0215 Balade avec mon mec.
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 19-10-2019 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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0215 Balade avec mon mec.
Après la bonne pipe du matin, mon Jérém bondit du lit, l’air gai comme un pinson. On dirait que l’idée de la balade avec Charlène lui fait très plaisir. J’aime penser que le fait qu’elle ait compris et accepté ce qu’il y a entre nous deux le fasse se sentir bien.
Le bogoss disparaît dans la petite salle de bain, sans vraiment fermer la porte derrière lui. Je l’entends siffloter, alors que son jet dru du matin tombe lourdement dans les wc, suivi du bruit de la chasse d’eau.
« T’as l’air tout guilleret toi » je lui lance, alors que je l’entends tirer le rideau et ouvrir l’eau de la douche.
Et là, je le vois revenir d’un pas rapide, et s’approcher du lit. Le bogoss se glisse sur moi, m’embrasse et me chuchote :« J’aime bien me réveiller à coté de toi… ourson ».
« Ourson ? ».
« Ca ne te plaît pas ? ».
« Si, si… mais tu ne m’as jamais appelé de cette façon ».
« Ca m’est venu comme ça ».
« Pourquoi ourson ? Je ne suis pas poilu ».
« Mais tu es tout doux, tout mignon, comme un ourson, et moi j’ai envie de te prendre dans mes bras » il me répond, tout en me serrant très fort entre ses biceps puissants et en me faisant des bisous.
« Je suis un ourson alors » j’accepte volontiers ce petit surnom.
« Un ourson tantôt tendre, tantôt chaud comme la braise » il me lance, en quittant le lit, avec un sourire doux et adorable.
« Moi aussi j’aime me réveiller à coté de toi » je finis par me rappeler de lui répondre, alors qu’il est à nouveau debout.
« Et j’ai aussi aimé cette pipe… » il me balance, en se dirigeant une nouvelle fois vers la salle de bain.
« Coquin ! » je lui lance assez fort pour qu’il l’entende par-dessus le bruit de l’eau de la douche.
« C’est qui qui a commencé ? » il me relance, en apparaissant juste à moitié, le visage et les pecs, sur le côté de la porte, l’air canaille à tomber « moi je n’étais même pas réveillé… ».
Il n’a pas tort, et je me contente de lui sourire. Quant à Jérém, il pousse sa canaillerie jusqu’à me balancer un sourire incendiaire et un clin d’œil explosif, avant de disparaître sous la douche.
Je suis très touché par ses mots : « j’aime me réveiller à coté de toi », c’est mignon et adorable. Mais il y a autre chose qui me touche encore davantage, qui me fait vibrer, qui me fait rêver. Un simple mot, inattendu et pourtant tellement chargé de significations.
« Ourson ».
Ourson. Je trouve ça adorable. Ourson. C’est mignon comme tout. Je suis son ourson. Ça me plaît. Mon Jérém ne cessera jamais de me surprendre et de me faire kiffer. Et de me rendre heureux. Au-delà de mes espoirs les plus fous.
Jérém vient de passer sous la douche et le bruit de l’eau change illico de tonalité. Avant de retomber dans le bac, elle atterrit désormais sur ses cheveux bruns, sur ses épaules, elle ruisselle sur sa peau, sur ses muscles, elle glisse sur sa queue. J’hésite à aller le rejoindre, mais en même temps je suis tiraillé par une autre envie, celle de voir débouler sa bogossitude « après douche », de le voir sortir de la salle de bain tout beau, tout propre, les cheveux encore humides, la peau fraîche, le déo entêtant, le t-shirt moulant, le boxer bien rempli.
Aussi, je trouve très excitant d’imaginer mon bobrun sous la douche, juste en écoutant les bruits, les sons, comme une symphonie de la bogossitude, capables de m’apporter des images très évocatrices. Ça commence par le petit claquement du bouchon du flacon du gel douche qui s’ouvre, ça continue avec le sifflement du liquide dense qui gicle du petit orifice sous l’effet d’une pression plutôt virile, ça s’envole au rythme des frottements de ses doigts qui savonnent ses beaux cheveux bruns, des claquements de ses paumes qui astiquent sa peau mate, ses pecs, ses abdos, ses aisselles, sa queue.
Autant de bruits, associés aux sensations olfactives, comme le parfum du gel douche qui se répand dans toute la maison à la vitesse de la lumière et qui vient violemment titiller mes narines, que mon cerveau traduit en images, des images très excitantes.
Tellement excitantes que je ne peux m’empêcher de commencer à me caresser moi aussi. D’autant plus que cette petite pipe m’a bien mis la trique et que je n’ai toujours pas joui. Ma queue ne se fait pas prier pour afficher le garde à vous. Je me branle en écoutant mon Jérém se doucher et en repensant au gabarit de sa queue qui remplit ma bouche, à ses giclées puissantes, à son goût de mec qui persiste sur ma langue. Mon excitation monte rapidement. Et lorsque je repense à la délirante sensation de mon gland collé à sa rondelle, sur le point de glisser dedans, l’orgasme me prend par surprise. Des bonnes giclées bien lourdes aspergent mon torse, jusqu’à mon cou.
C’était terriblement bon. L’orgasme passé, je me sens envahi par une profonde sensation de bien-être, comme si chaque cellule de mon corps et chaque neurone de mon cerveau étaient heureux. J’ai l’impression de planer. Je me sens presque stone. Je prends une profonde inspiration et je m’empresse de m’essuyer. Je dois lutter contre l’envie de me glisser sous les draps et me rendormir une nouvelle fois.
Je regarde par la fenêtre, il fait beau. Ça s’annonce bien pour la balade. Je me demande comment vont se passer ces « retrouvailles » avec Charlène, après cette soirée géniale, après cette mise au point avec Jérém, tout aussi géniale. Je me demande si le sujet de la relation entre Jérém et moi va revenir sur le tapis. J’imagine que si ça doit venir, ça ne pourra venir que de la part de Charlène. Je vois mal Jérém en parler de son propre chef, et je ne vois pas comment je pourrai parler de ça sans prendre le risque de gêner mon bobrun.
J’espère vraiment que Charlène va vouloir en savoir un peu plus sur notre relation. J’ai hâte de voir comment Jérém va réagir, et ce qu’il sera en mesure d’assumer. J’espère vraiment qu’il va accepter la complicité et la main tendue de Charlène, et que cela va l’aider à avancer durablement.
Le bruit de l’eau de la douche vient de s’arrêter. J’entends le rideau de douche s’ouvrir. J’entends le beau mâle ruisselant d’eau faire un pas en dehors du bac, saisir la serviette. J’entends la serviette frotter ses cheveux, sa peau mate. J’entends le sifflement prolongé de son déo parfumant généreusement ses pecs, ses abdos, ses aisselles. Une seconde plus tard, le parfum du déo envahit à son tour mes narines, assomme ma raison. J’entends des glissements légers de coton sur la peau, le bogoss est en train de s’habiller. J’entends le chuintement du gel pour cheveux sortant de son flacon, le bobrun soigne son brushing. Rien que des bruits, et l’odeur de son déo, et j’ai envie de lui. Je bande à nouveau. Instinctivement, j’attrape un bout de drap pour dissimuler ma trique.
Quelques instants plus tard, mon bobrun déboule dans le séjour, les cheveux humides d’eau et de gel plaqués en arrière, un t-shirt gris épousant de façon vertigineuse ses pecs et ses biceps, un boxer rouge du meilleur effet, dont la poche est bien remplie, bien suggestive.
Le bogoss avance avec sa démarche de jeune mâle satisfait de son corps, baladant à la fois nonchalamment et avec panache sa jeune virilité. Sacré mec, mon Jérém.
En le regardant, je me surprends à repenser à ce qui s’est passé, à ce qui a failli se passer, cette nuit. Je me demande si je ne l’ai pas tout simplement rêvé. J’ai du mal à imaginer qu’un mâle comme Jérém, un mec aussi viril, puisse avoir envie de ça. J’ai toujours imaginé mon bobrun comme étant actif, et uniquement actif.
Certes, depuis que je suis venu le rejoindre, il m’a sucé à de nombreuses reprises. C’est bon, terriblement bon. Et il a l’air d’y prendre goût. Mais la sodomie, je ne sais pas. Mon bomâle qui a envie de se faire prendre ? Lui, si macho encore il n’y a pas si longtemps, assumant le rôle de passif ? J’ai du mal à le croire. Et pourtant, ça avait l’air si réel. Une partie de moi a envie d’en avoir le cœur net. Mais pour cela, il faudrait en parler avec le direct intéressé. Conversation potentiellement dangereuse.
En tout cas, moi j’ai vraiment kiffé. C’est fou comme, même en étant passif, j’arrive à ressentir des envies d’actif quand le mec en face de moi sait toucher les cordes sensibles pour réveiller mon côté « petit mec ». Après m’avoir fait sentir longtemps à lui, après m’avoir rendu passif et soumis à sa virilité, Jérém sait aussi me donner envie de jouir comme un mec actif.
J’avais ressenti cette envie avec Stéphane, qui m’avait fait ma première pipe, et dans une moindre mesure avec Martin. Mais avec Jérém, c’est tellement plus puissant. Ce mec me fait vibrer comme personne d’autre. Lorsqu’il me suce, il sait réveiller en moi des envies de mec actif et même « dominant ». Non pas dans le sens de jouer au petit macho, de vouloir soumettre l’autre. C’est plutôt dans le sens d’avoir envie d’exprimer mon côté masculin, et de sentir que cela peut faire de l’effet. Je sais qu’en tant que passif je peux donner du plaisir. J’ai envie de sentir que je peux en donner aussi en tant qu’actif. Et cet aperçu de sodomie active, m’a donné envie de découvrir comment c’est « de faire le mec ». J’ai envie de goûter à ça. Est-ce qu’il sera prêt un jour à assumer cette envie ?
Oui, une partie de moi a envie d’en parler, de savoir ce qu’il a ressenti, s’il a eu mal, s’il a envie de recommencer. Mais une autre partie me dit que ce n’est pas une bonne idée, qu’il est des choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas mettre des mots. Au fond de moi, je sais ce qui s’est passé. Et lui aussi sait ce qui s’est passé. Si l’envie est là, elle se manifestera à nouveau. Il suffit d’attendre. Je décide d’écouter sagement cette dernière partie de moi.
Le bogoss en t-shirt et boxer vient de s’arrêter au pied du lit et il me regarde fixement.
« Qu’est-ce qu’il y a ? ».
« Toi t’es un vrai coquin » il me balance, en hochant instamment la tête, un petit sourire plein de malice au coins des lèvres.
« Pourquoi tu dis ça ? ».
Jérém monte sur le lit, s’approche de moi, il lève le drap et découvre ma queue raide.
« Moi je pense que tu t’es branlé pendant que j’étais sous la douche ».
« Non… » je lui mens, juste pour le plaisir de me faire prendre en flagrant délit de coquinerie.
« Si… ».
« Comment tu sais ? ».
« Tes joues sont toujours bien rouges après que t’as joui ».
« T’as remarqué ça, toi… ».
Son regard bien lubrique semble vouloir transpercer le mien et pénétrer mon esprit.
« Et aussi, t’as oublié d’essuyer ça » il ajoute, tout en se penchant sur moi et en passant sa langue dans le creux de mon cou, pour essuyer ce qui devait être une dernière trace brillante de ma jouissance. Décidemment, mon bobrun a bien changé. Ou bien, tout simplement, il ne fait qu’écouter ses envies.
En attendant, le corps puissant et fraîchement douché et au déo captivant de mon bobrun contre le mien me donne de sacrées envies. Je regrette déjà de m’être branlé. Si ma libido n’était pas au plus bas, en phase de réamorçage, je lui sauterais bien dessus.
Le bogoss m’embrasse et sur ses lèvres et sur sa langue je retrouve un goût qui n’est pas le sien, mais le mien.
« Allez à la douche ! » il me lance. Je le regarde quitter le lit et se balader dans la maison, promenant sa bogossitude avec une nonchalance, avec un naturel déconcertants, très mec, très viril, dégageant une sensualité torride, comme une aura, un fluide qui ensorcèle.
Le bogoss ajoute du bois dans la cheminée et s’attelle à la préparation de la cafetière. Je ne peux détacher les yeux de lui, tout en me disant à quel point ce petit con est sexy avec son beau t-shirt gris et son boxer rouge, lorsque mon téléphone émet le couinement caractéristique de l’arrivée d’un message.
« T’as du réseau, toi ? » me demande Jérém.
« A peine » je lui réponds, en découvrant une misérable barre de réseau sur mon écran. J’ouvre les messages et j’y trouve un sms de mon pote Julien :« Alors, tu t’es marié ? Enceinte ? ».
C’est bien une réflexion d’hétéro, ça ! Croyant comme beaucoup d’hétéros que les gays aiment parler d’eux au féminin, et pensant que c’est drôle. J’imagine sa façon de le dire, avec coquinerie et bienveillance à la fois. Et en fait, ça me fait sourire.
« Alors, c’est qui ? ».
« Juste un pote qui me demande des nouvelles ».
« Le mec avec qui tu étais le soir… ».
« Non, son collègue, le mec qui m’a fait les cours de conduite ».
« Le blond… ».
« Tu te souviens de lui… » je m’étonne.
« Vite fait ».
Soudain, je me rappelle d’un cours de conduite avec Julien cours pendant lequel on était passé devant la brasserie où Jérém travaillait à l’époque. Je me souviens qu’on s’était arrêté au feu rouge pas loin de la terrasse, et je me souviens du regard noir que mon bobrun m’avait lancé en me voyant en voiture avec le beau moniteur. Un regard tellement noir qu’il avait attiré l’attention de ce dernier, qui avait bien saisi sa jalousie.
« Il est pd lui aussi ? ».
« Non, il est très hétéro ».
« Comment tu sais ? ».
« On a discuté un peu, et on est devenus potes ».
« Il t’a dragué ? ».
« Non, mais il a compris pour moi… ».
« Tu l’as maté ? ».
« On ne peut pas ne pas mater un mec comme lui ».
« Ah bon… ».
« Il est presque aussi canon que toi. Je dis bien… presque… ».
« Tu le kiffes ? ».
« Il est beau et il est sexy, je ne vais pas te mentir. Mais t’as pas à t’inquiéter. Déjà, il n’aime que les nanas. Et puis, surtout, je suis trop bien avec toi, je n’ai vraiment pas envie d’aller voir ailleurs ».
« Tu dis ça maintenant… ».
« Ca sera la même chose quand tu seras à Paris ».
Ça me fait bizarre de me retrouver à rassurer Jérém sur mes éventuelles tentations lorsqu’il sera loin de moi, alors que je n’arrête pas de m’inquiéter au sujet des tentations certaines auxquelles il sera exposé dans le milieu dans lequel il va évoluer, lorsqu’il sera un sportif connu, en plus qu’être un bogoss sexy en diable.
Quand il aura goûté à ce monde-là, est-ce qu’il se souviendra longtemps de moi, de ce week-end à la montagne ? Pendant un temps, la magie pourra peut-être perdurer, mais jusqu’à quand ?
J’imagine qu’il aura toujours besoin de briller, de vouloir être au centre des attentions comme il l’a toujours été. Et sans doute encore plus qu’avant, car il va désormais devoir se faire à nouveau une place, dans un monde inconnu, et plus difficile à conquérir.
J’ai peur qu’il cède bien trop rapidement aux pièges auxquels faisait allusion Daniel, qu’il ne se contente pas de vouloir montrer qu’il est le meilleur sur le terrain de rugby, mais qu’il veuille aussi montrer qu’il est le meilleur au lit avec les nanas, ne serait-ce que pour dissimuler ses véritables penchants. J’ai peur que, malgré ses sentiments sincères aujourd’hui, Jérém ne cessera pas d’avoir envie de plaire, de séduire, d’affirmer sa virilité conquérante, y compris face à d’autres mecs qu’il ne manquera pas de rencontrer sur son chemin, des mecs comme le Romain du On Off par exemple.
