0329 Jusqu’à ce que le vent d’Autan se lève.
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 16-09-2023 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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0329 Jusqu’à ce que le vent d’Autan se lève.
L’année 2006.
Après le voyage en Islande, le réveillon de Noël au domaine Tommasi, celui du 31 à Campan, l’année 2006 démarre sur les chapeaux de roue.
Côté études, je valide tous mes partiels. Jérém a un peu moins de succès, mais un rattrapage lui est proposé en contrôle continu. Quand on est joueur pro, on bénéficie de quelques avantages.
Si on fait abstraction d’un petit décrochage contre Agen en février, en ce début d’année le Stade Français cumule les victoires et confirme sa position de leader du Top14. Il tient même une belle revanche contre Biarritz, l’équipe qui lui a ravi le Brennus en 2005.
Côté carrière personnelle, tous les voyants sont au vert pour mon beau brun. Le match XV de France - Irlande se déroule le 11 février 2006 au Stade de France devant 80000 supporteurs très démonstratifs. Cette deuxième journée du tournoi des Six Nations se termine par la victoire du XV de France sur le score de 43 à 31.
Oui, Jérém est toujours très pris par sa vie de joueur professionnel. Ce qui laisse peu d’occasions pour nous retrouver. Mais nos sentiments sont toujours forts. Et la distance, celle qui crée l’absence et le manque, même si elle est dure à supporter, contribue sans doute à les préserver.
Je comble les jours loin de Jérém en lisant de bons livres, en me rendant plus souvent à Toulouse. Et en faisant du vélo avec Ruben. Une belle amitié est restée entre nous, et ça me fait chaud au cœur. Il m’arrive même de lui parler de Jérém, sans qu’il y ait le moindre malaise.
Au printemps, la nouvelle tournée de Madonna, le « Confessions Tour », pendant scénique de l’ère « Hung Up », est annoncé pour l’été. Après la claque musicale et esthétique de l’album sorti quelques semaines plus tôt, après la claque visuelle du Réinvention Tour deux ans plus tôt, l’attente est grande. Comment pourra-t-elle faire encore plus beau, encore plus grandiose ?
Adjugé, cette fois-ci, ce sera Bercy pour moi.
En ce printemps 2006, la course du Stade Français semble inarrêtable. Du moins, jusqu’à ce que sa route sportive ne croise celle de l’autre Stade, celui des Rouge et Noir. Et là, c’est la grosse, grosse, grosse branlée.
Le 15 avril, au Stadium de foot de Toulouse, les Parisiens s’inclinent sur un score de 15 à …. 0 face aux locaux. Une cata. Du jamais vu de mémoire de supporters. Du jamais vu depuis 70 ans de mémoire de statistique.
Rien n’a marché au Stade Français. L’équipe étant épuisée par le cumul des matches en Top 14 et en H-Cup, diminuée par l’absence de nombreux titulaires suite à des blessures dans les derniers matches – Ulysse fait partie des grands absents – les Parisiens se sont embourbés dans un jeu décousu, laborieux. Au final, Jérém n’a pu, pas même une seule fois, aller au but.
Côté Toulousains, en revanche, le jeu était rôdé et la coordination des joueurs parfaite. A la fin du match, Jérém est épuisé et dégoûté. Son père tente de lui parler à la sortie du terrain, mais Jérém prend congé très vite, il a besoin d’être seul.
Il revient une heure plus tard, douché, en costard cravate, avec une bonne dose de parfum, sexy à en crever, mais toujours aussi dégoûté. Il n’a même pas envie d’aller à la troisième mi-temps. Il rentre à l’appart et se cale devant la télé, sans un mot mais entouré par beaucoup de bières. Je sens qu’il est d’humeur massacrante, je n’ose même pas lui parler.
Oui, la soirée s’annonce morose. Jusqu’à ce que ça sonne à la porte. Thibault est là.
— Je suis désolé, Jé, il glisse à son pote, autour d’une bière.
— T’as pas à être désolé !
— On n’aurait pas dû insister… mais tu sais comment sont les gars…
— C’est le but du jeu de marquer des points.
— On aurait pu se contenter de moins… surtout à la fin.
— Ça n’aurait rien changé.
— Tu as super bien joué, Jé. Ton équipe avait été beaucoup remaniée et la sauce n’a pas pris.
— Ça a été la cata.
— Ça ira mieux la prochaine fois, tu verras.
— On change de sujet, ok ? Tu vois toujours Paul ?
— Avec Paul, c’est fini, nous annonce le jeune papa.
— Ah, merde !
— Il n’avait pas assez de temps pour une relation, et sans doute on ne cherchait pas la même chose.
— T’inquiète, ça ira mieux la prochaine fois, tu verras ! fait Jérém, taquin.
— Ça y est, je suis déjà à la « prochaine fois » !
— Comment ça ?
— J’ai rencontré quelqu’un. Il s’appelle Arthur et il est pompier, lui aussi.
Mardi 23 mai 2006.
https://www.youtube.com/watch?v=RUsSEHLNQKs
C’est ce soir, à 20h45, que le commun des mortels, celui qui n’est pas abonné à la seule chaîne payante de cette époque, entend pour la première fois ce générique signé par l’immense Danny Elfman.
C’est aujourd’hui que Suzanne, Bree, Lynette, Gaby, Edie entrent dans ma vie avec l’humour insufflé par le tout aussi immense Marc Cherry.
Deux épisodes étincelants, annonçant une série phénomène. Et des phrases cultes.
Mike à Suzanne, au sujet du gratin de pâtes qu’elle a amené à l’enterrement de Mary-Alice :
« Je ne peux pas croire qu’il soit possible de rater des pâtes… ».
Puis, après les avoir goûtées malgré la mise en garde de Suzanne, lucide quant à ses lacunes en matière de cuisine :
« Mais c’est incroyable, elles sont en même temps pas assez cuites et trop cuites ! ».
Bree à son mari, à table, lorsque leur fils Andrew se montre insolent et ingrat vis-à-vis de l’ossobuco qu’elle a passé des heures à préparer :
« Rex, tu pourrais dire quelque chose, quand-même… ».
« Passe-moi le sel… ».
Juin 2006.
Il faudra attendre la demi-finale du Top14 pour que les deux Stades foulent à nouveau la même pelouse.
Le 3 juin, au Stade Gerland à Lyon, le blockbuster rugbystique affiche un nouveau choc de Titans.
Le match est serré, et chaque point est gagné en mouillant et en salissant le maillot bien comme il faut.
Malgré un final de saison en dents de scie, le Stade Français a quand même retrouvé un niveau de jeu qui lui avait cruellement fait défaut lors de la précédente rencontre avec les Toulousains. Mais cela ne suffit pas. Au bout de deux mi-temps intenses, les Parisiens sont obligés de s’incliner une nouvelle fois face aux Toulousains sur un score de 9 à 12.
La claque est dure à avaler. Pour la première fois depuis cinq ans, le Stade Français n’est pas en finale du Top 14. Jérém est dégoûté au plus haut point. Il est vrai que c’est rageant d’avoir joué toute une saison avant de perdre en demi-finale.
Jérém est tellement abattu qu’il a même envisagé de ne pas aller assister à la finale. S’il y va, c’est pour soutenir Thib.
— J’espère que c’est le Stade Toulousain qui va gagner, Thibault le mérite vraiment.
Le 10 juin, au Stade de France, ce sont en effet le Stade Toulousain et Biarritz qui s’affrontent pour remporter le bouclier de Brennus.
Depuis la triste nouvelle du décès du pauvre Mr Charles, à chaque fois que je lis « Biarritz », que j’entends parler de Biarritz ou que je me souviens de Biarritz, j’ai une pensée pour le sympathique concierge qui un soir m’a confié quelques-uns des moments les plus marquants de son existence. Je me dis que je suis probablement l’une des rares personnes à qui il les a confiés. Je n’ai vu Mr Charles qu’une fois, et pourtant cet homme m’a marqué. Et quand on arrive à marquer les esprits de cette façon, avec cette sincérité, cette générosité, quand la vie s’éteint, quelque chose survit à l’enveloppe corporelle.
Après deux mi-temps intenses, la finale du Top14 se termine avec un score de 13 à 40 en faveur des Biarrots. Les Rouge et Blanc mettent une belle branlée aux Rouge et Noir, comme ils l’avaient fait un an plus tôt aux Rose et Bleu.
Les Toulousains n’ont pas du tout démérité, car ils ont tout donné. Mais les Basques ont été intraitables.
Après le coup de sifflet de l’arbitre, les Toulousains remontent lentement le terrain, dépités. Je cherche Thibault et je l’aperçois sur le bord de la pelouse. Il est défait, et il est en larmes. En fait, ses coéquipiers viennent le saluer, tentent de l’apaiser. Mais en vain. Le jeune demi de mêlée est débordé par sa déception, sa frustration, sa tristesse.
Je n’ai jamais vu Thibault dans cet état auparavant. S’il est rageant de perdre en demi-finale, ça doit être carrément insupportable de perdre en finale. Tous les efforts d’une année pour en arriver là. Pour rater le but de si près. Visiblement, cette victoire, ce Brennus représentait vraiment beaucoup à ses yeux.
Cependant, je suis surpris par l’ampleur de son désarroi, lui par qui j’ai toujours entendu dire que la beauté du sport est dans l’effort personnel et collectif, dans le respect, la passion, et que le résultat n’est qu’accessoire.
Après les inévitables troisièmes mi-temps, je retrouve Jérém et Thibault à l’appart. Le jeune papa n’est pas seul. Il est venu accompagné d’Arthur. Arthur, c’est le garçon dont il nous a parlé la dernière fois. C’est le garçon qu’il était allé rejoindre au lieu de rester partager une nuit avec Jérém et moi. Arthur, c’est visiblement quelqu’un d’important aux yeux de l’ancien mécano.
— C’était au B-Machine, il y a deux mois, ils nous expliquent au sujet de leur rencontre. On se connaissait, mais on ne savait pas…
Je suis un peu étonné que Thibault ait su franchir la porte d’une boîte du milieu. Et pourtant, il l’a fait. Malgré sa notoriété. Ce garçon ne cessera jamais de me fasciner.
Arthur a 34 ans et il est pompier, lui aussi, professionnel, avec le grade de Lieutenant. Il est lui aussi papa, d’une fillette de dix ans. Arthur est châtain, assez costaud, souriant, et vraiment charmant. C’est un garçon simple, avenant, rassurant. Quand on l’entend parler, tout paraît simple, limpide. Il a l’air d’être un garçon généreux, bienveillant, droit dans ses bottes, bien dans ses pompes. Il a l’air d’être un modèle… Thibault. Pas étonnant qu’ils se soient trouvés ces deux-là.
La soirée est agréable. Et pourtant, j’ai l’impression que Thibault est toujours très affecté par la défaite de son équipe. Ceci dit, c’est tout frais, Jérém ne s’est pas encore fait une raison de l’élimination en demi-finale, même une semaine plus tard !
Le sujet du match du jour finit par revenir sur la table. Jérém essaie de ragaillardir son Thib en lui promettant une magnifique saison à venir, de belles victoires en perspective. Thibault le laisse parler pendant quelques minutes, l’air absent. Avant de faire une révélation fracassante.
— Il n’y aura pas d’autre saison, il assène calmement.
— Qu’est-ce que tu racontes ? s’insurge Jérém.
— Je ne jouerai pas l’année prochaine.
— Mais tu débloques ou quoi ?
— Je n’ai pas renouvelé mon contrat.
— Mais qu’est-ce qui te prend ? Perdre des finales fait partie du rugby, mais…
— Laisse-moi t’expliquer, Jé. Cette finale n’y est pour rien dans ma décision. Elle était prise depuis des mois. Si ça me désole autant d’avoir perdu aujourd’hui, c’est parce que j’aurai voulu raccrocher sur un exploit. Mais c’était plus pour l’équipe que pour moi.
Là, je reconnais le merveilleux Thibault.
— Nous avons perdu mais nous n’avons pas démérité, je crois que nous avons fait un beau match, et que les prochains gars qui vont jouer au Stade n’auront pas à avoir honte de nous.
— Mais Thib ! tente de protester Jérém.
— Attends, Jé, laisse-moi finir. J’ai fait cinq saisons au Stade, je me suis bien amusé, vraiment, il continue. Mais j’estime qu’il est temps pour moi de raccrocher les crampons et de consacrer ma vie à ce qui me tient vraiment à cœur.
— Plus que le rugby ?
— Avant d’être joueur, mon cœur est pompier.
— Tu vas bosser à temps plein au SDIS ?
— Ils ont besoin de bras et de bonnes volontés.
Je ne peux m’empêcher de me demander si l’adorable Arthur y est pour quelque chose dans la décision de Thibault. Mais je suis persuadé que si le jeune Lieutenant a pu jouer un rôle, tout ceci est son souhait avant tout.
— L’été dernier je suis parti à New York avec des collègues du SDIS et nous sommes allé visiter une caserne de pompiers à Manhattan. J’ai rencontré des mecs qui sont intervenus le 11 septembre. J’ai été impressionné par ces gars, par leur détermination. Nous parlions très mal l’anglais et ils ne parlaient pas du tout français. Mais notre credo est le même, et on se comprenait parfaitement.
— Ils nous ont montré leur caserne, leurs camions et leur matos. Je n’ai jamais vu autant de moyens matériels et humains réunis dans une seule caserne, c’était fascinant !
Pendant qu’il nous raconte sa rencontre avec les pompiers newyorkais, Thibault a le regard pétillant. Le ton de sa voix est enjoué et admiratif, le verbe passionné. Lorsqu’il nous parle de la grande échelle de dingue dont ils disposent, on dirait un gosse à Noël. Lorsqu’il nous raconte l’échange d’écussons entre les deux casernes et les longues poignées de main au moment de repartir, il est ému aux larmes.
Visiblement, tout son être tend vers ce monde, celui de l’assistance, de la protection, du don de soi. Je sens que le jeune papa a besoin de donner un sens à sa vie, et que ce sens il ne le trouvera qu’en étant investi à 100% dans une noble cause. Il n’y a aucun rêve de gloire dans cela, juste une bienveillance désintéressée, une immense grandeur d’esprit.
Arthur tente d’apaiser son émotion en posant une main sur son cou et en le caressant doucement. Ce petit mec a l’air bien amoureux de notre adorable Thib. Et ça fait trop plaisir à voir.
— Rencontrer ces gars m’a motivé à m’investir encore plus chez les pompiers. La vie est trop courte, et je veux utiliser la mienne pour aider ceux qui en ont besoin.
