Philosophie du plaisir (1) : Epicure

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Auteur femme.
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Récit libertin : Philosophie du plaisir (1) : Epicure Histoire érotique Publiée sur HDS le 24-08-2019 dans la catégorie A dormir debout
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Philosophie du plaisir (1) : Epicure
AVERTISSEMENT : PHILOSOPHIE ET « SAPIOSEXUALITE »
On m’a dit que, parmi les auteur(e)s HdS, j’ai acquis une certaine réputation, celle d’une « intellectuelle », qui, à côté de ses récits autobiographiques et de ses textes « directs », où je me livre sans fausse pudeur sur mes expériences, en particulier mon hypersexualité et le candaulisme de mon mari Philippe, j’aime aussi publier d’autres textes, moins « hard », en apparence au moins, où je parcours la vie des grandes libertines de l’histoire, je partage mes lectures érotiques ou encore en revisitant des textes mythologiques ou légendaires, en insistant sur le contenu érotique.

Car on peut être hypersexuelle et intellectuelle, sensuelle et passionnée d’histoire, de lectures ou réfléchir à la portée de nos mythes fondateurs.

Une ministre française bien connue disait récemment qu’elle était « sapiosexuelle ». Pour être honnête, mes lecteurs le savent, je recherche d’abord, dans le choix de mes amants, qu’ils me « baisent bien ». Mais si être sapiosexuelle, c’est aussi combiner recherche du plaisir et réflexion, aimer la compagnie, les échanges, les discussions avec des personnes, hommes ou femmes, qui ont en commun avec moi la sensualité mais aussi une haute exigence intellectuelle, qui s’intéressent tout à la fois à la société, à la politique, l’économie, la philosophie, l’histoire, à la culture alors oui, je le revendique : je suis sapiosexuelle. C’est d’ailleurs cette forte proximité intellectuelle, une véritable communion, qui a été, surtout dans les moments de crise de notre couple, un des ciments essentiels de notre union avec Philippe.

Mon ambition, dans cette nouvelle série de textes, est de visiter les pensées et les écrits des philosophes qui ont donné une place dans leurs réflexions au plaisir, à l’amour, au couple mais aussi au sexe, parlé de leur conception de la femme ou encore de la fidélité ou de la liberté sexuelle.

La philosophie et les philosophes ont le plus souvent ignoré ces thèmes, quand ils ne les ont pas couverts d’opprobre, préférant discourir sur la place de l’homme dans la société, ses rapports à la religion ou l’être suprême, le pouvoir, l’art, l’histoire et de nombreux autres sujets, évidemment majeurs dans la construction de la pensée universelle.

Sans nier ces sujets, je veux parler de la philosophie du plaisir et du désir. On ne saurait oublier, en paraphrasant une maxime célèbre, que l’histoire de nos sociétés depuis les origines est régie par le désir sexuel, pour la pérennité de l’espèce humaine certes, mais aussi pour le plaisir, entre hommes et femmes, mais également entre personnes du même sexe.

De ce point de vue, face à une philosophie souvent pessimiste ou punitive, à une vision de l’humanité qui paie son « péché originel », la philosophie du plaisir a toujours été positive, optimiste, humaniste.

C’est ce qui me plait en elle et c’est ce que je veux partager, en espérant intéresser quelques lecteurs à partager cet intérêt, à comprendre que la philosophie n’est pas que « prise de tête », mais une grille de lecture de nos aspirations, de nos modes de vie, mais aussi de nos désirs.

Je vais demander à HdS s’ils veulent bien créer une nouvelle rubrique, qui pourrait être intitulée « philosophies du plaisir ». Je serais heureuse si cela peut attirer des lecteurs, susciter des débats, et, pourquoi pas, des vocations chez d’autres auteur(e)s. N’hésitez pas à contribuer à cette rubrique ou à me suggérer de parler d’auteurs ou de thèmes, au-delà de ceux que j’ai déjà identifiés.