Soudain, je repense une nouvelle fois à ce qui a failli se passer cette nuit. Est-ce que Jérém a vraiment envie de ça ? Quand sera-t-il à mesure de l’assumer ? Quand aura-t-il envie de ressayer ? Un peu plus tôt dans la journée je me suis dit que si l’envie est là, elle se manifesterait à nouveau et qu’il suffirait d’attendre. Le fait est que je n’ai pas ce temps d’attendre. Nous ne sommes pas vraiment un couple, nous ne vivons pas ensemble. Dans quelques jours, Jérém sera à Paris, et moi à Bordeaux. Nous nous verrons au mieux une fois par semaine, le week-end, certainement moins. A Paris, il pourra avoir autant de mecs qu’il voudra, des mecs autrement plus expérimentés que moi, et qui sauront s’y prendre pour satisfaire cette envie, cette curiosité. Est-ce qu’il saura m’attendre, ou est-ce que sa curiosité et son impatience vont le pousser à aller chercher ailleurs ce que je n’ai pas su lui apporter ?
Jérém est-il vraiment « impatient » d'essayer ça ? Bien sûr, j’ai du mal à l’imaginer céder plus ou moins facilement son statut de mâle actif à un autre mec inconnu. Car ce serait, de son point de vue, je pense, une façon de « se rabaisser », et je ne sais pas si ça c’est quelque chose qu’il pourrait accepter. Mais si je ne lui donne pas ça, si je m’y prends mal, est-ce qu’il aura envie de ressayer avec moi, d’autant plus que es occasions vont se faire rares ? Est-ce qu’il aura envie d’attendre ? Tôt ou tard, le désir est toujours plus fort du plus fort des tabous. Il suffit pour cela de le laisser inassouvi assez longtemps. Est que les tentations parisiennes n’auront pas un jour raison de ses tabous ?
Et j’ai bien peur que, face à ces tentations, ses promesses de ne plus me faire souffrir seront bien fragiles. D’ailleurs, il a bien dit « Je ne sais pas comment je vais gérer quand je serai à Paris… ».
Oui, quand je pense à sa future vie parisienne, je suis mort d’angoisse. Mais en attendant, la jalousie et l’inquiétude que je décèle dans ses questionnements à peine voilés vis-à-vis de l’avenir de notre relation, me touchent profondément. J’ai envie de le rassurer. Je me lève, je m’approche de lui et je le serre dans mes bras.
« Tu seras toujours mon Jérém à moi, personne ne pourra prendre cette place, personne ».
Je lui fais des bisous dans le cou, sur la joue. Le bogoss se laisse faire. Je sens qu’il en a envie, qu’il en a besoin. Il tourne la tête, ses lèvres cherchent les miennes. C’est tellement bon ça, ces moments de complicité, cette envie de câlins, être l’un contre l’autre, les corps et les esprits si proches.
Je pars enfin à la douche. Je ne traîne pas dans la salle de bain, je reviens le plus vite possible auprès de mon bobrun. Je sais que le temps m’est compté, alors j’ai envie de profiter de chaque instant que nous pouvons passer ensemble. D’autant plus que, dès que le contact visuel est coupé, mon Jérém me manque. Je deviens accroc à sa présence.
Lorsque je reviens de la douche, le café vient tout juste de couler, son arôme sature l’air du petit séjour. Jérém nous en sert deux grandes tasses. J’adore ces petits déjeuners avec mon Jérém. Car ces petits déjeuners marquent à chaque fois le début d’une nouvelle journée de bonheur ensemble. Une nouvelle journée arrachée au temps.
« Allez, on est partis ! » fait le bogoss après avoir avalé sa tasse d’une seule traite, se levant de la chaise presque d’un bond.
Décidemment, Jérém a l’air bien en forme. Je le regarde passer son pantalon d’équitation, le pull à capuche gris, le même qu’il portait lorsqu’il était venu m’attendre à la halle. Je le regarde chausser ses boots, glisser son paquet de cigarettes dans la petite poche du pantalon. En une minute chrono, mon bobrun est prêt à partir. Décidemment, dans sa tenue de cavalier, il est terriblement sexy. Et pour rajouter un côté insoutenable à sa sexytude incandescente, voilà qu’à la faveur d’un étirement matinal, le bas de son t-shirt gris se lève un peu, une fine ligne rouge de l’élastique de son boxer apparaît au-dessus du bord du pantalon, ainsi que quelques poils en dessous de son nombril. C’est craquant.
« Alors, tu t’habilles pas ? » il me lance.
« Si… si… » je lui réponds, en m’activant enfin.
« Je t’attends dehors » fait le bogoss en sortant dans le jardin pour se griller une clope.
Je finis de m’habiller en vitesse. Je rejoins mon bobrun et je lui propose de prendre ma voiture, ce qu’il accepte de bon gré. Ça me fait plaisir qu’il monte dans ma voiture. J’ai envie que le siège, les tissus, les plastiques s’imprègnent de son déo et de sa présence.
Avant d’aller chez Charlène, nous faisons un petit détour par la superette de Martine pour acheter notre casse-croûte de midi.
« Alors, les garçons, ça va bien depuis hier soir ? ».
« Ça va, ça va » fait Jérém.
« Oui, très bien » je lui réponds « la fondue était très bonne, je crois que je n’en ai jamais mangé d’aussi bonne »« Merci, c’est gentil, mais je suis savoyarde, la fondue c’est dans mes gènes… et dans mes hanches » elle rigole.
« Allez, on est attendus, on va prendre deux bricoles et on y va » fait Jérém en baillant.
« Mais vous avez de petits yeux, les garçons, la nuit a été courte on dirait… ».
Son regard est perçant, plein de malice. Quelque chose dans ce regard me fait dire qu’elle aussi a compris pour Jérém et moi. de plus, sa façon de nous appeler « les garçons » sonne étrangement allusive à mes oreilles.
« Non, ça va » fait Jérém en partant dans les petits rayons.
Je le rejoins et j’en profite pour prendre un appareil photo jetable. J’ai envie de faire des photos, d’immortaliser ce moment, ces montagnes, ce bonheur. Et par-dessus tout, j’ai envie d’avoir quelques photos de mon Jérém. Je n’en ai toujours pas, à part les trois que m’a données Thibault. Je sens que j’en aurai besoin quand il sera à Paris. En parlant de Thibault, il faut absolument que j’aille le voir dès que je serai de retour sur Toulouse.
« Vous faites quoi aujourd’hui ? » nous questionne Martine pendant qu’elle fait l’addition de nos courses.
« On repart en balade » fait Jérém.
« Alors, bonne balade ! ».
« D’abord on va aider Charlène à soigner les chevaux, après on prend le petit déjeuner et on part avec elle ».
« Ah, c’est pas une balade en amoureux du coup ».
« Mais ta gueule ».
« Il est ronchon, ton pote, ce matin, non ? » elle fait, en s’adressant à moi « il s’entraîne pour quand il sera à Paris… ».
Sa réflexion me fait rire. Mais pas Jérém.
« Tenez, je vais vous donner quelques chouquettes pour le petit déj. Vous m’en direz des nouvelles ».
« Elle est marrante cette Martine. Et très gentille » je lance dès que nous sommes en voiture.
« Elle est chiante, surtout ».
« Pourquoi tu dis ça ? ».
« Elle est toujours en train de fouiner… ».
Je tends une chouquette à mon bobrun qui la dévore d’une seule bouchée, l’air contrarié. J’en goûte une à mon tour. C’est vraiment super bon ça.
« Tu crois qu’elle a compris pour nous ? ».
« Je n’en sais rien, mais je la connais, si elle a un doute, elle va faire des pieds et des mains pour savoir… et elle va cuisiner Charlène jusqu’à ce qu’elle parle… ».
« Je pense que Martine est une nana aussi cool que Charlène ».
« Peut-être, mais je ne tiens pas que tout le monde soit au courant. Ce qui se passe entre nous ne les regarde pas ».
« Mais regarde comment ils ont accepté Loïc et Sylvain ».
« Je m’en fous, je ne suis pas comme eux ».
« C’est à dire ? ».
« C'est-à-dire qu’eux ils aiment s’afficher, pas moi ».
Ce que Jérém vient de dire, je le partage dans un certain sens : c’est vrai, au fond, ce qu’il y a entre nous ne regarde personne à part nous. Je ne suis pas forcément prêt à m’afficher non plus devant tout le monde. Mais d’un autre côté, ça me fait chier de devoir me cacher des personnes qui, j’en suis certain, pourraient comprendre et nous soutenir.
« Passe une autre chouquette » fait mon bobrun en mode gourmand.
« Coucou les bogoss » nous accueille Charlène, l’air de fort bonne humeur.
Après les bises, nous l’aidons comme prévu à soigner les chevaux au pré et dans les box. Très vite, Jérém a chaud, et il se débarrasse de son pull à capuche. Je le regarde en train de bosser, de prendre de grandes fourchées de foin, de paille ou de fumier. Je l’observe sous l’effort, les pecs enveloppés dans ce t-shirt gris bien ajusté, les biceps en action, à un rien de craquer les manchettes. J’assiste à la formation d’une double trace de transpiration entre les pecs et entre les omoplates. Et c’est beau à en donner le tournis.
« Ah, putain, j’avais oublié à quel point c’est bon d’avoir un mec à la maison » commente Charlène en contemplant le travail accompli « avec un mec, ça va trois fois plus vite. En plus, ce matin je suis gâtée, j’en ai deux pour le prix d’un ».
« N’y prends pas trop goût » fait mon bobrun.
« Ca m’est de plus en plus pénible de m’occuper des chevaux, avec mon genou en vrac ».
« Tu devrais embaucher quelqu’un ».
« J’attends patiemment ma retraite dans deux ans… ».
« Et tu comptes faire quoi, après, du centre ? ».
« Si ma fille veut le reprendre, je l’aiderai à s’installer. Mais je doute qu’elle en ait envie. Sinon, je vais essayer de le donner en gérance. Et si je ne trouve personne, je vais tout arrêter… ».
« Et moi je vais faire quoi de mes canassons ? » fait Jérém, l’air inquiet.
« T’inquiète, il y aura toujours un pré pour tes chevaux ».
« Merci… ».
Cette réponse aurait dû rassurer mon bobrun. Et pourtant, il semble toujours soucieux.
« Allez, on va prendre le petit déj, vous l’avez bien mérité ».
Pendant que Jérém s’allume une clope et se fait réprimander une nouvelle fois par Charlène, je vais chercher les chouquettes dans la voiture. En revenant, j’ai du mal à lui arracher un bisou, car il semble avant tout se soucier de ne pas être vu par Charlène. Le fond de l’air est frais, je rentre en premier, sans attendre qu’il termine sa clope.
« Ah, Nico, vas-y, assieds-toi » m’accueille Charlène.
Dans la grande cuisine, deux chiens sont en train de dévorer chacun leur gamelle de croquettes. Sur une vieille gazinière à bois qui a l’air de ne pas avoir servi depuis des lustres, un chat isabelle et obèse mange calmement son repas du matin.
Sur une moitié de la grande table, les tas de papiers et de toute sorte d’objets semblent avoir encore avoir doublé de volume par rapport à la dernière fois. Aux fenêtres, les toiles d’araignées semblent en passe de se transformer en rideaux. Le sol est toujours autant couvert de poils de chien et de poussière.
Et pourtant, cette cuisine a quelque chose de profondément accueillant. L’odeur du café et du pain grillé sature l’air de la pièce. Un petit insert dégage une chaleur douce. Sur la deuxième moitié de la table, trois bols, trois couverts et trois verres nous attendent. Il y a du jus de fruit dans une carafe, de la confiture maison dans un pot, du beurre sur une petite assiette, du pain grillé dans une corbeille. Elle ne s’est pas foutue de nous, pour nous remercier de notre aide, Charlène nous a préparé un vrai bon petit déj. Qui donne envie. D’autant plus qu’il commence à faire faim. L’exercice matinal ouvre l’appétit. La présence bienveillante de la maîtresse de maison réchauffe le cœur.
« Ça va, Nico ? ».
« Oui, très bien, j’ai faim… ».
« Vas-y, prends ce qui te fait envie ».
« Merci… ».
« Alors, ça a été après la soirée, il s’est calmé ? » fait elle en s’installant à table à son tour et en commençant à beurrer une tranche de pain.
Je suis surpris mais enchanté de cette question ouvrant une complicité inattendue.
« Oui, après que tu lui as parlé, tout s’est arrangé ».
« Vous en avez reparlé ? ».
« Oui… ».
« Et alors ? ».
« Je crois qu’il est content que tu sois au coura… ».
« Chut, il arrive » me coupe Charlène.
Ce n’est pas de la cachotterie. Mais il ne faut surtout ne pas donner l’impression à Jérém de parler dans son dos, ça le braquerait à coup sûr.
« Il fait quand même frais dehors » fait Jérém.
« Aaahhh, tu pues la clope » fait Charlène.
« Je pue le fumier aussi ».
« Mais l’odeur de la clope c’est pire. Vraiment, tu devrais arrêter de fumer ».
« Et toi tu devrais arrêter le beurre » répond le petit con du tac au tac, alors que Charlène s’apprête à avaler une pauvre tranche de pain chargée d’une couche de beurre proche du centimètre.
« C’est pas faux » fait-elle en éclatant dans ce rire sonore qui est un peu sa « marque de fabrique ».
« Bien sûr que c’est vrai ! Je pense à ton cheval, c’est lui qui va porter sur le dos toutes ces plaquettes de beurre. Surtout, tu ne montes jamais mes chevaux ».
« Mais t’es vraiment qu’un petit con ! ».
« Vielle peau ».
« Moi aussi je t’aime ».
« C’est ça… ».
« Toi aussi tu m’aimes… ».
« Je vais y réfléchir… ».
« Je t’en foutrais ! ».
« Il est aussi insolent avec toi ? » elle me demande sans transition. Nouvelle petite forme de complicité qui m’enchante.
« Il est pire… ».
« T’as du mérite, alors… » fait-elle en nous servant du café.
Jérém et Charlène n’arrêtent pas de se taquiner, et le petit déj se passe dans une bonne humeur géniale. Nous déjeunons longuement, en prenant notre temps. C’est une merveilleuse façon de bien commencer la journée. Si on n’avait pas une balade à faire, je voudrais que ce moment se prolonge à l’infini.
« Quelqu’un en veut ? » demande Charlène en saisissant une grande théière en fonte posée au coin de la table.
« Garde ta bouillasse » fait Jérém.
« Petit merdeux ! ».
« Moi je veux bien goûter ».
« C’est du thé que j’ai ramené cet été de Mongolie ».
Elle me tend une tasse et la remplit de la boisson dorée. J’allonge la main pour prendre un sucre.
« Malheur ! On ne sucre pas un thé pareil ! C’est pas du Lipton ! Tu vas couvrir tous les arômes ! ».
« Ah… ».
« Goûte d’abord, après tu aviseras ».
Je porte la tasse à mes lèvres, je goûte. Elle a raison, ce thé a un caractère, un vrai, il a un arôme, et même plusieurs arômes, ils pétillent sur la langue, dans le palais, remontent dans les narines et provoquent un feu d’artifice sensoriel dans la tête. C’est une expérience gustative qui n’a rien à voir avec celle des sachets.
« Alors, comment tu trouves ? »« C’est vraiment super bon ».
A mi-tasse, je reprends une chouquette. Les deux saveurs s’épousent à merveille.
