détails scabreux de sa nuit dans les bras de Gauvain – puis lui exposa ses projets de la semaine. Etudiante en Histoire, elle préparait un mémoire sur les déviances du catholicisme entre le XVème et le XVIIIème siècles et fréquentait assidument la bibliothèque Sainte-Geneviève et celle de la Sorbonne nouvelle, porte de Clignancourt. Il glissa – sans doute pour dire quelque chose – qu’il travaillait non loin et elle sauta sur l’occasion pour proposer un déjeuner le mercredi suivant. Ceci fait, elle sorti de sa poche un petit carré de papier sur lequel était griffonné son prénom suivit d’un numéro de téléphone. Il le mit dans son portefeuille pour en oublier l’existence la seconde suivante.

A Saint-Lazare, il proposa à Lucile de partager son taxi. Elle ne céda que face à son insistance. Elle habitait en proche banlieue, à Courbevoie, à deux pas du pont de Levallois.

- Arrêtez-moi au coin du pont dit-elle au chauffeur, vous pourrez repartir plus facilement sur Paris en prenant le rond-point.

Puis elle se tourna vers Frédéric et lui fit un bisou sonore et appuyé sur la joue, presqu’au coin des lèvres. Frédéric sursauta. Il était plongé dans ses souvenirs. Cela faisait combien de temps… ? Un peu moins de dix ans qu’il n’avait pas remis les pieds dans le quartier… Le lycée qu’il avait fréquenté se trouvait un peu à droite de leur position, le café où il avait embrassé son premier amour se trouvait juste en face… Il salua Lucile, la regarda s’éloigner un instant et secoua vigoureusement la tête pour chasser les fantômes du passé.

- En route pour la rue Molière lança-t-il au chauffeur.

***
Frédéric éteignit ses PC. Il avait le front soucieux, le comportement de Frédérique l’intriguait. Il avait décelé dans sa manière d’être et dans sa façon de lui répondre une forme de dévotion qui lui laissait en bouche un arrière-goût malsain. Frédérique perdait la boule, elle semblait prendre chaque mot qu’il prononçait pour parole d’évangile, cela le mettait mal à l’aise. Le lendemain, il l’enverrait tchatter et tenterait de transformer son profil secret en confident pour sa soumise et connaître ainsi ses pensées.

Le lendemain, pas d’internet : des travaux dans la rue avait endommagé un câble qui ne serait réparé que dans la journée du jeudi. Il envoya un texto à Frédérique pour l’informer de ce désagrément et du silence entre eux instauré jusque-là. Il n’avait aucune intention de lui téléphoner ou, pire encore, de la diriger par texto. Il se contenta de lui interdire l’accès à internet.

***
La journée était chaude, Frédéric profita de sa pause déjeuner pour se poser, comme un chat, sur un banc ensoleillé. Il avait découvert la veille au soir, chez un bouquiniste des quais, un ouvrage de psycho traitant des dérives que pouvaient provoquer certains comportements. Il l’avait acheté, espérant découvrir des éclaircissements sur le nouveau visage de Frédérique. Malheureusement, il ne comprenait goutte à tout ce charabia psy mais s’entêtait quand même à en percer les secrets.

Il relisait, pour la quinzième fois au moins, le même paragraphe quand une voix douce mais sèche vint le distraire.

- Vous ne m’avez pas appelée…
Lucile se tenait devant lui, souriante.

- Bonjour.

Il bafouilla une réponse en rangeant prestement son livre. Elle était vraiment très jolie dans sa robe d’été avec ses livres et cahiers bloqués entre sa poitrine et ses bras croisés.

- Nous devions déjeuner… Mais j’attends encore votre coup de fil…
Il les avait totalement oubliés, elle et le déjeuner. Il s’en excusa en prétextant une excuse bidon dont elle ne fut pas dupe et il l’invita à s’asseoir.

- Allons plutôt prendre un pot, face à face, c’est plus facile pour parler.

Il la suivit.

Elle prit une bière et un sandwich, lui un café. Elle tripotait nerveusement son bouquin posé à l’envers sur la table, le feuilletant du pouce, comme un jeu de carte, pour en faire claquer les pages. Puis elle s’arrêta.