Dans une logique chronologique et pour ceux qui connaissent mes origines, personne ne sera étonné que je commence par le grand Epicure. Cet article n’a pas pour objet de présenter l’ensemble de la philosophie d’Epicure, mais seulement ce qui, dans sa pensée, concerne la place centrale donnée au plaisir sexuel.

QUI ETAIT EPICURE ?

Epicure (né vers - 342 av. J.-C, mort en 270 av. J.-C) est le fondateur, en 306 av. J.-C., de l'épicurisme, l'une des plus importantes écoles philosophiques de l'Antiquité.

Epicure semble avoir été élevé à Samos, puis il vint à Athènes pour y accomplir son service militaire vers l'âge de 18 ans, avant de partir rejoindre son père à Samos, en 323 av. J.-C. Il y resta jusqu'en 321 av. J.-C. et y reçut les leçons du philosophe Nausiphane de Téos.

Il gagne ensuite Mytilène où il commence à enseigner. Sa philosophie suscite alors l'hostilité (mais il y rencontre son disciple et futur successeur Hermarque) et il part rapidement pour Lampsaque où il vivra de 310 à 306 av. J.-C.

En 306 av. J.-C., il vient s'installer définitivement à Athènes et il y acheta un jardin : l'école du Jardin devint le centre des études épicuriennes. Il y passa le reste de sa vie. C'est pendant cette dernière période qu'il écrit un très grand nombre de ses œuvres et de ses lettres.

Sa philosophie prône le contentement, celui de ses avoirs, de son état affectif, de son rang social et la vie communautaire entre amis dans un bonheur stable.

La doctrine d'Epicure eut un succès prodigieux, tant par le nombre de ses disciples, que par l'affection et les forts sentiments dont elle fut l'objet. Elle gagna Rome et toute l'Italie, avec Lucrèce notamment, qui est considéré comme l'un des rares poètes (sinon le seul) à avoir réussi à mettre de la philosophie en vers. La popularité de l'épicurisme contraste avec la diffusion plus faible des doctrines des autres philosophes de l'Antiquité.

Malgré cette œuvre considérable, et bien qu'Epicure eût élaboré l'une des doctrines essentielles de l'histoire de la civilisation européenne, il ne nous reste que trois lettres de ce philosophe (Lettre à Hérodote, Lettre à Pythoclès et Lettre à Ménécée), et quelques maximes (40 Maximes Capitales et 81 Sentences Vaticanes), découvertes pour la plupart à la fin du XIXe siècle. Des fragments du « De la nature », de Lucrèce, furent également découverts à Herculanum en 1752.

Ses écrits furent détruits lors de l'avènement du christianisme, instauré religion d'État de l'Empire romain, à partir du règne Constantin Ier, mais surtout sous le règne de Théodose Ier (379-395), car ils n'étaient pas compatibles avec la conception chrétienne de l'Homme et du monde. Cet autodafé fut si fort, que de nos jours, il ne subsiste que des fragments de l'œuvre d'Épicure, souvent rapportés par Diogène Laërce, auteur du IIIème siècle.

L’EPICURISME N’EST PAS UN HEDONISME
Comme le dit Marc Alpozzo sur son blog (voir références ci-dessous) :
« Pourquoi faut-il relire Epicure aujourd’hui ? Certes, sa philosophie est l’une des plus célèbres. Qui n’a pas comme références, lorsqu’on évoque l’épicurisme, les « pourceaux d’Epicure », une tête systématiquement tourné vers le sol, le groin fouillant inextricablement la terre, un animal voué biologiquement à la débauche. Par analogie, l’« épicurien » est pour le plus grand nombre, celui qui « ne songe qu’au plaisir », un hédoniste, jouisseur vide, désespérément vide.

Alors pourquoi une telle caricature ? Sûrement parce qu’il n’est pas politiquement correct de traiter du plaisir, même de nos jours, et pour cause, « tout plaisir vient du ventre » comme aimait le dire un disciple d’Epicure. Qui plus est, selon une lointaine tradition, le ventre est une des parties du corps les plus ignobles. Depuis Platon, la clarté philosophique a toujours été dans l’esprit, et les ténèbres des viscères demeurèrent pour beaucoup, à l’instar du corps, une honte, un tombeau, une prison.