« Tu as été en vacances en Mongolie ? » je lui demande.
« J’y ai passé un mois, en balade, à cheval. C’est la troisième fois que j’y vais. J’y retourne tous les 2-3 ans. J’adore cette région ».
« Mais tu pars comment, toute seule, à l’aventure ? ».
Charlène nous raconte sa dernière randonnée en Mongolie, avec trois de ses clients, épaulée par une famille nomade. Elle nous parle des petits chevaux de là-bas, « pas plus grands que des pottocks du Pays Basque ». Elle nous parle du mode de vie des tribus nomades, dont la seule richesse est le bétail, vaches, chèvres, chameaux, moutons, chevaux, yacks, un bétail autour duquel toute la vie de la famille est organisée. Elle nous parle de ces mecs qui s’occupent de l’alimentation du bétail (la recherche de fourrages dicte la dynamique du nomadisme) et de sa surveillance (notamment contre le loup). Elle nous parle de ces femmes qui s’occupent de tout le reste, des gosses, de la bouffe, de la traite, de travailler le lait.
Elle nous parle de ces hommes et de ces femmes qui avec peu d’outils savent tout faire, car ils ont gardé un bon sens paysan qui leur permet de vivre, certes durement, mais en harmonie avec la nature et avec les ressources qu’elle peut offrir, sans la violenter.
Elle nous parle d’un village perdu dans la montagne, auquel on ne peut accéder que par des sentiers non carrossables. Elle nous parle d’une minuscule superette dans laquelle elle a trouvé l’« essentiel », à savoir du Coca et du Nutella. Elle nous parle d’un soir où elle a voulu faire pipi derrière un buisson et où elle s’est trouvée presque nez-à-nez avec un loup.
Elle nous parle des immenses plaines et de la solitude, des petites yourtes et de leur promiscuité, du mode de vie nomade qui ramène à l’essentiel et ignore tout ce qui est superflu.
Elle nous parle de gens simples, souriants, heureux. Elle nous parle de leur gentillesse, de leur hospitalité, de leur profond respect des traditions. Elle nous parle de gens ancrés à leurs racines qui poussent pourtant les enfants à faire des études à la ville « pour ne pas trimer comme leurs ainés ». Elle nous parle d’un mode de vie, d’un monde en cours de disparition.
« Leur simplicité, leur authenticité, leur force et leur vulnérabilité me touchent et me fascinent. Voilà pourquoi j’aime retourner dans ce pays, dans ces plaines, auprès de ces gens ».
Je suis enchanté par son récit, et j’ai envie de lui poser plein de questions. Mon bobrun semble lui aussi ravi d’entendre parler d’un mode de vie si différent de celui de nos pays, de nos villes.
Hélas, le temps nous presse, et c’est Charlène même qui nous le rappelle :« Allez, il faut quand même y aller, j’ai prévu une boucle pas trop dure mais assez longue… ».
Nous terminons nos boissons chaudes et nous allons chercher les chevaux. Unico et Téquila sont alignés devant l’entrée du paddock. Ils trépignent, comme s’ils savaient qu’ils vont partir en balade.
Jérém rentre en premier, passe le licol à Unico. En cinq secondes net, le cheval est en longe. De mon côté, c’est un brin plus laborieux. Ce matin, Tequila semble d’humeur taquin, elle n’arrête pas de mouliner avec sa tête. Lorsque j’arrive enfin à passer le licol, je l’attache de travers. J’essaie de le défaire, mais elle n’arrête de bouger, je n’arrive à rien. Heureusement, Jérém vient à mon secours. Il tire un bon coup sur le licol, la jument affiche un air surpris, et elle arrête net son cirque. Le bobrun n’a plus qu’à reprendre les lanières, boucler au bon endroit, et me tendre le licol. Dans la vie, on est pro ou on ne l’est pas. Je le regarde, il me regarde. Mon regard est plein d’admiration, le sien plein de douceur et d’indulgence. Je lui dis « Merci », il me fait un bisou. Et il part devant, avec son Unico en longe, un beau sourire au fond de son regard.
Au centre équestre, je brosse ma jument jusqu’à la faire briller de mille feux. Je mets le tapis pile au garrot, j’installe la selle, je sangle. Enfin, j’essaie, car le bidon de Tequila est énorme ce matin. Je suis obligé de forcer comme un âne pour arriver à avoir le premier trou. La selle c’est bon. Pour le mors et les rênes, là ça se complique sérieusement. Je ne sais jamais par quel bout attraper ce machin !
Une fois de plus, l’aide de Jérém est providentielle.
« Au fait, les garçons, je ne vais pas pouvoir partir tout de suite » fait Charlène en nous rejoignant.
« Comment ça ? ».
« J’avais complètement zappé qu’il y a un jeune qui doit passer ce matin pour voir Unico… ».
« C’est qui ce type ? ».
« C’est le fils d’une amie à moi qui se propose de monter ton entier cette année. Comme toi tu ne vas pas trop avoir le temps de le monter, j’imagine, ce serait dommage qu’il reste au pré sans rien faire ».
« C’est sûr ».
Les mots de Charlène me rappellent instantanément l’imminence du départ de mon bobrun pour Paris. Et la tristesse qui va avec.
« Il doit passer quand ? ».
« Il m’a dit 9h30. Il est 9h45, je pense qu’il ne va pas tarder. Tant pis, je vais l’attendre. Jérémie, t’as qu’à monter Little Black, et vous n’avez qu’à y aller, je vous rejoindrai en chemin avec Unico ».
« Je préfère l’attendre, moi. Je veux être là pour voir s’il peut faire l’affaire. Apparemment celui qui le montait cette année était nul… ».
« Ça c’est clair ».
« Allez, filez, je m’occupe du casting pour mon cheval ».
« T’es sûr ? ».
« Certain ! ».
« Ça te dit, Nico, si on part tous les deux ? » me demande Charlène.
« Oui oui… ».
« Allez, en selle, alors ! ».
Je ressangle ma jument. Maintenant qu’elle s’est détendue, j’arrive à gagner deux trous de sangle. J’attrape les rênes et le pommeau de selle, je mets le pied à l’étrier. Je sais que mon Jérém me regarde faire, je sens ses yeux bruns sur moi. Je ne veux pas le décevoir. J’ai envie qu’il soit fier de moi. Je suis les consignes à la lettre, je m’élance avec puissance et j’atterris sur la selle comme une plume. Tequila ne bouge pas une oreille, et surtout pas un sabot, ce qui m’aide bien.
« Joli » fait Charlène à mon intention.
Je capte le regard de mon bobrun. Le bogoss me sourit, il hoche la tête en signe d’approbation et de fierté. Je me sens tellement bien dans son regard. Je suis heureux.
« Il a vraiment une bonne posture » elle insiste.
« Je lui ai tout appris… » fait Jérém en souriant, le ton taquin et le regard bienveillant.
« Tu me fais confiance ? » me demande cette dernière.
« J’ai pas le choix… » je la cherche.
« Petit con toi aussi ! ».
« Tu le corriges s’il monte mal ma jument » fait Jérém.
« Tu lui as peut-être tout appris, mais moi je vais le prendre en main et le faire progresser encore ».
« Vous faites attention, surtout… ».
« Oui, t’inquiète, je vais prendre grand soin de ton chéri ! » ose Charlène.
Jérém réagit en pouffant comme si cette dernière avait dit une énormité. Mais il n’a pas l’air vexé. C’est déjà ça.
Après avoir longé les clôtures du centre équestre, nous empruntons un sentier qui grimpe, grimpe, grimpe. Chaque foulée faite nous emplit les yeux d’un paysage de plus en plus majestueux. Chaque mètre parcouru nous apporte des odeurs de terre, de végétation, d’animal, nous emplit les oreilles des bruits du cuir de nos harnachements, de la respiration de nos montures, de leurs sabots ferrés qui foulent le sol, qui résonnent contre les pierres. Le vent s’infiltre dans les frondes des arbres, souffle dans nos oreilles. La balade commence, le temps s’étire, nous changeons de dimension spatio-temporelle.
L’émotion que tout cela me procure est tellement intense que plus rien ne me semble exister au-delà du sublime paysage qui se déroule sous mes yeux.
Là, au milieu de nulle part, les soucis et les peurs s’évaporent comme le brouillard du matin sous un soleil bien chaud. Tant de beauté donne l’impression que le bonheur est à portée de main et que les obstacles qui s’interposent sont sans importance. A cet instant précis, même le départ de Jérém à Paris ne me fait plus peur. Je suis dans un état d’enchantement total.
Nous marchons toujours au pas et à un moment je me sens assez en confiance sur Tequila pour penser à sortir mon appareil photo et essayer de capturer ce beau paysage.
« Tu vas faire des photos à oreilles ? » me lance Charlène.
« Des quoi ? ».
« Quand on prend des photos à cheval, on obtient souvent des clichés avec les oreilles de sa monture en bas de l’image. C’est presque une signature. Du cavalier et de son cheval. Et on appelle ça des « photos à oreilles »… ».
Je trouve ça marrant, des « photos à oreilles ». Je vise, j’appuie sur le déclencheur. Clic, clic, clic. Une fois, deux fois, trois fois. Il faut que j’y aille mollo, je dois garder quelques poses pour prendre en photo mon Jérém. 24 négatifs, ça va vite. C’était avant le numérique, c’était une autre époque. Et pourtant, cette quantité limitée de photos, l’impossibilité de voir le résultat sur l’instant et d’effacer les ratés, ce petit rouleau qu’on devait amener à développer dans un magasin, l’attente avant d’aller chercher les photos papier, la joie de découvrir celles qu’on avait réussies, la déception de découvrir celles qu’on avait ratées, tout cela avait son charme.
Nous reprenons notre chemin. Charlène n’a pas menti, elle semble bien intentionnée à me faire progresser. D’abord, elle veut à tout prix que je trouve mon équilibre sur la selle sans me tenir au pommeau, pommeau qui est pourtant mon grand allié ainsi qu'un grand ami, car il m’inspire confiance et il est toujours là quand j’en ai besoin. « Tu t’appuies trop dessus, ça te fait prendre de mauvais reflexes ». Ensuite, elle me propose des séances de trot enlevé, séances au cours desquelles elle m'invite à relâcher les rênes pour « laisser respirer Tequila « au moins une fois chaque quart d'heure » (là encore, ce sont ses mots).
J’ai toujours pensé que dans l'équitation c'est l’animal qui se tape tout le taf. Depuis que je monte à cheval, je constate que ce n’est pas du tout le cas. Putain, qu’est-ce que c'est physique ce trot enlevé !
Entre deux exercices, nous marchons au pas. Charlène en profite pour me donner plein de conseils sur ma position en selle et sur l’écoute de l’animal. Elle a une grande connaissance et une immense expérience des équidés. En plus elle est très bonne pédagogue. C’est une passionnée, et par conséquent, sa pédagogie est passionnante.
Puis, à un moment, alors que nous marchons au pas sur un sentir relativement plat, elle lance le sujet que je rêve d’aborder depuis que le hasard a décidé que nous allions nous balader seul à seul pendant un petit moment.
« Alors, raconte, ça fait depuis combien de temps que vous êtes ensemble ? ».
« On n’est pas vraiment ensemble. En tout cas, on ne l’était pas avant ce week-end ».
« Ah bon ? Comment ça ? ».
« C'est-à-dire qu’on… couchait ensemble mais que Jérém ne voulait surtout pas que ça se sache… ».
« Ah, oui, ça j’ai bien vu ! Et alors, ça marchait comment votre relation ? »« Il couchait avec moi mais il couchait aussi avec des nanas… ».
« Et tu supportais ça ? ».
« Je n’avais pas le choix, c’était ça ou rien ».
« C’est parce qu’il n’assumait pas, parce qu’il se cherchait… ».
« C’est ça, jusqu’au jour où j’en ai eu assez ».
« Je te comprends. Et qu’est-ce qui s’est passé ? ».
« Un jour on s’est disputés, c’était peu de temps avant cet accident… ».
« Je pense que cet accident ça lui a remis les idées en place et ça lui a fait ouvrir les yeux sur ce qui était vraiment important pour lui ».
« J’aurais quand même préféré qu’il n’y ait pas besoin de cet accident pour que les choses évoluent entre nous ».
« Certes. Mais parfois il faut un électrochoc pour faire avancer les choses ».
« Tu as peut-être raison… ».
« Au fait, comment vous avez su l’un pour l’autre ? » elle enchaîne « je veux dire, je me suis toujours demandé comment vous, les homos, vous arriviez à vous reconnaître ».
« Lui il savait que je le kiffais… ».
« Et comment ? ».
« Parce que je n’arrêtais pas de le regarder, depuis le premier jour du lycée. Mais moi je ne savais pas si je lui plaisais… ».
« Et alors ? ».
« Un jour on a révisé ensemble et il a voulu que ça aille plus loin ».
« C’est lui qui a voulu ? ».
« Je le voulais aussi, mais je n’aurais jamais osé ».
« Tu l’aimes ? ».
« Comme un fou… ».
« Et lui ? ».
« Ça a été difficile jusqu’à il y a pas longtemps, mais là, je crois que oui. Même s’il ne me l’a jamais dit, je crois que oui. Depuis que je suis ici, je me sens vraiment heureux avec lui ».
« Tu sais, Jérémie c’est un peu comme un enfant pour moi. Je l’ai vu grandir, je le connais un peu. J’arrive à lire derrière les apparences. Jérémie ne sait pas mentir, et surtout il ne sait pas me mentir. Il a beau faire l’indifférent, comme tout à l’heure quand je t’ai appelé son « chéri », moi je suis persuadée qu’il t’aime vraiment ».
« Je pense, enfin, j’espère… ».
« Nan, mais t’as vu ce regard qu’il avait quand tu es monté à cheval ? C’était un regard plein d’admiration et de tendresse. Tu sais, je paierais cher pour qu’un mec me regarde de cette façon. Hélas, à mon âge c’est foutu ! ».
Je souris. Elle enchaîne :« Quand il m’a parlé de toi pour la première fois, comme d’un « pote qui allait venir quelques jours » j’ai senti qu’il avait vraiment envie de te voir. Il était fébrile à l’idée de te voir. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai senti que tu étais plus qu’un pote. Tu sais, il n’a jamais amené personne ici, aucune copine. Juste deux ou trois fois son pote Thibault. Et, maintenant, toi… ».
« Je voudrais que ce week-end ne se termine jamais ».
« C’est Paris qui t’inquiète ? ».
« Oui, la distance, et tout ce qu’il va trouver là-bas… ».
« Tu verras, vous allez y arriver, j’en suis persuadée. Il faudra juste être patient. Et persévérant. La persévérance, c’est ce qui rend l’impossible possible, le possible probable et le probable réalisé ».
« Laisse-lui le temps de s’accepter. Donne-lui autant d’amour que tu peux. Fais-le se sentir bien. Je pense qu’il est très difficile d’assumer sa sexualité quand on l’associe à la peur du regard des autres et à la honte. En dehors du plaisir sexuel immédiat, elle ne procure aucun bonheur. Mais dès qu’on associe sa sexualité à la joie et à l’amour, c’est facile d’accepter qui l’on est. C’est une chance qu’il soit tombé sur un gars comme toi. Tu l’aimes, et il le sait, et il t’aime lui aussi. Je crois que je ne l’ai jamais vu aussi heureux depuis le divorce de ses parents. Il t’aime parce qu’il est heureux avec toi. Et c’est ça qui va faire bouger les lignes dans sa tête ».
« J’espère juste que le jour où il s’acceptera, il aura toujours envie d’être avec moi, qu’il n’aura pas trouvé un autre gars qui lui plaît davantage et qui sera plus près que moi… ».
« Tu es quelqu’un de spécial pour lui… ».