— Jouer au rugby c’est aussi une façon d’aider les gens. Tu leur offres du rêve, et les gens ont besoin de rêver pour supporter leur quotidien, intervient Arthur.
— Peut-être. Mais quand à six ans je me suis retrouvé encastré dans une voiture avec mon père, le meilleur rugbyman du monde n'aurait pu nous sortir de là. Alors que les pompiers, eux, ont su le faire. Tu comprends ? enchaîne Thibault, en s’adressant tout particulièrement à Jérém.
— Je comprends oui. Je comprends surtout que tu es un gars en or. Je comprends qu’il n’y en a pas deux comme toi !
— J’ai aussi besoin de passer plus de temps avec Lucas. Avec le rugby, je ne suis jamais là le week-end. Il a déjà quatre ans et j’ai l’impression que je ne le vois jamais !
— Tu renonces à une carrière fabuleuse au rugby, à des années de salaires déments, à l’affection des supporters… tu renonces à tout ça pour aller sauver des vies. Chapeau, mon pote !
— Je ne renonce à rien du tout. Je vais faire ce qui me rend heureux. Il faut faire ce qui nous rend heureux. Si tu te sens bien dans un maillot, tu dois porter un maillot. Mais moi je sais que je serai plus heureux avec mon uniforme et mon casque.
Voilà comment le jeune papa m'a ému aux larmes ce soir.
— Bonne chance à toi, Thib, fait Jérém, très ému, au moment où le beau petit couple de pompiers prend congé de nous. Et, surtout, fais attention à toi. Il serait tellement dommage qu’il t’arrive quelque chose.
Il y a tant de choses, tant d’admiration, d’amitié, d’amour dans ces simples mots. Je sais que Thibault ressent chacune des nuances de l’affection que Jérém a voulu exprimer, et qu’il les apprécie à leur juste valeur.
— Merci Jé, merci beaucoup, fait le jeune papa, en enserrant son pote très fort dans ses bras.
Juin 2006.
Début juin, c’est le moment des partiels. Malgré un parcours laborieux et un moral en berne après la demi-finale manquée, Jérém passe avec succès la dernière session d’examens pour l’obtention de sa licence en « gestion des entreprises ». Je suis content pour lui. Ça lui sera utile lorsque sa carrière au rugby s’arrêtera. Il y a le temps pour ça, ça ne sera pas avant au moins dix ans, mais ce n’est jamais inutile de se créer des opportunités.
Quant à moi, je termine mon master. En rendant mon mémoire, je sais que ma vie d’étudiant touche à sa fin. Il ne lui reste qu’un été avant de tirer sa révérence. Je sais qu’à la rentrée tout va changer pour moi. Je vais devoir chercher du travail, et je vais rentrer dans le monde des adultes. C’est un grand saut qui se profile pour moi, et j’avoue que ça me fait un peu peur.
J’aimerais que le travail m’approche de Jérém. Je me prends à imaginer, à rêver. D’autant plus que les astres semblent s’aligner dans cette perspective.
Le lendemain de la finale du Top14, Jérém m’a dit qu’il a été approché par le Stade Toulousain en vue d’un transfert à la fin de son contrat avec le Stade Français, contrat qui arrive à son terme à la fin de la saison 2006/2007. Ce serait une sacrée revanche pour lui. Car ce serait l’occasion inespérée non seulement de pouvoir enfin jouer dans l’équipe de sa ville de cœur, mais également d’y être accueilli avec tous les honneurs, alors qu’il avait été écarté cinq ans plus tôt.
A partir de là, il suffit de relier les points. Si Jérém va jouer à Toulouse, je vais chercher du travail à Toulouse, et dans un an nous serons à nouveau tous les deux réunis dans la plus belle ville du monde. Ça coule de source.
Cet été encore, une escale dans le vignoble Tommasi est à l’ordre du jour. Maxime est là aussi, toute la tribu est réunie. J’adore ces moments, en famille. Jérém a l’air de s’y sentir toujours mieux. Et quand Jérém est heureux, je le suis aussi.
Au bout de trois jours, nous quittons à nouveaux les coteaux du Gers pour revenir en Haute-Garonne. A Blagnac, un avion nous attend. Nous partons de Toulouse par une belle matinée d’été et nous atterrissons à Montréal, après 8 heures de vol, par une toute aussi belle matinée d’été.
C’est grâce à Ulysse que nous avons envisagé ce voyage au Québec. Le boblond s’y est rendu quelques années plus tôt et il en a gardé un souvenir enchanté.
Après avoir loué une voiture, nous partons vers l’est. Nous nous arrêtons manger à Trois-Rivières, à mi-chemin entre Montréal et la ville de Québec, dans un resto « Cabane à sucre » où la dégustation de spécialités à base de sirop d’érable est un passage délicieusement obligé.
En fin d’après-midi, dans le Vieux Québec, nous déambulons dans les rues que mon guide touristique décrit comme étant les plus vieilles d’Amérique du Nord. Je remarque que les plaques minéralogiques québécoises portent la devise « Je me souviens » au-dessus des immatriculations.
Vers la fin de l’après-midi, qui serait déjà le soir pour notre horloge interne d’Européens, la fatigue du décalage horaire se fait vraiment sentir. Je ressens un gros coup de mou. Nous allons manger un bout et nous gagnons notre chambre. Ce soir, nous n’avons pas le courage de faire l’amour. Nous avons tout le temps, pendant les trois prochaines semaines. Nous nous endormons dans les bras l’un de l’autre.
Le lendemain, nous nous rendons au parc de la Chute-Montmorency. Depuis le pont suspendu, j’entends le rugissement de l’eau sous mes pieds. Comme un rappel des chutes de Gulfoss, le vent, le froid et le gel en moins. Depuis l’escalier panoramique, les points de vue se succèdent et sont tous plus impressionnants les uns que les autres.
A l’occasion de ce voyage, j’ai enfin décidé de sauter le pas et de faire l’acquisition de l’un de ces nouveaux appareils photo, enfin devenus à la fois plus abordables et plus qualitatifs, qui permettent de faire un nombre presque illimité de photos et surtout de voir immédiatement le rendu sur un petit écran. Le numérique permet de faire un grand nombre de clichés. Et je ne m’en prive pas. Au point d’arriver à agacer Jérém avec mes demandes réitérées de prendre la pose.
Le lendemain, nous visitons le parc Huron à Wendake. Notre guide en costume traditionnel nous fait découvrir l’habitat, le mode de vie, les coutumes et l’histoire des peuples qui ont précédé la colonisation européenne. Il nous parle de la culture de ceux qu’on a trop longtemps nommés « indiens », et qui étaient ici appelés « hurons » par les colonisateurs, c’est à dire « personnages grossiers ». Et qui ne sont autre que les peuples indigènes, les Premières Nations, comme il les nomme. Premières Nations. Un appellatif qui remet à l’heure les pendules de la civilisation.
Nous reprenons la route et très vite un constat s’impose à moi. Ici, au Canada, tout est grand, les routes, les maisons, les voitures. Sur les autoroutes, tout comme en ville, notamment dans les banlieues pavillonnaires on a l’impression, comme le dit si bien mon Jérém, « d’être dans une série américaine, mais avec les sous titres en français ».
D’ailleurs, ici, ça parle moitié français et moitié anglais, et quand ça parle français, il faut s’accrocher. Car l’accent fait mal aux oreilles. Côté bouffe, en revanche, ça parle résolument « anglais ». Dans les restos, c’est pas terrible. Si la « poutine » est la spécialité locale, je n’ose imaginer le reste. Quand un pays ne connaît pas la baguette de pain et le jambon, c’est qu’il a de gros progrès à faire, du moins en termes de culture culinaire.
La suite et l’essentiel de notre voyage se passent dans quelques-uns des plus beaux parcs naturels de l’est canadien. Nous commençons par le Parc National du Gros Morne, sur l’Ile de Terre Neuve. Ici, se succèdent et s’entremêlent vallées glaciaires, forêts, littoraux dentelés, plages et tourbières.
Chaque jour, à chaque randonnée, presque à chacun de nos pas, nous en prenons plein la vue. Je suis ébloui par tant de beauté, et mon bonheur est décuplé par celui de Jérém, qui a l’air ravi comme un gosse.
Nous poursuivons avec le Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, un lieu où les montagnes et la mer se rencontrent. La route de la piste Cabot longe le littoral escarpé et offre une vue panoramique sur l'océan. Au menu de ce vaste plateau, des collines, des canyons creusés par les rivières, des plateaux découpés par des falaises escarpées, plusieurs lacs, des vallées et des forêts à perte de vue.
Quelque chose me saisit tout particulièrement dans ces paysages naturels grandioses. C’est la lumière. Elle sait allumer des couleurs très vives, très étincelantes. Des nuances de bleu turquoise pour le ciel, de vert émeraude pour la végétation, de gris métallique pour la roche, de transparence cristalline des fleuves et des lacs. Elle sait créer toute une palette chromatique qui n’appartient qu’à cet endroit.
Avec nos sacs à dos bien garnis, nous marchons pendant des heures. Nous mangeons assis sur une roche, sur le bord d’un lac dont la surface est enchantée par le reflet des montagnes autour. Nous dormons dans des hôtels en bois, parfois sous notre tente, et presque chaque soir nous nous offrons du plaisir.
Parfois, l’amour tient dans un délicieux jeu de mains. Jérém se glisse sur moi. Nos regards se cherchent, se happent mutuellement, tout comme nos lèvres, nos langues. Jérém m’embrasse, me caresse longuement. Le simple contact de son corps contre le mien est déjà un bonheur sensuel incommensurable. Il bande, il me fait bander. Sa main enserre nos queues, les branle doucement. Nos couilles se caressent mutuellement, nos glands s’embrassent, s’embrasent. Le plaisir de l'autre est tout aussi important, si ce n'est plus, que le plaisir qui brûle dans nos propres ventres.
Nos jouissances s’entraînent mutuellement. Nos giclées fusent, nos jus chauds se mélangent. J’adore sentir sur moi la chaleur de nos foutres. J’adore sentir l’odeur de la jouissance, de nos jouissances. Et j’adore lorsque nos lèvres se cherchent avidement malgré nos souffles haletants, lorsque nos torses se collent l’un à l’autre sans faire cas du sperme qui s’étale sur notre peau. J’adore sa présence contre moi. J’adore nos douches ensemble, et aussi nos ablutions improvisées au bord d’une rivière glacée au petit matin. J’adore savonner son torse, et le laisser savonner le mien. J’adore me réchauffer dans ses bras, et le réchauffer dans les miens.
J’adore le pomper le matin et j’adore me donner à lui le soir. Et parfois, aussi, le laisser me prendre en pleine nature, au détour d’un sentier. Et quelques fois, le prendre aussi, lorsqu’il en a envie.
En pénétrant dans le Parc national du Mont-Riding, nous savons que nous allons découvrir d’autres paysages magnifiques, ainsi qu’une grande diversité d’animaux sauvages.
Nous marchons depuis plus d’une heure sur un chemin à bord de falaise donnant sur une rivière et une forêt, lorsque nous tombons sur deux autres randonneurs.
En contrebas, des ours noirs se prélassent au soleil. Mais l’ours n’est pas le seul animal impressionnant dans le tableau. Une autre sorte d’animal se détache de ce spectacle naturel, un magnifique animal à deux pattes, bien brun, bien barbu, bien viril. Un animal à casquette.
Oui, ce serait dur de ne pas remarquer que l’un des deux randonneurs est un avion de chasse supersonique.
Un mètre soixante-quinze, je dirais, autour de trente ans, très brun, tout aussi brun que mon Jérém, le gars se tient là devant ce paysage fabuleux, les jambes légèrement écartées, de grosses godasses de randonnée aux pieds bien plantés sur le sol, le dos légèrement penché vers l’arrière, inversant ainsi le galbe convexe dessiné par ses épaules, avec une courbe concave à la progression plus douce, descendant jusqu’à ses reins. Et là, une nouvelle inversion sinusoïdale happe et fascine le regard, celle de ses fesses merveilleusement rebondies. Puis, la puissante droiture du profil de ses cuisses prend le relais, délicieux contraste avec l’arrondi saillant de son beau cul.
En dépit de ce que l’on entend très souvent dans la bouche de ceux qui aiment le corps masculin, que ce soient des nanas ou bien des garçons, comme quoi un beau cul masculin ce serait l’une des toutes premières choses qui attireraient le regard, je n’ai jamais vraiment été sensible à cette partie de l’anatomie virile. D’autres atouts – comme une belle petite gueule, les cheveux, le cou, les épaules, le torse, les poils, les cuisses (vous voyez, je zappe cette partie pourtant située au beau milieu de ce spectacle naturel à part entière qu’est le corps masculin), les mollets, mais aussi le brushing, l’attitude, le regard, le sourire, la virilité, et même les vêtements et sous-vêtements apparents (t-shirts, élastiques de boxer dépassant) – oui, d’autres atouts masculins attirent mon regard avant le fessier, et même carrément à la place du fessier.
Mais je dois bien admettre que dans certains cas, comme dans le cas de ce mâle barbu à casquette, un cul bien rebondi, habillé d’un pantalon bien coupé – en l’occurrence, un pantalon de randonnée marron-vert, plein de poches, porté très près de ses cuisses et de ses fesses – et accompagné par une station du corps qui le met bien en valeur – le genou légèrement plié, calant sa silhouette vers la droite, accentuant le sillon entre ses fesses – ça donne une putain d’allure qui est juste à se damner.
Bref, il faut bien avouer qu’un beau cul participe à l’harmonie de la perfection mâle.
Le bel animal porte également un pull à zip noir et gris dont le col remonte jusqu’à sa pomme d’Adam, par ailleurs bien saillante. Dommage que la fermeture du pull soit close jusqu’au dernier cran. J’aimerais savoir ce qu’il porte sous son pull. Un t-shirt ? Blanc ? Noir ? Gris ? D’une autre couleur, peut-être. J’ose à peine imaginer comment il pourrait être furieusement sex s’il ouvrait un peu son pull, s’il le tombait, s’il se foutait à poil… Puisqu’ il l’est déjà, furieusement sex, même tout habillé !
Sa présence, son attitude semblent décrire un jeune mâle bien fringant. Sa belle casquette, visière à l’avant, c’est important de le préciser – casquette à l'envers, petit conitude flamboyante, casquette à l'avant, intense mâlitude posée – est alignée sur son regard brun de fauve.