L'épicurisme a pour objectif principal l'atteinte du bonheur par la satisfaction des seuls plaisirs «naturels et nécessaires ». C'est une doctrine matérialiste. Son héritage a été revendiqué par le matérialisme moderne, par Marx notamment, mais aussi certains penseurs classiques proches des libertins comme Pierre Gassendi et les matérialistes des Lumières comme Diderot ou D'Holbach. L'épicurisme propose de s'appuyer sur le plaisir, défini comme souverain bien, et sur le rejet de la souffrance afin d'atteindre un état de bonheur, une sérénité de l'esprit.

L'épicurisme professe que, pour éviter la souffrance, il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires. Il ne prône donc nullement la recherche effrénée du plaisir. La caricature de l'épicurien jouisseur, qui remonte à l'Antiquité, commença par la confusion entre l'épicurisme et l'hédonisme puis se répandit par le biais de la polémique philosophique et, plus tard, de la propagande des Pères de l'Église, qui rejetaient le matérialisme de cette philosophie.

Cette doctrine est souvent interprétée à tort comme une philosophie du « bon vivant », cherchant le plaisir avec excès. En réalité, il s'agit d'une philosophie d'équilibre, fondée sur l'idée que toute action entraîne à la fois des effets plaisants (positifs) et des effets amenant la souffrance (négatifs). Il s'agit donc pour l'épicurien d'agir sobrement en recherchant les actions amenant l'absence de douleur, d'où doit découler le plaisir négatif de cet état de repos (ataraxie), dont la pleine conscience procure le plaisir suprême ; la clef du bonheur est de connaître ses propres limites ; c'est pourquoi l'excès doit être évité car il apporte la souffrance.

Echapper à l’asservissement, ça veut dire, pour Epicure, ne pas devenir dépendant d’un plaisir, car ce serait devenir vulnérable au-dehors, exposer son bonheur et sa paix intérieure à une privation.

Il est naturel de juger bon le plaisir et mauvaise la douleur, puisque tous les êtres cherchent le plaisir. Ce sont nos sentiments qui nous indiquent que le plaisir est désirable. C'est une conscience naturelle, et notre constitution fait que nous cherchons le bonheur nécessairement.

Mais, pour le calcul des plaisirs, tout plaisir n'est pas digne d'être choisi : le plus grand des plaisirs est la suppression de toute douleur. En conséquence, on doit éviter certains plaisirs, et même accepter certaines douleurs.

EPICURISME ET AMOUR
Epicure s'oppose à Platon : pour Platon, Eros est un demi-dieu en quête de perfection, de complétude, d'être. L'amour est un mouvement du désir, qui va de l'imparfait vers le parfait, du relatif à l'absolu, du sensible à l'intelligible, de la matière vers l'esprit. Cette conception platonicienne est totalement rejetée par les épicuriens.

Pour les épicuriens, l'amour est corporel. Il relève d'une passion souvent aliénante. Ce n'est pas l'esprit qui est en quête de l'être, c'est le corps qui recherche la jouissance. Aussi le sage ne tombera pas amoureux. Non pas que les plaisirs d'amour lui soient interdits, mais il doit s'en méfier, « ne pas épuiser son corps », ni se ruiner. Lorsque le désir sexuel nous pousse, le plus sage est de le satisfaire avec n'importe quel corps, sans s'attacher à ce corps, sans se détruire en aimant exclusivement un seul être. Aussi le poète Lucrèce recommande-t-il la jouissance sans la passion.

L’EPICURISME ET LE SEXE
« Si les voluptueux trouvaient dans les objets qui leur procurent la volupté le remède à la crainte des phénomènes, de la mort et de la douleur - et outre cela, les bornes que la cupidité doit se prescrire -, je ne trouverais rien à reprendre dans leur état. Ils seraient heureux par la volupté, sans douleur aucune, ni peine d'esprit » (Epicure maxime X)
Epicure préconisait de préférer la simplicité des plaisirs quotidiens à la richesse décadente, la bonne chair ou au luxe tapageur.