« J’espère que tu dis vrai… ».
« Parce que c'est Nico, parce que c'est Jérémie… ».
« De quoi ? ».
« Tu ne connais pas cette citation de Montaigne ? On ne vous apprend donc rien au lycée ? ».
« Non, je ne connais pas, désolé… ».
« Dans ses Essais, Montaigne a écrit un long chapitre sur l’amitié, à l’intention de La Boétie, son ami disparu prématurément, et qui était probablement plus qu’un ami. Une phrase de ce chapitre est restée célèbre, car elle résume en quelques mots simples la particularité, l’intensité de cette amitié qui le liait à la Boétie : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Ça veut dire qu’il y a des amitiés, des relations, des coups de foudre, qui sont comme autant d’évidences, qui sont si fortes que rien ni personne ne peut les empêcher. Elles doivent arriver et elles arrivent ».
Les mots de Charlène me font chaud au cœur.
« Qu’est-ce que c’est beau de tomber amoureux à votre âge ! » elle me lance, sur un ton enjoué « accroche-toi, Nico, car on ne tombe vraiment amoureux qu’une seule fois dans la vie… ».
Charlène a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque nous entendons au loin le claquement des sabots d’un cheval approchant au grand galop. Je ne le vois pas encore, mais je suis sûr qu’il s’agit de mon beau Jérém. Je me retourne, impatient de le voir apparaître. Le bruit de tonnerre des sabots augmente d’intensité seconde après seconde. C’est une cadence très rapide, c’est un bruit très sonore, presque une musique, un « allegro con moto » dans lequel j’ai envie de lire son impatience de me retrouver.
Un instant plus tard, le bobrun apparaît sur son étalon, au grand galop. Qu’est-ce qu’il est beau mon Jérém sur son Unico ! Dès qu’il nous voit, il ralentit et il approche au pas.
« Eh, ben, on dirait que tu étais impatient de nous rejoindre » fait Charlène.
« Ça a été vite plié avec Gildas ».
« Alors, comment tu l’as trouvé ? ».
« Je lui ai mis les points sur les « I »… ».
« Tu lui as pas fait peur ? ».
« Non, je blague, il a l’air bien ce gars. Je lui ai fait faire un tour sur Unico dans la carrière. Ça va le faire ».
« Allez, trêve de bêtises, on continue, la boucle est encore longue » fait Charlène.
Nous marchons au pas avec pour décor un paysage magnifique. Et pourtant, il est un détail dans le paysage qui capte toute mon attention. Jérém marche désormais vingt mètres devant nous, et je ne peux détacher mes yeux de ce petit t-shirt gris qui moule ses épaules, ses biceps et souligne avec une précision redoutable le V de son torse.
« Mais regarde un peu ce dos massif ! Quand je pense qu’il était tout fin quand il était plus jeune ».
« Il est vraiment bien foutu » je confirme.
« J’adore le dos des mecs, je trouve qu’il exprime toute la puissance d’un… ».
« Mâle… » je complète sans réfléchir.
« C’est exactement ça… ».
« Moi aussi j’adore son dos ».
Oui, j’adore son dos. Et j’adore également sa position sur le cheval que je trouve très suggestive, notamment au pas. Le buste bien droit, maintenu un peu vers l’arrière, les épaules ouvertes, tous pecs dehors, le bassin qui oscille avec nonchalance au gré des pas de l’animal, mouvement qui n’est pas sans me rappeler ses coups de reins pendant la recherche du plaisir masculin. D’une certaine façon, sa position et son attitude à cheval me rappellent ses positions et ses attitudes pendant l'amour. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de domination virile. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de sensualité. Une sensualité, celle dégagée par mon Jérém en selle sur son étalon, au parfum de terre, de nature, de transpiration, qui a quelque chose de profondément sauvage, d’authentique et d’indompté.
« On va arriver dans une descente plutôt raide » m’annonce Jérém « et Tequila n'aime pas ça ».
« Ah… » je stresse.
« Tu te penches en arrière le plus possible et tu lui mets des petits coups de talon pour qu’elle avance. Il ne faut pas la laisser s’arrêter. Car si elle se plante, tu vas te faire chier pour la faire repartir ».
Je ne savais pas que mon adorable Tequila pouvait être caractérielle. On ne finit jamais d’en apprendre à cheval et au sujet de son cheval.
En effet, la descente est assez couillue, et elle m’occasionne un certain nombre de frissons. Je suis les consignes de mon bobrun à la lettre, je suis pratiquement couché sur ma jument, et je mets de petits coups de talon sur son ventre pour la faire avancer. Tout semble bien se passer lorsqu’elle s’arrête net au beau milieu de la pente, alors que Jérém et Charlène sont pratiquement arrivés en bas. Je me relève, je tape plus fort avec les talons. Rien ne se passe. Et là, je vois le bogoss descendre de son Unico, confier les rênes à Charlène, et remonter lentement la pente sous le soleil battant, jusqu’à moi.
« Je suis désolé ».
« C’est pas ta faute, elle est chiante. Passe-moi les rênes ».
« Je descends ? ».
« Tu peux rester en selle, tu risques rien ».
J’ai déjà entendu cette phrase, et je me souviens qu’elle s’est révélée pas complément fondée. Pourtant, je décide de lui faire confiance. J’adore me sentir pris en main par mon Jérém.
« Ca va ourson ? » il me demande.
Ourson. Ça me plaît de plus en plus. Ça me donne des frissons. Je me sens tellement bien dans ce simple mot qui me rappelle à chaque fois toute la douceur et l’affection qu’il me porte.
Le bobrun fait avancer Tequila en serpentant dans la pente jusqu’à rejoindre Charlène qui nous accueille avec un sourire plein de tendresse.
Vers midi, nous nous arrêtons à l’ombre pour la pause déjeuner, déjeuner tiré de nos sacoches (j'adore toujours autant cette expression). A notre grande surprise, Charlène fait apparaître des magrets de son paquetage magique.
Jérém se dépêche de faire un feu de camp. Nous nous installons autour et nous les faisons griller directement au-dessus du feu, perchés sur des petites branches.
Pendant que les magrets cuisent, nous mangeons des entrées froides, nous racontons des bêtises, nous rigolons beaucoup. Je prends Jérém et Charlène en photo. Je prends Jérém en photo.
Quelques minutes plus tard, nous retirons les magrets du feu. Mon bobrun se charge de les couper sur une pierre lisse. Il en fait des lanières, il en tend à Charlène, il m’en offre à moi.
J’ai très faim, et la première bouchée est toujours la meilleure. Verdict : je crois que je n’ai jamais mangé un magret aussi bon de ma vie ! Ce goût de grillé, de fumé, cette texture légèrement croustillante en dehors, tendre dedans, c’est divin. Charlène a eu une bien bonne idée. Nous nous régalons.
« C’est bon, ourson ? » me demande Jérém.
« C’est très bon ».
« Comment tu l’as appelé ? » ne manque pas de relever Charlène.
« Nico ».
« Non… ».
« Si… ».
« T’as dit ourson ».
« T’as mal compris » fait Jérém en rigolant.
« Ourson, c’est troooop mignon ! ».
Après le repas, Charlène nous annonce son intention de faire une petite sieste.
Elle s’éloigne un peu et s’allonge à l’abri du vent. Jérém fume sa cigarette le dos appuyé à un arbre. Ce t-shirt gris enveloppant son torse est sexy à mourir. Autour de nous, les chevaux évoluent en totale liberté. C’est apaisant de les regarder en train de brouter.
« Alors, Charlène a essayé de te cuisiner ? ».
« Elle m’a posé quelques questions… ».
« Comme quoi ? ».
« Comme depuis combien de temps on était ensemble, comment ça avait commencé… ».
« Et tu lui as dit quoi ? ».
« Je suis resté vague ».
« Elle ne peut pas s’en empêcher ! ».
« Elle t’aime beaucoup, c’est normal qu’elle veuille savoir ».
« Viens voir » fait le bobrun, en m’attrapant par le bras.
« Quoi ? » je feins d’opposer une improbable résistance.
« Viens voir… » fait-il en m’attirant fermement contre son torse et en m’embrassant.
Une seconde plus tard, je me retrouve dans ses bras, mon bassin entre ses cuisses, le dos enveloppé par son torse et ses bras. Jérém me fait des bisous dans le cou, s’attarde dans cette région hypersensible à la lisière des cheveux et de la nuque. Je vibre. Sa langue léchouille mon oreille, elle me procure des frissons inouïs. Sa barbe m’excite à fond. Je me retourne, nos lèvres se rencontrent, nous nous embrassons longuement.
Je bande, j’ai envie de lui. Tellement envie que, pendant un instant, je suis traversé par l’idée de lui proposer de chercher un coin tranquille pour pouvoir lui faire une gâterie dans la nature. Mais je me ravise très vite. Car ce moment est purement magique, et rien ne pourrait me rendre plus heureux. Moi dans les bras du mec que j’aime, devant ce paysage magnifique. C’est le bonheur absolu, c’est un rêve qui devient réalité.
« On est bien, là » je lâche.
« C’est clair ».
« Je n’aurais jamais imaginé que cette première révision chez toi nous conduirait ici, aujourd’hui, dans les bras l’un de l’autre » je considère.
« Moi non plus… ».
« Je n’aurais jamais imaginé que je serais aussi heureux un jour ».
« Moi aussi je suis très heureux ».
Nous restons ainsi, dans les bras l’un de l’autre, pendant un petit moment. Et nous finissons par nous assoupir.
« On se fait des papouilles ? » fait Charlène en revenant de sa sieste et nous arrachant de la nôtre.
Derrière moi, je sens Jérém remuer, je sens qu’il veut se dégager de cette position au plus vite. Mais Charlène lui pose une main sur épaule pour lui en empêcher.
« Vous êtes vraiment mignons tous les deux ».
Nous finissons quand même par nous relever. Je regarde Jérém, il me regarde lui aussi. Il me sourit.
« Allez, le bisou, le bisou, le bisou ! » fait Charlène.
« Mais ça va pas ? » fait Jérém.
« Le bisouuuuuuuuuuu ! ».
« Non ! ».
« Je parie que vous n’avez jamais fait ça en public ».
« Non, et c’est pas au programme non plus ».
« Allez, je suis certaine que Nico en a envie… hein, t’en as envie, Nico ? ».
Dans mon for intérieur, j’en ai envie, mais je ne veux pas mettre mon Jérém mal à l’aise. D’autant plus que moi aussi je suis un peu mal à l’aise avec le fait de l’embrasser devant quelqu’un, même si c’est Charlène, car je n’ai jamais fait ça auparavant.
« Oui, mais je ne veux pas forcer Jérém… s’il n’a pas envie, il n’a pas envie ».
Jérém a l’air surpris et touché par ma réponse. Et là, je le vois approcher de ma joue et claquer un bisou.
« Et c’est tout ? ».
« Il est timide » je m’enhardis.
« Il est gêné » rigole Charlène« Putain ! » j’entends mon bobrun pester.
Et là, je le vois approcher mon visage du mien, je sens ses lèvres se coller sur les miennes et poser un bisou, certes rapide, mais bien appuyé.
Une décharge électrique secoue mon ventre et se propage dans tout mon corps. La gêne se dissipe, volatilisée par le bonheur.
« C’est bon ? » fait le bogoss sur un ton sarcastique.
« Et voilà, ça c’est un bisou ! Il ne faut pas avoir peur d’aimer ».
« Tu m’emmerdes ».
« Je sais, mais maintenant que tu l’as fait une fois, tu auras moins peur de le refaire… ».
« C’est ça ».
« Il faut assumer qui l’on est… ».
« Elle me les brise menu ».
« Je sais que tu es un mec, un vrai, alors j’attends de toi que tu assumes qui tu es, surtout devant moi, qui ne te veux que du bien. Tôt ou tard, vous serez confrontés à d'autres personnes qui comprendront qui vous êtes l’un pour l’autre. Et quand ça arrivera, tu vas faire quoi ? Tu vas nier, mentir, te cacher, tu vas avoir peur à chaque fois ? ».
« T’inquiète, je me débrouillerai ».
« T’es têtu comme un âne ».
Nous ressellons nos chevaux et avant de remonter sur ma jument je prends mon bobrun en photo sur son étalon.
« T’as pas fini avec tes photos ? ».
« Il t’aime, il ne peut pas s’en empêcher » fait Charlène « d’ailleurs, donne ton appareil, je vais vous prendre tous les deux. Allez, Nico, en selle ».
Soudain, j’ai envie de l’embrasser. Je n’avais même pas osé imaginer avoir une photo avec mon Jérém. Et Charlène a l’idée de le faire. Je l’adore.
« Jérémie ! » elle l’appelle.
« Quoi ? ».
« Viens là, je vais vous prendre en photo, toi et ton ourson ».
« J’aime pas les photos ».
« Dépêche-toi ! ».
« T’es vraiment chiante ! » grogne mon bobrun, tout en approchant Unico de Téquila.
Lorsqu’il arrive à côté de moi, il me passe un bras autour du cou. Et Charlène appuie sur le bouton.
« C’est dans la boîte ».
« Merci encore ».
« Je pense que tu en avais envie ».
« Ah oui ! Merci beaucoup ».
Je suis heureux. Je reprends l’appareil des mains de Charlène avec un soin tout particulier, car il recèle désormais un trésor inestimable, une photo de mon bobrun et moi.
Vers le milieu de l’après-midi Tequila semble pressé. Elle fait des pieds et des mains pour prendre la tête du cortège. Le pas, elle le veut rapide. Le trot, elle le veut sans cesse. Le galop, elle se l'octroie sans rien demander. Tequila est un « véhicule » à boîte automatique, elle passe la troisième vitesse sans se soucier un seul instant de mon avis. Je suis surpris (c'est un euphémisme). J’ai une réaction épidermique, je tire un grand coup sur les rênes. Et là, elle réagit au quart de tour. On dirait un dessin animé : elle stoppe net, c’est presque un arrêt sur image. Les quatre fers en l’air, elle lévite un instant avant de retomber sur le sol.
Sur un chemin à flanc de montagne, je me fais une frayeur lorsqu’elle semble trop approcher le bord. Je me vois déjà dans le vide ! J’ai une exclamation de panique qui fait beaucoup rire Jérém et Charlène.
En milieu d’après-midi, il fait très chaud. Et nous n’avons plus d’eau, ni Jérém, ni moi. Ni même Charlène.
« Et il nous reste au moins deux heures avant d’arriver chez moi » fait cette dernière.
« On aurait dû prendre davantage d’eau » regrette Jérém.
« C’était pas prévu qu’il fasse si chaud » fait Charlène, avant d’enchaîner « et en plus j’ai l’impression qu’Unico boîte ».
« C’est pas qu’une impression. Ça fait un petit moment que je le sens sensible des pieds ».
Et, ce disant, mon bobrun descend illico de son étalon, il lui attrape le pied et regarde à l’intérieur du sabot.
« Y a un clou du ferrage qui est en train de se barrer. Il faudrait le déferrer ».
« Tiens, j’ai une idée. On arrive à la ferme de Florian. On va se faire payer un coup à boire et se faire prêter des outils pour le déferrer… ».
« Florian, l’ex de Loïc ? » je demande.
« C’est ça. C’était un cavalier lui aussi, avant la rupture avec Loïc, il y a un an… non, deux ans déjà, le temps file si vite. En plus, ça me fera plaisir de lui faire un petit coucou, ça fait un moment que je ne l’ai pas vu. ».
Dans mon for intérieur, je suis curieux de rencontrer ce Florian. Dès que j’en ai entendu parler par Charlène et Martine, j’ai eu de l’empathie pour ce gars qui a vécu une séparation difficile. Je ne le connais pas, et pourtant j’ai envie de voir comment un homo s’assume à l’âge adulte, j’ai envie de voir comment on se reconstruit après une rupture. J’ai aussi envie de savoir à quoi il ressemble. Et quel genre de mec il peut bien être.
