Mister Hyde - 1
Récit érotique écrit par LVolante [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 14-12-2016 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Mister Hyde - 1
« Je suis moulue » affirma Frédérique en se laissant tomber dans le canapé. Derrière elle, Frédéric ébaucha un mouvement mais laissa retomber sa main. Il reporta son attention sur la pièce. Tout y était parfaitement ordonné. Le déménagement était terminé, il n’avait plus qu’à s’en aller. Il resta cependant planté là, sans bouger, à moins d’un mètre de la femme qu’il aimait encore et qui l’avait quitté. Il lui fallut faire un effort pour déporter son regard de la chevelure blonde vers la cheminée qui occupait bien les trois quarts du fond de la pièce. Une cheminée splendide, dans laquelle on aurait pu faire cuire un mouton entier, tant elle était large et profonde. D’un pas qui se voulait nonchalant, il franchit la dizaine de mètres qui le séparait de l’ouvrage de pierre.
De la pierre de Caen, granuleuse. Il trouva sous sa main la sensation qu’il espérait, celle du sable solidifié. Il caressa la cheminée, accompagnant de la paume et des doigts les arrêtes et les rotondités du tablier et des jambages. Il sentit les fines granules agacer l’extrémité de ses phalanges. Ce n’était pas cela qu’il souhaitait caresser, il le savait. Mais ses doigts le démangeaient trop et il se devait de tromper leur faim. Il entra dans le cœur en baissant à peine la tête et frôla le linteau. Puis, levant les yeux, il découvrit le ciel. Un instant, il s’imagina ramoneur et s’amusa de l’analogie sexuelle qu’il chassa aussitôt de sa pensée en la faisant bifurquer vers Noël et son heureux père qui n’aurait aucun mal à se glisser dans le large conduit. Une fraction de seconde, il détesta le vieux barbu qui serait présent près des siens alors que lui était chassé du paradis. Il se tourna alors vers le fond de l’âtre pour se repaître de sa noirceur. « Mon cœur est comme cette cheminée, se dit-il, il a brûlé d’un feu joyeux mais maintenant, il n’est plus que cendres et suie. » Cette réflexion apporta un sourire triste sur ses lèvres, un sourire de façade, certes mais assez présentable pour qui puisse enfin faire face à Frédérique en lui masquant son désespoir.
- Je vais prendre une douche et me coucher dit-il en lui montrant ses mains couvertes de poussière noire… A moins que tu ne veuilles profiter de la salle de bains avant de t’écrouler complétement.
Frédérique ne répondit pas, elle se contenta de le regarder s’approcher pour la dépasser et quitter son champ de vision. Elle l’entendit descendre les premières marches, ébaucha un geste de la main, comme pour le retenir, et laissa retomber son bras. Elle n’avait plus aucun droit sur lui puisqu’elle l’avait quitté. Elle n’avait donc pas celui de le retenir et encore moins celui d’implorer ses caresses.
Du regard, elle embrassa la pièce dans laquelle elle allait vivre désormais. Seule… ou presque. Son petit bout de chou d’à peine six mois n’arriverait que mardi, en compagnie de sa mère. D’ici là, Frédéric serait reparti à paris. La rupture serait alors consommée. S’en voulait-elle ? peut-être, elle n’en était pas sûre, elle n’était sûre de rien ces derniers temps. Si ! Elle était sûre que Frédéric avait été en dessous de ses espérances et qu’il lui mentait par omission depuis toujours. Elle se remémora leur rencontre chez des amis communs – la femme était une collègue de Frédéric – qui avaient organisé un dîner dans le but avouer de les présenter l’un à l’autre. « C’est un type gentil et solide » lui avait dit Myriam. Pour ce qui est de la gentillesse, elle ne se trompait pas… bien qu’une lueur de colère au fond de ses yeux bleus démentît parfois ce diagnostic. Ils se revirent de temps en temps, jusqu’au jour où elle fut choisie pour remplacer Myriam pendant son congé de maternité. Il resta très professionnel avec elle. Jamais il ne fit allusion à leurs rencontres hors du travail et donna même l’impression de ne pas la connaître lorsqu’elle lui fut présentée par la directrice du site. « Au boulot, nous sommes au boulot » lui avait-il rétorqué d’un ton sans réplique alors qu’elle lui en faisait le reproche, assise face à lui dans un restaurant. « Carabosse est à l’affût de la moindre erreur pour le virer, en étant comme il est, il protège tout le monde » - intervint Vincent, le mari de Myriam qui, pour s’immiscer dans la conversation n’en cherchait pas moins à la déminer. Frédérique se le tint pour dit et ne chercha plus à le gêner par ses « privates jokes ». Jusqu’au jour où elle fit un malaise. Pas grand-chose, juste une brutale chute de tension : un malaise vagal. Elle fût amenée à l’infirmerie et il s’y précipita. Son armure était craquelée elle se fendit pour de bon quand il la vit, allongée, pâle et sans défense. Frédéric s’approcha de Frédérique et lui prit la main. « Tu m’as fait peur ! » lui dit-il. Elle porta la main à sa joue. Elle venait de voir dans le regard de Frédéric tout l’amour qu’il taisait. « Enfin ! » se dit-elle. Et elle ferma les yeux.
Frédérique rouvrit les yeux, une larme s’en échappait. Qu’éprouvait-elle ? De la tristesse ? De la nostalgie ? Des regrets ? Elle ne savait répondre à cette question. Peut-être ne saurait-elle jamais le faire. Cela n’avait, de toute façon, guère d’importance puisqu’elle l’avait quitté. Elle secoua la tête comme pour chasser les idées noires qui l’envahissaient. Sa lourde crinière blonde fouetta l’air avant de revenir en place. Elle arpenta la pièce encore jonchée de cartons et de meubles. « Ici je mettrai mon lit, là, celui de Jean. Un paravent nous séparera, ainsi, je ne serais pas sous son nez et il pourra dormir en sécurité, à la fois proche et loin de moi. Là, ma commode et ici ma coiffeuse. Il faudra que je rachète des paravents pour bien séparer nos chambres du salon. Quand il sera plus grand, Jean dormira dans la chambre d’en bas. Il faut que je profite de la présence de Frédéric pour la préparer. Le temps passe si vite… »Le temps passe si vite mais, pour elle, il se figea. Frédéric était revenu dans ses pensées et elle le revit en train de caresser la cheminée. Un frisson parcourut son corps. Les mains de Frédéric, elle en rêvait toutes les nuit depuis qu’ils étaient séparés. Elles étaient si douces sur sa peau. Tellement possessives et tendres… Elle voulait les sentir à nouveau. A nouveau ressentir le plaisir qu’elles lui prodiguaient. Et plus encore. Elle avait envie qu’elles expriment enfin la colère qui sourdait parfois dans le regard de Frédéric. Elle voulait qu’elles la punissent de n’avoir pas su lui faire avouer son passé et le pourquoi de sa douceur, le pourquoi de la frustration qu’il s’imposait. Son ventre, à cet instant, grésilla d’impatience. Elle eut, en une fulgurante seconde, conscience du désir qu’elle avait de cet homme, qui n’était plus le sien, qui n’avait jamais été le sien, caché qu’il était sous des dehors policés. C’est presqu’inconsciemment qu’elle échafauda un plan pour le ramener dans son lit. Ce ne serait pas simple car, bien qu’il soit homme, Frédéric savait montrer une volonté de fer et un détachement à toute épreuve, quand il s’agissait d’éviter les embrouilles. Et, des embrouilles, c’est exactement ce qu’elle projetait…***L’eau coulait à flot sur la peau bronzée de Frédéric. Il avait choisi qu’elle soit froide pour le calmer des échauffements de la journée. La veille, il en avait pris une brûlante. Il était au soir du déménagement le plus harassant qu’il lui avait été donné de faire puisqu’il avait vidé à lui seul le petit appartement qu’occupait Frédérique sous les toits de Paris. Six étages sans ascenseur, qu’il avait descendu tantôt le dos chargé d’une machine à laver ou d’une commode en bois massif, tantôt les bras chargés de cartons de vaisselle ou de livres. Une véritable sinécure… A chaque montée, à chaque descente, il se maudissait d’être là. Après tout, il ne devait rien à Frédérique : elle l’avait largué, qu’elle se débrouille… Mais il était bel et bien là, se refusant à la lâcher alors qu’elle avait besoin de lui et que tous les autres étaient partis en vacances. Au moins, il n’était pas emmerdé par l’obligation de côtoyer ses amis à elle. Pas plus que par les voisins car, il lui fallait bien reconnaître que Paris s’était vidé en ce 14 juillet. Il n’avait même pas eu besoin de faire un créneau avec la camionnette qu’il avait garé juste devant la porte.