Se tenant fièrement face à ce paysage époustouflant, tout ravi dans l’observation de ces animaux imposants, le mec dégage une virilité intense.
Le beau barbu à casquette est en compagnie d’un pote, un peu plus trapu, brun, pas mal non plus, pas mal du tout à vrai dire. Mais le beau barbu à casquette attire tous les regards.
En arrivant près des deux potes, Jérém et moi leur lançons un bonjour (qui dans mon cas est autant un prétexte pour attirer leur attention qu’une politesse). Mais les deux randonneurs, tout pris dans leur observation des ours à l’aide de leurs grandes jumelles, nous répondent à peine, sans nous décocher le moindre regard.
Jérém et moi restons un bon moment à observer le paysage et sa faune, tout autant fascinés par les plantigrades que par le magnifique bipède. Nous considérons les premiers avec fascination, nous contemplons le second avec une attirance certaine. Mais malgré l’insistance discrète de nos regards, nous n’arrivons à aucun moment à croiser celui d’un quelconque spécimen.
Les ours en contrebas, c’est un spectacle purement grandiose. Le beau barbu à casquette tout près et pourtant si loin de nous, c’en est une autre. Ces rencontres vont nous habiter pendant toute la journée.
Tout au long de notre périple, je ne cesse de me répéter que la nature sied merveilleusement bien à mon Jérém. Ici, dans ces grands espaces, sa brunitude, sa bogossitude, sa sexytude semblent dégager un éclat particulier. Au moins que ce ne soit le fait que dans ces grands espaces Jérém est heureux, heureux et épanoui comme il l’est à Campan, insouciant, reconnecté avec la nature, avec l’essentiel, avec son âme d’enfant.
Le voir s’enthousiasmer devant la majesté des animaux de ces grands espaces, le voir transi devant un paysage grandiose. Voir son regard ému, ses larmes retenues de justesse. Sentir ses bras autour de moi, et ses bisous dans mon cou, alors que nous regardons un lac s’embraser des rayons multicolores d’un coucher de soleil. Voilà ce que je m’aventurerais à appeler le bonheur.
Le dernier soir avant notre retour en France, nous le passons dans Le Village, à Montréal. Nous sortons dans l’une des nombreuses boîtes gays. Evidemment, il n’est pas question que nous partions du Québec sans avoir goûté à la faune locale.
Pendant nos randonnées, il nous est arrivé de croiser quelques beaux spécimens – dont le souvenir le plus impérissable nous a été évidemment laissé par le barbu à casquette du Mont Riding – sans que nous ayons l’opportunité d’échanger au mieux que quelques regards appuyés. A une ou deux occasions j’ai bien ressenti la frustration de mon bobrun, une frustration sans mots, mais bien inscrite dans son regard. Alors, ce soir, il n’est pas question de rater le coche.
Xavier est un beau garçon brun, le regard pétillant et charmeur. Il arbore un look étudiant, blouson de fac blanc et rouge ouvert sur un t-shirt gris. Un simple échange de regards suffit pour nous faire retrouver tous les trois à la même table.
Xavier est un garçon avenant, comme le sont typiquement les gens d’ici. Il parle fort, avec un accent auquel on ne s’habitue pas, qui fait mal aux oreilles, mais il est plutôt sympathique. Il nous dit avoir 27 ans, et travailler dans la banque.
Xavier nous invite chez lui et nous nous mettons très vite à l’aise. Une fois à poil, mes spéculations à son sujet se confirment : sous le blouson d’étudiant un peu grand, se cache un beau petit physique à faire jouir d’urgence !
Xavier se laisse sucer à tour de rôle par Jérém et par moi. Puis, il se fait baiser par Jérém. Mon beau brun le pilonne longuement, mais pas jusqu’au bout. Car, après une bonne chevauchée sauvage, le beau canadien se déboîte de l’étalon toulousain, lui enlève sa capote, il recommence à le sucer avec un entrain et une gourmandise induits par l’excitation.
— Putain, tu vas m’avoir ! j’entends mon Jérém râler, alors que l’orgasme déforme ses beaux traits virils, tandis que le plaisir embrase son bas ventre, embrume son esprit, alors que son jus jaillit dans la bouche du beau Canadien.
Xavier chausse une capote et vient en moi dans la foulée. Ses coups de reins sont puissants, et l’orgasme se dessine sur sa belle gueule comme un feu d’artifice. Sa main enserre ma queue et me fait jouir en quelques secondes.
Un peu plus tard dans la soirée, lorsque nous rentrons à l’hôtel, sous la couette, dans le noir, Jérém s’offre à moi. Jouir entre ses fesses musclées est un plaisir inouï, le branler et le sentir jouir alors que je suis toujours en lui est un bonheur indescriptible.
Samedi 22 juillet 2006.
Nous sommes rentrés depuis 24 heures et le Canada me manque déjà. Ses grands espaces, ses lumières, ses couleurs me manquent. Et cette sensation d’être libre, seul au monde avec Jérém. Les pieds sont bien à Toulouse, mais l'esprit toujours à 6000 km de là. J’en ai pris plein la vue et j’ai été si heureux avec mon bobrun.
Jérém est avec moi encore pendant quelques heures, mais lui aussi me manque déjà. Demain après-midi, il repartira à Paris car lundi il reprend les entraînements. Aussi, dans la semaine, il est attendu pour le shooting du nouveau calendrier des Dieux du Stade. Je suis curieux de savoir ce que les photographes vont nous concocter cette année pour aller encore plus loin dans la mise en scène de la bogossitude. J’espère qu’ils ne vont pas y mettre trop d’artifices, trop de mise en scène, justement, trop de travail de post-production. Car la mâlitude est un mets qui se déguste brut, nature, sans ajouts. Plus il est au naturel, plus il est saisissant. Plus il est figé, plus il perd de sa magie. Comme les cerises doivent se manger sur l’arbre, les garçons se contemplent le mieux au quotidien, à leur insu, dans l’élan de leur naturel.
Mais je sais que la beauté mâle de mon beau brun est telle qu’elle pourra transcender tout cela. Car son regard perce l’objectif, son charme est envoûtant. Je ne me fais pas de soucis pour ça, une nouvelle fois, son corps et sa belle petite gueule vont faire fantasmer, mouiller, bander, se branler la France entière.
Je me suis fait à cette réalité, au fait que la contrepartie d’être le petit ami d’un rugbyman très médiatisé est de devoir supporter le fait qu’il soit l’objet de fantasmes innombrables. Et tant pis si cette célébrité, si cette exposition médiatisée de sa bogossitude lui ouvre des tonnes d’opportunité de baiser. J’ai appris à ne pas être jaloux de ses aventures. Jérém va bientôt avoir 25 ans, et il a les besoins d’un garçon de 25 ans.
Je m’y suis fait car nos retrouvailles sont toujours une fête. Et aussi parce que si l’accès à sa sexualité brune ne m’est pas exclusif, l’accès à son cœur, lui, il l’est sans détours. C’est avec moi qu’il a partagé les moments heureux et les moins heureux de sa vie depuis cinq ans, c’est moi qu’il a amené à Campan, mais aussi dans le domaine viticole familial. C’est encore avec moi qu’il a partagé toutes ses vacances depuis quelques années. Et ces récentes vacances au Québec ont été une fois un moment de bonheur inouï.
Début août 2006.
Le Top 14 reprend, et Jérém est reparti pour un nouveau tour d’entraînement et de matches. Après trois semaines passées ensemble au Québec, j’ai le plus grand mal à m’habituer à la distance, au manque.
Je tente d’éloigner la nostalgie de notre été en me replongeant dans ma collection de clichés. Je trie sur l’écran de mon ordi ceux qui sont réussis de ceux qui le sont moins, parfois beaucoup moins. Une bonne moitié passe à la trappe. Sur le petit écran de l’appareil, on ne voit pas tout.
Il en reste quand même beaucoup. Et là, je réalise quelque chose. Le numérique permet de faire beaucoup de clichés. Peut-être trop de clichés. L’abondance efface cette rareté des photos d’antan qui en faisait leur valeur. Et il enlève aussi le plaisir de la photo en tant qu’objet, de souvenir tangible qu’on rangeait dans un album ou dans une boîte à chaussures et que l’on pouvait consulter n’importe quand, sans se soucier d’avoir de la batterie ou pas, sans risquer de perdre tous nos souvenirs au gré de la perte ou d’un changement d’appareil.
Lundi 28 août 2006.
L’été se termine, et septembre approche. Dans trois jours, je serai à Paris pour le concert de Madonna. Le premier septembre, c’est la date que je me suis donné pour commencer à chercher du travail. Alors, en ce 31 août, date ultime de ma vie d’étudiant, ce concert assume des allures de passage à l’âge adulte.
Comme au moment du bac, je me sens grandir, et je n’aime pas ça. J’ai l’impression de perdre quelque chose dont je n’ai pas assez profité, ma vie d’étudiant, mes camarades de fac, mes jeunes années, mon insouciance.
En réalité, ce n’est pas vrai. Depuis cinq ans, j’ai vécu plein de choses. J’ai construit une belle histoire avec Jérém, j’ai fait des rencontres, j’ai fait des voyages, j’ai fait mon coming out, Jérém a fait le sien. Il a assumé d’être gay, devant lui-même, et devant de nombreuses personnes.
Et pourtant, comme au moment du bac, j’ai l’impression qu’une page se tourne dans ma vie, qu’un chapitre se ferme à tout jamais. J’ai l’impression d’être arraché à un monde rassurant, car familier, pour être « jeté » dans un monde angoissant, car inconnu. Ce qui va se passer après la fin de mes études, c’est un grand saut dans le vide, le saut vers ma vie d’adulte. Je me demande où j’en serai dans un an, cinq ans, dix ans. Est-ce que je vais trouver rapidement du travail ? Quel sera mon quotidien, quels seront mes soucis, mes envies ? Où en serons-nous, Jérém et moi, dans un an, cinq ans, dix ans ? Toujours à nous voir entre deux matches, pendant quelques heures, à l’abri des regards ?
J’en arrive même à craindre que l’angoisse provoquée par l’approche de toutes ces échéances ne gâche le plaisir de ce concert tant attendu.
Quoi qu’il en soit, je note qu’une fois de plus, ma Star de toujours répond présent à une étape importante de ma vie.
Et elle n’est pas la seule.
L’avant-veille du concert, une surprise vient balayer mon angoisse. Jérém m’annonce au téléphone qu’il a envie de venir voir le show avec moi. Et qu’il va charger son agent de nous dégoter deux places VIP.
Jeudi 31 août 2006.
Dans la loge VIP, nous croisons du beau monde. La présence de deux personnalités féminines m’émeut tout particulièrement. L’une, rousse, à la voix fluette, et néanmoins chanteuse à l’immense succès et à l’immense présence, surnommée par certains, à une époque, « La Madone française ». Elle a sorti cette année l’un de ses albums les plus emblématiques à mes oreilles, « Avant que l’ombre ». L’autre, brune, humoriste, elle aussi à grand succès, à la voix tonitruante, à l’humour vivace. Ses sketches dans « On a tout essayé » sont de purs moments de franche rigolade, de bout en bout. Je n’arrive pas à croire que je suis en train de « côtoyer » ce genre de célébrités.
Ceci étant dit, je ne perds pas de vue le fait que la plus grande de toutes va bientôt faire son apparition sur scène devant 20.000 fans en délire.
— Mais elle arrive quand ? s’impatiente Jérém alors que le début du concert a déjà une demi-heure de retard.
— Regarde, il y a encore des gens qui arrivent, je lui fais remarquer. Et puis, l’attente fait partie du plaisir. Ne ressens-tu pas l’effervescence de la salle ? C’est ça qui est bon, comme avant le début d’un match de rugby. Tout ce bruit, tout ce frémissement, cette tension, cette impatience !
— Si tu le dis…
— Je l’affirme, même !
Je n’aurais jamais cru que Jérém me suivrait dans ce genre d’événement. Je suis si heureux de partager ce moment avec lui. Si Jérém va aimer ce concert, je serai fou de joie !
Enfin la lumière tombe dans la salle. L’ovation du public est une vague qui monte et qui fait tout trembler. Il n’y a plus que la scène et ses avancées qui brillent sous les faisceaux lumineux. La musique démarre en trombe, les basses sont décoiffantes, ils font vibrer les tympans, le ventre, le siège, le sol même. Mais l’acclamation de la salle monte en flèche jusqu’à presque les couvrir.
https://www.youtube.com/watch?v=n80QXNRIV6c
Une voix métallique envahit alors la salle, tandis que les écrans s’allument et nous montrent le visage de Madonna coiffé d’un grand chapeau haut de forme. Elle nous chuchote qu’elle va nous parler d’amour, nous faire oublier les tracas quotidiens. Elle demande si on veut la suivre, si on a envie de lâcher prise. Bah, et comment que j’en ai envie !
Pendant ce temps, une grande boule disco descend lentement du plafond de la salle jusqu’à se poser au sol. Le son dans la salle est une pure dinguerie, les basses hypnotisent les oreilles, font vibrer chaque fibre de mon corps. Madonna n’est toujours pas entrée en scène et l’attente est fébrile, l’excitation palpable.
La grande boule disco éclot enfin en une panoplie de pétales colorés et luminescents. Et elle est là, menue et pourtant impériale. Je suis comme à chaque fois scotché par son apparition.
Les notes montent, montent, montent et montent encore jusqu’à que sa petite voix se lève dans la salle.
L’assistance tout entière vibre avec elle, vibre après elle, vibre d’une seule et unique, majestueuse secousse. A la quatrième minute de la première mi-temps, Madonna marque son premier essai.
Les cris et les acclamations des 20.000 de Bercy couvrent presque la musique. C’est beau une salle entière qui chante, danse, vibre à l’unisson. Impossible d’assister à ce spectacle sans se lever et danser. Le public commence à s’animer. L’humoriste brune se lève et danse elle aussi, se déchaîne comme une folle.
— Rien à foutre, je l’entends lancer à la nana, visiblement une copine, qui l’accompagne.
Je ressens alors un désir irrésistible de vivre ce moment à fond. Je me lève à mon tour, et je commence à danser. Et là, à mon immense surprise, Jérém finit par se lever à son tour de sa chaise. D’abord, il bouge comme un mec, c’est-à-dire, il gigote quelques gestes maladroits au ralenti. Mais il finit par se laisser emporter par le rythme.
Ma joie est doublée par son enthousiasme et son emballement.
— Eh, le bogoss, lui lance l’humoriste brune, mais toi on t’a pas vu à poil sur le calendrier du rugby ?