Le bogoss disparaît dans la petite salle de bain, sans vraiment fermer la porte derrière lui. Je l’entends siffloter, alors que son jet dru du matin tombe lourdement dans les wc, suivi du bruit de la chasse d’eau.
« T’as l’air tout guilleret toi » je lui lance, alors que je l’entends tirer le rideau et ouvrir l’eau de la douche.
Et là, je le vois revenir d’un pas rapide, et s’approcher du lit. Le bogoss se glisse sur moi, m’embrasse et me chuchote :« J’aime bien me réveiller à coté de toi… ourson ».
« Ourson ? ».
« Ca ne te plaît pas ? ».
« Si, si… mais tu ne m’as jamais appelé de cette façon ».
« Ca m’est venu comme ça ».
« Pourquoi ourson ? Je ne suis pas poilu ».
« Mais tu es tout doux, tout mignon, comme un ourson, et moi j’ai envie de te prendre dans mes bras » il me répond, tout en me serrant très fort entre ses biceps puissants et en me faisant des bisous.
« Je suis un ourson alors » j’accepte volontiers ce petit surnom.
« Un ourson tantôt tendre, tantôt chaud comme la braise » il me lance, en quittant le lit, avec un sourire doux et adorable.
« Moi aussi j’aime me réveiller à coté de toi » je finis par me rappeler de lui répondre, alors qu’il est à nouveau debout.
« Et j’ai aussi aimé cette pipe… » il me balance, en se dirigeant une nouvelle fois vers la salle de bain.
« Coquin ! » je lui lance assez fort pour qu’il l’entende par-dessus le bruit de l’eau de la douche.
« C’est qui qui a commencé ? » il me relance, en apparaissant juste à moitié, le visage et les pecs, sur le côté de la porte, l’air canaille à tomber « moi je n’étais même pas réveillé… ».
Il n’a pas tort, et je me contente de lui sourire. Quant à Jérém, il pousse sa canaillerie jusqu’à me balancer un sourire incendiaire et un clin d’œil explosif, avant de disparaître sous la douche.
Je suis très touché par ses mots : « j’aime me réveiller à coté de toi », c’est mignon et adorable. Mais il y a autre chose qui me touche encore davantage, qui me fait vibrer, qui me fait rêver. Un simple mot, inattendu et pourtant tellement chargé de significations.
« Ourson ».
Ourson. Je trouve ça adorable. Ourson. C’est mignon comme tout. Je suis son ourson. Ça me plaît. Mon Jérém ne cessera jamais de me surprendre et de me faire kiffer. Et de me rendre heureux. Au-delà de mes espoirs les plus fous.
Jérém vient de passer sous la douche et le bruit de l’eau change illico de tonalité. Avant de retomber dans le bac, elle atterrit désormais sur ses cheveux bruns, sur ses épaules, elle ruisselle sur sa peau, sur ses muscles, elle glisse sur sa queue. J’hésite à aller le rejoindre, mais en même temps je suis tiraillé par une autre envie, celle de voir débouler sa bogossitude « après douche », de le voir sortir de la salle de bain tout beau, tout propre, les cheveux encore humides, la peau fraîche, le déo entêtant, le t-shirt moulant, le boxer bien rempli.
Aussi, je trouve très excitant d’imaginer mon bobrun sous la douche, juste en écoutant les bruits, les sons, comme une symphonie de la bogossitude, capables de m’apporter des images très évocatrices. Ça commence par le petit claquement du bouchon du flacon du gel douche qui s’ouvre, ça continue avec le sifflement du liquide dense qui gicle du petit orifice sous l’effet d’une pression plutôt virile, ça s’envole au rythme des frottements de ses doigts qui savonnent ses beaux cheveux bruns, des claquements de ses paumes qui astiquent sa peau mate, ses pecs, ses abdos, ses aisselles, sa queue.
Autant de bruits, associés aux sensations olfactives, comme le parfum du gel douche qui se répand dans toute la maison à la vitesse de la lumière et qui vient violemment titiller mes narines, que mon cerveau traduit en images, des images très excitantes.
Tellement excitantes que je ne peux m’empêcher de commencer à me caresser moi aussi. D’autant plus que cette petite pipe m’a bien mis la trique et que je n’ai toujours pas joui. Ma queue ne se fait pas prier pour afficher le garde à vous. Je me branle en écoutant mon Jérém se doucher et en repensant au gabarit de sa queue qui remplit ma bouche, à ses giclées puissantes, à son goût de mec qui persiste sur ma langue. Mon excitation monte rapidement. Et lorsque je repense à la délirante sensation de mon gland collé à sa rondelle, sur le point de glisser dedans, l’orgasme me prend par surprise. Des bonnes giclées bien lourdes aspergent mon torse, jusqu’à mon cou.
C’était terriblement bon. L’orgasme passé, je me sens envahi par une profonde sensation de bien-être, comme si chaque cellule de mon corps et chaque neurone de mon cerveau étaient heureux. J’ai l’impression de planer. Je me sens presque stone. Je prends une profonde inspiration et je m’empresse de m’essuyer. Je dois lutter contre l’envie de me glisser sous les draps et me rendormir une nouvelle fois.
Je regarde par la fenêtre, il fait beau. Ça s’annonce bien pour la balade. Je me demande comment vont se passer ces « retrouvailles » avec Charlène, après cette soirée géniale, après cette mise au point avec Jérém, tout aussi géniale. Je me demande si le sujet de la relation entre Jérém et moi va revenir sur le tapis. J’imagine que si ça doit venir, ça ne pourra venir que de la part de Charlène. Je vois mal Jérém en parler de son propre chef, et je ne vois pas comment je pourrai parler de ça sans prendre le risque de gêner mon bobrun.
J’espère vraiment que Charlène va vouloir en savoir un peu plus sur notre relation. J’ai hâte de voir comment Jérém va réagir, et ce qu’il sera en mesure d’assumer. J’espère vraiment qu’il va accepter la complicité et la main tendue de Charlène, et que cela va l’aider à avancer durablement.
Le bruit de l’eau de la douche vient de s’arrêter. J’entends le rideau de douche s’ouvrir. J’entends le beau mâle ruisselant d’eau faire un pas en dehors du bac, saisir la serviette. J’entends la serviette frotter ses cheveux, sa peau mate. J’entends le sifflement prolongé de son déo parfumant généreusement ses pecs, ses abdos, ses aisselles. Une seconde plus tard, le parfum du déo envahit à son tour mes narines, assomme ma raison. J’entends des glissements légers de coton sur la peau, le bogoss est en train de s’habiller. J’entends le chuintement du gel pour cheveux sortant de son flacon, le bobrun soigne son brushing. Rien que des bruits, et l’odeur de son déo, et j’ai envie de lui. Je bande à nouveau. Instinctivement, j’attrape un bout de drap pour dissimuler ma trique.
Quelques instants plus tard, mon bobrun déboule dans le séjour, les cheveux humides d’eau et de gel plaqués en arrière, un t-shirt gris épousant de façon vertigineuse ses pecs et ses biceps, un boxer rouge du meilleur effet, dont la poche est bien remplie, bien suggestive.
Le bogoss avance avec sa démarche de jeune mâle satisfait de son corps, baladant à la fois nonchalamment et avec panache sa jeune virilité. Sacré mec, mon Jérém.
En le regardant, je me surprends à repenser à ce qui s’est passé, à ce qui a failli se passer, cette nuit. Je me demande si je ne l’ai pas tout simplement rêvé. J’ai du mal à imaginer qu’un mâle comme Jérém, un mec aussi viril, puisse avoir envie de ça. J’ai toujours imaginé mon bobrun comme étant actif, et uniquement actif.
Certes, depuis que je suis venu le rejoindre, il m’a sucé à de nombreuses reprises. C’est bon, terriblement bon. Et il a l’air d’y prendre goût. Mais la sodomie, je ne sais pas. Mon bomâle qui a envie de se faire prendre ? Lui, si macho encore il n’y a pas si longtemps, assumant le rôle de passif ? J’ai du mal à le croire. Et pourtant, ça avait l’air si réel. Une partie de moi a envie d’en avoir le cœur net. Mais pour cela, il faudrait en parler avec le direct intéressé. Conversation potentiellement dangereuse.
En tout cas, moi j’ai vraiment kiffé. C’est fou comme, même en étant passif, j’arrive à ressentir des envies d’actif quand le mec en face de moi sait toucher les cordes sensibles pour réveiller mon côté « petit mec ». Après m’avoir fait sentir longtemps à lui, après m’avoir rendu passif et soumis à sa virilité, Jérém sait aussi me donner envie de jouir comme un mec actif.
J’avais ressenti cette envie avec Stéphane, qui m’avait fait ma première pipe, et dans une moindre mesure avec Martin. Mais avec Jérém, c’est tellement plus puissant. Ce mec me fait vibrer comme personne d’autre. Lorsqu’il me suce, il sait réveiller en moi des envies de mec actif et même « dominant ». Non pas dans le sens de jouer au petit macho, de vouloir soumettre l’autre. C’est plutôt dans le sens d’avoir envie d’exprimer mon côté masculin, et de sentir que cela peut faire de l’effet. Je sais qu’en tant que passif je peux donner du plaisir. J’ai envie de sentir que je peux en donner aussi en tant qu’actif. Et cet aperçu de sodomie active, m’a donné envie de découvrir comment c’est « de faire le mec ». J’ai envie de goûter à ça. Est-ce qu’il sera prêt un jour à assumer cette envie ?
Oui, une partie de moi a envie d’en parler, de savoir ce qu’il a ressenti, s’il a eu mal, s’il a envie de recommencer. Mais une autre partie me dit que ce n’est pas une bonne idée, qu’il est des choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas mettre des mots. Au fond de moi, je sais ce qui s’est passé. Et lui aussi sait ce qui s’est passé. Si l’envie est là, elle se manifestera à nouveau. Il suffit d’attendre. Je décide d’écouter sagement cette dernière partie de moi.
Le bogoss en t-shirt et boxer vient de s’arrêter au pied du lit et il me regarde fixement.
« Qu’est-ce qu’il y a ? ».
« Toi t’es un vrai coquin » il me balance, en hochant instamment la tête, un petit sourire plein de malice au coins des lèvres.
« Pourquoi tu dis ça ? ».
Jérém monte sur le lit, s’approche de moi, il lève le drap et découvre ma queue raide.
« Moi je pense que tu t’es branlé pendant que j’étais sous la douche ».
« Non… » je lui mens, juste pour le plaisir de me faire prendre en flagrant délit de coquinerie.
« Si… ».
« Comment tu sais ? ».
« Tes joues sont toujours bien rouges après que t’as joui ».
« T’as remarqué ça, toi… ».
Son regard bien lubrique semble vouloir transpercer le mien et pénétrer mon esprit.
« Et aussi, t’as oublié d’essuyer ça » il ajoute, tout en se penchant sur moi et en passant sa langue dans le creux de mon cou, pour essuyer ce qui devait être une dernière trace brillante de ma jouissance. Décidemment, mon bobrun a bien changé. Ou bien, tout simplement, il ne fait qu’écouter ses envies.
En attendant, le corps puissant et fraîchement douché et au déo captivant de mon bobrun contre le mien me donne de sacrées envies. Je regrette déjà de m’être branlé. Si ma libido n’était pas au plus bas, en phase de réamorçage, je lui sauterais bien dessus.
Le bogoss m’embrasse et sur ses lèvres et sur sa langue je retrouve un goût qui n’est pas le sien, mais le mien.
« Allez à la douche ! » il me lance. Je le regarde quitter le lit et se balader dans la maison, promenant sa bogossitude avec une nonchalance, avec un naturel déconcertants, très mec, très viril, dégageant une sensualité torride, comme une aura, un fluide qui ensorcèle.
Le bogoss ajoute du bois dans la cheminée et s’attelle à la préparation de la cafetière. Je ne peux détacher les yeux de lui, tout en me disant à quel point ce petit con est sexy avec son beau t-shirt gris et son boxer rouge, lorsque mon téléphone émet le couinement caractéristique de l’arrivée d’un message.
« T’as du réseau, toi ? » me demande Jérém.
« A peine » je lui réponds, en découvrant une misérable barre de réseau sur mon écran. J’ouvre les messages et j’y trouve un sms de mon pote Julien :« Alors, tu t’es marié ? Enceinte ? ».
C’est bien une réflexion d’hétéro, ça ! Croyant comme beaucoup d’hétéros que les gays aiment parler d’eux au féminin, et pensant que c’est drôle. J’imagine sa façon de le dire, avec coquinerie et bienveillance à la fois. Et en fait, ça me fait sourire.
« Alors, c’est qui ? ».
« Juste un pote qui me demande des nouvelles ».
« Le mec avec qui tu étais le soir… ».
« Non, son collègue, le mec qui m’a fait les cours de conduite ».
« Le blond… ».
« Tu te souviens de lui… » je m’étonne.
« Vite fait ».
Soudain, je me rappelle d’un cours de conduite avec Julien cours pendant lequel on était passé devant la brasserie où Jérém travaillait à l’époque. Je me souviens qu’on s’était arrêté au feu rouge pas loin de la terrasse, et je me souviens du regard noir que mon bobrun m’avait lancé en me voyant en voiture avec le beau moniteur. Un regard tellement noir qu’il avait attiré l’attention de ce dernier, qui avait bien saisi sa jalousie.
« Il est pd lui aussi ? ».
« Non, il est très hétéro ».
« Comment tu sais ? ».
« On a discuté un peu, et on est devenus potes ».
« Il t’a dragué ? ».
« Non, mais il a compris pour moi… ».
« Tu l’as maté ? ».
« On ne peut pas ne pas mater un mec comme lui ».
« Ah bon… ».
« Il est presque aussi canon que toi. Je dis bien… presque… ».
« Tu le kiffes ? ».
« Il est beau et il est sexy, je ne vais pas te mentir. Mais t’as pas à t’inquiéter. Déjà, il n’aime que les nanas. Et puis, surtout, je suis trop bien avec toi, je n’ai vraiment pas envie d’aller voir ailleurs ».
« Tu dis ça maintenant… ».
« Ca sera la même chose quand tu seras à Paris ».
Ça me fait bizarre de me retrouver à rassurer Jérém sur mes éventuelles tentations lorsqu’il sera loin de moi, alors que je n’arrête pas de m’inquiéter au sujet des tentations certaines auxquelles il sera exposé dans le milieu dans lequel il va évoluer, lorsqu’il sera un sportif connu, en plus qu’être un bogoss sexy en diable.
Quand il aura goûté à ce monde-là, est-ce qu’il se souviendra longtemps de moi, de ce week-end à la montagne ? Pendant un temps, la magie pourra peut-être perdurer, mais jusqu’à quand ?
J’imagine qu’il aura toujours besoin de briller, de vouloir être au centre des attentions comme il l’a toujours été. Et sans doute encore plus qu’avant, car il va désormais devoir se faire à nouveau une place, dans un monde inconnu, et plus difficile à conquérir.
J’ai peur qu’il cède bien trop rapidement aux pièges auxquels faisait allusion Daniel, qu’il ne se contente pas de vouloir montrer qu’il est le meilleur sur le terrain de rugby, mais qu’il veuille aussi montrer qu’il est le meilleur au lit avec les nanas, ne serait-ce que pour dissimuler ses véritables penchants. J’ai peur que, malgré ses sentiments sincères aujourd’hui, Jérém ne cessera pas d’avoir envie de plaire, de séduire, d’affirmer sa virilité conquérante, y compris face à d’autres mecs qu’il ne manquera pas de rencontrer sur son chemin, des mecs comme le Romain du On Off par exemple.