« Hier le chaud, ce soir le froid » sourit-il dans sa barbe. Un froid dont il avait besoin. Pas pour soigner ses muscles endoloris mais pour calmer ses ardeurs. Depuis son arrivée, tôt ce matin, il mourrait d’envie de prendre Frédérique dans ses bras, de la caresser, de lui faire l’amour. Ses doigts, sa bouche, son ventre le démangeaient au point qu’il avait refusé de s’attabler en compagnie de la jeune femme et qu’il s’était contenté de grappiller une tranche de saucisson par-ci, une bouchée de pâté par-là et un coup de rouge vite absorbé. Il avait surtout profité de ce court temps de repos pour visiter le rez-de-chaussée de l’appartement qu’il trouvait bizarrement fagoté : une chambre, la salle d’eau et la cuisine en constituait le principal que complétait une petite entrée en partie bouffée par l’escalier qui menait au loft. Le tout faisait partie d’un ensemble plus vaste, un ancien hôtel particulier du XVème siècle scindé en trois appartements distincts. C’était à la fois immense et petit mais tout cela avait une gueule folle. Il enviait Frédérique de vivre désormais dans un pareil endroit.
Il ferma le robinet d’une main grelotante, il était resté sous le jet glacial trop longtemps, à se perdre dans ses souvenirs. Prestement, il se bouchonna afin de ramener un peu de chaleur dans son corps. Puis il se rhabilla. L’habitude de dormir nu (ou juste couvert d’un caleçon), l’obligeait à cet exercice. Il refusait de croiser Frédérique en tenue d’Adam. Il y avait encore dix jours, cette situation ne l’aurai pas gêné, il aimait se promener nu chez lui et ne fit jamais mystère de cette habitude à sa compagne. Mais elle ne l’était plus et il n’était pas chez lui mais chez elle. La différence était de taille. Très vite, il s’engouffra dans la chambrette qu’il s’était attribué pour les deux nuits qu’il devait passer ici avant de repartir pour Paris. Avec un peu de chance, l’installation de l’appartement serait terminée plus rapidement que prévu et il pourrait fuir ce lieu de tentation. Il le savait déjà, son principal regret serait, en partant, de ne pas voir Jean. Son petit lui manquait mais il devait se rendre à l’évidence, mieux valait qu’il puisse s’installer dans un appartement rangé que de subir le désordre de l’installation. Cette constatation le rasséréna, il s’allongea calmement sur le matelas jeté par terre comme un bas flanc.
Il lisait quand le bruit de l’eau tombant en cataracte dans la baignoire vint troubler sa concentration. Aussitôt, il imagina Frédérique dans le plus simple appareil, ses seins jolis et lourds de lait, son ventre encore un peu lâche de sa récente grossesse, ses cuisses nerveuses, sa peau blanche de blonde… Il lui fut impossible de calmer son désir : une érection pesante lui prit le bas du ventre. Il eut beau reprendre sa lecture, la magie des mots n’opérait plus. L’oreille aux aguets, il tentait de deviner les gestes et les déplacements de la belle en fonction des clapotis de l’onde. Très vite, ses mains s’arrondirent comme pour posséder les seins, coinçant, entre leurs phalanges, les tétons gonflés. D’un mouvement lent et subtil, il les faisait rouler entre ses doigts sans les pincer. Il sentait la poitrine se gonfler sous ses paumes, la respiration s’accélérer ; la bouche de Frédérique ahanant le désir qui montait en elle. Les yeux fermés, il savourait son rêve, ses mains remontaient vers la gorge et les épaules de la douce. Il la caressait tendrement, descendant le long des bras, faisant une incursion sur le ventre puis remontant vers la poitrine dure et tendue par le plaisir…Le jeu aurait pu durer indéfiniment. Il fut interrompu brusquement.
- Frédéric… Frédéric tu m’entends ?
- Oui grogna-t-il, assez mécontent de l’arrêt brutal qu’elle lui imposait.
- J’ai oublié mon peignoir à l’étage, tu peux me l’apporter s’il te plait ?
La question était de pure rhétorique, Frédéric se leva et alla d’un pas lourd chercher le peignoir requis. Le bruit qu’il faisait était intentionnel, il voulait qu’elle sache qu’il obtempérait sans avoir à parler. Depuis le matin, il n’avait pas dû lui dire plus de dix phrases, la plus longue lui annonçant qu’il allait se doucher.
A l’étage, il fouilla un puis deux puis une multitude de cartons avant de trouver celui qui renfermait le précieux vêtement. Il s’en saisit, ainsi que d’une paire de chaussons et redescendit. Il cogna à la porte de la salle de bains.
- Je l’ai coincé dans la poignée dit-il en se dirigeant vers la chambre.
Le temps qu’elle entrouvre la porte, il avait refermé la sienne.
***« J’aurais dû lui demander des chaussons aussi » se dit-elle, dépitée par le tour que prenaient les événements. Elle n’avait pas le moins du monde oublié de prendre son peignoir, elle avait juste trouvé une bonne excuse pour qu’il le lui apporte. Pas un instant elle n’avait pensé qu’il le laisserait sur la porte. Bien au contraire, elle était persuadée qu’il entrerait et l’aiderait à l’enfiler. Elle se serait alors laissée glisser contre sa poitrine, l’obligeant à la retenir, à l’enlacer. Il avait déjoué son plan et elle n’en éprouvait que plus de désir. Vite, vite, vite, il fallait qu’elle trouve une idée. Elle n’avait pas l’intention de passer sa nuit à étancher sa frustration en se caressant comme elle venait de le faire dans son bain. Elle avait imaginé les mains de Frédéric parcourant son corps, ses doigts la pénétrant et la quittant, la laissant sur sa faim. Et elle n’avait pas réussi à se satisfaire. Depuis dix jours, elle n’y arrivait plus. Pour cela, les doigts de Frédéric étaient magiques, ils lui manquaient. La frustration la rendait insatiable.
Elle se déplaça en silence jusqu’à la porte de la petite chambre. La lumière filtrait mais pas un son ne se faisait entendre. Elle hésita quelques secondes sachant pertinemment que, s’il s’était comporté comme il venait de le faire, il serait sans doute mécontent qu’elle le dérangeât de nouveau. Le désir fut plus fort que la crainte. Peut-être même, la crainte s’additionna-t-elle au désir. Elle frappa. Un grognement lui répondit.
- Tu n’as pas faim ? demanda-t-elle.
Le grognement émis sonna comme un « non »- J’aurai bien besoin d’un massage, tout mon corps est tendu.
- Vas te coucher, dors ! Demain ça ira mieux.
Ce n’était pas la réponse espérée, elle insista.
- Je vais passer la nuit à avoir des crampes…- Tu fais vraiment chier s’entendit-elle répondre à travers la porte.
Mais elle perçut aussi les bruissements produits par quelqu’un qui se lève. Et la porte s’ouvrit enfin.
Elle se serait bien jeté à son cou tant elle avait envie de sentir ses bras l’emprisonner. Elle se retint cependant, de peur de l’effaroucher.
Il n’avait sur lui qu’un boxer, l’effet sur elle fut immédiat.
- Monte ! Je m’habille et j’arrive.
Elle ne se le fit pas dire deux fois, fit volte-face et grimpa sans attendre le petit escalier sans omettre de remonter bien haut le bas de son peignoir. L’avait-il vu, elle l’ignorait mais elle avait la certitude qu’il avait toujours envie d’elle et que ce fugace aperçu de sa féminité avait, au pire réveillé son désir, au mieux l’avait entretenu. Elle s’allongea sur le canapé, le dos et les jambes nus, le peignoir masquant juste ses fesses. Si en la voyant ainsi il ne bandait pas, c’est qu’il s’était transformé en robot…Frédéric monta les marches lentement, vêtu de pied en cap et l’esprit assailli d’une seule question : « pourquoi agissait-elle ainsi ? » Un instant il pensa qu’elle n’avait pas conscience de l’allumer. Cela ne dura qu’un instant. Il la connaissait trop bien et savait qu’elle n’agissait jamais sans avoir mûrement réfléchi chaque geste, chaque mot. Aussi ne fut-il pas surpris de la découvrir quasiment nue sur le sofa. Il n’en eut pas moins le souffle coupé : son imagination et sa mémoire ne pouvaient rivaliser avec la réalité qui lui était offerte. « Putain qu’elle est belle ! » se dit-il en hésitant à fuir. Il s’immobilisa et s’obligea à retrouver son calme.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle d’une petite voix suave.
- Je réfléchis. Dans quel carton sont les huiles ?
La réponse ne fut pas instantanée comme si elle marquait un temps pour le laisser savourer la langueur de son intonation et les promesses qu’elle contenait.
- Celui du fond, là-bas, près de la cheminée.
Il s’en approcha sans un mot, fouilla et extirpa deux flacons du carton. Amande douce et jojoba, cela ferait l’affaire. Ce n’est qu’en revenant vers elle qu’il compris le détail qui clochait. S’il voulait s’occuper correctement du dos de sa patiente, il n’avait que deux solutions : s’agenouiller à ses côtés ou enfourcher ses jambes. Frédéric avait toujours eu du mal à accepter les génuflexions - c’était d’ailleurs une des raisons qui l’avait poussé à refuser la religion – il n’allait pas commencer aujourd’hui. Quant à la seconde possibilité, elle puait le piège à plein nez, il ne tomberait pas dedans.