— Et toi, on t’a pas vue faire la conasse à la télé ? lui répond Jérém du tac-au-tac.
— A poil ! elle le taquine.
Madonna est un concentré incroyable d’énergie. Nous devinons le travail et l’endurance que cela a demandé, et nous l’apprécions à sa juste valeur.
C’est un phénomène échappant à toute définition, et toujours surprenant. Elle est ce qu’elle a choisi d’être, elle a su s’affirmer, s’imposer, elle est une inspiration pour toutes les minorités. Elle a parlé de SIDA dans son concert de 1993. Elle a montré des garçons qui s’embrassent. Elle a parlé de femmes battues en 2001. Et cette année, elle montre un garçon Israélien et un Palestinien qui s’aiment. C’est pour cela que je l’aime.
La déferlante de Music Inferno fait bondir l’assistance. Tout le monde est en blanc, Madonna, les danseuses, les musiciens. Une grande boule à facettes domine la scène et la piste s’embrase des mille couleurs de la Fièvre du Samedi Soir. La puissance de la musique et de la soirée est à son comble. Une fois de plus tout le monde est debout, y compris les plus réticents à l’exercice.
https://youtu.be/MeAlpRhGTSE?t=224
Je danse toujours, Jérém aussi.
Hélas, je le sais, le concert touche déjà à sa fin, il est passé en un éclair. Mais je suis bien déterminé à profiter de chacun des instants qui restent.
Les premières notes de « Hung Up » résonnent dans le grand espace et tout le monde est debout pour le grand final. Elle chante une fois le refrain. Puis, pendant que la musique continue sur un très long bridge, elle disparaît dans une trappe du plancher. De la position où je me trouve je vois sa coiffure blonde s’échapper de la scène. C’est une fraction de seconde, mais c’est quand même une Madonna « in the real life » que j’aperçois avant qu’elle ne disparaisse vers un dressing.
Au bout d’une ou deux minutes elle revient sur scène.
https://www.youtube.com/watch?v=5z8nZV7WlJI
C’est le moment de chanter « Every little thing that you say or do » et elle commence à se déhancher avec ses boys, c’est splendide et étincelant (et certains de ses boys, sexy). Ça donne plus que jamais envie de danser et de chanter. Et on ne s’en prive pas. C’est la dernière chanson, il faut vivre ça à fond, jusqu’à la dernière note.
Lorsque la musique s’arrête, les lumières de scène s’éteignent et la salle se rallume, le public applaudit à se casser les mains, siffle et l’appelle à s’époumoner. Mais elle ne reviendra pas. Pas ce soir, en tout cas.
Nous quittons le Palais Omnisport et nous nous retrouvons dans la nuit fraîche de Paris. Je regarde la foule se disperser calmement, je regarde la foule redevenir une somme d’individus. L’espace d’un soir, nous étions là pour elle, et nous sommes devenus foule grâce à elle. Nous étions là pour écrire un chapitre de plus de notre histoire commune. Nous avions besoin de nous défouler, de faire la fête, d’être nous-mêmes. Et elle nous en a donné l’occasion.
Dans quelques jours, je vais avoir 24 ans. Demain, premier septembre, je vais devenir adulte. A cette étape de ma vie aussi, elle a répondu présent.
Le Confessions Tour de 2006 reste, plus de dix ans et plusieurs tournées plus tard, le plus beau concert de Madonna à ce jour. Et il le restera probablement à tout jamais. Elle couronne toute cette époque madonnesque, ce qu’on appelle entre fans une « era », cette période de plusieurs mois ou années qui comprend la sortie de plusieurs singles, d’un album, de la promotion de cet album via des apparitions télévisées aux quatre coins du globe. L’era « Confessions » sera le dernier grand coup d’éclat d’une immense carrière qui sera plus nuancée par la suite.
Ce soir, Madonna a été une nouvelle fois incroyable. Mais Jérém l’a été lui aussi. Je suis si heureux d’avoir partagé ce moment avec lui. Son ravissement m’émeut et ajoute un plaisir supplémentaire au plaisir que j’ai retiré du concert lui-même.
— Je m’attendais à un beau spectacle, mais pas à ça quand-même ! Putain, ça décoiffe !
Voir mon Jérém emballé, comme en Italie, comme en Islande, comme au Québec, comme ce soir, ça n’a pas de prix à mes yeux. Son bonheur est mon bonheur. A l’avenir, je veux le voir si emballé le plus souvent possible. Je veux organiser des voyages, et le surprendre, et lui faire retrouver ce regard et cette fébrilité de gosse à Noel.
Vendredi 1er septembre 2006.
Je n’ai pas envie de descendre trop vite du petit nuage sur lequel je vis depuis le concert. Le week-end approche, je suis avec Jérém. Je me dis que l’entrée dans ma vie d’adulte peut bien attendre encore deux jours, deux jours que je vais consacrer à m’occuper du garçon que j’aime.
Lundi 4 septembre 2006.
M’éloigner de Jérém est comme toujours une déchirure. Mais ce n’est pas la seule de cette journée. Mon voyage vers Bordeaux en est une autre. Vider mon studio que j’ai habité pendant cinq ans, dans lequel j’ai fait l’amour avec Jérém, encore une autre. Dire au revoir à mes adorables propriétaires bordelais est encore plus dur que je ne l’avais imaginé. Passer officiellement de la vie d’étudiant à celle de demandeur d’emploi, ça me donne le vertige.
Heureusement, j’atterris à Toulouse, chez mes parents. Ils sont super heureux de me retrouver, de m’avoir à nouveau à la maison. J’ai des entretiens d’embauche dans la semaine, des rendez-vous prévus depuis quelque temps déjà, avec des possibles employeurs dans la région toulousaine.
Ma ville me manque. Cinq années d’exil, ça suffit. Et puis, Jérém m’a confirmé être en négociations avancées avec les Rouge et Noir en vue de son transfert de l’année prochaine. Pour Jérém aussi, l’exil a bien assez duré. Dans un an, Jérém jouera dans son club de cœur. Il sera de retour à Toulouse. Et nous serons enfin réunis. Je ne sais pas si nous habiterons ensemble. Je ne sais pas si nous en sommes là, si Jérém est prêt pour ça. Et, surtout, si son monde est prêt pour ça, ou si une « sortie du placard » constitue toujours un risque pour sa carrière. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura plus cette maudite distance entre nous, et que nous pourrons nous voir beaucoup plus souvent.
Septembre 2006.
En Top14, le Stade Français semble revenu au top de sa forme. Il semble à nouveau tout puissant, et mon beau Jérém est un élément clé de cette toute puissance retrouvée. Il est lui aussi au sommet de sa forme. Il attire le ballon comme un aimant, il court plus vite que le vent, il évite la défense adverse comme s’il arrivait à prévoir à l’avance l’obstacle qui se va se présenter sur sa lancée. Et il marque plus vite que son ombre. Les journaux sportifs écrivent que son jeu a gagné en fluidité, en tactique, en maturité. Le beau brun ne fonce plus tête baissée, il analyse le jeu en permanence, à l’affût de chaque occasion. Il est tout simplement dans son élément, ça se voit qu’il prend du plaisir, beaucoup de plaisir, et c’est tellement beau !
Par ailleurs, l’organisation tactique de l’équipe semble désormais structurée de sorte qu’un certain nombre de joueurs se comportent comme un cordon de sécurité autour de Jérém, notamment lors de ses envolées vers la ligne de but. Il me semble que l’idée, par ailleurs évoquée par Ulysse lors d’une soirée, est d’empêcher d’éventuels snipers de l’équipe adverse de dégommer l’ailier aux essais d’or.
Samedi 16 septembre 2006.
Aujourd’hui, j’ai 24 ans. Demain se joue le premier match Stade Français vs Stade Toulousain de la saison, et ce soir Jérém est venu à la maison pour fêter mon anniversaire avec mes parents, Élodie et sa petite famille.
Le soir, je suce Jérém dans ma chambre d’enfant.
— T’es sex, mec ! il me glisse, pendant que je m’affaire avec bon entrain sur son manche raide. Qu’est-ce que tu m’excites !
Des mots directs, simples, qui font du bien à l’ego.
— Et toi, alors, je lui relance, presque en apnée, entre deux va-et-vient sur son manche raide, toi … avec ce corps … ces bras … ces pecs … et … cette putain de queue !
— Tu l’aimes ma queue, hein ?
— Et comment !
— Vas-y, fais-moi jouir… et avale !
Un instant plus tard, le beau brun me remplit la bouche de ses jets puissant, chaud et bien denses, au goût pétillant.
Quelques minutes plus tard, Jérém vient sur moi, en moi. Son torse musclé chauffe mon dos, et tous mes sens avec, ses poils bruns enfin revenus à leur expression la plus naturelle et la plus érotique caressent ma peau et embrasent mon excitation. Ses va-et-vient lents sont chargés de sensualité. Je sens son souffle dans mon cou, j’entends son orgasme approcher lentement, puis exploser dans un long soupir de bonheur et de satisfaction.
Dans le noir, les câlins et la tendresse sont là pour compléter le bonheur de cette nuit. Quand je pense que dans un an nous serons tous les deux réunis à Toulouse et que ce genre de nuit pourrait se produire autant que les jours du calendrier, je me sens tellement heureux !
Dimanche 17 septembre 2006.
Aujourd’hui, au Stadium de foot de Toulouse, les Bleu et Rose prennent enfin leur revanche sur les Rouge et Noir sur un score de 16 à 12.
— Tu ne regrettes pas ta décision ? je m’entends demander à Thibault, après le coup de sifflet final.
— Non, je ne regrette pas. J’adore ce que je fais au SDIS, et je ne changerais pour rien au monde.
— Même de jouer avec Jé ?
— Ah, si. J’aimerais jouer à nouveau avec Jé. Mais pas comme ça, pas en Top14. J’aimerais jouer comme on jouait quand on était gamins. J’aimerais jouer pour m’amuser, pas parce qu’il faut gagner à tout prix. Moi, ce rugby-là, ce rugby qui sent l’argent, qui casse les mecs, ça ne m’intéresse pas.
Septembre 2006.
Jérém a rencontré les dirigeants du Stade Toulousain, et ça s’est très bien passé. Une partie de l’ancienne génération qui avait un a priori au sujet de son côté « ingérable » à l’époque où il était encore en amateur a été remplacée. Les nouveaux sont plutôt émus par ses résultats sportifs impressionnants depuis son retour sur le terrain après son accident sportif.
Un salaire a même été annoncé. Deux fois plus important que celui aligné par l’autre Stade. Cependant, je suis certain que l’argent n’est pas ce qui pousse Jérém à revenir à Toulouse. On lui avait proposé moins qu’à Paris, il serait revenu quand même. Car Toulouse est sa ville, et jouer en noir et rouge est son rêve depuis toujours. Un rêve contrarié il y a cinq ans, un désaveu qu’il avait vécu comme un échec personnel. Depuis, il a bien pris sa revanche sur ceux qui n’avaient pas voulu lui faire confiance. Et pouvoir revenir exactement là où il avait été rejeté, ça prend des allures de revanche personnelle qui doit faire un sacré bien à son ego.
Quant à moi, mes entretiens d’embauche dans la région toulousaine ont débouché sur une proposition d’emploi qui m’a tout particulièrement emballé. Car elle concerne directement la Garonne. Et, plus précisément, la gestion des prélèvements pour l’irrigation via le Canal de Saint Martory, un ouvrage crée au XIX siècle et alimenté par la Garonne elle-même pour irriguer les plaines entre le village de Saint Martory et Toulouse.
L’organisme départemental qui s’occupe de la gestion du Canal de Saint Martory est basé à Montaudran. Aucun poste correspondant à mes compétences n’est à pourvoir pour l’instant. Mais en attendant, je me vois proposer un poste d’agent de terrain. Je serai chargé de suivre les consommations agricoles par point de prélèvement pendant la saison estivale. Je suis heureux de ne pas m’enfermer tout de suite dans un bureau et de pouvoir me familiariser avec le réseau.
Mon contrat doit démarrer le 1er novembre. Ça prolonge d’autant ma vie d’étudiant, et ma jeunesse insouciante. Je réfléchis à prendre un appart. Mais je vais attendre d’avoir mon premier salaire pour me lancer dans les recherches. Et puis, je ne suis pas mal chez Maman et Papa.
Aussi, j’aimerais d’abord savoir ce qu’envisage Jérém pour sa venue à Toulouse, dans un peu plus de six mois, à la fin de la saison du Top14. Il va certainement prendre un appart, ou une maison. Mais dans quel quartier de Toulouse ? Est-ce que dans son futur logement il y aura une place pour moi ? Je ne veux pas lui mettre la pression, j’accepterai même qu’il ne souhaite pas qu’on vive ensemble pour ne pas s’exposer. Mais si nous devons avoir chacun notre chez nous, j’aimerais au moins qu’ils ne soient pas aux deux bouts de la ville. Bon, on verra.
Septembre se termine, l’automne s’installe. Si ma vie était jusque-là un puzzle avec bon nombre de pièces en vrac, en ces premiers jours d’octobre j’ai enfin l’impression que tout s’assemble, tout se met en perspective, tout semble dessiner un avenir heureux.
Jérém et moi sommes toujours Ourson et P’tit Loup, et rien ne semble pouvoir ternir notre amour. Je vais avoir un travail qui va me plaire. Je suis de retour à Toulouse, je vais pouvoir voir plus régulièrement les gens que j’aime, Maman, Papa, ma cousine Elodie, Thibault, Julien. Et, bientôt, Jérém aussi. Je me sens bien dans ma peau, entouré de gens qui m’acceptent et qui m’aiment pour celui que je suis. Que de chemin parcouru depuis cinq ans ! Je réalise que j’ai beaucoup de chance, beaucoup.
Puis, octobre est arrivé. Et le jour de l'anniversaire de Jérém, le vent d’Autan s’est levé, et il a soufflé, insistant, incessant, implacable. Violent.
Il est FORMELLEMENT interdit de laisser des commentaires à cet épisode, tout comme il est ABSOLUMENT défendu de me soutenir sur Tipeee.
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Les peines encourues sont exemplaires, et à la hauteur du délit constaté : ma reconnaissance, ma reconnaissance, et encore ma reconnaissance.
Après le voyage en Islande, le réveillon de Noël au domaine Tommasi, celui du 31 à Campan, l’année 2006 démarre sur les chapeaux de roue.
Côté études, je valide tous mes partiels. Jérém a un peu moins de succès, mais un rattrapage lui est proposé en contrôle continu. Quand on est joueur pro, on bénéficie de quelques avantages.