- Pourquoi ne m’avez-vous pas appelée ?
- Je vous l’ai dit répondit-il.

Mais elle l’interrompit.

- C’est une bonne excuse mais ce n’est qu’une excuse et pas la vérité…
Il acquiesça.

- Je vous ai oubliée. Une de mes amies m’inquiète et…- Amie ou… Amante ?

Il hésita.

- C’est compliqué.
- C’est toujours compliqué quand on ignore ce qu’on est vraiment pour l’autre…- Je sais ce que je suis pour elle !

Il y eut dans son ton une teinte d’agressivité que Lucile saisit parfaitement. Avec un mouvement de recul, elle s’excusa.

- Je n’aurais pas dû, c’était indiscret de ma part…- Non, c’est moi qui…
Il avança la main vers elle.

Au-delà du langage parlé, il y avait celui de leurs corps, qui était bien plus explicite et celui de leurs esprits qui insufflait le chaos dans ce mélange. Enfin, surtout son esprit à lui, qui jetait le voile de l’oubli sur la jeune fille dès qu’elle était hors de vue mais ne pouvait s’empêcher de la trouver jolie, drôle, intelligente, surprenante, charmante, attirante… dès qu’ils étaient en présence l’un de l’autre.

Ce fut lui qui mit fin à la rencontre en arguant des horaires de boulot. Ce fut elle qui le prolongea en lui proposant de l’accompagner. Elle lui prit la main.

***
Internet était de retour et il était en pleine conversation avec « Soumti82 » quand son téléphone sonna. Le numéro qui s’afficha lui était inconnu, il laissa sonner et reprit son dialogue.

Il avait dû faire le forcing pour que son contact daigne lui répondre. Elle avait fini par le faire au bout du quinzième ou seizième message et ne se montrait pas du tout enthousiaste et très peu loquace. Il avait beau lui demander d’expliquer son mutisme, elle se retranchait derrière son « Amour » pour son « Maître » avec des majuscules agrandies et en caractères gras. Bien qu’elle lui parlât de lui, cela le mît en colère. Il l’insultât, la traitant de salope de pute et d’allumeuse. Sur son second écran, un message apparut : « Il m’insulte. ». La question fusa, immédiate : « Ça te fait mouiller ? ». La réponse mit du temps à lui arriver : « Oui ! J’ai joui. »
Une lueur d’espoir éclaira l’œil de Frédéric. Si elle était encore capable de jouir des paroles d’un autre c’est que sa dévotion pouvait se craqueler même si le message suivant suggérait le contraire : « Je mérite une punition !!! »
« Dis-lui qu’il t’a fait jouir. » fut l’ordre que Frédéric donna. Instinctivement, Frédérique sut que la punition commençait, elle blêmit, certaine que ça n’allait pas s’arrêter là.

Elle envoya à « Faustus 91 » un message ainsi libellé : « Pardon pour cette attente mais vous m’avez fait jouir. » pour toute réponse, elle reçut une adresse skype.

Elle envoya à Frédéric un véritable S.O.S.

« Demande lui dix minutes, mets ta plus jolie robe et tes plus beaux dessous et connecte-toi ! ». C’était une trahison, son Maître la jetait dans les bras d’un autre…
Faustus ne lui accorda que cinq minutes et c’est un écran noir qui l’accueillit.

- Tu es en retard dit-il d’une voix étouffée.
- Je sais Monsieur, cinq minutes c’était trop court, je ne pouvais qu’être en retard…
Peu importait qu’elle ne vît pas son interlocuteur, elle l’entendait et c’était bien suffisant pour qu’elle soit sous le charme.

- Pourquoi as-tu accepté ce soir… ?
- Il m’a dit que je le devais.
- C’est donc à lui que tu obéis en me parlant…- Oui Monsieur. Je ne peux obéir qu’à Lui, Il est mon Maître…- OK. Quels ordres as-tu reçu me concernant ?
- Je n’en ai pas et il ne répond plus à mes messages.
- Je vais devoir le contacter, tu comprends ça ?
- Bien sûr Monsieur mais je ne sais pas si je peux…- Donne-moi son pseudo, je me charge du reste.