- Je vais commencer par tes jambes, pour le dos, il faudra que tu te retournes…Son ton était empreint d’une certaine animosité, Frédérique la saisit parfaitement. Elle fulmina intérieurement d’avoir été si transparente. Mais peut-être qu’à force de le faire enrager, elle finirait par obtenir ce qu’elle voulait…Frédéric posa un quart de fesse sur l’extrême bord du canapé et versa parcimonieusement de l’huile d’amande sur les mollets de la belle. Du bout des doigts, il étala l’onguent puis, satisfait de l’uniformité de la couche ainsi créée, entreprit son massage. Il commença par travailler le mollet gauche, celui qui l’obligeait à se contorsionner. Il s’en saisit à pleines mains mais seuls ses pouces avaient une véritable fonction, appuyant sur la chair pour tirer vers le bas les muscles et les tendons. Il se livra à ce jeu plusieurs minutes puis passa au mollet droit qu’il traita à égalité. Frédérique, elle, ne bougeait pas, n’émettait pas le moindre son hormis celui de sa respiration. Elle se laissait bercer par les douces sensations que lui procuraient l’huile et les mains de l’homme qu’elle désirait.
Elle se laissait bercer mais elle anticipait aussi les frissons qu’elle ressentirait bientôt, lorsque les doigts de Frédéric viendraient malaxer ses cuisses. Car elle n’en doutait pas, il ne changerait pas sa technique : ses deux mains prendraient possession d’une cuisse puis de l’autre. Tour à tour il les encerclerait de ses doigts et, immanquablement, il frôlerait son sexe. Il sentirait, alors, combien elle était prête, combien elle l’attendait… Il ne pourrait pas résister. Cette pensée lui procura un soupir de satisfaction ainsi qu’un regain de désir. Une brève stase dans les mouvements de Frédéric lui montra que l’homme avait perçu son frémissement. Elle se mordit la lèvre pour retenir le ronronnement qui grondait dans sa gorge. Rester discrète pour ne pas le heurter, c’était pour l’instant la seule chose qui importait.
***Frédéric poursuivit son travail, se voulant impassible. Il espérait qu’elle n’avait pas remarqué son hésitation suite au soupir qu’elle avait laissé échapper. Il n’était pas dupe, il savait pertinemment que ses massages mettaient inéluctablement Frédérique en transe et qu’elle le désirait toujours, après. Il se souvint brusquement de ce soir où, après l’avoir massée, elle lui avait susurré cette phrase qu’il n’avait ni comprise ni cherché à comprendre : « Tout ce que tu veux… »Il avait eu peur.
Pas d’elle, de lui.
Ce soir-là, il savait ce, qu’elle, désirait. Ce qu’elle attendait de lui. Il le lui avait donné, avec beaucoup de douceur et de tendresse. C’était bien loin de ce que lui voulait…Il tapota les mollets de la belle pour signifier la fin du travail mais surtout pour revenir à la réalité. « Tout ce qu’il voulait… », il devait l’oublier. Il sentait monter en lui un désir irascible et violent, il devait se calmer. Pétrir les cuisses de Frédérique ne ferait pas taire son désir mais le ramènerait sans doute vers plus de douceur.
Il s’avança très légèrement sur le canapé et prit possession de la cuisse gauche.
***Frédérique frissonna et ouvrit imperceptiblement les jambes pour laisser à la main droite de Frédéric assez d’espace pour voyager. Elle sentit l’huile couler sur sa cuisse et, tout de suite après, des doigts caressants, l’étaler. La chair de poule la gagna. Enfin il allait savoir, il allait découvrir son désir. Instinctivement, elle eut un sursaut que l’homme calma d’une claque sur sa fesse gauche. Elle se surprit à en espérer d’autres.
Deux de ses amants, avant lui, avait tenté de la fesser, elle s’était toujours rebiffée mais en avait conservé un fantasme secret dont elle n’avait pas parlé à Frédéric. Lui avouer son envie d’être sodomisée avait été suffisamment difficile pour qu’elle y épuise don courage. Pour donner le change à la tape, elle poussa donc un petit « Ooooh ! » qu’elle espérait coquin.
Les mains de Frédéric, pendant ce temps, se mirent à glisser le long de sa cuisse. De haut en bas, toujours. Visiblement, le masseur tenait à éviter tout flirt avec son sexe et avec le petit repli qu’il appelait les « ailes de colombe » à cause de la douceur et de la tendreté de la chair à cet endroit. Les émois qu’il provoquait en picorant la peau du bout des lèvres ou en l’agaçant de l’extrémité de ses doigts ou de ses ongles, offraient à la jeune femme des orgasmes éclatants. Elle éprouva de cette désertion, une frustration supplémentaire qui la fit hoqueter de dépit.
Bienheureux hoquet qui intervint à la seconde précise où Frédéric repositionnait sa main pour une énième glissade. Il mit en contact le pouce et l’éminence thénar (le renflement intérieur de la main situé sous le pouce) de Frédéric et les lèvres humides du sexe de la demoiselle. L’homme retira sa main comme s’il s’était brûlé et administra à la belle une seconde claque, plus forte, sur la fesse droite cette fois et revint aussitôt à son ouvrage.
Frédérique n’en pouvait plus et le soupir qu’elle lâcha se mua en gémissement. Frédéric reprit sa tâche comme si de rien n’était.
Il en était sûr désormais, elle cherchait bel et bien à l’allumer. Il se piqua au jeu, et décida de lui rendre la monnaie de sa pièce. Déjà, il lui avait claqué les fesses par deux fois sans qu’elle s’en offusque maintenant, il allait l’exciter jusqu’à la frange de l’orgasme. Ensuite… Il aviserait. Mais un plan machiavélique s’ébauchait déjà dans son esprit.
Il recommença à masser la chair tendre des cuisses de la jeune femme mais cette fois, sans prendre soin de ne pas frôler ou toucher les parties sensibles. Bien au contraire, il les effleurait à chaque passage faisant frémir la belle un peu plus chaque fois. Il fut tenté de ponctuer les frissons d’une tape mais se retint. Certes, il la fesserait d’abondance mais plus tard, quand elle serait si chaude qu’elle n’aurait d’autre choix que d’en subir l’humiliation. Désormais, il laissait parfois son index s’échapper vers le sexe parfaitement lubrifié de Frédérique. Il ne le laissait pas longtemps, juste le temps qu’elle prenne conscience de sa présence et donne des signes d’empathie. Un mouvement du bassin, un déplacement de la jambe… il le retirait aussitôt. Elle devait bouillir de rage à cause de ces interruptions répétées. Cela le fit sourire.
Il modifia un peu sa façon de faire en s’attaquant à la seconde cuisse. Sa main gauche étant moins agile que la droite, il inversa sa position et joua de l’auriculaire. Ses assauts en furent plus discrets mais cette option avait un avantage insoupçonné, celui de sentir, le long de sa cuisse, le moindre frémissement du corps de Frédérique.
***« Il me tue » se dit Frédérique qui ne boudait pas son plaisir. Jamais, jusqu’à présent, il n’avait réussi à tendre son corps comme il le faisait à cet instant. Cela la rendait folle de penser qu’ils venaient de gâcher deux ans avec des jeux d’enfants quand ils étaient, l’un comme l’autre, capables de ces jeux d’adultes. Elle gémissait, hoquetait, sursautait de plaisir à chaque fois qu’il poussait un peu plus ses caresses. Elle était au bord de l’orgasme, elle le sentait là, dans son ventre, prêt à bondir et à tout engloutir. Mais Frédéric lui refusait ce saut dans l’inconnu, interrompant ses manœuvres à chaque fois. Pourtant, elle devait jouir, il le fallait absolument sinon elle deviendrait folle. Elle le savait, c’était écrit.
Quand il se retourna, elle sut qu’il lui interdirait de se laisser aller alors, lasse de tenter toujours de voler son orgasme, elle capitula.
- Tout ce que tu voudras, lâcha-t-elle dans un râle.
Il se leva et elle sentit son corps s’appesantir sur elle. Il la couvrait de la façon la plus possessive qui soit, bloquant ses jambes de ses jambes, bloquant son dos avec son torse, bloquant ses bras avec ses mains. Elle se sentit possédée bien plus que s’il l’avait prise.
- Tout ce que je voudrai… Tu ignores à quoi tu t’exposes… Redis-le !
Ce n’était qu’un murmure à son oreille mais elle comprit qu’elle venait de réveiller un Frédéric qu’elle ne connaissait pas bien qu’elle l’eu toujours cherché derrière son amant policé. Mais maintenant qu’il était là, elle avait peur. Elle n’osait pas se répéter. Il insista.
- Redis-le !
Aucun son ne sortit de sa bouche pourtant entrouverte. Elle était figée par la crainte de l’inconnu. Il réitéra son exigence pour la troisième fois.
- Redis-le !