Si on fait abstraction d’un petit décrochage contre Agen en février, en ce début d’année le Stade Français cumule les victoires et confirme sa position de leader du Top14. Il tient même une belle revanche contre Biarritz, l’équipe qui lui a ravi le Brennus en 2005.
Côté carrière personnelle, tous les voyants sont au vert pour mon beau brun. Le match XV de France - Irlande se déroule le 11 février 2006 au Stade de France devant 80000 supporteurs très démonstratifs. Cette deuxième journée du tournoi des Six Nations se termine par la victoire du XV de France sur le score de 43 à 31.
Oui, Jérém est toujours très pris par sa vie de joueur professionnel. Ce qui laisse peu d’occasions pour nous retrouver. Mais nos sentiments sont toujours forts. Et la distance, celle qui crée l’absence et le manque, même si elle est dure à supporter, contribue sans doute à les préserver.
Je comble les jours loin de Jérém en lisant de bons livres, en me rendant plus souvent à Toulouse. Et en faisant du vélo avec Ruben. Une belle amitié est restée entre nous, et ça me fait chaud au cœur. Il m’arrive même de lui parler de Jérém, sans qu’il y ait le moindre malaise.
Au printemps, la nouvelle tournée de Madonna, le « Confessions Tour », pendant scénique de l’ère « Hung Up », est annoncé pour l’été. Après la claque musicale et esthétique de l’album sorti quelques semaines plus tôt, après la claque visuelle du Réinvention Tour deux ans plus tôt, l’attente est grande. Comment pourra-t-elle faire encore plus beau, encore plus grandiose ?
Adjugé, cette fois-ci, ce sera Bercy pour moi.
En ce printemps 2006, la course du Stade Français semble inarrêtable. Du moins, jusqu’à ce que sa route sportive ne croise celle de l’autre Stade, celui des Rouge et Noir. Et là, c’est la grosse, grosse, grosse branlée.
Le 15 avril, au Stadium de foot de Toulouse, les Parisiens s’inclinent sur un score de 15 à …. 0 face aux locaux. Une cata. Du jamais vu de mémoire de supporters. Du jamais vu depuis 70 ans de mémoire de statistique.
Rien n’a marché au Stade Français. L’équipe étant épuisée par le cumul des matches en Top 14 et en H-Cup, diminuée par l’absence de nombreux titulaires suite à des blessures dans les derniers matches – Ulysse fait partie des grands absents – les Parisiens se sont embourbés dans un jeu décousu, laborieux. Au final, Jérém n’a pu, pas même une seule fois, aller au but.
Côté Toulousains, en revanche, le jeu était rôdé et la coordination des joueurs parfaite. A la fin du match, Jérém est épuisé et dégoûté. Son père tente de lui parler à la sortie du terrain, mais Jérém prend congé très vite, il a besoin d’être seul.
Il revient une heure plus tard, douché, en costard cravate, avec une bonne dose de parfum, sexy à en crever, mais toujours aussi dégoûté. Il n’a même pas envie d’aller à la troisième mi-temps. Il rentre à l’appart et se cale devant la télé, sans un mot mais entouré par beaucoup de bières. Je sens qu’il est d’humeur massacrante, je n’ose même pas lui parler.
Oui, la soirée s’annonce morose. Jusqu’à ce que ça sonne à la porte. Thibault est là.
— Je suis désolé, Jé, il glisse à son pote, autour d’une bière.
— T’as pas à être désolé !
— On n’aurait pas dû insister… mais tu sais comment sont les gars…
— C’est le but du jeu de marquer des points.
— On aurait pu se contenter de moins… surtout à la fin.
— Ça n’aurait rien changé.
— Tu as super bien joué, Jé. Ton équipe avait été beaucoup remaniée et la sauce n’a pas pris.
— Ça a été la cata.
— Ça ira mieux la prochaine fois, tu verras.
— On change de sujet, ok ? Tu vois toujours Paul ?
— Avec Paul, c’est fini, nous annonce le jeune papa.
— Ah, merde !
— Il n’avait pas assez de temps pour une relation, et sans doute on ne cherchait pas la même chose.
— T’inquiète, ça ira mieux la prochaine fois, tu verras ! fait Jérém, taquin.
— Ça y est, je suis déjà à la « prochaine fois » !
— Comment ça ?
— J’ai rencontré quelqu’un. Il s’appelle Arthur et il est pompier, lui aussi.
Mardi 23 mai 2006.
https://www.youtube.com/watch?v=RUsSEHLNQKs
C’est ce soir, à 20h45, que le commun des mortels, celui qui n’est pas abonné à la seule chaîne payante de cette époque, entend pour la première fois ce générique signé par l’immense Danny Elfman.
C’est aujourd’hui que Suzanne, Bree, Lynette, Gaby, Edie entrent dans ma vie avec l’humour insufflé par le tout aussi immense Marc Cherry.
Deux épisodes étincelants, annonçant une série phénomène. Et des phrases cultes.
Mike à Suzanne, au sujet du gratin de pâtes qu’elle a amené à l’enterrement de Mary-Alice :
« Je ne peux pas croire qu’il soit possible de rater des pâtes… ».
Puis, après les avoir goûtées malgré la mise en garde de Suzanne, lucide quant à ses lacunes en matière de cuisine :
« Mais c’est incroyable, elles sont en même temps pas assez cuites et trop cuites ! ».
Bree à son mari, à table, lorsque leur fils Andrew se montre insolent et ingrat vis-à-vis de l’ossobuco qu’elle a passé des heures à préparer :
« Rex, tu pourrais dire quelque chose, quand-même… ».
« Passe-moi le sel… ».
Juin 2006.
Il faudra attendre la demi-finale du Top14 pour que les deux Stades foulent à nouveau la même pelouse.
Le 3 juin, au Stade Gerland à Lyon, le blockbuster rugbystique affiche un nouveau choc de Titans.
Le match est serré, et chaque point est gagné en mouillant et en salissant le maillot bien comme il faut.
Malgré un final de saison en dents de scie, le Stade Français a quand même retrouvé un niveau de jeu qui lui avait cruellement fait défaut lors de la précédente rencontre avec les Toulousains. Mais cela ne suffit pas. Au bout de deux mi-temps intenses, les Parisiens sont obligés de s’incliner une nouvelle fois face aux Toulousains sur un score de 9 à 12.
La claque est dure à avaler. Pour la première fois depuis cinq ans, le Stade Français n’est pas en finale du Top 14. Jérém est dégoûté au plus haut point. Il est vrai que c’est rageant d’avoir joué toute une saison avant de perdre en demi-finale.
Jérém est tellement abattu qu’il a même envisagé de ne pas aller assister à la finale. S’il y va, c’est pour soutenir Thib.
— J’espère que c’est le Stade Toulousain qui va gagner, Thibault le mérite vraiment.
Le 10 juin, au Stade de France, ce sont en effet le Stade Toulousain et Biarritz qui s’affrontent pour remporter le bouclier de Brennus.
Depuis la triste nouvelle du décès du pauvre Mr Charles, à chaque fois que je lis « Biarritz », que j’entends parler de Biarritz ou que je me souviens de Biarritz, j’ai une pensée pour le sympathique concierge qui un soir m’a confié quelques-uns des moments les plus marquants de son existence. Je me dis que je suis probablement l’une des rares personnes à qui il les a confiés. Je n’ai vu Mr Charles qu’une fois, et pourtant cet homme m’a marqué. Et quand on arrive à marquer les esprits de cette façon, avec cette sincérité, cette générosité, quand la vie s’éteint, quelque chose survit à l’enveloppe corporelle.
Après deux mi-temps intenses, la finale du Top14 se termine avec un score de 13 à 40 en faveur des Biarrots. Les Rouge et Blanc mettent une belle branlée aux Rouge et Noir, comme ils l’avaient fait un an plus tôt aux Rose et Bleu.
Les Toulousains n’ont pas du tout démérité, car ils ont tout donné. Mais les Basques ont été intraitables.
Après le coup de sifflet de l’arbitre, les Toulousains remontent lentement le terrain, dépités. Je cherche Thibault et je l’aperçois sur le bord de la pelouse. Il est défait, et il est en larmes. En fait, ses coéquipiers viennent le saluer, tentent de l’apaiser. Mais en vain. Le jeune demi de mêlée est débordé par sa déception, sa frustration, sa tristesse.
Je n’ai jamais vu Thibault dans cet état auparavant. S’il est rageant de perdre en demi-finale, ça doit être carrément insupportable de perdre en finale. Tous les efforts d’une année pour en arriver là. Pour rater le but de si près. Visiblement, cette victoire, ce Brennus représentait vraiment beaucoup à ses yeux.
Cependant, je suis surpris par l’ampleur de son désarroi, lui par qui j’ai toujours entendu dire que la beauté du sport est dans l’effort personnel et collectif, dans le respect, la passion, et que le résultat n’est qu’accessoire.
Après les inévitables troisièmes mi-temps, je retrouve Jérém et Thibault à l’appart. Le jeune papa n’est pas seul. Il est venu accompagné d’Arthur. Arthur, c’est le garçon dont il nous a parlé la dernière fois. C’est le garçon qu’il était allé rejoindre au lieu de rester partager une nuit avec Jérém et moi. Arthur, c’est visiblement quelqu’un d’important aux yeux de l’ancien mécano.
— C’était au B-Machine, il y a deux mois, ils nous expliquent au sujet de leur rencontre. On se connaissait, mais on ne savait pas…
Je suis un peu étonné que Thibault ait su franchir la porte d’une boîte du milieu. Et pourtant, il l’a fait. Malgré sa notoriété. Ce garçon ne cessera jamais de me fasciner.
Arthur a 34 ans et il est pompier, lui aussi, professionnel, avec le grade de Lieutenant. Il est lui aussi papa, d’une fillette de dix ans. Arthur est châtain, assez costaud, souriant, et vraiment charmant. C’est un garçon simple, avenant, rassurant. Quand on l’entend parler, tout paraît simple, limpide. Il a l’air d’être un garçon généreux, bienveillant, droit dans ses bottes, bien dans ses pompes. Il a l’air d’être un modèle… Thibault. Pas étonnant qu’ils se soient trouvés ces deux-là.
La soirée est agréable. Et pourtant, j’ai l’impression que Thibault est toujours très affecté par la défaite de son équipe. Ceci dit, c’est tout frais, Jérém ne s’est pas encore fait une raison de l’élimination en demi-finale, même une semaine plus tard !
Le sujet du match du jour finit par revenir sur la table. Jérém essaie de ragaillardir son Thib en lui promettant une magnifique saison à venir, de belles victoires en perspective. Thibault le laisse parler pendant quelques minutes, l’air absent. Avant de faire une révélation fracassante.
— Il n’y aura pas d’autre saison, il assène calmement.
— Qu’est-ce que tu racontes ? s’insurge Jérém.
— Je ne jouerai pas l’année prochaine.
— Mais tu débloques ou quoi ?
— Je n’ai pas renouvelé mon contrat.
— Mais qu’est-ce qui te prend ? Perdre des finales fait partie du rugby, mais…
— Laisse-moi t’expliquer, Jé. Cette finale n’y est pour rien dans ma décision. Elle était prise depuis des mois. Si ça me désole autant d’avoir perdu aujourd’hui, c’est parce que j’aurai voulu raccrocher sur un exploit. Mais c’était plus pour l’équipe que pour moi.
Là, je reconnais le merveilleux Thibault.
— Nous avons perdu mais nous n’avons pas démérité, je crois que nous avons fait un beau match, et que les prochains gars qui vont jouer au Stade n’auront pas à avoir honte de nous.
— Mais Thib ! tente de protester Jérém.
— Attends, Jé, laisse-moi finir. J’ai fait cinq saisons au Stade, je me suis bien amusé, vraiment, il continue. Mais j’estime qu’il est temps pour moi de raccrocher les crampons et de consacrer ma vie à ce qui me tient vraiment à cœur.
— Plus que le rugby ?
— Avant d’être joueur, mon cœur est pompier.
— Tu vas bosser à temps plein au SDIS ?
— Ils ont besoin de bras et de bonnes volontés.
Je ne peux m’empêcher de me demander si l’adorable Arthur y est pour quelque chose dans la décision de Thibault. Mais je suis persuadé que si le jeune Lieutenant a pu jouer un rôle, tout ceci est son souhait avant tout.
— L’été dernier je suis parti à New York avec des collègues du SDIS et nous sommes allé visiter une caserne de pompiers à Manhattan. J’ai rencontré des mecs qui sont intervenus le 11 septembre. J’ai été impressionné par ces gars, par leur détermination. Nous parlions très mal l’anglais et ils ne parlaient pas du tout français. Mais notre credo est le même, et on se comprenait parfaitement.
— Ils nous ont montré leur caserne, leurs camions et leur matos. Je n’ai jamais vu autant de moyens matériels et humains réunis dans une seule caserne, c’était fascinant !
Pendant qu’il nous raconte sa rencontre avec les pompiers newyorkais, Thibault a le regard pétillant. Le ton de sa voix est enjoué et admiratif, le verbe passionné. Lorsqu’il nous parle de la grande échelle de dingue dont ils disposent, on dirait un gosse à Noël. Lorsqu’il nous raconte l’échange d’écussons entre les deux casernes et les longues poignées de main au moment de repartir, il est ému aux larmes.
Visiblement, tout son être tend vers ce monde, celui de l’assistance, de la protection, du don de soi. Je sens que le jeune papa a besoin de donner un sens à sa vie, et que ce sens il ne le trouvera qu’en étant investi à 100% dans une noble cause. Il n’y a aucun rêve de gloire dans cela, juste une bienveillance désintéressée, une immense grandeur d’esprit.
Arthur tente d’apaiser son émotion en posant une main sur son cou et en le caressant doucement. Ce petit mec a l’air bien amoureux de notre adorable Thib. Et ça fait trop plaisir à voir.
— Rencontrer ces gars m’a motivé à m’investir encore plus chez les pompiers. La vie est trop courte, et je veux utiliser la mienne pour aider ceux qui en ont besoin.
— Jouer au rugby c’est aussi une façon d’aider les gens. Tu leur offres du rêve, et les gens ont besoin de rêver pour supporter leur quotidien, intervient Arthur.
— Peut-être. Mais quand à six ans je me suis retrouvé encastré dans une voiture avec mon père, le meilleur rugbyman du monde n'aurait pu nous sortir de là. Alors que les pompiers, eux, ont su le faire. Tu comprends ? enchaîne Thibault, en s’adressant tout particulièrement à Jérém.