Sur son blog (lien cité ci-dessus) Guy Karl écrit, au sujet de cette maxime : « la volupté - ici la volupté sexuelle à n'en pas douter - ne fait l'objet d'aucune condamnation morale. Le sexe n'est pas un mal, pas plus que la faim, la soif, ou le sommeil : besoins naturels, et en tant que tels soustraits à toute critique. Cette tranquille acceptation du sexe est commune à toute l'Antiquité. Et que dire de ces hétaïres, (comme Aspasie de Milet, voir « Histoire des libertines (2) : Le temps des hétaïres », paru le 19 août 2017), converties à la philosophie, qui agrémentaient le séjour des Amis dans le Jardin d’Epicure? Heureuse époque, sans culpabilité, sans honte et sans hypocrisie!

Le plaisir de la chair est « un bien » en tant qu'il répond à l'appel de la nature : ne pas avoir faim, ne pas avoir froid ou soif, ne pas souffrir de privation sexuelle. Lucrèce déclarera crûment que " »e premier vase venu » suffira à soulager les affres de Vénus : venus vulgivaga. Non, le mal ne vient pas de la chair, mais de l'attachement à la chair, de la passion amoureuse, de la dépendance. Aristippe de Cyrène, après Diogène le Chien, résume bien la situation : « Le mal n'est pas de se rendre au bordel, mais de ne pas en sortir ». »
LE SEXE SELON LUCRECE
Le poète et philosophe Lucrèce (né vers -94 et mort en -55), grand continuateur d’Epicure, a explicité la pensée d’Epicure, dans son célèbre poème « De la nature ». Pour lui, les satisfactions sexuelles sont légitimes.

Ses réflexions sur le désir sexuel et sur le plaisir qu'il procure s'inscrivent dans la quête épicurienne de l'ataraxie (l'absence de trouble), de la «tranquillité de l'âme». Le désir sexuel, dans la mesure où il peut causer de grandes perturbations, fait ainsi l'objet d'une attention particulière.

Qu’écrit Lucrèce ? D’abord ceci : " Mieux vaut jeter dans le premier corps venu la liqueur amassée en nous, plutôt que de la garder pour un unique amour, ce qui nous vouerait à l’angoisse et à la souffrance. " Qu’on n’y voie pas trop vite je ne sais quel machisme archaïque : le plaisir sexuel, pour Lucrèce, peut et doit être partagé. Les épicuriens n’étaient ni misogynes ni phallocrates. Mais ils étaient contre l’amour : ils appréciaient trop le plaisir et l’amitié pour ne pas se méfier de la passion. Toute jouissance est un bien. Toute souffrance est un mal. Et qui peut aimer sans souffrir ? Le plaisir est " plus pur ", explique Lucrèce, quand on garde la tête froide. Et de vanter la " Vénus vagabonde ", contre la passion sédentaire ou monogame… La liberté sexuelle, au moins en paroles, ne date pas d’aujourd’hui.

La passion amoureuse est particulièrement aliénante : plus nous la possédons, plus elle allume en nous l'affreux désir de posséder », alors que « lorsque la nourriture, la boisson, pénètrent en nous ....le désir de boire et de manger est facilement comblé ».

Au contraire, la passion amoureuse est insatiable. Ecoutons Lucrèce : « Quand corps à corps, ils goûtent la fleur de leur âge, quand déjà le corps devine sa jouissance, et que Vénus est sur le point d'ensemencer le champ de la femme, ils lient avidement leur corps, ils joignent les salives de leurs bouches, et ils impriment leurs dents pour mêler leurs souffles, mais c'est inutile : ils ne peuvent rien détacher l'un de l'autre ni se pénétrer, ni aller avec tout leur corps dans le corps de l'autre ...Quand le désir accumulé dans les nerfs a fait son éruption, il se produit une courte pause dans l'ardeur dévorante, un laps de temps, puis la même rage revient, et c'est le retour de la fureur... »
C'est donc l'échec. Sans compter que « notre vie se passe à obéir à la volonté d'un autre ». La passion amoureuse nous conduit à négliger nos devoirs, à dilapider notre fortune, à vendre nos biens pour l'être aimé, à nous torturer « lorsqu'elle (l’aimée) lance trop de regards ou qu'elle en fixe un autre, ou encore lorsqu'elle ébauche un sourire moqueur ou bien lâche un mot qui nous met dans l'incertitude ». Aussi faut-il « ne pas tomber dans le piège ».