Le ton était monté d’un cran, il ne murmurait plus il parlait, d’une voix posée et ferme, habituée à donner des ordres. Une voix qu’elle entendait pour la première fois.
Frédérique lui répondit par un silence prolongé. Il se le tint pour dit : il se leva.
Il se leva puis s’accroupit face au visage de la femme. Il la regarda et lâcha :- Trouillarde !
Et sans attendre la réponse, il s’éloigna.
Elle blêmit. C’était tellement vrai.
Elle se souvint qu’un jour, alors qu’il discutait avec des amis à elle, il traita l’un d’entre eux de con. Bien sûr, celui-ci prit la mouche et Frédéric, avec tout le sérieux possible l’acheva d’une phrase : « Ce n’est pas une insulte, juste une constatation ; vous avez la connerie comme d’autres ont le cancer, vous n’y pouvez rien ! il y a cependant une consolation que n’auront jamais les cancéreux, nous avons tous nos cons et vous aurez les vôtres comme j’ai les miens. Je trouve cela plutôt réconfortant. » Il ne l’avait pas insultée, juste constaté : « trouillarde ! » C’est bien ce qu’elle était.
***Frédérique s’éveilla après une nuit agitée durant laquelle tout l’avait fui : le sommeil et le plaisir. « Trouillarde ! » Ce mot, cette voix qui le prononçait l’avaient, en revanche accompagnée durant toute sa longue veillée et elle n’avait réussi ni à le faire taire ni à l’apprivoiser. Pour le chasser, elle avait tenté de se caresser mais le souvenir des mains de Frédéric sur ses cuisses, celui de son doigt dans son sexe, avaient fait fuir le plaisir ; pas le désir, qui était toujours là, présent au creux de son ventre. Alors, elle s’était tournée dans son lit pour tenter de dormir, le désir et se mot l’en empêchèrent. A tel point qu’elle se demanda si ce mot, ou le ton sur lequel il avait été prononcé, ne s’ajoutait pas au désir initial qu’elle avait ressenti. Ce n’était pas très clair dans son esprit mais il y avait quelque chose comme ça qui l’agaçait, au sens sexuel du terme. En tous cas, elle était toujours excitée et même plus encore que la veille. La journée allait être difficile.
***Frédéric, apparemment serein, grimpa les quelques marches qui le séparait du loft. Il tenait un plateau dans les mains sur lequel reposait un bol de café au lait fumant et quelques croissants. Le petit-déjeuner préféré de Frédérique.
- Debout feignante, il est bientôt dix heures et on a du boulot.
Frédérique le regarda avec étonnement. Il agissait comme si rien ne s’était passé or, elle en avait bien le souvenir, il s’était passé quelque chose dont elle avait eu peur. Mister Hyde était apparu.
- Bonjour Dr Jekill, dit-elle en se croyant maligne. Que fais Mr Hyde ce matin ?
- Il attend que Beatrix lui répète avec autant de conviction, sa petite phrase d’hier soir – répondit-il du tac au tac.
Le rouge monta au visage de Frédérique en une fraction de seconde, la convainquant qu’elle aurait mieux fait de se taire. Heureusement pour elle, Frédéric éclata de rire et désamorça de ce fait une situation bien gênante pour elle. Du moins le crût-elle.
- Ne t’en fait pas, ni lui ni moi n’iront raconter cette histoire. Ton secret sera bien gardé.
- Quel secret ? ne put-elle s’empêcher de demander. Le fait que je sois une trouillarde ?
- Plutôt le fait que tu n’oses pas aller au bout de tes désirs et encore moins au bout de tes fantasmes… A moins que tu ne sois vraiment qu’une petite fille sage qui se donne des airs de canaille. C’est possible aussi. Quoique je n’en sois pas certain.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis…- Alors, demande à ta croupe si elle a apprécié d’être fessée ou… Prends ton petit déjeuner et oublie tout le reste.
Frédéric avait la sale habitude de clore les discussions en s’en allant après une sortie péremptoire à laquelle il était toujours difficile de répondre du tac au tac. Ce ne fut pas le cas ce matin-là. Il resta près de la jeune femme, la regarda en souriant et se tut, tout simplement. Au passage, il lui chipa un croissant qu’il dévora à pleine dent.
Frédérique tenta, sans vraiment y parvenir, de rester impassible face à l’attaque du jeune homme, en se concentrant elle aussi sur les croissants. Le rose de ses joues trahit cependant son émoi. Oui, elle avait aimé cette sensation de chaleur quand la main de Frédéric avait heurté sa chair… fusse à travers l’épais tissu de son peignoir. Oui, elle était émoustillée par le fait qu’il en parle aussi facilement, aussi crûment. Elle goba une énorme bouchée de viennoiserie pour ne pas dire les mots qu’il attendait. Elle ne fit que retarder l’échéance mais, elle en était pleinement consciente, à un moment ou à un autre, ils lui échapperaient.
Le petit déjeuner s’acheva sur ce non-dit. Un de plus pensa-t-elle. C’était un peu le résumé de leur histoire, Frédéric ne s’étant jamais montré très bavard sur son passé ou sur ce qu’il ressentait au jour le jour. Il se contentait d’être gentil, prévenant et, malgré la certitude qu’elle avait qu’il pouvait être bien plus que cela, il ne s’était jamais vraiment « lâché », avec elle. La patience de Frédérique avait fini par s’émousser puis disparaître : elle l’avait quitté. Et voilà qu’aujourd’hui, il révélait une facette de lui qu’elle soupçonnait sans l’avoir jamais vue. Elle était curieuse d’en savoir plus mais l’inconnu, comme tout inconnu, lui faisait peur et l’excitait. Elle aurait aimé qu’il agisse, la veille au soir. Au lieu de ça, il avait exigé qu’elle répète les cinq petits mots qu’elle avait prononcé : « Tout ce que tu veux… ! » et elle n’en avait pas eu la force. Il l’avait traité de trouillarde mais il lui avait foutu la trouille, parce qu’il l’avait confronté à son désir et que, dans son cas, cela fait peur. « Demande à ta croupe si elle a apprécié ! » avait-il dit quelques minutes auparavant… Sa croupe… Il ne la traitait plus en femme. Elle dut se rendre à l’évidence, elle aimait ça, elle en avait envie…Elle ouvrit la bouche pour parler mais la referma aussitôt. Cela n’échappa pas à Frédéric qui se contenta de sourire, narquois. Il se leva, désigna un carton : « Où ? » dit-il.
***Le carton contenait l’attirail de peintre de Frédérique. Il ne l’avait jamais vu s’en servir et bien qu’il ait pu apprécier une de ses toiles religieusement exposée chez sa mère, celle-ci remontait à une dizaine d’années. Depuis, plus rien, l’inspiration avait quitté la jeune artiste. Il pensait que c’était dommage parce qu’il était sûr de son talent. Souvent, il lui avait conseillé de reprendre le pinceau mais rien n’y faisait, les soies restaient muettes.
Comme elle aussi restait muette, il décida de ranger toutes ces affaires dans un petit meuble qu’il installa près de la fenêtre la mieux disposée. Il fit prendre le même chemin au chevalet qu’il disposa face à la fenêtre et posa dessus une toile blanche.
Frédérique le regarda faire en pinçant les lèvres, incapable de réagir à l’humiliation qu’il lui faisait subir (inconsciemment ?) en révélant son impuissance à peindre. Elle se détourna du spectacle, honteuse qu’il ait réussi, sans un mot, à la faire se sentir nulle à ce point. Honteuse aussi d’en être excitée. Il ne se conduisait plus en amoureux, il était devenu quelqu’un d’autre qu’elle ne savait pas définir mais qui lui plaisait.
- Tout ce que tu veux… ! dit-elle dans sa tête en remuant à peine les lèvres.
Elle le répéta pour elle-même, toujours aussi silencieusement. Une fois puis deux fois puis… Elle s’entraînait avant de le dire à haute voix. Et c’était de plus en plus fort à chaque redite. Jusqu’à ce que les sons franchissent le pas de sa gorge.
- Tout ce que tu voudras !
Elle était passé du présent au futur sans en avoir conscience. Il avait libre cours. Elle venait de se donner.
***- Répète !
L’ordre fut sec et immédiat.
Frédéric se redressa pour la regarder. Elle se tenait assise sur le bord du canapé, elle regardait ses pieds en se tordant les mains.
- Tout ce que tu voudras ! répéta-t-elle d’une petite voix timide, presqu’inaudible.
- Qu’est-ce que tu dis ? Je n’entends pas…Il accompagna sa phrase du geste habituel, portant la main à son oreille. Elle répéta, plus fort, sans toutefois changer de ton ou d’attitude. Il s’approcha d’elle et la fit tomber à genoux. Il saisit son menton, la forçant à le regarder dans les yeux.
- Répète !
Elle ânonna la phrase. Le visage de Frédéric était si dur, si fermé qu’elle prit peur. Mais elle était allée trop loin pour reculer. D’ailleurs, elle se sentait piégée : avancer, reculer, les deux options l’effrayaient à égalité. Elle sauta dans l’inconnu quand il exigea :- Mieux que ça !