— Je comprends oui. Je comprends surtout que tu es un gars en or. Je comprends qu’il n’y en a pas deux comme toi !
— J’ai aussi besoin de passer plus de temps avec Lucas. Avec le rugby, je ne suis jamais là le week-end. Il a déjà quatre ans et j’ai l’impression que je ne le vois jamais !
— Tu renonces à une carrière fabuleuse au rugby, à des années de salaires déments, à l’affection des supporters… tu renonces à tout ça pour aller sauver des vies. Chapeau, mon pote !
— Je ne renonce à rien du tout. Je vais faire ce qui me rend heureux. Il faut faire ce qui nous rend heureux. Si tu te sens bien dans un maillot, tu dois porter un maillot. Mais moi je sais que je serai plus heureux avec mon uniforme et mon casque.
Voilà comment le jeune papa m'a ému aux larmes ce soir.
— Bonne chance à toi, Thib, fait Jérém, très ému, au moment où le beau petit couple de pompiers prend congé de nous. Et, surtout, fais attention à toi. Il serait tellement dommage qu’il t’arrive quelque chose.
Il y a tant de choses, tant d’admiration, d’amitié, d’amour dans ces simples mots. Je sais que Thibault ressent chacune des nuances de l’affection que Jérém a voulu exprimer, et qu’il les apprécie à leur juste valeur.
— Merci Jé, merci beaucoup, fait le jeune papa, en enserrant son pote très fort dans ses bras.
Juin 2006.
Début juin, c’est le moment des partiels. Malgré un parcours laborieux et un moral en berne après la demi-finale manquée, Jérém passe avec succès la dernière session d’examens pour l’obtention de sa licence en « gestion des entreprises ». Je suis content pour lui. Ça lui sera utile lorsque sa carrière au rugby s’arrêtera. Il y a le temps pour ça, ça ne sera pas avant au moins dix ans, mais ce n’est jamais inutile de se créer des opportunités.
Quant à moi, je termine mon master. En rendant mon mémoire, je sais que ma vie d’étudiant touche à sa fin. Il ne lui reste qu’un été avant de tirer sa révérence. Je sais qu’à la rentrée tout va changer pour moi. Je vais devoir chercher du travail, et je vais rentrer dans le monde des adultes. C’est un grand saut qui se profile pour moi, et j’avoue que ça me fait un peu peur.
J’aimerais que le travail m’approche de Jérém. Je me prends à imaginer, à rêver. D’autant plus que les astres semblent s’aligner dans cette perspective.
Le lendemain de la finale du Top14, Jérém m’a dit qu’il a été approché par le Stade Toulousain en vue d’un transfert à la fin de son contrat avec le Stade Français, contrat qui arrive à son terme à la fin de la saison 2006/2007. Ce serait une sacrée revanche pour lui. Car ce serait l’occasion inespérée non seulement de pouvoir enfin jouer dans l’équipe de sa ville de cœur, mais également d’y être accueilli avec tous les honneurs, alors qu’il avait été écarté cinq ans plus tôt.
A partir de là, il suffit de relier les points. Si Jérém va jouer à Toulouse, je vais chercher du travail à Toulouse, et dans un an nous serons à nouveau tous les deux réunis dans la plus belle ville du monde. Ça coule de source.
Cet été encore, une escale dans le vignoble Tommasi est à l’ordre du jour. Maxime est là aussi, toute la tribu est réunie. J’adore ces moments, en famille. Jérém a l’air de s’y sentir toujours mieux. Et quand Jérém est heureux, je le suis aussi.
Au bout de trois jours, nous quittons à nouveaux les coteaux du Gers pour revenir en Haute-Garonne. A Blagnac, un avion nous attend. Nous partons de Toulouse par une belle matinée d’été et nous atterrissons à Montréal, après 8 heures de vol, par une toute aussi belle matinée d’été.
C’est grâce à Ulysse que nous avons envisagé ce voyage au Québec. Le boblond s’y est rendu quelques années plus tôt et il en a gardé un souvenir enchanté.
Après avoir loué une voiture, nous partons vers l’est. Nous nous arrêtons manger à Trois-Rivières, à mi-chemin entre Montréal et la ville de Québec, dans un resto « Cabane à sucre » où la dégustation de spécialités à base de sirop d’érable est un passage délicieusement obligé.
En fin d’après-midi, dans le Vieux Québec, nous déambulons dans les rues que mon guide touristique décrit comme étant les plus vieilles d’Amérique du Nord. Je remarque que les plaques minéralogiques québécoises portent la devise « Je me souviens » au-dessus des immatriculations.
Vers la fin de l’après-midi, qui serait déjà le soir pour notre horloge interne d’Européens, la fatigue du décalage horaire se fait vraiment sentir. Je ressens un gros coup de mou. Nous allons manger un bout et nous gagnons notre chambre. Ce soir, nous n’avons pas le courage de faire l’amour. Nous avons tout le temps, pendant les trois prochaines semaines. Nous nous endormons dans les bras l’un de l’autre.
Le lendemain, nous nous rendons au parc de la Chute-Montmorency. Depuis le pont suspendu, j’entends le rugissement de l’eau sous mes pieds. Comme un rappel des chutes de Gulfoss, le vent, le froid et le gel en moins. Depuis l’escalier panoramique, les points de vue se succèdent et sont tous plus impressionnants les uns que les autres.
A l’occasion de ce voyage, j’ai enfin décidé de sauter le pas et de faire l’acquisition de l’un de ces nouveaux appareils photo, enfin devenus à la fois plus abordables et plus qualitatifs, qui permettent de faire un nombre presque illimité de photos et surtout de voir immédiatement le rendu sur un petit écran. Le numérique permet de faire un grand nombre de clichés. Et je ne m’en prive pas. Au point d’arriver à agacer Jérém avec mes demandes réitérées de prendre la pose.
Le lendemain, nous visitons le parc Huron à Wendake. Notre guide en costume traditionnel nous fait découvrir l’habitat, le mode de vie, les coutumes et l’histoire des peuples qui ont précédé la colonisation européenne. Il nous parle de la culture de ceux qu’on a trop longtemps nommés « indiens », et qui étaient ici appelés « hurons » par les colonisateurs, c’est à dire « personnages grossiers ». Et qui ne sont autre que les peuples indigènes, les Premières Nations, comme il les nomme. Premières Nations. Un appellatif qui remet à l’heure les pendules de la civilisation.
Nous reprenons la route et très vite un constat s’impose à moi. Ici, au Canada, tout est grand, les routes, les maisons, les voitures. Sur les autoroutes, tout comme en ville, notamment dans les banlieues pavillonnaires on a l’impression, comme le dit si bien mon Jérém, « d’être dans une série américaine, mais avec les sous titres en français ».
D’ailleurs, ici, ça parle moitié français et moitié anglais, et quand ça parle français, il faut s’accrocher. Car l’accent fait mal aux oreilles. Côté bouffe, en revanche, ça parle résolument « anglais ». Dans les restos, c’est pas terrible. Si la « poutine » est la spécialité locale, je n’ose imaginer le reste. Quand un pays ne connaît pas la baguette de pain et le jambon, c’est qu’il a de gros progrès à faire, du moins en termes de culture culinaire.
La suite et l’essentiel de notre voyage se passent dans quelques-uns des plus beaux parcs naturels de l’est canadien. Nous commençons par le Parc National du Gros Morne, sur l’Ile de Terre Neuve. Ici, se succèdent et s’entremêlent vallées glaciaires, forêts, littoraux dentelés, plages et tourbières.
Chaque jour, à chaque randonnée, presque à chacun de nos pas, nous en prenons plein la vue. Je suis ébloui par tant de beauté, et mon bonheur est décuplé par celui de Jérém, qui a l’air ravi comme un gosse.
Nous poursuivons avec le Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, un lieu où les montagnes et la mer se rencontrent. La route de la piste Cabot longe le littoral escarpé et offre une vue panoramique sur l'océan. Au menu de ce vaste plateau, des collines, des canyons creusés par les rivières, des plateaux découpés par des falaises escarpées, plusieurs lacs, des vallées et des forêts à perte de vue.
Quelque chose me saisit tout particulièrement dans ces paysages naturels grandioses. C’est la lumière. Elle sait allumer des couleurs très vives, très étincelantes. Des nuances de bleu turquoise pour le ciel, de vert émeraude pour la végétation, de gris métallique pour la roche, de transparence cristalline des fleuves et des lacs. Elle sait créer toute une palette chromatique qui n’appartient qu’à cet endroit.
Avec nos sacs à dos bien garnis, nous marchons pendant des heures. Nous mangeons assis sur une roche, sur le bord d’un lac dont la surface est enchantée par le reflet des montagnes autour. Nous dormons dans des hôtels en bois, parfois sous notre tente, et presque chaque soir nous nous offrons du plaisir.
Parfois, l’amour tient dans un délicieux jeu de mains. Jérém se glisse sur moi. Nos regards se cherchent, se happent mutuellement, tout comme nos lèvres, nos langues. Jérém m’embrasse, me caresse longuement. Le simple contact de son corps contre le mien est déjà un bonheur sensuel incommensurable. Il bande, il me fait bander. Sa main enserre nos queues, les branle doucement. Nos couilles se caressent mutuellement, nos glands s’embrassent, s’embrasent. Le plaisir de l'autre est tout aussi important, si ce n'est plus, que le plaisir qui brûle dans nos propres ventres.
Nos jouissances s’entraînent mutuellement. Nos giclées fusent, nos jus chauds se mélangent. J’adore sentir sur moi la chaleur de nos foutres. J’adore sentir l’odeur de la jouissance, de nos jouissances. Et j’adore lorsque nos lèvres se cherchent avidement malgré nos souffles haletants, lorsque nos torses se collent l’un à l’autre sans faire cas du sperme qui s’étale sur notre peau. J’adore sa présence contre moi. J’adore nos douches ensemble, et aussi nos ablutions improvisées au bord d’une rivière glacée au petit matin. J’adore savonner son torse, et le laisser savonner le mien. J’adore me réchauffer dans ses bras, et le réchauffer dans les miens.
J’adore le pomper le matin et j’adore me donner à lui le soir. Et parfois, aussi, le laisser me prendre en pleine nature, au détour d’un sentier. Et quelques fois, le prendre aussi, lorsqu’il en a envie.
En pénétrant dans le Parc national du Mont-Riding, nous savons que nous allons découvrir d’autres paysages magnifiques, ainsi qu’une grande diversité d’animaux sauvages.
Nous marchons depuis plus d’une heure sur un chemin à bord de falaise donnant sur une rivière et une forêt, lorsque nous tombons sur deux autres randonneurs.
En contrebas, des ours noirs se prélassent au soleil. Mais l’ours n’est pas le seul animal impressionnant dans le tableau. Une autre sorte d’animal se détache de ce spectacle naturel, un magnifique animal à deux pattes, bien brun, bien barbu, bien viril. Un animal à casquette.
Oui, ce serait dur de ne pas remarquer que l’un des deux randonneurs est un avion de chasse supersonique.
Un mètre soixante-quinze, je dirais, autour de trente ans, très brun, tout aussi brun que mon Jérém, le gars se tient là devant ce paysage fabuleux, les jambes légèrement écartées, de grosses godasses de randonnée aux pieds bien plantés sur le sol, le dos légèrement penché vers l’arrière, inversant ainsi le galbe convexe dessiné par ses épaules, avec une courbe concave à la progression plus douce, descendant jusqu’à ses reins. Et là, une nouvelle inversion sinusoïdale happe et fascine le regard, celle de ses fesses merveilleusement rebondies. Puis, la puissante droiture du profil de ses cuisses prend le relais, délicieux contraste avec l’arrondi saillant de son beau cul.
En dépit de ce que l’on entend très souvent dans la bouche de ceux qui aiment le corps masculin, que ce soient des nanas ou bien des garçons, comme quoi un beau cul masculin ce serait l’une des toutes premières choses qui attireraient le regard, je n’ai jamais vraiment été sensible à cette partie de l’anatomie virile. D’autres atouts – comme une belle petite gueule, les cheveux, le cou, les épaules, le torse, les poils, les cuisses (vous voyez, je zappe cette partie pourtant située au beau milieu de ce spectacle naturel à part entière qu’est le corps masculin), les mollets, mais aussi le brushing, l’attitude, le regard, le sourire, la virilité, et même les vêtements et sous-vêtements apparents (t-shirts, élastiques de boxer dépassant) – oui, d’autres atouts masculins attirent mon regard avant le fessier, et même carrément à la place du fessier.
Mais je dois bien admettre que dans certains cas, comme dans le cas de ce mâle barbu à casquette, un cul bien rebondi, habillé d’un pantalon bien coupé – en l’occurrence, un pantalon de randonnée marron-vert, plein de poches, porté très près de ses cuisses et de ses fesses – et accompagné par une station du corps qui le met bien en valeur – le genou légèrement plié, calant sa silhouette vers la droite, accentuant le sillon entre ses fesses – ça donne une putain d’allure qui est juste à se damner.
Bref, il faut bien avouer qu’un beau cul participe à l’harmonie de la perfection mâle.
Le bel animal porte également un pull à zip noir et gris dont le col remonte jusqu’à sa pomme d’Adam, par ailleurs bien saillante. Dommage que la fermeture du pull soit close jusqu’au dernier cran. J’aimerais savoir ce qu’il porte sous son pull. Un t-shirt ? Blanc ? Noir ? Gris ? D’une autre couleur, peut-être. J’ose à peine imaginer comment il pourrait être furieusement sex s’il ouvrait un peu son pull, s’il le tombait, s’il se foutait à poil… Puisqu’ il l’est déjà, furieusement sex, même tout habillé !
Sa présence, son attitude semblent décrire un jeune mâle bien fringant. Sa belle casquette, visière à l’avant, c’est important de le préciser – casquette à l'envers, petit conitude flamboyante, casquette à l'avant, intense mâlitude posée – est alignée sur son regard brun de fauve.
Se tenant fièrement face à ce paysage époustouflant, tout ravi dans l’observation de ces animaux imposants, le mec dégage une virilité intense.
Le beau barbu à casquette est en compagnie d’un pote, un peu plus trapu, brun, pas mal non plus, pas mal du tout à vrai dire. Mais le beau barbu à casquette attire tous les regards.