La voix de l’homme était chaude, excitante et, bien qu’elle sût qu’il la transformait, elle ne put résister et donna le pseudo de Frédéric sur le tchat.

Pourvu qu’il soit encore connecté pensa-t-elle durant tout le temps que dura l’échange entre les deux hommes. Elle patienta puis, enfin, arriva un ordre de son Maître : « Tu es à lui jusqu’à une heure du matin. Passée cette heure, tu iras te coucher. Fais de beaux rêves. »
Trois heures ! Frédéric l’avait prêtée pour trois heures (un peu plus en réalité) à un inconnu. Frédérique blêmit à la lecture de la missive. Elle se doutait bien qu’il lui accorderait un peu de temps mais pas trois heures ! Une durée pareille, c’était laissé le champ libre à cet homme et jouer avec le feu. Elle n’avait pas caché à son maître l’inclination qu’elle éprouvait pour ce « Faustus », ni même les plaisirs et la jouissance qu’il lui avait procurés. Pourquoi fait-il cela s’interrogeait-elle sans trouver de réponse satisfaisante. Peut-être est-ce un test, peut-être sont-ils de connivence… Elle n’arrivait pas à le croire, qu’ils se connaissent était impossible… Pas une seconde elle ne se douta qu’elle était en contact avec Frédéric lui-même.

***
La robe que portait Frédérique était loin d’être la plus belle de sa garde-robe, c’était une robe de plage difforme aux couleurs passées qui masquait sa physionomie et renforçais la blancheur de sa peau. « Faustus » exprima son désagrément.

- C’est quoi ce sac que tu portes ?

Décontenancée, Frédérique regarda sa tenue et répondit en rosissant :
- C’est une robe de plage…- Je croyais que tu étais nue lorsque tu parlais à ton maître… enchaîna-t-il du tac au tac.
- Euh… Oui. Mais il m’a dit de me couvrir.
- Et tu as choisi cette horreur… Pourquoi ?
- Euh… C’est la première que j’ai trouvée…
Même pour le plus benêt des imbéciles, il était évident qu’elle mentait. La robe était toute chiffonnée et semblait sortir d’un carton d’où elle ne devait plus jamais émerger.

- Pourquoi mens-tu ?

Le ton de l’inconnu était si calme, si plein d’assurance malgré la transformation qu’il imposait à sa voix qu’une larme perla sur la joue de Frédérique.

- Je voulais que vous me trouviez laide.

Un grand éclat de rire lui parvint en écho.

- Impossible ! Mets-toi à poil !

C’était parti ! Frédérique retira sa robe.

***
« J’arrive ce soir. »
Texto lapidaire. Les premières nouvelles de Frédéric depuis huit jours. Il n’avait même pas daigné l’informer qu’il ne viendrait pas le week-end précédent. En fait, il était bien en route quand l’appel d’un collègue l’avait contraint de rebrousser chemin. Il avait passé le week-end à tenter de sauver les données de sa boîte, menacées par un virus informatique. S’il s’en était bien sorti, il était épuisé quand il rentra chez lui le lundi matin.

Ce matin-là, son téléphone sonna vers dix heures. Il commença par se maudire de ne l’avoir pas éteint puis regarda le numéro qui s’était affiché. Depuis le jeudi soir, c’était le troisième appel de cet inconnu. De guerre lasse, il rappela.

Une voix fraîche et sautillante lui répondit, c’était Lucile. Il se demanda comment elle avait eu son numéro puis se souvint vaguement le lui avoir donné.

- Quelle charmante surprise dit-il, comment allez-vous ?

Un court silence l’informa qu’il venait de vexer son interlocutrice. De fait, il n’avait pas intégré la jeune fille dans ses contacts et ce manque d’intérêt la blessait.

- Très bien, merci, répondit-elle tout de même. Mais je m’attendais à vous voir dans le train…- Un souci au boulot dit-il en évacuant la question d’un geste de la main. Êtes-vous libre ce soir ? Nous pourrions dîner…
La question prit Lucile au dépourvu mais son cœur fit un bond. Elle acquiesça en bafouillant.