Nous croyons l'être aimé, la passion nous aveugle et nous cache ses défauts. Nous le croyons irremplaçable, et pourtant : « Il n'en est pas moins vrai qu'il existe d'autres femmes, pas moins vrai que nous avons vécu sans elle jusque-là, pas moins vrai qu'elle fait, nous le savons, tout ce que fait la laide ».

Mais Lucrèce est bien obligé d'admettre que « l'amour n'est pas toujours feint, qui fait soupirer la femme quand elle enlace un homme, joint son corps au sien et imprime des baisers humides sur ses lèvres ». Ainsi « c'est souvent avec sincérité que la femme agit, recherche des jouissances partagées, invitant l'amant à parcourir toute la piste de l'amour ». Mais il ne s'agit là que d'un amour physique, de sincérité corporelle, si l'on peut dire. Aucune spiritualité n'y est présente. L'amour, chez les épicuriens, c'est essentiellement le fait du corps.

Le poème s'ouvre sur un hymne à la Vénus-voluptas, la déesse présidant à la reproduction et à la sexualité des animaux, sexualité heureuse car elle ne connaît pas la souffrance. Il en va tout autrement de la sexualité humaine. Déjà, dans les premiers âges de l'humanité, elle est marquée par la ruse et la violence. Vénus réunit le corps des amants qui cèdent «soit au désir partagé, soit à la force violente et à l'élan de l'homme en rut, soit au prix que constituaient des glands, des arbouses ou des poires pour elle» (De la nature). Mais les hommes se sont amollis en se civilisant. Ils ont surtout développé un goût pour les arts, notamment pour la musique pastorale qui leur a procuré une volupté jamais dépassée, et qui a, pour leur malheur, conduit les hommes à associer plaisir et nouveauté. Là se trouve l'origine d'une des déviances du genre humain: l'incapacité à limiter son désir, incapacité qui a pour effet de brouiller le rapport de l'homme à la volupté vraie.

Ce brouillage du rapport au plaisir véritable se trouve particulièrement illustré dans le cas de l'amour. Pour Lucrèce, l'amour est avant tout une construction mentale, un fantasme, un simulacre qui, se greffant sur le phénomène physiologique et naturel du désir sexuel, tend à dégénérer en maladie. Au départ, il y a le phénomène naturel: lorsque l'homme devient adulte, il se forme en lui une semence qui est objet d'excitation et «ce qui fait sortir la semence humaine hors d'un être humain est uniquement la force exercée par un être humain», lequel est soit un jeune garçon ressemblant à une femme, soit une femme. En passant, on notera que la sexologie lucrétienne, conduite exclusivement du point de vue masculin, rend compte de la pédérastie, mais pas de l'homosexualité. Mais tout le drame de la condition sexuelle de l'homme vient de ce que le désir est éveillé par un être particulier et que l'homme a tendance à croire que seul celui qui a éveillé le désir est à même de le satisfaire. Sur cette fixation libidinale prospère la maladie incurable de l'amour, qui est comme un «abcès» et la «plaie secrète» qui ronge les amants.

Lucrèce décrit dans des vers à l'érotisme torride, souvent édulcoré par les traductions, la rage qui s'empare des amants au moment de l'acte. La blessure de l'amour mêle de la douleur à la volupté au point qu'il n'y a plus de volupté.