En arrivant près des deux potes, Jérém et moi leur lançons un bonjour (qui dans mon cas est autant un prétexte pour attirer leur attention qu’une politesse). Mais les deux randonneurs, tout pris dans leur observation des ours à l’aide de leurs grandes jumelles, nous répondent à peine, sans nous décocher le moindre regard.
Jérém et moi restons un bon moment à observer le paysage et sa faune, tout autant fascinés par les plantigrades que par le magnifique bipède. Nous considérons les premiers avec fascination, nous contemplons le second avec une attirance certaine. Mais malgré l’insistance discrète de nos regards, nous n’arrivons à aucun moment à croiser celui d’un quelconque spécimen.
Les ours en contrebas, c’est un spectacle purement grandiose. Le beau barbu à casquette tout près et pourtant si loin de nous, c’en est une autre. Ces rencontres vont nous habiter pendant toute la journée.
Tout au long de notre périple, je ne cesse de me répéter que la nature sied merveilleusement bien à mon Jérém. Ici, dans ces grands espaces, sa brunitude, sa bogossitude, sa sexytude semblent dégager un éclat particulier. Au moins que ce ne soit le fait que dans ces grands espaces Jérém est heureux, heureux et épanoui comme il l’est à Campan, insouciant, reconnecté avec la nature, avec l’essentiel, avec son âme d’enfant.
Le voir s’enthousiasmer devant la majesté des animaux de ces grands espaces, le voir transi devant un paysage grandiose. Voir son regard ému, ses larmes retenues de justesse. Sentir ses bras autour de moi, et ses bisous dans mon cou, alors que nous regardons un lac s’embraser des rayons multicolores d’un coucher de soleil. Voilà ce que je m’aventurerais à appeler le bonheur.
Le dernier soir avant notre retour en France, nous le passons dans Le Village, à Montréal. Nous sortons dans l’une des nombreuses boîtes gays. Evidemment, il n’est pas question que nous partions du Québec sans avoir goûté à la faune locale.
Pendant nos randonnées, il nous est arrivé de croiser quelques beaux spécimens – dont le souvenir le plus impérissable nous a été évidemment laissé par le barbu à casquette du Mont Riding – sans que nous ayons l’opportunité d’échanger au mieux que quelques regards appuyés. A une ou deux occasions j’ai bien ressenti la frustration de mon bobrun, une frustration sans mots, mais bien inscrite dans son regard. Alors, ce soir, il n’est pas question de rater le coche.
Xavier est un beau garçon brun, le regard pétillant et charmeur. Il arbore un look étudiant, blouson de fac blanc et rouge ouvert sur un t-shirt gris. Un simple échange de regards suffit pour nous faire retrouver tous les trois à la même table.
Xavier est un garçon avenant, comme le sont typiquement les gens d’ici. Il parle fort, avec un accent auquel on ne s’habitue pas, qui fait mal aux oreilles, mais il est plutôt sympathique. Il nous dit avoir 27 ans, et travailler dans la banque.
Xavier nous invite chez lui et nous nous mettons très vite à l’aise. Une fois à poil, mes spéculations à son sujet se confirment : sous le blouson d’étudiant un peu grand, se cache un beau petit physique à faire jouir d’urgence !
Xavier se laisse sucer à tour de rôle par Jérém et par moi. Puis, il se fait baiser par Jérém. Mon beau brun le pilonne longuement, mais pas jusqu’au bout. Car, après une bonne chevauchée sauvage, le beau canadien se déboîte de l’étalon toulousain, lui enlève sa capote, il recommence à le sucer avec un entrain et une gourmandise induits par l’excitation.
— Putain, tu vas m’avoir ! j’entends mon Jérém râler, alors que l’orgasme déforme ses beaux traits virils, tandis que le plaisir embrase son bas ventre, embrume son esprit, alors que son jus jaillit dans la bouche du beau Canadien.
Xavier chausse une capote et vient en moi dans la foulée. Ses coups de reins sont puissants, et l’orgasme se dessine sur sa belle gueule comme un feu d’artifice. Sa main enserre ma queue et me fait jouir en quelques secondes.
Un peu plus tard dans la soirée, lorsque nous rentrons à l’hôtel, sous la couette, dans le noir, Jérém s’offre à moi. Jouir entre ses fesses musclées est un plaisir inouï, le branler et le sentir jouir alors que je suis toujours en lui est un bonheur indescriptible.
Samedi 22 juillet 2006.
Nous sommes rentrés depuis 24 heures et le Canada me manque déjà. Ses grands espaces, ses lumières, ses couleurs me manquent. Et cette sensation d’être libre, seul au monde avec Jérém. Les pieds sont bien à Toulouse, mais l'esprit toujours à 6000 km de là. J’en ai pris plein la vue et j’ai été si heureux avec mon bobrun.
Jérém est avec moi encore pendant quelques heures, mais lui aussi me manque déjà. Demain après-midi, il repartira à Paris car lundi il reprend les entraînements. Aussi, dans la semaine, il est attendu pour le shooting du nouveau calendrier des Dieux du Stade. Je suis curieux de savoir ce que les photographes vont nous concocter cette année pour aller encore plus loin dans la mise en scène de la bogossitude. J’espère qu’ils ne vont pas y mettre trop d’artifices, trop de mise en scène, justement, trop de travail de post-production. Car la mâlitude est un mets qui se déguste brut, nature, sans ajouts. Plus il est au naturel, plus il est saisissant. Plus il est figé, plus il perd de sa magie. Comme les cerises doivent se manger sur l’arbre, les garçons se contemplent le mieux au quotidien, à leur insu, dans l’élan de leur naturel.
Mais je sais que la beauté mâle de mon beau brun est telle qu’elle pourra transcender tout cela. Car son regard perce l’objectif, son charme est envoûtant. Je ne me fais pas de soucis pour ça, une nouvelle fois, son corps et sa belle petite gueule vont faire fantasmer, mouiller, bander, se branler la France entière.
Je me suis fait à cette réalité, au fait que la contrepartie d’être le petit ami d’un rugbyman très médiatisé est de devoir supporter le fait qu’il soit l’objet de fantasmes innombrables. Et tant pis si cette célébrité, si cette exposition médiatisée de sa bogossitude lui ouvre des tonnes d’opportunité de baiser. J’ai appris à ne pas être jaloux de ses aventures. Jérém va bientôt avoir 25 ans, et il a les besoins d’un garçon de 25 ans.
Je m’y suis fait car nos retrouvailles sont toujours une fête. Et aussi parce que si l’accès à sa sexualité brune ne m’est pas exclusif, l’accès à son cœur, lui, il l’est sans détours. C’est avec moi qu’il a partagé les moments heureux et les moins heureux de sa vie depuis cinq ans, c’est moi qu’il a amené à Campan, mais aussi dans le domaine viticole familial. C’est encore avec moi qu’il a partagé toutes ses vacances depuis quelques années. Et ces récentes vacances au Québec ont été une fois un moment de bonheur inouï.
Début août 2006.
Le Top 14 reprend, et Jérém est reparti pour un nouveau tour d’entraînement et de matches. Après trois semaines passées ensemble au Québec, j’ai le plus grand mal à m’habituer à la distance, au manque.
Je tente d’éloigner la nostalgie de notre été en me replongeant dans ma collection de clichés. Je trie sur l’écran de mon ordi ceux qui sont réussis de ceux qui le sont moins, parfois beaucoup moins. Une bonne moitié passe à la trappe. Sur le petit écran de l’appareil, on ne voit pas tout.
Il en reste quand même beaucoup. Et là, je réalise quelque chose. Le numérique permet de faire beaucoup de clichés. Peut-être trop de clichés. L’abondance efface cette rareté des photos d’antan qui en faisait leur valeur. Et il enlève aussi le plaisir de la photo en tant qu’objet, de souvenir tangible qu’on rangeait dans un album ou dans une boîte à chaussures et que l’on pouvait consulter n’importe quand, sans se soucier d’avoir de la batterie ou pas, sans risquer de perdre tous nos souvenirs au gré de la perte ou d’un changement d’appareil.
Lundi 28 août 2006.
L’été se termine, et septembre approche. Dans trois jours, je serai à Paris pour le concert de Madonna. Le premier septembre, c’est la date que je me suis donné pour commencer à chercher du travail. Alors, en ce 31 août, date ultime de ma vie d’étudiant, ce concert assume des allures de passage à l’âge adulte.
Comme au moment du bac, je me sens grandir, et je n’aime pas ça. J’ai l’impression de perdre quelque chose dont je n’ai pas assez profité, ma vie d’étudiant, mes camarades de fac, mes jeunes années, mon insouciance.
En réalité, ce n’est pas vrai. Depuis cinq ans, j’ai vécu plein de choses. J’ai construit une belle histoire avec Jérém, j’ai fait des rencontres, j’ai fait des voyages, j’ai fait mon coming out, Jérém a fait le sien. Il a assumé d’être gay, devant lui-même, et devant de nombreuses personnes.
Et pourtant, comme au moment du bac, j’ai l’impression qu’une page se tourne dans ma vie, qu’un chapitre se ferme à tout jamais. J’ai l’impression d’être arraché à un monde rassurant, car familier, pour être « jeté » dans un monde angoissant, car inconnu. Ce qui va se passer après la fin de mes études, c’est un grand saut dans le vide, le saut vers ma vie d’adulte. Je me demande où j’en serai dans un an, cinq ans, dix ans. Est-ce que je vais trouver rapidement du travail ? Quel sera mon quotidien, quels seront mes soucis, mes envies ? Où en serons-nous, Jérém et moi, dans un an, cinq ans, dix ans ? Toujours à nous voir entre deux matches, pendant quelques heures, à l’abri des regards ?
J’en arrive même à craindre que l’angoisse provoquée par l’approche de toutes ces échéances ne gâche le plaisir de ce concert tant attendu.
Quoi qu’il en soit, je note qu’une fois de plus, ma Star de toujours répond présent à une étape importante de ma vie.
Et elle n’est pas la seule.
L’avant-veille du concert, une surprise vient balayer mon angoisse. Jérém m’annonce au téléphone qu’il a envie de venir voir le show avec moi. Et qu’il va charger son agent de nous dégoter deux places VIP.
Jeudi 31 août 2006.
Dans la loge VIP, nous croisons du beau monde. La présence de deux personnalités féminines m’émeut tout particulièrement. L’une, rousse, à la voix fluette, et néanmoins chanteuse à l’immense succès et à l’immense présence, surnommée par certains, à une époque, « La Madone française ». Elle a sorti cette année l’un de ses albums les plus emblématiques à mes oreilles, « Avant que l’ombre ». L’autre, brune, humoriste, elle aussi à grand succès, à la voix tonitruante, à l’humour vivace. Ses sketches dans « On a tout essayé » sont de purs moments de franche rigolade, de bout en bout. Je n’arrive pas à croire que je suis en train de « côtoyer » ce genre de célébrités.
Ceci étant dit, je ne perds pas de vue le fait que la plus grande de toutes va bientôt faire son apparition sur scène devant 20.000 fans en délire.
— Mais elle arrive quand ? s’impatiente Jérém alors que le début du concert a déjà une demi-heure de retard.
— Regarde, il y a encore des gens qui arrivent, je lui fais remarquer. Et puis, l’attente fait partie du plaisir. Ne ressens-tu pas l’effervescence de la salle ? C’est ça qui est bon, comme avant le début d’un match de rugby. Tout ce bruit, tout ce frémissement, cette tension, cette impatience !
— Si tu le dis…
— Je l’affirme, même !
Je n’aurais jamais cru que Jérém me suivrait dans ce genre d’événement. Je suis si heureux de partager ce moment avec lui. Si Jérém va aimer ce concert, je serai fou de joie !
Enfin la lumière tombe dans la salle. L’ovation du public est une vague qui monte et qui fait tout trembler. Il n’y a plus que la scène et ses avancées qui brillent sous les faisceaux lumineux. La musique démarre en trombe, les basses sont décoiffantes, ils font vibrer les tympans, le ventre, le siège, le sol même. Mais l’acclamation de la salle monte en flèche jusqu’à presque les couvrir.
https://www.youtube.com/watch?v=n80QXNRIV6c
Une voix métallique envahit alors la salle, tandis que les écrans s’allument et nous montrent le visage de Madonna coiffé d’un grand chapeau haut de forme. Elle nous chuchote qu’elle va nous parler d’amour, nous faire oublier les tracas quotidiens. Elle demande si on veut la suivre, si on a envie de lâcher prise. Bah, et comment que j’en ai envie !
Pendant ce temps, une grande boule disco descend lentement du plafond de la salle jusqu’à se poser au sol. Le son dans la salle est une pure dinguerie, les basses hypnotisent les oreilles, font vibrer chaque fibre de mon corps. Madonna n’est toujours pas entrée en scène et l’attente est fébrile, l’excitation palpable.
La grande boule disco éclot enfin en une panoplie de pétales colorés et luminescents. Et elle est là, menue et pourtant impériale. Je suis comme à chaque fois scotché par son apparition.
Les notes montent, montent, montent et montent encore jusqu’à que sa petite voix se lève dans la salle.
L’assistance tout entière vibre avec elle, vibre après elle, vibre d’une seule et unique, majestueuse secousse. A la quatrième minute de la première mi-temps, Madonna marque son premier essai.
Les cris et les acclamations des 20.000 de Bercy couvrent presque la musique. C’est beau une salle entière qui chante, danse, vibre à l’unisson. Impossible d’assister à ce spectacle sans se lever et danser. Le public commence à s’animer. L’humoriste brune se lève et danse elle aussi, se déchaîne comme une folle.
— Rien à foutre, je l’entends lancer à la nana, visiblement une copine, qui l’accompagne.
Je ressens alors un désir irrésistible de vivre ce moment à fond. Je me lève à mon tour, et je commence à danser. Et là, à mon immense surprise, Jérém finit par se lever à son tour de sa chaise. D’abord, il bouge comme un mec, c’est-à-dire, il gigote quelques gestes maladroits au ralenti. Mais il finit par se laisser emporter par le rythme.
Ma joie est doublée par son enthousiasme et son emballement.
— Eh, le bogoss, lui lance l’humoriste brune, mais toi on t’a pas vu à poil sur le calendrier du rugby ?
— Et toi, on t’a pas vue faire la conasse à la télé ? lui répond Jérém du tac-au-tac.
— A poil ! elle le taquine.
Madonna est un concentré incroyable d’énergie. Nous devinons le travail et l’endurance que cela a demandé, et nous l’apprécions à sa juste valeur.