- OK ! Je passe vous prendre. On dit, dix-neuf heures devant « Monta » ?
- « Monta » ? Vous appelez le lycée « Monta » … ?
- Bah oui ! Tous les élèves l’appellent comme ça… Non ?
- Si mais…- Si ça se trouve, nous avons eu les mêmes profs. On en reparlera ce soir.
A ce soir…
Et il raccrocha. A l’autre bout des ondes, la jeune fille était sidérée. Le coup de fil ne s’était absolument pas passé comme elle l’avait prévu. Dès la première minute, elle s’était sentie attirée par cet homme. Il y avait autour de lui une aura de douceur matinée de violence féline qui éveillait sa curiosité et ses sens. Quand elle pensait à lui – ce qui arrivait de plus en plus fréquemment – elle l’imaginait comme un tigre, silencieux, à l’affût d’une proie qu’il n’attaquait jamais que les griffes rentrées. Or, il venait de passer à l’attaque et elle sentait la vigueur de ses pattes sur son cœur et, dans son ventre. La journée allait être longue.

Celle de Frédéric en revanche, fut courte. Il se réveilla vers seize heures, prit une douche et s’habilla. Il étudia ensuite son temps de trajet tout en avalant un café. Il décida de partir vers dix-sept heures trente : un peu de marche à pieds de la rue Molière à l’opéra, bus 52 jusqu’au pont de Levallois terminal de la ligne puis, rebelotte, un peu de marche pour traverser le pont et atteindre sa destination. En chemin, il commanda une voiture pour dix-neuf heures à la station de la place Mermoz et, serein, il s’installa dans le bus et ouvrit son bouquin.

***
Dix-huit heures trente… Le temps passait décidément avec une lenteur d’escargot. Lucile était à bout de patience. Elle était rentrée chez elle vers quinze heures après une séance shopping. Pour l’occasion, elle s’était offert un ensemble de dessous et des bas auto-fixant, une nouvelle jupe pas trop courte mais un peu quand même, et un chemisier au décolleté plongeant. Elle avait lavé les dessous à la main avant de les sécher au sèche-cheveux, repassé jupe et chemisier et avait revêtu le tout. L’image que lui renvoya sa psyché ne la satisfit pas le moins du monde : elle avait l’air d’une godiche déguisée. Elle passa le reste de l’après-midi en essayages mais aucune tenue ne lui plut. Désespérée, elle s’affubla d’une robe en jean noir sous laquelle elle n’enfila que ses bas. Ce n’est pas joli mais au moins, je suis moi décida-t-elle et elle regarda son téléphone pour la millième fois en priant qu’il n’ait pas annulé.

***
Ils se retrouvèrent à l’heure dite au lieu dit. Aucun des deux n’était en avance, aucun des deux en retard. Elle, avait traversé la rue à dix-huit heures cinquante-neuf tandis qu’il semblait arriver du pont. Ils se firent signe. Il lui tendit la main, elle l’embrassa sur les deux joues. Il portait un parfum boisé qui confirmait l’image du tigre.

***
Tandis qu’inquiétude et tristesse montaient dans l’esprit de Frédérique, son maître et Lucile se souriaient. La jeune fille avait insisté pour qu’ils aillent dans un restaurant sans grand intérêt culinaire, à proximité de chez elle. Frédéric avait donc décommandé le taxi en dédommageant largement le chauffeur puis, bras dessus bras dessous, ils avaient gagné la gare de Bécon.