- Tout ce que vous voudrez ! répondit-elle.
***Elle l’avait vouvoyé sans intention. Mais c’était logique. L’homme qui lui faisait face était un inconnu. Ce n’était pas le Frédéric qu’elle connaissait mais un homme puissant, impassible et dominateur ; tout le contraire de son ex.
Mister Hyde !
De la pierre de Caen, granuleuse. Il trouva sous sa main la sensation qu’il espérait, celle du sable solidifié. Il caressa la cheminée, accompagnant de la paume et des doigts les arrêtes et les rotondités du tablier et des jambages. Il sentit les fines granules agacer l’extrémité de ses phalanges. Ce n’était pas cela qu’il souhaitait caresser, il le savait. Mais ses doigts le démangeaient trop et il se devait de tromper leur faim. Il entra dans le cœur en baissant à peine la tête et frôla le linteau. Puis, levant les yeux, il découvrit le ciel. Un instant, il s’imagina ramoneur et s’amusa de l’analogie sexuelle qu’il chassa aussitôt de sa pensée en la faisant bifurquer vers Noël et son heureux père qui n’aurait aucun mal à se glisser dans le large conduit. Une fraction de seconde, il détesta le vieux barbu qui serait présent près des siens alors que lui était chassé du paradis. Il se tourna alors vers le fond de l’âtre pour se repaître de sa noirceur. « Mon cœur est comme cette cheminée, se dit-il, il a brûlé d’un feu joyeux mais maintenant, il n’est plus que cendres et suie. » Cette réflexion apporta un sourire triste sur ses lèvres, un sourire de façade, certes mais assez présentable pour qui puisse enfin faire face à Frédérique en lui masquant son désespoir.
- Je vais prendre une douche et me coucher dit-il en lui montrant ses mains couvertes de poussière noire… A moins que tu ne veuilles profiter de la salle de bains avant de t’écrouler complétement.
Frédérique ne répondit pas, elle se contenta de le regarder s’approcher pour la dépasser et quitter son champ de vision. Elle l’entendit descendre les premières marches, ébaucha un geste de la main, comme pour le retenir, et laissa retomber son bras. Elle n’avait plus aucun droit sur lui puisqu’elle l’avait quitté. Elle n’avait donc pas celui de le retenir et encore moins celui d’implorer ses caresses.
Du regard, elle embrassa la pièce dans laquelle elle allait vivre désormais. Seule… ou presque. Son petit bout de chou d’à peine six mois n’arriverait que mardi, en compagnie de sa mère. D’ici là, Frédéric serait reparti à paris. La rupture serait alors consommée. S’en voulait-elle ? peut-être, elle n’en était pas sûre, elle n’était sûre de rien ces derniers temps. Si ! Elle était sûre que Frédéric avait été en dessous de ses espérances et qu’il lui mentait par omission depuis toujours. Elle se remémora leur rencontre chez des amis communs – la femme était une collègue de Frédéric – qui avaient organisé un dîner dans le but avouer de les présenter l’un à l’autre. « C’est un type gentil et solide » lui avait dit Myriam. Pour ce qui est de la gentillesse, elle ne se trompait pas… bien qu’une lueur de colère au fond de ses yeux bleus démentît parfois ce diagnostic. Ils se revirent de temps en temps, jusqu’au jour où elle fut choisie pour remplacer Myriam pendant son congé de maternité. Il resta très professionnel avec elle. Jamais il ne fit allusion à leurs rencontres hors du travail et donna même l’impression de ne pas la connaître lorsqu’elle lui fut présentée par la directrice du site. « Au boulot, nous sommes au boulot » lui avait-il rétorqué d’un ton sans réplique alors qu’elle lui en faisait le reproche, assise face à lui dans un restaurant. « Carabosse est à l’affût de la moindre erreur pour le virer, en étant comme il est, il protège tout le monde » - intervint Vincent, le mari de Myriam qui, pour s’immiscer dans la conversation n’en cherchait pas moins à la déminer. Frédérique se le tint pour dit et ne chercha plus à le gêner par ses « privates jokes ». Jusqu’au jour où elle fit un malaise. Pas grand-chose, juste une brutale chute de tension : un malaise vagal. Elle fût amenée à l’infirmerie et il s’y précipita. Son armure était craquelée elle se fendit pour de bon quand il la vit, allongée, pâle et sans défense. Frédéric s’approcha de Frédérique et lui prit la main. « Tu m’as fait peur ! » lui dit-il. Elle porta la main à sa joue. Elle venait de voir dans le regard de Frédéric tout l’amour qu’il taisait. « Enfin ! » se dit-elle. Et elle ferma les yeux.
Frédérique rouvrit les yeux, une larme s’en échappait. Qu’éprouvait-elle ? De la tristesse ? De la nostalgie ? Des regrets ? Elle ne savait répondre à cette question. Peut-être ne saurait-elle jamais le faire. Cela n’avait, de toute façon, guère d’importance puisqu’elle l’avait quitté. Elle secoua la tête comme pour chasser les idées noires qui l’envahissaient. Sa lourde crinière blonde fouetta l’air avant de revenir en place. Elle arpenta la pièce encore jonchée de cartons et de meubles. « Ici je mettrai mon lit, là, celui de Jean. Un paravent nous séparera, ainsi, je ne serais pas sous son nez et il pourra dormir en sécurité, à la fois proche et loin de moi. Là, ma commode et ici ma coiffeuse. Il faudra que je rachète des paravents pour bien séparer nos chambres du salon. Quand il sera plus grand, Jean dormira dans la chambre d’en bas. Il faut que je profite de la présence de Frédéric pour la préparer. Le temps passe si vite… »Le temps passe si vite mais, pour elle, il se figea. Frédéric était revenu dans ses pensées et elle le revit en train de caresser la cheminée. Un frisson parcourut son corps. Les mains de Frédéric, elle en rêvait toutes les nuit depuis qu’ils étaient séparés. Elles étaient si douces sur sa peau. Tellement possessives et tendres… Elle voulait les sentir à nouveau. A nouveau ressentir le plaisir qu’elles lui prodiguaient. Et plus encore. Elle avait envie qu’elles expriment enfin la colère qui sourdait parfois dans le regard de Frédéric. Elle voulait qu’elles la punissent de n’avoir pas su lui faire avouer son passé et le pourquoi de sa douceur, le pourquoi de la frustration qu’il s’imposait. Son ventre, à cet instant, grésilla d’impatience. Elle eut, en une fulgurante seconde, conscience du désir qu’elle avait de cet homme, qui n’était plus le sien, qui n’avait jamais été le sien, caché qu’il était sous des dehors policés. C’est presqu’inconsciemment qu’elle échafauda un plan pour le ramener dans son lit. Ce ne serait pas simple car, bien qu’il soit homme, Frédéric savait montrer une volonté de fer et un détachement à toute épreuve, quand il s’agissait d’éviter les embrouilles. Et, des embrouilles, c’est exactement ce qu’elle projetait…***L’eau coulait à flot sur la peau bronzée de Frédéric. Il avait choisi qu’elle soit froide pour le calmer des échauffements de la journée. La veille, il en avait pris une brûlante. Il était au soir du déménagement le plus harassant qu’il lui avait été donné de faire puisqu’il avait vidé à lui seul le petit appartement qu’occupait Frédérique sous les toits de Paris. Six étages sans ascenseur, qu’il avait descendu tantôt le dos chargé d’une machine à laver ou d’une commode en bois massif, tantôt les bras chargés de cartons de vaisselle ou de livres. Une véritable sinécure… A chaque montée, à chaque descente, il se maudissait d’être là. Après tout, il ne devait rien à Frédérique : elle l’avait largué, qu’elle se débrouille… Mais il était bel et bien là, se refusant à la lâcher alors qu’elle avait besoin de lui et que tous les autres étaient partis en vacances. Au moins, il n’était pas emmerdé par l’obligation de côtoyer ses amis à elle. Pas plus que par les voisins car, il lui fallait bien reconnaître que Paris s’était vidé en ce 14 juillet. Il n’avait même pas eu besoin de faire un créneau avec la camionnette qu’il avait garé juste devant la porte.
« Hier le chaud, ce soir le froid » sourit-il dans sa barbe. Un froid dont il avait besoin. Pas pour soigner ses muscles endoloris mais pour calmer ses ardeurs. Depuis son arrivée, tôt ce matin, il mourrait d’envie de prendre Frédérique dans ses bras, de la caresser, de lui faire l’amour. Ses doigts, sa bouche, son ventre le démangeaient au point qu’il avait refusé de s’attabler en compagnie de la jeune femme et qu’il s’était contenté de grappiller une tranche de saucisson par-ci, une bouchée de pâté par-là et un coup de rouge vite absorbé. Il avait surtout profité de ce court temps de repos pour visiter le rez-de-chaussée de l’appartement qu’il trouvait bizarrement fagoté : une chambre, la salle d’eau et la cuisine en constituait le principal que complétait une petite entrée en partie bouffée par l’escalier qui menait au loft. Le tout faisait partie d’un ensemble plus vaste, un ancien hôtel particulier du XVème siècle scindé en trois appartements distincts. C’était à la fois immense et petit mais tout cela avait une gueule folle. Il enviait Frédérique de vivre désormais dans un pareil endroit.