C’est un phénomène échappant à toute définition, et toujours surprenant. Elle est ce qu’elle a choisi d’être, elle a su s’affirmer, s’imposer, elle est une inspiration pour toutes les minorités. Elle a parlé de SIDA dans son concert de 1993. Elle a montré des garçons qui s’embrassent. Elle a parlé de femmes battues en 2001. Et cette année, elle montre un garçon Israélien et un Palestinien qui s’aiment. C’est pour cela que je l’aime.
La déferlante de Music Inferno fait bondir l’assistance. Tout le monde est en blanc, Madonna, les danseuses, les musiciens. Une grande boule à facettes domine la scène et la piste s’embrase des mille couleurs de la Fièvre du Samedi Soir. La puissance de la musique et de la soirée est à son comble. Une fois de plus tout le monde est debout, y compris les plus réticents à l’exercice.
https://youtu.be/MeAlpRhGTSE?t=224
Je danse toujours, Jérém aussi.
Hélas, je le sais, le concert touche déjà à sa fin, il est passé en un éclair. Mais je suis bien déterminé à profiter de chacun des instants qui restent.
Les premières notes de « Hung Up » résonnent dans le grand espace et tout le monde est debout pour le grand final. Elle chante une fois le refrain. Puis, pendant que la musique continue sur un très long bridge, elle disparaît dans une trappe du plancher. De la position où je me trouve je vois sa coiffure blonde s’échapper de la scène. C’est une fraction de seconde, mais c’est quand même une Madonna « in the real life » que j’aperçois avant qu’elle ne disparaisse vers un dressing.
Au bout d’une ou deux minutes elle revient sur scène.
https://www.youtube.com/watch?v=5z8nZV7WlJI
C’est le moment de chanter « Every little thing that you say or do » et elle commence à se déhancher avec ses boys, c’est splendide et étincelant (et certains de ses boys, sexy). Ça donne plus que jamais envie de danser et de chanter. Et on ne s’en prive pas. C’est la dernière chanson, il faut vivre ça à fond, jusqu’à la dernière note.
Lorsque la musique s’arrête, les lumières de scène s’éteignent et la salle se rallume, le public applaudit à se casser les mains, siffle et l’appelle à s’époumoner. Mais elle ne reviendra pas. Pas ce soir, en tout cas.
Nous quittons le Palais Omnisport et nous nous retrouvons dans la nuit fraîche de Paris. Je regarde la foule se disperser calmement, je regarde la foule redevenir une somme d’individus. L’espace d’un soir, nous étions là pour elle, et nous sommes devenus foule grâce à elle. Nous étions là pour écrire un chapitre de plus de notre histoire commune. Nous avions besoin de nous défouler, de faire la fête, d’être nous-mêmes. Et elle nous en a donné l’occasion.
Dans quelques jours, je vais avoir 24 ans. Demain, premier septembre, je vais devenir adulte. A cette étape de ma vie aussi, elle a répondu présent.
Le Confessions Tour de 2006 reste, plus de dix ans et plusieurs tournées plus tard, le plus beau concert de Madonna à ce jour. Et il le restera probablement à tout jamais. Elle couronne toute cette époque madonnesque, ce qu’on appelle entre fans une « era », cette période de plusieurs mois ou années qui comprend la sortie de plusieurs singles, d’un album, de la promotion de cet album via des apparitions télévisées aux quatre coins du globe. L’era « Confessions » sera le dernier grand coup d’éclat d’une immense carrière qui sera plus nuancée par la suite.
Ce soir, Madonna a été une nouvelle fois incroyable. Mais Jérém l’a été lui aussi. Je suis si heureux d’avoir partagé ce moment avec lui. Son ravissement m’émeut et ajoute un plaisir supplémentaire au plaisir que j’ai retiré du concert lui-même.
— Je m’attendais à un beau spectacle, mais pas à ça quand-même ! Putain, ça décoiffe !
Voir mon Jérém emballé, comme en Italie, comme en Islande, comme au Québec, comme ce soir, ça n’a pas de prix à mes yeux. Son bonheur est mon bonheur. A l’avenir, je veux le voir si emballé le plus souvent possible. Je veux organiser des voyages, et le surprendre, et lui faire retrouver ce regard et cette fébrilité de gosse à Noel.
Vendredi 1er septembre 2006.
Je n’ai pas envie de descendre trop vite du petit nuage sur lequel je vis depuis le concert. Le week-end approche, je suis avec Jérém. Je me dis que l’entrée dans ma vie d’adulte peut bien attendre encore deux jours, deux jours que je vais consacrer à m’occuper du garçon que j’aime.
Lundi 4 septembre 2006.
M’éloigner de Jérém est comme toujours une déchirure. Mais ce n’est pas la seule de cette journée. Mon voyage vers Bordeaux en est une autre. Vider mon studio que j’ai habité pendant cinq ans, dans lequel j’ai fait l’amour avec Jérém, encore une autre. Dire au revoir à mes adorables propriétaires bordelais est encore plus dur que je ne l’avais imaginé. Passer officiellement de la vie d’étudiant à celle de demandeur d’emploi, ça me donne le vertige.
Heureusement, j’atterris à Toulouse, chez mes parents. Ils sont super heureux de me retrouver, de m’avoir à nouveau à la maison. J’ai des entretiens d’embauche dans la semaine, des rendez-vous prévus depuis quelque temps déjà, avec des possibles employeurs dans la région toulousaine.
Ma ville me manque. Cinq années d’exil, ça suffit. Et puis, Jérém m’a confirmé être en négociations avancées avec les Rouge et Noir en vue de son transfert de l’année prochaine. Pour Jérém aussi, l’exil a bien assez duré. Dans un an, Jérém jouera dans son club de cœur. Il sera de retour à Toulouse. Et nous serons enfin réunis. Je ne sais pas si nous habiterons ensemble. Je ne sais pas si nous en sommes là, si Jérém est prêt pour ça. Et, surtout, si son monde est prêt pour ça, ou si une « sortie du placard » constitue toujours un risque pour sa carrière. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura plus cette maudite distance entre nous, et que nous pourrons nous voir beaucoup plus souvent.
Septembre 2006.
En Top14, le Stade Français semble revenu au top de sa forme. Il semble à nouveau tout puissant, et mon beau Jérém est un élément clé de cette toute puissance retrouvée. Il est lui aussi au sommet de sa forme. Il attire le ballon comme un aimant, il court plus vite que le vent, il évite la défense adverse comme s’il arrivait à prévoir à l’avance l’obstacle qui se va se présenter sur sa lancée. Et il marque plus vite que son ombre. Les journaux sportifs écrivent que son jeu a gagné en fluidité, en tactique, en maturité. Le beau brun ne fonce plus tête baissée, il analyse le jeu en permanence, à l’affût de chaque occasion. Il est tout simplement dans son élément, ça se voit qu’il prend du plaisir, beaucoup de plaisir, et c’est tellement beau !
Par ailleurs, l’organisation tactique de l’équipe semble désormais structurée de sorte qu’un certain nombre de joueurs se comportent comme un cordon de sécurité autour de Jérém, notamment lors de ses envolées vers la ligne de but. Il me semble que l’idée, par ailleurs évoquée par Ulysse lors d’une soirée, est d’empêcher d’éventuels snipers de l’équipe adverse de dégommer l’ailier aux essais d’or.
Samedi 16 septembre 2006.
Aujourd’hui, j’ai 24 ans. Demain se joue le premier match Stade Français vs Stade Toulousain de la saison, et ce soir Jérém est venu à la maison pour fêter mon anniversaire avec mes parents, Élodie et sa petite famille.
Le soir, je suce Jérém dans ma chambre d’enfant.
— T’es sex, mec ! il me glisse, pendant que je m’affaire avec bon entrain sur son manche raide. Qu’est-ce que tu m’excites !
Des mots directs, simples, qui font du bien à l’ego.
— Et toi, alors, je lui relance, presque en apnée, entre deux va-et-vient sur son manche raide, toi … avec ce corps … ces bras … ces pecs … et … cette putain de queue !
— Tu l’aimes ma queue, hein ?
— Et comment !
— Vas-y, fais-moi jouir… et avale !
Un instant plus tard, le beau brun me remplit la bouche de ses jets puissant, chaud et bien denses, au goût pétillant.
Quelques minutes plus tard, Jérém vient sur moi, en moi. Son torse musclé chauffe mon dos, et tous mes sens avec, ses poils bruns enfin revenus à leur expression la plus naturelle et la plus érotique caressent ma peau et embrasent mon excitation. Ses va-et-vient lents sont chargés de sensualité. Je sens son souffle dans mon cou, j’entends son orgasme approcher lentement, puis exploser dans un long soupir de bonheur et de satisfaction.
Dans le noir, les câlins et la tendresse sont là pour compléter le bonheur de cette nuit. Quand je pense que dans un an nous serons tous les deux réunis à Toulouse et que ce genre de nuit pourrait se produire autant que les jours du calendrier, je me sens tellement heureux !
Dimanche 17 septembre 2006.
Aujourd’hui, au Stadium de foot de Toulouse, les Bleu et Rose prennent enfin leur revanche sur les Rouge et Noir sur un score de 16 à 12.
— Tu ne regrettes pas ta décision ? je m’entends demander à Thibault, après le coup de sifflet final.
— Non, je ne regrette pas. J’adore ce que je fais au SDIS, et je ne changerais pour rien au monde.
— Même de jouer avec Jé ?
— Ah, si. J’aimerais jouer à nouveau avec Jé. Mais pas comme ça, pas en Top14. J’aimerais jouer comme on jouait quand on était gamins. J’aimerais jouer pour m’amuser, pas parce qu’il faut gagner à tout prix. Moi, ce rugby-là, ce rugby qui sent l’argent, qui casse les mecs, ça ne m’intéresse pas.
Septembre 2006.
Jérém a rencontré les dirigeants du Stade Toulousain, et ça s’est très bien passé. Une partie de l’ancienne génération qui avait un a priori au sujet de son côté « ingérable » à l’époque où il était encore en amateur a été remplacée. Les nouveaux sont plutôt émus par ses résultats sportifs impressionnants depuis son retour sur le terrain après son accident sportif.
Un salaire a même été annoncé. Deux fois plus important que celui aligné par l’autre Stade. Cependant, je suis certain que l’argent n’est pas ce qui pousse Jérém à revenir à Toulouse. On lui avait proposé moins qu’à Paris, il serait revenu quand même. Car Toulouse est sa ville, et jouer en noir et rouge est son rêve depuis toujours. Un rêve contrarié il y a cinq ans, un désaveu qu’il avait vécu comme un échec personnel. Depuis, il a bien pris sa revanche sur ceux qui n’avaient pas voulu lui faire confiance. Et pouvoir revenir exactement là où il avait été rejeté, ça prend des allures de revanche personnelle qui doit faire un sacré bien à son ego.
Quant à moi, mes entretiens d’embauche dans la région toulousaine ont débouché sur une proposition d’emploi qui m’a tout particulièrement emballé. Car elle concerne directement la Garonne. Et, plus précisément, la gestion des prélèvements pour l’irrigation via le Canal de Saint Martory, un ouvrage crée au XIX siècle et alimenté par la Garonne elle-même pour irriguer les plaines entre le village de Saint Martory et Toulouse.
L’organisme départemental qui s’occupe de la gestion du Canal de Saint Martory est basé à Montaudran. Aucun poste correspondant à mes compétences n’est à pourvoir pour l’instant. Mais en attendant, je me vois proposer un poste d’agent de terrain. Je serai chargé de suivre les consommations agricoles par point de prélèvement pendant la saison estivale. Je suis heureux de ne pas m’enfermer tout de suite dans un bureau et de pouvoir me familiariser avec le réseau.
Mon contrat doit démarrer le 1er novembre. Ça prolonge d’autant ma vie d’étudiant, et ma jeunesse insouciante. Je réfléchis à prendre un appart. Mais je vais attendre d’avoir mon premier salaire pour me lancer dans les recherches. Et puis, je ne suis pas mal chez Maman et Papa.
Aussi, j’aimerais d’abord savoir ce qu’envisage Jérém pour sa venue à Toulouse, dans un peu plus de six mois, à la fin de la saison du Top14. Il va certainement prendre un appart, ou une maison. Mais dans quel quartier de Toulouse ? Est-ce que dans son futur logement il y aura une place pour moi ? Je ne veux pas lui mettre la pression, j’accepterai même qu’il ne souhaite pas qu’on vive ensemble pour ne pas s’exposer. Mais si nous devons avoir chacun notre chez nous, j’aimerais au moins qu’ils ne soient pas aux deux bouts de la ville. Bon, on verra.
Septembre se termine, l’automne s’installe. Si ma vie était jusque-là un puzzle avec bon nombre de pièces en vrac, en ces premiers jours d’octobre j’ai enfin l’impression que tout s’assemble, tout se met en perspective, tout semble dessiner un avenir heureux.
Jérém et moi sommes toujours Ourson et P’tit Loup, et rien ne semble pouvoir ternir notre amour. Je vais avoir un travail qui va me plaire. Je suis de retour à Toulouse, je vais pouvoir voir plus régulièrement les gens que j’aime, Maman, Papa, ma cousine Elodie, Thibault, Julien. Et, bientôt, Jérém aussi. Je me sens bien dans ma peau, entouré de gens qui m’acceptent et qui m’aiment pour celui que je suis. Que de chemin parcouru depuis cinq ans ! Je réalise que j’ai beaucoup de chance, beaucoup.
Puis, octobre est arrivé. Et le jour de l'anniversaire de Jérém, le vent d’Autan s’est levé, et il a soufflé, insistant, incessant, implacable. Violent.
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jerem-nico-s1
Les peines encourues sont exemplaires, et à la hauteur du délit constaté : ma reconnaissance, ma reconnaissance, et encore ma reconnaissance.
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1 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
Ta chronique fait du bien. On te voit heureux et de rendre heureux. Le sexe - important - reste à sa place dans une relation amoureuse qui est maintenant équilibrée. Tu en parles bien. Et puis, j’ai connu le Bmachine à tlse presque aux mêmes moments donc ça rappelle de bons moments qui ont disparu à cause de mon âge et de l’évolution de la société pas si bienveillante.
Un dernier truc : ta façon d’appeler tes parents par papa et maman me touche vraiment alors que je n’aime pas bcp ça généralement. C’est sans doute sa sincérité qui me plaît car elle est tangible. Ça me plaît bien.
Un dernier truc : ta façon d’appeler tes parents par papa et maman me touche vraiment alors que je n’aime pas bcp ça généralement. C’est sans doute sa sincérité qui me plaît car elle est tangible. Ça me plaît bien.