Le dîner avait été sans surprise mais joyeux, ils s’étaient découverts des souvenirs communs sous la forme de professeurs dont ils avaient partagé les enseignements. Ils rirent beaucoup au rappel des tics de certains d’entre eux puis la conversation avait dévié. Un souvenir en appelant un autre, Lucile avait évoqué sa vie passée. Elle lui raconta son premier amour et le suivant. Elle se sentait étrangement libre face à cet homme qui l’écoutait silencieusement et lui révéla avec beaucoup de simplicité les insuffisances de sa vie sexuelle. Avec tout autre que lui, elle aurait été morte de honte de faire de tels aveux. Lui, les accueillait avec une bienveillance qui la rassurait et un sourire serein qui la poussait à en confesser toujours plus. Il ne posait pas de question, laissant à la jeune fille le soin de dérouler ses pensées. Il savait qu’au bout du chemin elle reconnaitrait son désir. Elle, poursuivait sa narration. Elle avait écarté les cuisses pour accueillir un léger courant d’air qui s’insinuait sous sa robe et caressait son sexe nu avec la douceur d’une plume. Elle le lui dit et fit le récit de son premier émoi : la bouche de son petit copain pressée contre sa chatte. Elle ressentait, grâce à ce vent subtil, un peu la même sensation ce soir.

Bien qu’apparemment impassible, Frédéric était au supplice. Il bandait un peu plus à chaque nouvelle révélation et la savoir nue sous sa robe n’arrangeait rien. Il se demanda comment il allait pouvoir se lever sans divulguer au regard de la demoiselle, la bosse qui tendait le tissu de son pantalon. Cette inquiétante pensée le calma quelque peu, de sorte que son sexe put prendre de lui-même une position à la fois plus confortable et plus discrète. Mais il avait raté le début d’une nouvelle histoire.

- Allons ailleurs ! dit-il.

Il avait maitrisé sa voix pour masquer l’urgence de sa demande mais le geste qu’il fit au serveur révéla son impatience. Lucile se leva sans un mot et se dirigea vers les toilettes tandis qu’il réglait l’addition. Quand elle revint, il était prêt, harnaché dans l’imperméable dont il avait eu la présence d’esprit de se munir.

- Brrr ! Vous ressemblez à un flic des années cinquante, il ne manque plus que le chapeau…
Elle souriait, heureuse de son trait d’humour. Elle lui tendit le bras…
***
Trois pas, peut-être quatre, en dehors du restaurant et elle laissa glisser sa joue contre son bras qu’elle serra un peu plus fort. Elle avait envie qu’il l’embrasse…
- Je vais vous raccompagner…- Naaan !!!

Elle avait crié son refus dans la rue silencieuse et, lâchant son bras, se planta devant lui.

Il ne lui laissa pas le temps de parler.

- Vous êtes une jeune fille sage Lucile, or la sagesse n’est pas pour moi. Oh, bien sûr nous nous désirons. Mais nos désirs sont si éloignés l’un de l’autre qu’ils sont inconciliables. De vous, durant ce dîner, je n’ai eu que deux visions : agenouillée face à moi en train de me sucer et allongée sur mes cuisses pendant que je vous fessais. Est-ce cela que vous attendez ? Est-ce cela que vous désirez ? J’en doute.

Elle avait reculé et elle ne bougeait plus. Elle le regardait, le scrutait, l’auscultait et faisait sans doute de même de ses propres pensées.

« Un tigre, silencieux, à l’affût d’une proie qu’il n’attaquait jamais que les griffes rentrées » … Elle était sa proie et il venait de poser sa patte sur son cœur, sur son sexe. Elle avança, reprit son bras. « Oui ! » souffla-t-elle.

***
C’était l’heure du premier métro et quelques passants se pressaient déjà vers la bouche anthropophage du moyen de transports. Il venait de laisser Lucile devant chez elle après une nuit de discussion dans un bar de la porte Champerret. Elle l’avait harcelé de questions auxquelles il avait répondu le plus honnêtement possible.

- Donc, si j’étais votre soumise, dit-elle à un moment, je n’aurais pas le droit d’exprimer mes désirs ni d’exprimer mes sentiments… c’est bien ça.

Il hocha la tête en guise de réponse.

- Beurk ! là, maintenant, je mouille tellement que j’ai l’impression d’avoir le cul dans une piscine. J’ai envie que vous me baisiez et de vous sucer pour que vous jouissiez dans ma bouche… Si j’étais votre soumise, vous me puniriez, c’est bien ça ?

De nouveau, il opina.