Il ferma le robinet d’une main grelotante, il était resté sous le jet glacial trop longtemps, à se perdre dans ses souvenirs. Prestement, il se bouchonna afin de ramener un peu de chaleur dans son corps. Puis il se rhabilla. L’habitude de dormir nu (ou juste couvert d’un caleçon), l’obligeait à cet exercice. Il refusait de croiser Frédérique en tenue d’Adam. Il y avait encore dix jours, cette situation ne l’aurai pas gêné, il aimait se promener nu chez lui et ne fit jamais mystère de cette habitude à sa compagne. Mais elle ne l’était plus et il n’était pas chez lui mais chez elle. La différence était de taille. Très vite, il s’engouffra dans la chambrette qu’il s’était attribué pour les deux nuits qu’il devait passer ici avant de repartir pour Paris. Avec un peu de chance, l’installation de l’appartement serait terminée plus rapidement que prévu et il pourrait fuir ce lieu de tentation. Il le savait déjà, son principal regret serait, en partant, de ne pas voir Jean. Son petit lui manquait mais il devait se rendre à l’évidence, mieux valait qu’il puisse s’installer dans un appartement rangé que de subir le désordre de l’installation. Cette constatation le rasséréna, il s’allongea calmement sur le matelas jeté par terre comme un bas flanc.
Il lisait quand le bruit de l’eau tombant en cataracte dans la baignoire vint troubler sa concentration. Aussitôt, il imagina Frédérique dans le plus simple appareil, ses seins jolis et lourds de lait, son ventre encore un peu lâche de sa récente grossesse, ses cuisses nerveuses, sa peau blanche de blonde… Il lui fut impossible de calmer son désir : une érection pesante lui prit le bas du ventre. Il eut beau reprendre sa lecture, la magie des mots n’opérait plus. L’oreille aux aguets, il tentait de deviner les gestes et les déplacements de la belle en fonction des clapotis de l’onde. Très vite, ses mains s’arrondirent comme pour posséder les seins, coinçant, entre leurs phalanges, les tétons gonflés. D’un mouvement lent et subtil, il les faisait rouler entre ses doigts sans les pincer. Il sentait la poitrine se gonfler sous ses paumes, la respiration s’accélérer ; la bouche de Frédérique ahanant le désir qui montait en elle. Les yeux fermés, il savourait son rêve, ses mains remontaient vers la gorge et les épaules de la douce. Il la caressait tendrement, descendant le long des bras, faisant une incursion sur le ventre puis remontant vers la poitrine dure et tendue par le plaisir…Le jeu aurait pu durer indéfiniment. Il fut interrompu brusquement.
- Frédéric… Frédéric tu m’entends ?
- Oui grogna-t-il, assez mécontent de l’arrêt brutal qu’elle lui imposait.
- J’ai oublié mon peignoir à l’étage, tu peux me l’apporter s’il te plait ?
La question était de pure rhétorique, Frédéric se leva et alla d’un pas lourd chercher le peignoir requis. Le bruit qu’il faisait était intentionnel, il voulait qu’elle sache qu’il obtempérait sans avoir à parler. Depuis le matin, il n’avait pas dû lui dire plus de dix phrases, la plus longue lui annonçant qu’il allait se doucher.
A l’étage, il fouilla un puis deux puis une multitude de cartons avant de trouver celui qui renfermait le précieux vêtement. Il s’en saisit, ainsi que d’une paire de chaussons et redescendit. Il cogna à la porte de la salle de bains.
- Je l’ai coincé dans la poignée dit-il en se dirigeant vers la chambre.
Le temps qu’elle entrouvre la porte, il avait refermé la sienne.
***« J’aurais dû lui demander des chaussons aussi » se dit-elle, dépitée par le tour que prenaient les événements. Elle n’avait pas le moins du monde oublié de prendre son peignoir, elle avait juste trouvé une bonne excuse pour qu’il le lui apporte. Pas un instant elle n’avait pensé qu’il le laisserait sur la porte. Bien au contraire, elle était persuadée qu’il entrerait et l’aiderait à l’enfiler. Elle se serait alors laissée glisser contre sa poitrine, l’obligeant à la retenir, à l’enlacer. Il avait déjoué son plan et elle n’en éprouvait que plus de désir. Vite, vite, vite, il fallait qu’elle trouve une idée. Elle n’avait pas l’intention de passer sa nuit à étancher sa frustration en se caressant comme elle venait de le faire dans son bain. Elle avait imaginé les mains de Frédéric parcourant son corps, ses doigts la pénétrant et la quittant, la laissant sur sa faim. Et elle n’avait pas réussi à se satisfaire. Depuis dix jours, elle n’y arrivait plus. Pour cela, les doigts de Frédéric étaient magiques, ils lui manquaient. La frustration la rendait insatiable.
Elle se déplaça en silence jusqu’à la porte de la petite chambre. La lumière filtrait mais pas un son ne se faisait entendre. Elle hésita quelques secondes sachant pertinemment que, s’il s’était comporté comme il venait de le faire, il serait sans doute mécontent qu’elle le dérangeât de nouveau. Le désir fut plus fort que la crainte. Peut-être même, la crainte s’additionna-t-elle au désir. Elle frappa. Un grognement lui répondit.
- Tu n’as pas faim ? demanda-t-elle.
Le grognement émis sonna comme un « non »- J’aurai bien besoin d’un massage, tout mon corps est tendu.
- Vas te coucher, dors ! Demain ça ira mieux.
Ce n’était pas la réponse espérée, elle insista.
- Je vais passer la nuit à avoir des crampes…- Tu fais vraiment chier s’entendit-elle répondre à travers la porte.
Mais elle perçut aussi les bruissements produits par quelqu’un qui se lève. Et la porte s’ouvrit enfin.
Elle se serait bien jeté à son cou tant elle avait envie de sentir ses bras l’emprisonner. Elle se retint cependant, de peur de l’effaroucher.
Il n’avait sur lui qu’un boxer, l’effet sur elle fut immédiat.
- Monte ! Je m’habille et j’arrive.
Elle ne se le fit pas dire deux fois, fit volte-face et grimpa sans attendre le petit escalier sans omettre de remonter bien haut le bas de son peignoir. L’avait-il vu, elle l’ignorait mais elle avait la certitude qu’il avait toujours envie d’elle et que ce fugace aperçu de sa féminité avait, au pire réveillé son désir, au mieux l’avait entretenu. Elle s’allongea sur le canapé, le dos et les jambes nus, le peignoir masquant juste ses fesses. Si en la voyant ainsi il ne bandait pas, c’est qu’il s’était transformé en robot…Frédéric monta les marches lentement, vêtu de pied en cap et l’esprit assailli d’une seule question : « pourquoi agissait-elle ainsi ? » Un instant il pensa qu’elle n’avait pas conscience de l’allumer. Cela ne dura qu’un instant. Il la connaissait trop bien et savait qu’elle n’agissait jamais sans avoir mûrement réfléchi chaque geste, chaque mot. Aussi ne fut-il pas surpris de la découvrir quasiment nue sur le sofa. Il n’en eut pas moins le souffle coupé : son imagination et sa mémoire ne pouvaient rivaliser avec la réalité qui lui était offerte. « Putain qu’elle est belle ! » se dit-il en hésitant à fuir. Il s’immobilisa et s’obligea à retrouver son calme.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle d’une petite voix suave.
- Je réfléchis. Dans quel carton sont les huiles ?
La réponse ne fut pas instantanée comme si elle marquait un temps pour le laisser savourer la langueur de son intonation et les promesses qu’elle contenait.
- Celui du fond, là-bas, près de la cheminée.
Il s’en approcha sans un mot, fouilla et extirpa deux flacons du carton. Amande douce et jojoba, cela ferait l’affaire. Ce n’est qu’en revenant vers elle qu’il compris le détail qui clochait. S’il voulait s’occuper correctement du dos de sa patiente, il n’avait que deux solutions : s’agenouiller à ses côtés ou enfourcher ses jambes. Frédéric avait toujours eu du mal à accepter les génuflexions - c’était d’ailleurs une des raisons qui l’avait poussé à refuser la religion – il n’allait pas commencer aujourd’hui. Quant à la seconde possibilité, elle puait le piège à plein nez, il ne tomberait pas dedans.