Voilà pourquoi monsieur mord madame, voilà pourquoi madame griffe monsieur. Relevée par le condiment du délire amoureux, la copulation devient joute. Une joute sans issue puisque rien ne pourra jamais rassasier les amants qui s'entre-dévorent, et dont la folie fait prendre les vessies du sexe pour les lanternes de l'amour. Mieux vaut donc prévenir que guérir, dit Lucrèce en bon médecin épicurien. Pour ne pas en arriver là, plutôt que de réserver sa semence pour un seul corps et s'exposer à souffrir, «mieux vaut jeter dans le premier corps la liqueur amassée en nous». Il faudra cultiver la Vénus vagabonde, la Vénus volage, les relations fortuites, plutôt que la Vénus céleste, source de tant de maux. Il y a une nécessité hygiénique du sexe visant à débarrasser le corps du surplus de semence. Tandis qu'en fixant sa libido à un seul objet, on risque de devenir le jouet d'autrui (ou des circonstances).

LA POSITION DE L’EPICURIEN
Je terminerai sur une note plus légère en parlant de la « position de l’épicurien », nom que l’on a donné à une des positions du Kama Sutra. Je la pratiquais de façon « empirique » quand j’avais envie d’être particulièrement active, de prendre toutes les initiatives, bref de « baiser mon amant », même si généralement je préfère le contraire, être baisée sauvagement.

C'est une position durant laquelle on songerait presque aux plaisirs simples de la vie, installé confortablement sur son séant. Mais de plus importants facteurs peuvent faire sortir l'homme de sa rêverie, en particulier sa partenaire. Active et joueuse, elle met en branle la mécanique et se consacre entièrement au plaisir des deux amants.

L'épicurien est assis légèrement de côté. Il s'appuie sur un bras et écarte les jambes de façon à avoir le sexe à découvert. Son genou gauche touche le sol, l'autre est relevé. Sa partenaire s'abandonne à lui et se met sur le ventre. Elle tourne le dos à l'homme et se tient sur les avant-bras. Ainsi positionnée, elle peut alors débuter lentement le mouvement afin de laisser à l'épicurien tout le loisir de la contempler.

Ainsi, la femme agit et l'homme devise. Il admire sa partenaire et peut réfléchir aux meilleurs moyens de la stimuler. Il choisit alors de caresser une partie du corps de l'amante, ou une autre. Sa main libre peut s'attarder sur les seins ou les fesses de Madame. Et pourquoi pas, même, risquer à s'aventurer dans la zone anale, au risque de lui déplaire. Elle, penchée, savoure la pénétration en ayant la liberté de diriger la cadence et la profondeur du coït.

Malheureusement, la position de l'épicurien n'est pas du tout celle où Madame pourra stimuler son point G et son clitoris. Elle doit donc se frotter doucement pendant la pénétration ou se relever quelque peu pour laisser faire son partenaire. Ce qui permettra également à l'épicurien d'aider la femme à l'acte et lui donnera plus d'amplitude dans ses gestes destinés à l'amante.

Une telle position est difficilement praticable sur un lit trop confortable. Un peu de naturel sied mieux à l'épicurien, qui s'abandonne plus facilement aux plaisirs simples. Le sol ou un tapis est même recommandé. Dans un tel environnement, l'épicurien pourra alors devenir un véritable hédoniste, savourant cette position dans toute sa langueur.

SUIS-JE EPICURIENNE ?

L’épicurisme a été caricaturé, à défaut d’avoir été effacé lors du triomphe du Christianisme : il n’est pas de triomphe du plaisir auquel on le résume si facilement.

Le poète Lucrèce, qui a si bien illustré l’épicurisme, oppose le plaisir physique, qui correspond à un besoin, à l’amour, qui ne va pas sans souffrance. Je reste convaincue que l’un et l’autre sont dans la nature humaine et nous sont donc indispensables. La combinaison des deux est compliquée et souvent contradictoire.