- C’est pas super folichon mais c’est super excitant. Ça me déplairait pas de jouer de temps en temps. Mais pas tout le temps, ça, je pourrais pas.
- C’est aussi super addictif, il vaut mieux ne pas commencer…- Ce serait encore pire… Je passerais mes nuits à me caresser en pensant à vous tout en sachant que vous me baiserez jamais… Vous imaginez la torture… ? Je suis pas maso à ce point.

Elle cligna des yeux.

- Bon, je crois qu’il faut aller dormir.

***
Mercredi matin : son téléphone était éteint. Depuis quand ? Peu importait. Il le mit en charge mais, force de l’habitude, à l’heure de partir, il l’empocha sans l’avoir rallumé. Cette journée passa si rapidement qu’il ne disposa pas de temps pour le consulter aussi rentra-t-il rue Molière déconnecté du monde. Il était d’humeur maussade et repoussa au lendemain la prise de contact avec Frédéric. Il brancha sa chaîne HiFi, posa sur la platine une version quasiment inconnue du Requiem de Mozart, apparia ses écouteur Bluetooth et s’installa dans son fauteuil. Il s’endormit avant l’entame du « Dies Irae ».

Frédérique, pendant ce temps, se morfondait. Comme elle travaillait dans la même entreprise que son amant mais dans une succursale provinciale, elle n’était pas inquiète pour sa santé. Cependant, il lui manquait et elle commençait à éprouver une réelle jalousie à l’encontre de la responsable informatique de son site qui était en contact avec elle plusieurs fois par jour depuis la veille. Certes, elle avait compris que leurs rapports étaient exclusivement professionnels mais cette sainte-nitouche venait régulièrement l’asticoter après chaque appel de Frédéric. « Il a une voix chaude, disait-elle. S’il est aussi mignon que sa voix, ce type doit être canon. Toi qui le connais, Frédérique, tu pourrais peut-être m’en dire plus… » Le mardi, Frédérique avait supporté avec courage et abnégation les assertions, parfois graveleuses, de la femme. Le lendemain soir, n’y tenant plus, elle avait tendu une photo de Franck à la chipie qui lui demandait une description détaillée de Frédéric pour : « le reconnaître quand j’irais à Paris la semaine prochaine ».

- Mais, c’est votre fils ! avait dit la femme sur un ton pincé.
- Oui ! Il est tout le portrait de son père… Vous pourrez comparer lundi.

Elle avait répondu d’un ton acerbe et s’était replongée dans son dossier. La femme avait quitté le bureau sur la pointe des pieds. Cette histoire allait faire des gorges chaudes.

***
A force de jeter son téléphone, Lucile se demanda si elle ne l’avait pas endommagé. En deux jours, elle avait appelé Frédérique six ou sept fois et n’était entrée en communication qu’avec son répondeur. Avait-il fermé son mobile ou avait-il redirigé ses appels ? Lucile s’interrogeait. Qu’il ait négligé de la rappeler la veille n’était guère étonnant, après leur nuit blanche et une journée de travail, il devait être épuisé. Mais aujourd’hui ? Il avait dormi... Elle lança à nouveau son téléphone sur son lit et le suivit pour y pleurer de rage en gigotant des jambes comme une fillette en colère.

***
Frédéric s’éveilla vers vingt-deux heures. Les craquements de fin du vinyle, qui l’avait un temps bercé, avait fini par agacé son ouïe. Il mit quelques secondes à comprendre où il était et à recouvrer ses esprits. La seule évidence qui l’habitait était cet impérieux besoin de joindre Frédérique. En attrapant son téléphone, il se demanda s’il n’avait pas rêvé d’elle et grimaça en découvrant l’appareil éteint. Il l’alluma et patienta quelques secondes, le temps de trouver un réseau. Les messages se carambolèrent. La plupart notifiait des appels sans suite ou le recours nécessaire au répondeur vocal, certains, de Marc, lui rappelaient la soirée de jeudi et l’engueulaient pour son manque de réactivité, d’autres lui signalaient à l’infini que son compte avait été débité de telle ou telle somme mais rien de Frédérique – une certaine déception se peint sur son visage – et une petite question de Lucile : « Qu’arrive-t-il ? »
Comme de nombreux êtres humains, Frédéric négligea l’important pour se soucier de l’évident. Il appela Lucile.

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