Soudain, je repense une nouvelle fois à ce qui a failli se passer cette nuit. Est-ce que Jérém a vraiment envie de ça ? Quand sera-t-il à mesure de l’assumer ? Quand aura-t-il envie de ressayer ? Un peu plus tôt dans la journée je me suis dit que si l’envie est là, elle se manifesterait à nouveau et qu’il suffirait d’attendre. Le fait est que je n’ai pas ce temps d’attendre. Nous ne sommes pas vraiment un couple, nous ne vivons pas ensemble. Dans quelques jours, Jérém sera à Paris, et moi à Bordeaux. Nous nous verrons au mieux une fois par semaine, le week-end, certainement moins. A Paris, il pourra avoir autant de mecs qu’il voudra, des mecs autrement plus expérimentés que moi, et qui sauront s’y prendre pour satisfaire cette envie, cette curiosité. Est-ce qu’il saura m’attendre, ou est-ce que sa curiosité et son impatience vont le pousser à aller chercher ailleurs ce que je n’ai pas su lui apporter ?
Jérém est-il vraiment « impatient » d'essayer ça ? Bien sûr, j’ai du mal à l’imaginer céder plus ou moins facilement son statut de mâle actif à un autre mec inconnu. Car ce serait, de son point de vue, je pense, une façon de « se rabaisser », et je ne sais pas si ça c’est quelque chose qu’il pourrait accepter. Mais si je ne lui donne pas ça, si je m’y prends mal, est-ce qu’il aura envie de ressayer avec moi, d’autant plus que es occasions vont se faire rares ? Est-ce qu’il aura envie d’attendre ? Tôt ou tard, le désir est toujours plus fort du plus fort des tabous. Il suffit pour cela de le laisser inassouvi assez longtemps. Est que les tentations parisiennes n’auront pas un jour raison de ses tabous ?
Et j’ai bien peur que, face à ces tentations, ses promesses de ne plus me faire souffrir seront bien fragiles. D’ailleurs, il a bien dit « Je ne sais pas comment je vais gérer quand je serai à Paris… ».
Oui, quand je pense à sa future vie parisienne, je suis mort d’angoisse. Mais en attendant, la jalousie et l’inquiétude que je décèle dans ses questionnements à peine voilés vis-à-vis de l’avenir de notre relation, me touchent profondément. J’ai envie de le rassurer. Je me lève, je m’approche de lui et je le serre dans mes bras.
« Tu seras toujours mon Jérém à moi, personne ne pourra prendre cette place, personne ».
Je lui fais des bisous dans le cou, sur la joue. Le bogoss se laisse faire. Je sens qu’il en a envie, qu’il en a besoin. Il tourne la tête, ses lèvres cherchent les miennes. C’est tellement bon ça, ces moments de complicité, cette envie de câlins, être l’un contre l’autre, les corps et les esprits si proches.
Je pars enfin à la douche. Je ne traîne pas dans la salle de bain, je reviens le plus vite possible auprès de mon bobrun. Je sais que le temps m’est compté, alors j’ai envie de profiter de chaque instant que nous pouvons passer ensemble. D’autant plus que, dès que le contact visuel est coupé, mon Jérém me manque. Je deviens accroc à sa présence.
Lorsque je reviens de la douche, le café vient tout juste de couler, son arôme sature l’air du petit séjour. Jérém nous en sert deux grandes tasses. J’adore ces petits déjeuners avec mon Jérém. Car ces petits déjeuners marquent à chaque fois le début d’une nouvelle journée de bonheur ensemble. Une nouvelle journée arrachée au temps.
« Allez, on est partis ! » fait le bogoss après avoir avalé sa tasse d’une seule traite, se levant de la chaise presque d’un bond.
Décidemment, Jérém a l’air bien en forme. Je le regarde passer son pantalon d’équitation, le pull à capuche gris, le même qu’il portait lorsqu’il était venu m’attendre à la halle. Je le regarde chausser ses boots, glisser son paquet de cigarettes dans la petite poche du pantalon. En une minute chrono, mon bobrun est prêt à partir. Décidemment, dans sa tenue de cavalier, il est terriblement sexy. Et pour rajouter un côté insoutenable à sa sexytude incandescente, voilà qu’à la faveur d’un étirement matinal, le bas de son t-shirt gris se lève un peu, une fine ligne rouge de l’élastique de son boxer apparaît au-dessus du bord du pantalon, ainsi que quelques poils en dessous de son nombril. C’est craquant.
« Alors, tu t’habilles pas ? » il me lance.
« Si… si… » je lui réponds, en m’activant enfin.
« Je t’attends dehors » fait le bogoss en sortant dans le jardin pour se griller une clope.
Je finis de m’habiller en vitesse. Je rejoins mon bobrun et je lui propose de prendre ma voiture, ce qu’il accepte de bon gré. Ça me fait plaisir qu’il monte dans ma voiture. J’ai envie que le siège, les tissus, les plastiques s’imprègnent de son déo et de sa présence.
Avant d’aller chez Charlène, nous faisons un petit détour par la superette de Martine pour acheter notre casse-croûte de midi.
« Alors, les garçons, ça va bien depuis hier soir ? ».
« Ça va, ça va » fait Jérém.
« Oui, très bien » je lui réponds « la fondue était très bonne, je crois que je n’en ai jamais mangé d’aussi bonne »« Merci, c’est gentil, mais je suis savoyarde, la fondue c’est dans mes gènes… et dans mes hanches » elle rigole.
« Allez, on est attendus, on va prendre deux bricoles et on y va » fait Jérém en baillant.
« Mais vous avez de petits yeux, les garçons, la nuit a été courte on dirait… ».
Son regard est perçant, plein de malice. Quelque chose dans ce regard me fait dire qu’elle aussi a compris pour Jérém et moi. de plus, sa façon de nous appeler « les garçons » sonne étrangement allusive à mes oreilles.
« Non, ça va » fait Jérém en partant dans les petits rayons.
Je le rejoins et j’en profite pour prendre un appareil photo jetable. J’ai envie de faire des photos, d’immortaliser ce moment, ces montagnes, ce bonheur. Et par-dessus tout, j’ai envie d’avoir quelques photos de mon Jérém. Je n’en ai toujours pas, à part les trois que m’a données Thibault. Je sens que j’en aurai besoin quand il sera à Paris. En parlant de Thibault, il faut absolument que j’aille le voir dès que je serai de retour sur Toulouse.
« Vous faites quoi aujourd’hui ? » nous questionne Martine pendant qu’elle fait l’addition de nos courses.
« On repart en balade » fait Jérém.
« Alors, bonne balade ! ».
« D’abord on va aider Charlène à soigner les chevaux, après on prend le petit déjeuner et on part avec elle ».
« Ah, c’est pas une balade en amoureux du coup ».
« Mais ta gueule ».
« Il est ronchon, ton pote, ce matin, non ? » elle fait, en s’adressant à moi « il s’entraîne pour quand il sera à Paris… ».
Sa réflexion me fait rire. Mais pas Jérém.
« Tenez, je vais vous donner quelques chouquettes pour le petit déj. Vous m’en direz des nouvelles ».
« Elle est marrante cette Martine. Et très gentille » je lance dès que nous sommes en voiture.
« Elle est chiante, surtout ».
« Pourquoi tu dis ça ? ».
« Elle est toujours en train de fouiner… ».
Je tends une chouquette à mon bobrun qui la dévore d’une seule bouchée, l’air contrarié. J’en goûte une à mon tour. C’est vraiment super bon ça.
« Tu crois qu’elle a compris pour nous ? ».
« Je n’en sais rien, mais je la connais, si elle a un doute, elle va faire des pieds et des mains pour savoir… et elle va cuisiner Charlène jusqu’à ce qu’elle parle… ».
« Je pense que Martine est une nana aussi cool que Charlène ».
« Peut-être, mais je ne tiens pas que tout le monde soit au courant. Ce qui se passe entre nous ne les regarde pas ».
« Mais regarde comment ils ont accepté Loïc et Sylvain ».
« Je m’en fous, je ne suis pas comme eux ».
« C’est à dire ? ».
« C'est-à-dire qu’eux ils aiment s’afficher, pas moi ».
Ce que Jérém vient de dire, je le partage dans un certain sens : c’est vrai, au fond, ce qu’il y a entre nous ne regarde personne à part nous. Je ne suis pas forcément prêt à m’afficher non plus devant tout le monde. Mais d’un autre côté, ça me fait chier de devoir me cacher des personnes qui, j’en suis certain, pourraient comprendre et nous soutenir.
« Passe une autre chouquette » fait mon bobrun en mode gourmand.
« Coucou les bogoss » nous accueille Charlène, l’air de fort bonne humeur.
Après les bises, nous l’aidons comme prévu à soigner les chevaux au pré et dans les box. Très vite, Jérém a chaud, et il se débarrasse de son pull à capuche. Je le regarde en train de bosser, de prendre de grandes fourchées de foin, de paille ou de fumier. Je l’observe sous l’effort, les pecs enveloppés dans ce t-shirt gris bien ajusté, les biceps en action, à un rien de craquer les manchettes. J’assiste à la formation d’une double trace de transpiration entre les pecs et entre les omoplates. Et c’est beau à en donner le tournis.
« Ah, putain, j’avais oublié à quel point c’est bon d’avoir un mec à la maison » commente Charlène en contemplant le travail accompli « avec un mec, ça va trois fois plus vite. En plus, ce matin je suis gâtée, j’en ai deux pour le prix d’un ».
« N’y prends pas trop goût » fait mon bobrun.
« Ca m’est de plus en plus pénible de m’occuper des chevaux, avec mon genou en vrac ».
« Tu devrais embaucher quelqu’un ».
« J’attends patiemment ma retraite dans deux ans… ».
« Et tu comptes faire quoi, après, du centre ? ».
« Si ma fille veut le reprendre, je l’aiderai à s’installer. Mais je doute qu’elle en ait envie. Sinon, je vais essayer de le donner en gérance. Et si je ne trouve personne, je vais tout arrêter… ».
« Et moi je vais faire quoi de mes canassons ? » fait Jérém, l’air inquiet.
« T’inquiète, il y aura toujours un pré pour tes chevaux ».
« Merci… ».
Cette réponse aurait dû rassurer mon bobrun. Et pourtant, il semble toujours soucieux.
« Allez, on va prendre le petit déj, vous l’avez bien mérité ».
Pendant que Jérém s’allume une clope et se fait réprimander une nouvelle fois par Charlène, je vais chercher les chouquettes dans la voiture. En revenant, j’ai du mal à lui arracher un bisou, car il semble avant tout se soucier de ne pas être vu par Charlène. Le fond de l’air est frais, je rentre en premier, sans attendre qu’il termine sa clope.
« Ah, Nico, vas-y, assieds-toi » m’accueille Charlène.
Dans la grande cuisine, deux chiens sont en train de dévorer chacun leur gamelle de croquettes. Sur une vieille gazinière à bois qui a l’air de ne pas avoir servi depuis des lustres, un chat isabelle et obèse mange calmement son repas du matin.
Sur une moitié de la grande table, les tas de papiers et de toute sorte d’objets semblent avoir encore avoir doublé de volume par rapport à la dernière fois. Aux fenêtres, les toiles d’araignées semblent en passe de se transformer en rideaux. Le sol est toujours autant couvert de poils de chien et de poussière.
Et pourtant, cette cuisine a quelque chose de profondément accueillant. L’odeur du café et du pain grillé sature l’air de la pièce. Un petit insert dégage une chaleur douce. Sur la deuxième moitié de la table, trois bols, trois couverts et trois verres nous attendent. Il y a du jus de fruit dans une carafe, de la confiture maison dans un pot, du beurre sur une petite assiette, du pain grillé dans une corbeille. Elle ne s’est pas foutue de nous, pour nous remercier de notre aide, Charlène nous a préparé un vrai bon petit déj. Qui donne envie. D’autant plus qu’il commence à faire faim. L’exercice matinal ouvre l’appétit. La présence bienveillante de la maîtresse de maison réchauffe le cœur.
« Ça va, Nico ? ».
« Oui, très bien, j’ai faim… ».
« Vas-y, prends ce qui te fait envie ».
« Merci… ».
« Alors, ça a été après la soirée, il s’est calmé ? » fait elle en s’installant à table à son tour et en commençant à beurrer une tranche de pain.
Je suis surpris mais enchanté de cette question ouvrant une complicité inattendue.
« Oui, après que tu lui as parlé, tout s’est arrangé ».
« Vous en avez reparlé ? ».
« Oui… ».
« Et alors ? ».
« Je crois qu’il est content que tu sois au coura… ».
« Chut, il arrive » me coupe Charlène.
Ce n’est pas de la cachotterie. Mais il ne faut surtout ne pas donner l’impression à Jérém de parler dans son dos, ça le braquerait à coup sûr.
« Il fait quand même frais dehors » fait Jérém.
« Aaahhh, tu pues la clope » fait Charlène.
« Je pue le fumier aussi ».
« Mais l’odeur de la clope c’est pire. Vraiment, tu devrais arrêter de fumer ».
« Et toi tu devrais arrêter le beurre » répond le petit con du tac au tac, alors que Charlène s’apprête à avaler une pauvre tranche de pain chargée d’une couche de beurre proche du centimètre.
« C’est pas faux » fait-elle en éclatant dans ce rire sonore qui est un peu sa « marque de fabrique ».
« Bien sûr que c’est vrai ! Je pense à ton cheval, c’est lui qui va porter sur le dos toutes ces plaquettes de beurre. Surtout, tu ne montes jamais mes chevaux ».
« Mais t’es vraiment qu’un petit con ! ».
« Vielle peau ».
« Moi aussi je t’aime ».
« C’est ça… ».
« Toi aussi tu m’aimes… ».
« Je vais y réfléchir… ».
« Je t’en foutrais ! ».
« Il est aussi insolent avec toi ? » elle me demande sans transition. Nouvelle petite forme de complicité qui m’enchante.
« Il est pire… ».
« T’as du mérite, alors… » fait-elle en nous servant du café.
Jérém et Charlène n’arrêtent pas de se taquiner, et le petit déj se passe dans une bonne humeur géniale. Nous déjeunons longuement, en prenant notre temps. C’est une merveilleuse façon de bien commencer la journée. Si on n’avait pas une balade à faire, je voudrais que ce moment se prolonge à l’infini.
« Quelqu’un en veut ? » demande Charlène en saisissant une grande théière en fonte posée au coin de la table.
« Garde ta bouillasse » fait Jérém.
« Petit merdeux ! ».
« Moi je veux bien goûter ».
« C’est du thé que j’ai ramené cet été de Mongolie ».
Elle me tend une tasse et la remplit de la boisson dorée. J’allonge la main pour prendre un sucre.
« Malheur ! On ne sucre pas un thé pareil ! C’est pas du Lipton ! Tu vas couvrir tous les arômes ! ».
« Ah… ».
« Goûte d’abord, après tu aviseras ».
Je porte la tasse à mes lèvres, je goûte. Elle a raison, ce thé a un caractère, un vrai, il a un arôme, et même plusieurs arômes, ils pétillent sur la langue, dans le palais, remontent dans les narines et provoquent un feu d’artifice sensoriel dans la tête. C’est une expérience gustative qui n’a rien à voir avec celle des sachets.
« Alors, comment tu trouves ? »« C’est vraiment super bon ».
A mi-tasse, je reprends une chouquette. Les deux saveurs s’épousent à merveille.
« Tu as été en vacances en Mongolie ? » je lui demande.
« J’y ai passé un mois, en balade, à cheval. C’est la troisième fois que j’y vais. J’y retourne tous les 2-3 ans. J’adore cette région ».