Le candaulisme, j’en conviens volontiers, est une pratique confidentielle et suppose un amour et une confiance très forte au sein du couple. N’est-il pas, comme l’échangisme d’ailleurs, un moyen de dépasser cette contradiction ? Dès lors que les moyens modernes de contraception permettent de lever les doutes sur la filiation, au prix cependant de la confiance réciproque et du refus tant de la jalousie que de la dissimulation, il n’est pas impossible, au sein du couple (dans le cas de l’échangisme) ou, pour la femme, (dans le cas du candaulisme) de lever la contradiction entre l’amour et les pulsions sexuelles et la volupté. En théorie c’est possible et c’est ce que nous nous efforçons de faire dans notre couple avec Philippe. Je suis bien consciente que c’est une voie qui n’est pas sans embûches, sans dérapages graves et qui n’est pas un modèle universel.

Avec Epicure et Lucrèce, je me reconnais dans la « Vénus voluptas », ce besoin de répondre à ses pulsions.

Epicure et ses disciples osent rappeler que le sexe n'est pas un mal, pas plus que la faim, la soif, ou le sommeil, qu’il est un besoin naturel, que les satisfactions sexuelles sont légitimes. Cela semble aller de soi, mais il est bon de le rappeler et de le revendiquer.

Ce que j’aime dans l’épicurisme et que j’ai pratiqué de façon « empirique », en assumant pleinement mon hypersexualité, est ce principe selon lequel « lorsque le désir sexuel nous pousse, le plus sage est de le satisfaire avec n'importe quel corps sans s'attacher à ce corps, sans se détruire en aimant exclusivement un seul être». C’est, dès l’Antiquité, défendre la liberté sexuelle à un moment où l’adultère est si sévèrement proscris. Sauf si des exégètes me démentent, il semble bien, chez Epicure comme chez Lucrèce, que cette liberté s’adresse à l’homme et non à la femme, dès lors qu’elle n’est pas une hétaïre. J’aime aussi voir dans ce principe épicurien une reconnaissance de la bisexualité, même si, là également, le philosophe et ses disciples pensent plus à la pédérastie qu’au saphisme.

Les disciples d’Epicure ne préconisent pas d’être l’esclave de ses plaisirs et de ses sens. L’épicurisme ne prône nullement la recherche effrénée du plaisir. Echapper à l’asservissement veut dire, pour Epicure, ne pas devenir dépendant d’un plaisir.

Je me considère vraiment épicurienne et me revendique comme telle, depuis que je parviens à maîtriser, à réguler, à dominer mon hypersexualité. La nier, comme j’ai tenté de le faire pendant mes premières années de mon mariage avec Philippe ou parce que j’y étais contrainte lorsque je vivais avec Hassan, ne répond pas à mes besoins et est donc contraire la vision épicurienne de la vie. Mais s’y livrer sans limites, au point de risquer de devenir esclave de ses pulsions sexuelles, comme ce fût mon cas lors de la période où j’étais sous la coupe de Rachid, ne l’est pas davantage.

Là où je ne partage pas la vision épicurienne de l’amour, et notamment celle exprimée par Lucrèce, c’est lorsqu’on oppose de façon radicale d’un côté le sexe comme un besoin et l’amour, qui serait une souffrance.

Oui, l’amour est un parcours qui comprend inévitablement la souffrance, mais il ne nous en est pas moins indispensable. Pour ma part, j’ai besoin des étreintes des amants qui me baisent ET de l’amour de Philippe et d’Agun. Je le dis d’autant plus que Philippe et Agun me donnent à la fois amour et volupté, même s’ils ne suffisent pas à combler ma faim de plaisir.

Lucrèce prônait de ne pas limiter sa libido à « un seul objet » et se prononçait en faveur des « relations fortuites ». De ce point de vue, une hypersexuelle, qui plus est épouse d’un mari candauliste, ne peut qu’être épicurienne.

REFERENCES
Outre les articles Wikipédia sur Epicure et l’épicurisme, je renvoie aux liens suivants :
• http://sos.philosophie.free.fr/epicure.php

• https://biospraktikos.hypotheses.org/3815
• http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2005/11/30/pour-une-philosophie-du-plaisir-note-sur-epicure.html
• http://guykarl.canalblog.com/archives/2011/11/04/22574906.html
• https://linactuelle.fr/index.php/2019/02/18/epicure-frederic-dufoing/

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