- Je vais commencer par tes jambes, pour le dos, il faudra que tu te retournes…Son ton était empreint d’une certaine animosité, Frédérique la saisit parfaitement. Elle fulmina intérieurement d’avoir été si transparente. Mais peut-être qu’à force de le faire enrager, elle finirait par obtenir ce qu’elle voulait…Frédéric posa un quart de fesse sur l’extrême bord du canapé et versa parcimonieusement de l’huile d’amande sur les mollets de la belle. Du bout des doigts, il étala l’onguent puis, satisfait de l’uniformité de la couche ainsi créée, entreprit son massage. Il commença par travailler le mollet gauche, celui qui l’obligeait à se contorsionner. Il s’en saisit à pleines mains mais seuls ses pouces avaient une véritable fonction, appuyant sur la chair pour tirer vers le bas les muscles et les tendons. Il se livra à ce jeu plusieurs minutes puis passa au mollet droit qu’il traita à égalité. Frédérique, elle, ne bougeait pas, n’émettait pas le moindre son hormis celui de sa respiration. Elle se laissait bercer par les douces sensations que lui procuraient l’huile et les mains de l’homme qu’elle désirait.
Elle se laissait bercer mais elle anticipait aussi les frissons qu’elle ressentirait bientôt, lorsque les doigts de Frédéric viendraient malaxer ses cuisses. Car elle n’en doutait pas, il ne changerait pas sa technique : ses deux mains prendraient possession d’une cuisse puis de l’autre. Tour à tour il les encerclerait de ses doigts et, immanquablement, il frôlerait son sexe. Il sentirait, alors, combien elle était prête, combien elle l’attendait… Il ne pourrait pas résister. Cette pensée lui procura un soupir de satisfaction ainsi qu’un regain de désir. Une brève stase dans les mouvements de Frédéric lui montra que l’homme avait perçu son frémissement. Elle se mordit la lèvre pour retenir le ronronnement qui grondait dans sa gorge. Rester discrète pour ne pas le heurter, c’était pour l’instant la seule chose qui importait.
***Frédéric poursuivit son travail, se voulant impassible. Il espérait qu’elle n’avait pas remarqué son hésitation suite au soupir qu’elle avait laissé échapper. Il n’était pas dupe, il savait pertinemment que ses massages mettaient inéluctablement Frédérique en transe et qu’elle le désirait toujours, après. Il se souvint brusquement de ce soir où, après l’avoir massée, elle lui avait susurré cette phrase qu’il n’avait ni comprise ni cherché à comprendre : « Tout ce que tu veux… »Il avait eu peur.
Pas d’elle, de lui.
Ce soir-là, il savait ce, qu’elle, désirait. Ce qu’elle attendait de lui. Il le lui avait donné, avec beaucoup de douceur et de tendresse. C’était bien loin de ce que lui voulait…Il tapota les mollets de la belle pour signifier la fin du travail mais surtout pour revenir à la réalité. « Tout ce qu’il voulait… », il devait l’oublier. Il sentait monter en lui un désir irascible et violent, il devait se calmer. Pétrir les cuisses de Frédérique ne ferait pas taire son désir mais le ramènerait sans doute vers plus de douceur.
Il s’avança très légèrement sur le canapé et prit possession de la cuisse gauche.
***Frédérique frissonna et ouvrit imperceptiblement les jambes pour laisser à la main droite de Frédéric assez d’espace pour voyager. Elle sentit l’huile couler sur sa cuisse et, tout de suite après, des doigts caressants, l’étaler. La chair de poule la gagna. Enfin il allait savoir, il allait découvrir son désir. Instinctivement, elle eut un sursaut que l’homme calma d’une claque sur sa fesse gauche. Elle se surprit à en espérer d’autres.
Deux de ses amants, avant lui, avait tenté de la fesser, elle s’était toujours rebiffée mais en avait conservé un fantasme secret dont elle n’avait pas parlé à Frédéric. Lui avouer son envie d’être sodomisée avait été suffisamment difficile pour qu’elle y épuise don courage. Pour donner le change à la tape, elle poussa donc un petit « Ooooh ! » qu’elle espérait coquin.
Les mains de Frédéric, pendant ce temps, se mirent à glisser le long de sa cuisse. De haut en bas, toujours. Visiblement, le masseur tenait à éviter tout flirt avec son sexe et avec le petit repli qu’il appelait les « ailes de colombe » à cause de la douceur et de la tendreté de la chair à cet endroit. Les émois qu’il provoquait en picorant la peau du bout des lèvres ou en l’agaçant de l’extrémité de ses doigts ou de ses ongles, offraient à la jeune femme des orgasmes éclatants. Elle éprouva de cette désertion, une frustration supplémentaire qui la fit hoqueter de dépit.
Bienheureux hoquet qui intervint à la seconde précise où Frédéric repositionnait sa main pour une énième glissade. Il mit en contact le pouce et l’éminence thénar (le renflement intérieur de la main situé sous le pouce) de Frédéric et les lèvres humides du sexe de la demoiselle. L’homme retira sa main comme s’il s’était brûlé et administra à la belle une seconde claque, plus forte, sur la fesse droite cette fois et revint aussitôt à son ouvrage.
Frédérique n’en pouvait plus et le soupir qu’elle lâcha se mua en gémissement. Frédéric reprit sa tâche comme si de rien n’était.
Il en était sûr désormais, elle cherchait bel et bien à l’allumer. Il se piqua au jeu, et décida de lui rendre la monnaie de sa pièce. Déjà, il lui avait claqué les fesses par deux fois sans qu’elle s’en offusque maintenant, il allait l’exciter jusqu’à la frange de l’orgasme. Ensuite… Il aviserait. Mais un plan machiavélique s’ébauchait déjà dans son esprit.
Il recommença à masser la chair tendre des cuisses de la jeune femme mais cette fois, sans prendre soin de ne pas frôler ou toucher les parties sensibles. Bien au contraire, il les effleurait à chaque passage faisant frémir la belle un peu plus chaque fois. Il fut tenté de ponctuer les frissons d’une tape mais se retint. Certes, il la fesserait d’abondance mais plus tard, quand elle serait si chaude qu’elle n’aurait d’autre choix que d’en subir l’humiliation. Désormais, il laissait parfois son index s’échapper vers le sexe parfaitement lubrifié de Frédérique. Il ne le laissait pas longtemps, juste le temps qu’elle prenne conscience de sa présence et donne des signes d’empathie. Un mouvement du bassin, un déplacement de la jambe… il le retirait aussitôt. Elle devait bouillir de rage à cause de ces interruptions répétées. Cela le fit sourire.
Il modifia un peu sa façon de faire en s’attaquant à la seconde cuisse. Sa main gauche étant moins agile que la droite, il inversa sa position et joua de l’auriculaire. Ses assauts en furent plus discrets mais cette option avait un avantage insoupçonné, celui de sentir, le long de sa cuisse, le moindre frémissement du corps de Frédérique.
***« Il me tue » se dit Frédérique qui ne boudait pas son plaisir. Jamais, jusqu’à présent, il n’avait réussi à tendre son corps comme il le faisait à cet instant. Cela la rendait folle de penser qu’ils venaient de gâcher deux ans avec des jeux d’enfants quand ils étaient, l’un comme l’autre, capables de ces jeux d’adultes. Elle gémissait, hoquetait, sursautait de plaisir à chaque fois qu’il poussait un peu plus ses caresses. Elle était au bord de l’orgasme, elle le sentait là, dans son ventre, prêt à bondir et à tout engloutir. Mais Frédéric lui refusait ce saut dans l’inconnu, interrompant ses manœuvres à chaque fois. Pourtant, elle devait jouir, il le fallait absolument sinon elle deviendrait folle. Elle le savait, c’était écrit.
Quand il se retourna, elle sut qu’il lui interdirait de se laisser aller alors, lasse de tenter toujours de voler son orgasme, elle capitula.
- Tout ce que tu voudras, lâcha-t-elle dans un râle.
Il se leva et elle sentit son corps s’appesantir sur elle. Il la couvrait de la façon la plus possessive qui soit, bloquant ses jambes de ses jambes, bloquant son dos avec son torse, bloquant ses bras avec ses mains. Elle se sentit possédée bien plus que s’il l’avait prise.
- Tout ce que je voudrai… Tu ignores à quoi tu t’exposes… Redis-le !
Ce n’était qu’un murmure à son oreille mais elle comprit qu’elle venait de réveiller un Frédéric qu’elle ne connaissait pas bien qu’elle l’eu toujours cherché derrière son amant policé. Mais maintenant qu’il était là, elle avait peur. Elle n’osait pas se répéter. Il insista.
- Redis-le !
Aucun son ne sortit de sa bouche pourtant entrouverte. Elle était figée par la crainte de l’inconnu. Il réitéra son exigence pour la troisième fois.
- Redis-le !
Le ton était monté d’un cran, il ne murmurait plus il parlait, d’une voix posée et ferme, habituée à donner des ordres. Une voix qu’elle entendait pour la première fois.
Frédérique lui répondit par un silence prolongé. Il se le tint pour dit : il se leva.
Il se leva puis s’accroupit face au visage de la femme. Il la regarda et lâcha :- Trouillarde !
Et sans attendre la réponse, il s’éloigna.
Elle blêmit. C’était tellement vrai.