« Mais tu pars comment, toute seule, à l’aventure ? ».
Charlène nous raconte sa dernière randonnée en Mongolie, avec trois de ses clients, épaulée par une famille nomade. Elle nous parle des petits chevaux de là-bas, « pas plus grands que des pottocks du Pays Basque ». Elle nous parle du mode de vie des tribus nomades, dont la seule richesse est le bétail, vaches, chèvres, chameaux, moutons, chevaux, yacks, un bétail autour duquel toute la vie de la famille est organisée. Elle nous parle de ces mecs qui s’occupent de l’alimentation du bétail (la recherche de fourrages dicte la dynamique du nomadisme) et de sa surveillance (notamment contre le loup). Elle nous parle de ces femmes qui s’occupent de tout le reste, des gosses, de la bouffe, de la traite, de travailler le lait.
Elle nous parle de ces hommes et de ces femmes qui avec peu d’outils savent tout faire, car ils ont gardé un bon sens paysan qui leur permet de vivre, certes durement, mais en harmonie avec la nature et avec les ressources qu’elle peut offrir, sans la violenter.
Elle nous parle d’un village perdu dans la montagne, auquel on ne peut accéder que par des sentiers non carrossables. Elle nous parle d’une minuscule superette dans laquelle elle a trouvé l’« essentiel », à savoir du Coca et du Nutella. Elle nous parle d’un soir où elle a voulu faire pipi derrière un buisson et où elle s’est trouvée presque nez-à-nez avec un loup.
Elle nous parle des immenses plaines et de la solitude, des petites yourtes et de leur promiscuité, du mode de vie nomade qui ramène à l’essentiel et ignore tout ce qui est superflu.
Elle nous parle de gens simples, souriants, heureux. Elle nous parle de leur gentillesse, de leur hospitalité, de leur profond respect des traditions. Elle nous parle de gens ancrés à leurs racines qui poussent pourtant les enfants à faire des études à la ville « pour ne pas trimer comme leurs ainés ». Elle nous parle d’un mode de vie, d’un monde en cours de disparition.
« Leur simplicité, leur authenticité, leur force et leur vulnérabilité me touchent et me fascinent. Voilà pourquoi j’aime retourner dans ce pays, dans ces plaines, auprès de ces gens ».
Je suis enchanté par son récit, et j’ai envie de lui poser plein de questions. Mon bobrun semble lui aussi ravi d’entendre parler d’un mode de vie si différent de celui de nos pays, de nos villes.
Hélas, le temps nous presse, et c’est Charlène même qui nous le rappelle :« Allez, il faut quand même y aller, j’ai prévu une boucle pas trop dure mais assez longue… ».
Nous terminons nos boissons chaudes et nous allons chercher les chevaux. Unico et Téquila sont alignés devant l’entrée du paddock. Ils trépignent, comme s’ils savaient qu’ils vont partir en balade.
Jérém rentre en premier, passe le licol à Unico. En cinq secondes net, le cheval est en longe. De mon côté, c’est un brin plus laborieux. Ce matin, Tequila semble d’humeur taquin, elle n’arrête pas de mouliner avec sa tête. Lorsque j’arrive enfin à passer le licol, je l’attache de travers. J’essaie de le défaire, mais elle n’arrête de bouger, je n’arrive à rien. Heureusement, Jérém vient à mon secours. Il tire un bon coup sur le licol, la jument affiche un air surpris, et elle arrête net son cirque. Le bobrun n’a plus qu’à reprendre les lanières, boucler au bon endroit, et me tendre le licol. Dans la vie, on est pro ou on ne l’est pas. Je le regarde, il me regarde. Mon regard est plein d’admiration, le sien plein de douceur et d’indulgence. Je lui dis « Merci », il me fait un bisou. Et il part devant, avec son Unico en longe, un beau sourire au fond de son regard.
Au centre équestre, je brosse ma jument jusqu’à la faire briller de mille feux. Je mets le tapis pile au garrot, j’installe la selle, je sangle. Enfin, j’essaie, car le bidon de Tequila est énorme ce matin. Je suis obligé de forcer comme un âne pour arriver à avoir le premier trou. La selle c’est bon. Pour le mors et les rênes, là ça se complique sérieusement. Je ne sais jamais par quel bout attraper ce machin !
Une fois de plus, l’aide de Jérém est providentielle.
« Au fait, les garçons, je ne vais pas pouvoir partir tout de suite » fait Charlène en nous rejoignant.
« Comment ça ? ».
« J’avais complètement zappé qu’il y a un jeune qui doit passer ce matin pour voir Unico… ».
« C’est qui ce type ? ».
« C’est le fils d’une amie à moi qui se propose de monter ton entier cette année. Comme toi tu ne vas pas trop avoir le temps de le monter, j’imagine, ce serait dommage qu’il reste au pré sans rien faire ».
« C’est sûr ».
Les mots de Charlène me rappellent instantanément l’imminence du départ de mon bobrun pour Paris. Et la tristesse qui va avec.
« Il doit passer quand ? ».
« Il m’a dit 9h30. Il est 9h45, je pense qu’il ne va pas tarder. Tant pis, je vais l’attendre. Jérémie, t’as qu’à monter Little Black, et vous n’avez qu’à y aller, je vous rejoindrai en chemin avec Unico ».
« Je préfère l’attendre, moi. Je veux être là pour voir s’il peut faire l’affaire. Apparemment celui qui le montait cette année était nul… ».
« Ça c’est clair ».
« Allez, filez, je m’occupe du casting pour mon cheval ».
« T’es sûr ? ».
« Certain ! ».
« Ça te dit, Nico, si on part tous les deux ? » me demande Charlène.
« Oui oui… ».
« Allez, en selle, alors ! ».
Je ressangle ma jument. Maintenant qu’elle s’est détendue, j’arrive à gagner deux trous de sangle. J’attrape les rênes et le pommeau de selle, je mets le pied à l’étrier. Je sais que mon Jérém me regarde faire, je sens ses yeux bruns sur moi. Je ne veux pas le décevoir. J’ai envie qu’il soit fier de moi. Je suis les consignes à la lettre, je m’élance avec puissance et j’atterris sur la selle comme une plume. Tequila ne bouge pas une oreille, et surtout pas un sabot, ce qui m’aide bien.
« Joli » fait Charlène à mon intention.
Je capte le regard de mon bobrun. Le bogoss me sourit, il hoche la tête en signe d’approbation et de fierté. Je me sens tellement bien dans son regard. Je suis heureux.
« Il a vraiment une bonne posture » elle insiste.
« Je lui ai tout appris… » fait Jérém en souriant, le ton taquin et le regard bienveillant.
« Tu me fais confiance ? » me demande cette dernière.
« J’ai pas le choix… » je la cherche.
« Petit con toi aussi ! ».
« Tu le corriges s’il monte mal ma jument » fait Jérém.
« Tu lui as peut-être tout appris, mais moi je vais le prendre en main et le faire progresser encore ».
« Vous faites attention, surtout… ».
« Oui, t’inquiète, je vais prendre grand soin de ton chéri ! » ose Charlène.
Jérém réagit en pouffant comme si cette dernière avait dit une énormité. Mais il n’a pas l’air vexé. C’est déjà ça.
Après avoir longé les clôtures du centre équestre, nous empruntons un sentier qui grimpe, grimpe, grimpe. Chaque foulée faite nous emplit les yeux d’un paysage de plus en plus majestueux. Chaque mètre parcouru nous apporte des odeurs de terre, de végétation, d’animal, nous emplit les oreilles des bruits du cuir de nos harnachements, de la respiration de nos montures, de leurs sabots ferrés qui foulent le sol, qui résonnent contre les pierres. Le vent s’infiltre dans les frondes des arbres, souffle dans nos oreilles. La balade commence, le temps s’étire, nous changeons de dimension spatio-temporelle.
L’émotion que tout cela me procure est tellement intense que plus rien ne me semble exister au-delà du sublime paysage qui se déroule sous mes yeux.
Là, au milieu de nulle part, les soucis et les peurs s’évaporent comme le brouillard du matin sous un soleil bien chaud. Tant de beauté donne l’impression que le bonheur est à portée de main et que les obstacles qui s’interposent sont sans importance. A cet instant précis, même le départ de Jérém à Paris ne me fait plus peur. Je suis dans un état d’enchantement total.
Nous marchons toujours au pas et à un moment je me sens assez en confiance sur Tequila pour penser à sortir mon appareil photo et essayer de capturer ce beau paysage.
« Tu vas faire des photos à oreilles ? » me lance Charlène.
« Des quoi ? ».
« Quand on prend des photos à cheval, on obtient souvent des clichés avec les oreilles de sa monture en bas de l’image. C’est presque une signature. Du cavalier et de son cheval. Et on appelle ça des « photos à oreilles »… ».
Je trouve ça marrant, des « photos à oreilles ». Je vise, j’appuie sur le déclencheur. Clic, clic, clic. Une fois, deux fois, trois fois. Il faut que j’y aille mollo, je dois garder quelques poses pour prendre en photo mon Jérém. 24 négatifs, ça va vite. C’était avant le numérique, c’était une autre époque. Et pourtant, cette quantité limitée de photos, l’impossibilité de voir le résultat sur l’instant et d’effacer les ratés, ce petit rouleau qu’on devait amener à développer dans un magasin, l’attente avant d’aller chercher les photos papier, la joie de découvrir celles qu’on avait réussies, la déception de découvrir celles qu’on avait ratées, tout cela avait son charme.
Nous reprenons notre chemin. Charlène n’a pas menti, elle semble bien intentionnée à me faire progresser. D’abord, elle veut à tout prix que je trouve mon équilibre sur la selle sans me tenir au pommeau, pommeau qui est pourtant mon grand allié ainsi qu'un grand ami, car il m’inspire confiance et il est toujours là quand j’en ai besoin. « Tu t’appuies trop dessus, ça te fait prendre de mauvais reflexes ». Ensuite, elle me propose des séances de trot enlevé, séances au cours desquelles elle m'invite à relâcher les rênes pour « laisser respirer Tequila « au moins une fois chaque quart d'heure » (là encore, ce sont ses mots).
J’ai toujours pensé que dans l'équitation c'est l’animal qui se tape tout le taf. Depuis que je monte à cheval, je constate que ce n’est pas du tout le cas. Putain, qu’est-ce que c'est physique ce trot enlevé !
Entre deux exercices, nous marchons au pas. Charlène en profite pour me donner plein de conseils sur ma position en selle et sur l’écoute de l’animal. Elle a une grande connaissance et une immense expérience des équidés. En plus elle est très bonne pédagogue. C’est une passionnée, et par conséquent, sa pédagogie est passionnante.
Puis, à un moment, alors que nous marchons au pas sur un sentir relativement plat, elle lance le sujet que je rêve d’aborder depuis que le hasard a décidé que nous allions nous balader seul à seul pendant un petit moment.
« Alors, raconte, ça fait depuis combien de temps que vous êtes ensemble ? ».
« On n’est pas vraiment ensemble. En tout cas, on ne l’était pas avant ce week-end ».
« Ah bon ? Comment ça ? ».
« C'est-à-dire qu’on… couchait ensemble mais que Jérém ne voulait surtout pas que ça se sache… ».
« Ah, oui, ça j’ai bien vu ! Et alors, ça marchait comment votre relation ? »« Il couchait avec moi mais il couchait aussi avec des nanas… ».
« Et tu supportais ça ? ».
« Je n’avais pas le choix, c’était ça ou rien ».
« C’est parce qu’il n’assumait pas, parce qu’il se cherchait… ».
« C’est ça, jusqu’au jour où j’en ai eu assez ».
« Je te comprends. Et qu’est-ce qui s’est passé ? ».
« Un jour on s’est disputés, c’était peu de temps avant cet accident… ».
« Je pense que cet accident ça lui a remis les idées en place et ça lui a fait ouvrir les yeux sur ce qui était vraiment important pour lui ».
« J’aurais quand même préféré qu’il n’y ait pas besoin de cet accident pour que les choses évoluent entre nous ».
« Certes. Mais parfois il faut un électrochoc pour faire avancer les choses ».
« Tu as peut-être raison… ».
« Au fait, comment vous avez su l’un pour l’autre ? » elle enchaîne « je veux dire, je me suis toujours demandé comment vous, les homos, vous arriviez à vous reconnaître ».
« Lui il savait que je le kiffais… ».
« Et comment ? ».
« Parce que je n’arrêtais pas de le regarder, depuis le premier jour du lycée. Mais moi je ne savais pas si je lui plaisais… ».
« Et alors ? ».
« Un jour on a révisé ensemble et il a voulu que ça aille plus loin ».
« C’est lui qui a voulu ? ».
« Je le voulais aussi, mais je n’aurais jamais osé ».
« Tu l’aimes ? ».
« Comme un fou… ».
« Et lui ? ».
« Ça a été difficile jusqu’à il y a pas longtemps, mais là, je crois que oui. Même s’il ne me l’a jamais dit, je crois que oui. Depuis que je suis ici, je me sens vraiment heureux avec lui ».
« Tu sais, Jérémie c’est un peu comme un enfant pour moi. Je l’ai vu grandir, je le connais un peu. J’arrive à lire derrière les apparences. Jérémie ne sait pas mentir, et surtout il ne sait pas me mentir. Il a beau faire l’indifférent, comme tout à l’heure quand je t’ai appelé son « chéri », moi je suis persuadée qu’il t’aime vraiment ».
« Je pense, enfin, j’espère… ».
« Nan, mais t’as vu ce regard qu’il avait quand tu es monté à cheval ? C’était un regard plein d’admiration et de tendresse. Tu sais, je paierais cher pour qu’un mec me regarde de cette façon. Hélas, à mon âge c’est foutu ! ».
Je souris. Elle enchaîne :« Quand il m’a parlé de toi pour la première fois, comme d’un « pote qui allait venir quelques jours » j’ai senti qu’il avait vraiment envie de te voir. Il était fébrile à l’idée de te voir. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai senti que tu étais plus qu’un pote. Tu sais, il n’a jamais amené personne ici, aucune copine. Juste deux ou trois fois son pote Thibault. Et, maintenant, toi… ».
« Je voudrais que ce week-end ne se termine jamais ».
« C’est Paris qui t’inquiète ? ».
« Oui, la distance, et tout ce qu’il va trouver là-bas… ».
« Tu verras, vous allez y arriver, j’en suis persuadée. Il faudra juste être patient. Et persévérant. La persévérance, c’est ce qui rend l’impossible possible, le possible probable et le probable réalisé ».
« Laisse-lui le temps de s’accepter. Donne-lui autant d’amour que tu peux. Fais-le se sentir bien. Je pense qu’il est très difficile d’assumer sa sexualité quand on l’associe à la peur du regard des autres et à la honte. En dehors du plaisir sexuel immédiat, elle ne procure aucun bonheur. Mais dès qu’on associe sa sexualité à la joie et à l’amour, c’est facile d’accepter qui l’on est. C’est une chance qu’il soit tombé sur un gars comme toi. Tu l’aimes, et il le sait, et il t’aime lui aussi. Je crois que je ne l’ai jamais vu aussi heureux depuis le divorce de ses parents. Il t’aime parce qu’il est heureux avec toi. Et c’est ça qui va faire bouger les lignes dans sa tête ».
« J’espère juste que le jour où il s’acceptera, il aura toujours envie d’être avec moi, qu’il n’aura pas trouvé un autre gars qui lui plaît davantage et qui sera plus près que moi… ».
« Tu es quelqu’un de spécial pour lui… ».
« J’espère que tu dis vrai… ».
« Parce que c'est Nico, parce que c'est Jérémie… ».
« De quoi ? ».
« Tu ne connais pas cette citation de Montaigne ? On ne vous apprend donc rien au lycée ? ».