Elle se souvint qu’un jour, alors qu’il discutait avec des amis à elle, il traita l’un d’entre eux de con. Bien sûr, celui-ci prit la mouche et Frédéric, avec tout le sérieux possible l’acheva d’une phrase : « Ce n’est pas une insulte, juste une constatation ; vous avez la connerie comme d’autres ont le cancer, vous n’y pouvez rien ! il y a cependant une consolation que n’auront jamais les cancéreux, nous avons tous nos cons et vous aurez les vôtres comme j’ai les miens. Je trouve cela plutôt réconfortant. » Il ne l’avait pas insultée, juste constaté : « trouillarde ! » C’est bien ce qu’elle était.
***Frédérique s’éveilla après une nuit agitée durant laquelle tout l’avait fui : le sommeil et le plaisir. « Trouillarde ! » Ce mot, cette voix qui le prononçait l’avaient, en revanche accompagnée durant toute sa longue veillée et elle n’avait réussi ni à le faire taire ni à l’apprivoiser. Pour le chasser, elle avait tenté de se caresser mais le souvenir des mains de Frédéric sur ses cuisses, celui de son doigt dans son sexe, avaient fait fuir le plaisir ; pas le désir, qui était toujours là, présent au creux de son ventre. Alors, elle s’était tournée dans son lit pour tenter de dormir, le désir et se mot l’en empêchèrent. A tel point qu’elle se demanda si ce mot, ou le ton sur lequel il avait été prononcé, ne s’ajoutait pas au désir initial qu’elle avait ressenti. Ce n’était pas très clair dans son esprit mais il y avait quelque chose comme ça qui l’agaçait, au sens sexuel du terme. En tous cas, elle était toujours excitée et même plus encore que la veille. La journée allait être difficile.
***Frédéric, apparemment serein, grimpa les quelques marches qui le séparait du loft. Il tenait un plateau dans les mains sur lequel reposait un bol de café au lait fumant et quelques croissants. Le petit-déjeuner préféré de Frédérique.
- Debout feignante, il est bientôt dix heures et on a du boulot.
Frédérique le regarda avec étonnement. Il agissait comme si rien ne s’était passé or, elle en avait bien le souvenir, il s’était passé quelque chose dont elle avait eu peur. Mister Hyde était apparu.
- Bonjour Dr Jekill, dit-elle en se croyant maligne. Que fais Mr Hyde ce matin ?
- Il attend que Beatrix lui répète avec autant de conviction, sa petite phrase d’hier soir – répondit-il du tac au tac.
Le rouge monta au visage de Frédérique en une fraction de seconde, la convainquant qu’elle aurait mieux fait de se taire. Heureusement pour elle, Frédéric éclata de rire et désamorça de ce fait une situation bien gênante pour elle. Du moins le crût-elle.
- Ne t’en fait pas, ni lui ni moi n’iront raconter cette histoire. Ton secret sera bien gardé.
- Quel secret ? ne put-elle s’empêcher de demander. Le fait que je sois une trouillarde ?
- Plutôt le fait que tu n’oses pas aller au bout de tes désirs et encore moins au bout de tes fantasmes… A moins que tu ne sois vraiment qu’une petite fille sage qui se donne des airs de canaille. C’est possible aussi. Quoique je n’en sois pas certain.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis…- Alors, demande à ta croupe si elle a apprécié d’être fessée ou… Prends ton petit déjeuner et oublie tout le reste.
Frédéric avait la sale habitude de clore les discussions en s’en allant après une sortie péremptoire à laquelle il était toujours difficile de répondre du tac au tac. Ce ne fut pas le cas ce matin-là. Il resta près de la jeune femme, la regarda en souriant et se tut, tout simplement. Au passage, il lui chipa un croissant qu’il dévora à pleine dent.
Frédérique tenta, sans vraiment y parvenir, de rester impassible face à l’attaque du jeune homme, en se concentrant elle aussi sur les croissants. Le rose de ses joues trahit cependant son émoi. Oui, elle avait aimé cette sensation de chaleur quand la main de Frédéric avait heurté sa chair… fusse à travers l’épais tissu de son peignoir. Oui, elle était émoustillée par le fait qu’il en parle aussi facilement, aussi crûment. Elle goba une énorme bouchée de viennoiserie pour ne pas dire les mots qu’il attendait. Elle ne fit que retarder l’échéance mais, elle en était pleinement consciente, à un moment ou à un autre, ils lui échapperaient.
Le petit déjeuner s’acheva sur ce non-dit. Un de plus pensa-t-elle. C’était un peu le résumé de leur histoire, Frédéric ne s’étant jamais montré très bavard sur son passé ou sur ce qu’il ressentait au jour le jour. Il se contentait d’être gentil, prévenant et, malgré la certitude qu’elle avait qu’il pouvait être bien plus que cela, il ne s’était jamais vraiment « lâché », avec elle. La patience de Frédérique avait fini par s’émousser puis disparaître : elle l’avait quitté. Et voilà qu’aujourd’hui, il révélait une facette de lui qu’elle soupçonnait sans l’avoir jamais vue. Elle était curieuse d’en savoir plus mais l’inconnu, comme tout inconnu, lui faisait peur et l’excitait. Elle aurait aimé qu’il agisse, la veille au soir. Au lieu de ça, il avait exigé qu’elle répète les cinq petits mots qu’elle avait prononcé : « Tout ce que tu veux… ! » et elle n’en avait pas eu la force. Il l’avait traité de trouillarde mais il lui avait foutu la trouille, parce qu’il l’avait confronté à son désir et que, dans son cas, cela fait peur. « Demande à ta croupe si elle a apprécié ! » avait-il dit quelques minutes auparavant… Sa croupe… Il ne la traitait plus en femme. Elle dut se rendre à l’évidence, elle aimait ça, elle en avait envie…Elle ouvrit la bouche pour parler mais la referma aussitôt. Cela n’échappa pas à Frédéric qui se contenta de sourire, narquois. Il se leva, désigna un carton : « Où ? » dit-il.
***Le carton contenait l’attirail de peintre de Frédérique. Il ne l’avait jamais vu s’en servir et bien qu’il ait pu apprécier une de ses toiles religieusement exposée chez sa mère, celle-ci remontait à une dizaine d’années. Depuis, plus rien, l’inspiration avait quitté la jeune artiste. Il pensait que c’était dommage parce qu’il était sûr de son talent. Souvent, il lui avait conseillé de reprendre le pinceau mais rien n’y faisait, les soies restaient muettes.
Comme elle aussi restait muette, il décida de ranger toutes ces affaires dans un petit meuble qu’il installa près de la fenêtre la mieux disposée. Il fit prendre le même chemin au chevalet qu’il disposa face à la fenêtre et posa dessus une toile blanche.
Frédérique le regarda faire en pinçant les lèvres, incapable de réagir à l’humiliation qu’il lui faisait subir (inconsciemment ?) en révélant son impuissance à peindre. Elle se détourna du spectacle, honteuse qu’il ait réussi, sans un mot, à la faire se sentir nulle à ce point. Honteuse aussi d’en être excitée. Il ne se conduisait plus en amoureux, il était devenu quelqu’un d’autre qu’elle ne savait pas définir mais qui lui plaisait.
- Tout ce que tu veux… ! dit-elle dans sa tête en remuant à peine les lèvres.
Elle le répéta pour elle-même, toujours aussi silencieusement. Une fois puis deux fois puis… Elle s’entraînait avant de le dire à haute voix. Et c’était de plus en plus fort à chaque redite. Jusqu’à ce que les sons franchissent le pas de sa gorge.
- Tout ce que tu voudras !
Elle était passé du présent au futur sans en avoir conscience. Il avait libre cours. Elle venait de se donner.
***- Répète !
L’ordre fut sec et immédiat.
Frédéric se redressa pour la regarder. Elle se tenait assise sur le bord du canapé, elle regardait ses pieds en se tordant les mains.
- Tout ce que tu voudras ! répéta-t-elle d’une petite voix timide, presqu’inaudible.
- Qu’est-ce que tu dis ? Je n’entends pas…Il accompagna sa phrase du geste habituel, portant la main à son oreille. Elle répéta, plus fort, sans toutefois changer de ton ou d’attitude. Il s’approcha d’elle et la fit tomber à genoux. Il saisit son menton, la forçant à le regarder dans les yeux.
- Répète !
Elle ânonna la phrase. Le visage de Frédéric était si dur, si fermé qu’elle prit peur. Mais elle était allée trop loin pour reculer. D’ailleurs, elle se sentait piégée : avancer, reculer, les deux options l’effrayaient à égalité. Elle sauta dans l’inconnu quand il exigea :- Mieux que ça !
- Tout ce que vous voudrez ! répondit-elle.
***Elle l’avait vouvoyé sans intention. Mais c’était logique. L’homme qui lui faisait face était un inconnu. Ce n’était pas le Frédéric qu’elle connaissait mais un homme puissant, impassible et dominateur ; tout le contraire de son ex.
Mister Hyde !
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