« Non, je ne connais pas, désolé… ».
« Dans ses Essais, Montaigne a écrit un long chapitre sur l’amitié, à l’intention de La Boétie, son ami disparu prématurément, et qui était probablement plus qu’un ami. Une phrase de ce chapitre est restée célèbre, car elle résume en quelques mots simples la particularité, l’intensité de cette amitié qui le liait à la Boétie : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Ça veut dire qu’il y a des amitiés, des relations, des coups de foudre, qui sont comme autant d’évidences, qui sont si fortes que rien ni personne ne peut les empêcher. Elles doivent arriver et elles arrivent ».
Les mots de Charlène me font chaud au cœur.
« Qu’est-ce que c’est beau de tomber amoureux à votre âge ! » elle me lance, sur un ton enjoué « accroche-toi, Nico, car on ne tombe vraiment amoureux qu’une seule fois dans la vie… ».
Charlène a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque nous entendons au loin le claquement des sabots d’un cheval approchant au grand galop. Je ne le vois pas encore, mais je suis sûr qu’il s’agit de mon beau Jérém. Je me retourne, impatient de le voir apparaître. Le bruit de tonnerre des sabots augmente d’intensité seconde après seconde. C’est une cadence très rapide, c’est un bruit très sonore, presque une musique, un « allegro con moto » dans lequel j’ai envie de lire son impatience de me retrouver.
Un instant plus tard, le bobrun apparaît sur son étalon, au grand galop. Qu’est-ce qu’il est beau mon Jérém sur son Unico ! Dès qu’il nous voit, il ralentit et il approche au pas.
« Eh, ben, on dirait que tu étais impatient de nous rejoindre » fait Charlène.
« Ça a été vite plié avec Gildas ».
« Alors, comment tu l’as trouvé ? ».
« Je lui ai mis les points sur les « I »… ».
« Tu lui as pas fait peur ? ».
« Non, je blague, il a l’air bien ce gars. Je lui ai fait faire un tour sur Unico dans la carrière. Ça va le faire ».
« Allez, trêve de bêtises, on continue, la boucle est encore longue » fait Charlène.
Nous marchons au pas avec pour décor un paysage magnifique. Et pourtant, il est un détail dans le paysage qui capte toute mon attention. Jérém marche désormais vingt mètres devant nous, et je ne peux détacher mes yeux de ce petit t-shirt gris qui moule ses épaules, ses biceps et souligne avec une précision redoutable le V de son torse.
« Mais regarde un peu ce dos massif ! Quand je pense qu’il était tout fin quand il était plus jeune ».
« Il est vraiment bien foutu » je confirme.
« J’adore le dos des mecs, je trouve qu’il exprime toute la puissance d’un… ».
« Mâle… » je complète sans réfléchir.
« C’est exactement ça… ».
« Moi aussi j’adore son dos ».
Oui, j’adore son dos. Et j’adore également sa position sur le cheval que je trouve très suggestive, notamment au pas. Le buste bien droit, maintenu un peu vers l’arrière, les épaules ouvertes, tous pecs dehors, le bassin qui oscille avec nonchalance au gré des pas de l’animal, mouvement qui n’est pas sans me rappeler ses coups de reins pendant la recherche du plaisir masculin. D’une certaine façon, sa position et son attitude à cheval me rappellent ses positions et ses attitudes pendant l'amour. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de domination virile. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme de sensualité. Une sensualité, celle dégagée par mon Jérém en selle sur son étalon, au parfum de terre, de nature, de transpiration, qui a quelque chose de profondément sauvage, d’authentique et d’indompté.
« On va arriver dans une descente plutôt raide » m’annonce Jérém « et Tequila n'aime pas ça ».
« Ah… » je stresse.
« Tu te penches en arrière le plus possible et tu lui mets des petits coups de talon pour qu’elle avance. Il ne faut pas la laisser s’arrêter. Car si elle se plante, tu vas te faire chier pour la faire repartir ».
Je ne savais pas que mon adorable Tequila pouvait être caractérielle. On ne finit jamais d’en apprendre à cheval et au sujet de son cheval.
En effet, la descente est assez couillue, et elle m’occasionne un certain nombre de frissons. Je suis les consignes de mon bobrun à la lettre, je suis pratiquement couché sur ma jument, et je mets de petits coups de talon sur son ventre pour la faire avancer. Tout semble bien se passer lorsqu’elle s’arrête net au beau milieu de la pente, alors que Jérém et Charlène sont pratiquement arrivés en bas. Je me relève, je tape plus fort avec les talons. Rien ne se passe. Et là, je vois le bogoss descendre de son Unico, confier les rênes à Charlène, et remonter lentement la pente sous le soleil battant, jusqu’à moi.
« Je suis désolé ».
« C’est pas ta faute, elle est chiante. Passe-moi les rênes ».
« Je descends ? ».
« Tu peux rester en selle, tu risques rien ».
J’ai déjà entendu cette phrase, et je me souviens qu’elle s’est révélée pas complément fondée. Pourtant, je décide de lui faire confiance. J’adore me sentir pris en main par mon Jérém.
« Ca va ourson ? » il me demande.
Ourson. Ça me plaît de plus en plus. Ça me donne des frissons. Je me sens tellement bien dans ce simple mot qui me rappelle à chaque fois toute la douceur et l’affection qu’il me porte.
Le bobrun fait avancer Tequila en serpentant dans la pente jusqu’à rejoindre Charlène qui nous accueille avec un sourire plein de tendresse.
Vers midi, nous nous arrêtons à l’ombre pour la pause déjeuner, déjeuner tiré de nos sacoches (j'adore toujours autant cette expression). A notre grande surprise, Charlène fait apparaître des magrets de son paquetage magique.
Jérém se dépêche de faire un feu de camp. Nous nous installons autour et nous les faisons griller directement au-dessus du feu, perchés sur des petites branches.
Pendant que les magrets cuisent, nous mangeons des entrées froides, nous racontons des bêtises, nous rigolons beaucoup. Je prends Jérém et Charlène en photo. Je prends Jérém en photo.
Quelques minutes plus tard, nous retirons les magrets du feu. Mon bobrun se charge de les couper sur une pierre lisse. Il en fait des lanières, il en tend à Charlène, il m’en offre à moi.
J’ai très faim, et la première bouchée est toujours la meilleure. Verdict : je crois que je n’ai jamais mangé un magret aussi bon de ma vie ! Ce goût de grillé, de fumé, cette texture légèrement croustillante en dehors, tendre dedans, c’est divin. Charlène a eu une bien bonne idée. Nous nous régalons.
« C’est bon, ourson ? » me demande Jérém.
« C’est très bon ».
« Comment tu l’as appelé ? » ne manque pas de relever Charlène.
« Nico ».
« Non… ».
« Si… ».
« T’as dit ourson ».
« T’as mal compris » fait Jérém en rigolant.
« Ourson, c’est troooop mignon ! ».
Après le repas, Charlène nous annonce son intention de faire une petite sieste.
Elle s’éloigne un peu et s’allonge à l’abri du vent. Jérém fume sa cigarette le dos appuyé à un arbre. Ce t-shirt gris enveloppant son torse est sexy à mourir. Autour de nous, les chevaux évoluent en totale liberté. C’est apaisant de les regarder en train de brouter.
« Alors, Charlène a essayé de te cuisiner ? ».
« Elle m’a posé quelques questions… ».
« Comme quoi ? ».
« Comme depuis combien de temps on était ensemble, comment ça avait commencé… ».
« Et tu lui as dit quoi ? ».
« Je suis resté vague ».
« Elle ne peut pas s’en empêcher ! ».
« Elle t’aime beaucoup, c’est normal qu’elle veuille savoir ».
« Viens voir » fait le bobrun, en m’attrapant par le bras.
« Quoi ? » je feins d’opposer une improbable résistance.
« Viens voir… » fait-il en m’attirant fermement contre son torse et en m’embrassant.
Une seconde plus tard, je me retrouve dans ses bras, mon bassin entre ses cuisses, le dos enveloppé par son torse et ses bras. Jérém me fait des bisous dans le cou, s’attarde dans cette région hypersensible à la lisière des cheveux et de la nuque. Je vibre. Sa langue léchouille mon oreille, elle me procure des frissons inouïs. Sa barbe m’excite à fond. Je me retourne, nos lèvres se rencontrent, nous nous embrassons longuement.
Je bande, j’ai envie de lui. Tellement envie que, pendant un instant, je suis traversé par l’idée de lui proposer de chercher un coin tranquille pour pouvoir lui faire une gâterie dans la nature. Mais je me ravise très vite. Car ce moment est purement magique, et rien ne pourrait me rendre plus heureux. Moi dans les bras du mec que j’aime, devant ce paysage magnifique. C’est le bonheur absolu, c’est un rêve qui devient réalité.
« On est bien, là » je lâche.
« C’est clair ».
« Je n’aurais jamais imaginé que cette première révision chez toi nous conduirait ici, aujourd’hui, dans les bras l’un de l’autre » je considère.
« Moi non plus… ».
« Je n’aurais jamais imaginé que je serais aussi heureux un jour ».
« Moi aussi je suis très heureux ».
Nous restons ainsi, dans les bras l’un de l’autre, pendant un petit moment. Et nous finissons par nous assoupir.
« On se fait des papouilles ? » fait Charlène en revenant de sa sieste et nous arrachant de la nôtre.
Derrière moi, je sens Jérém remuer, je sens qu’il veut se dégager de cette position au plus vite. Mais Charlène lui pose une main sur épaule pour lui en empêcher.
« Vous êtes vraiment mignons tous les deux ».
Nous finissons quand même par nous relever. Je regarde Jérém, il me regarde lui aussi. Il me sourit.
« Allez, le bisou, le bisou, le bisou ! » fait Charlène.
« Mais ça va pas ? » fait Jérém.
« Le bisouuuuuuuuuuu ! ».
« Non ! ».
« Je parie que vous n’avez jamais fait ça en public ».
« Non, et c’est pas au programme non plus ».
« Allez, je suis certaine que Nico en a envie… hein, t’en as envie, Nico ? ».
Dans mon for intérieur, j’en ai envie, mais je ne veux pas mettre mon Jérém mal à l’aise. D’autant plus que moi aussi je suis un peu mal à l’aise avec le fait de l’embrasser devant quelqu’un, même si c’est Charlène, car je n’ai jamais fait ça auparavant.
« Oui, mais je ne veux pas forcer Jérém… s’il n’a pas envie, il n’a pas envie ».
Jérém a l’air surpris et touché par ma réponse. Et là, je le vois approcher de ma joue et claquer un bisou.
« Et c’est tout ? ».
« Il est timide » je m’enhardis.
« Il est gêné » rigole Charlène« Putain ! » j’entends mon bobrun pester.
Et là, je le vois approcher mon visage du mien, je sens ses lèvres se coller sur les miennes et poser un bisou, certes rapide, mais bien appuyé.
Une décharge électrique secoue mon ventre et se propage dans tout mon corps. La gêne se dissipe, volatilisée par le bonheur.
« C’est bon ? » fait le bogoss sur un ton sarcastique.
« Et voilà, ça c’est un bisou ! Il ne faut pas avoir peur d’aimer ».
« Tu m’emmerdes ».
« Je sais, mais maintenant que tu l’as fait une fois, tu auras moins peur de le refaire… ».
« C’est ça ».
« Il faut assumer qui l’on est… ».
« Elle me les brise menu ».
« Je sais que tu es un mec, un vrai, alors j’attends de toi que tu assumes qui tu es, surtout devant moi, qui ne te veux que du bien. Tôt ou tard, vous serez confrontés à d'autres personnes qui comprendront qui vous êtes l’un pour l’autre. Et quand ça arrivera, tu vas faire quoi ? Tu vas nier, mentir, te cacher, tu vas avoir peur à chaque fois ? ».
« T’inquiète, je me débrouillerai ».
« T’es têtu comme un âne ».
Nous ressellons nos chevaux et avant de remonter sur ma jument je prends mon bobrun en photo sur son étalon.
« T’as pas fini avec tes photos ? ».
« Il t’aime, il ne peut pas s’en empêcher » fait Charlène « d’ailleurs, donne ton appareil, je vais vous prendre tous les deux. Allez, Nico, en selle ».
Soudain, j’ai envie de l’embrasser. Je n’avais même pas osé imaginer avoir une photo avec mon Jérém. Et Charlène a l’idée de le faire. Je l’adore.
« Jérémie ! » elle l’appelle.
« Quoi ? ».
« Viens là, je vais vous prendre en photo, toi et ton ourson ».
« J’aime pas les photos ».
« Dépêche-toi ! ».
« T’es vraiment chiante ! » grogne mon bobrun, tout en approchant Unico de Téquila.
Lorsqu’il arrive à côté de moi, il me passe un bras autour du cou. Et Charlène appuie sur le bouton.
« C’est dans la boîte ».
« Merci encore ».
« Je pense que tu en avais envie ».
« Ah oui ! Merci beaucoup ».
Je suis heureux. Je reprends l’appareil des mains de Charlène avec un soin tout particulier, car il recèle désormais un trésor inestimable, une photo de mon bobrun et moi.
Vers le milieu de l’après-midi Tequila semble pressé. Elle fait des pieds et des mains pour prendre la tête du cortège. Le pas, elle le veut rapide. Le trot, elle le veut sans cesse. Le galop, elle se l'octroie sans rien demander. Tequila est un « véhicule » à boîte automatique, elle passe la troisième vitesse sans se soucier un seul instant de mon avis. Je suis surpris (c'est un euphémisme). J’ai une réaction épidermique, je tire un grand coup sur les rênes. Et là, elle réagit au quart de tour. On dirait un dessin animé : elle stoppe net, c’est presque un arrêt sur image. Les quatre fers en l’air, elle lévite un instant avant de retomber sur le sol.
Sur un chemin à flanc de montagne, je me fais une frayeur lorsqu’elle semble trop approcher le bord. Je me vois déjà dans le vide ! J’ai une exclamation de panique qui fait beaucoup rire Jérém et Charlène.
En milieu d’après-midi, il fait très chaud. Et nous n’avons plus d’eau, ni Jérém, ni moi. Ni même Charlène.
« Et il nous reste au moins deux heures avant d’arriver chez moi » fait cette dernière.
« On aurait dû prendre davantage d’eau » regrette Jérém.
« C’était pas prévu qu’il fasse si chaud » fait Charlène, avant d’enchaîner « et en plus j’ai l’impression qu’Unico boîte ».
« C’est pas qu’une impression. Ça fait un petit moment que je le sens sensible des pieds ».
Et, ce disant, mon bobrun descend illico de son étalon, il lui attrape le pied et regarde à l’intérieur du sabot.
« Y a un clou du ferrage qui est en train de se barrer. Il faudrait le déferrer ».
« Tiens, j’ai une idée. On arrive à la ferme de Florian. On va se faire payer un coup à boire et se faire prêter des outils pour le déferrer… ».
« Florian, l’ex de Loïc ? » je demande.
« C’est ça. C’était un cavalier lui aussi, avant la rupture avec Loïc, il y a un an… non, deux ans déjà, le temps file si vite. En plus, ça me fera plaisir de lui faire un petit coucou, ça fait un moment que je ne l’ai pas vu. ».
Dans mon for intérieur, je suis curieux de rencontrer ce Florian. Dès que j’en ai entendu parler par Charlène et Martine, j’ai eu de l’empathie pour ce gars qui a vécu une séparation difficile. Je ne le connais pas, et pourtant j’ai envie de voir comment un homo s’assume à l’âge adulte, j’ai envie de voir comment on se reconstruit après une rupture. J’ai aussi envie de savoir à quoi il ressemble. Et quel genre de mec il peut bien être.
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