0332 Jérém&Nico L’effet domino (partie 2).

- Par l'auteur HDS Fab75du31 -
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Récit libertin : 0332 Jérém&Nico L’effet domino (partie 2). Histoire érotique Publiée sur HDS le 15-12-2023 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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0332 Jérém&Nico L’effet domino (partie 2).
Février 2007.

La Saint Valentin arrive, mais Jérém ne semble pas du tout y prêter attention. Déjà, en temps normal, il n’est pas vraiment friand de ce genre de récurrence et de célébration. Et cette année, après ce qui nous est arrivé, avec son angoisse vis-à-vis de son retour sur le terrain qui l’accapare jour et nuit, je peux tout à fait concevoir qu’il n’ait pas du tout la tête à ça.
Mais moi, j’ai envie de marquer le coup. J’ai envie, j’ai besoin de lui montrer, de nous montrer, malgré la difficulté flagrante à retrouver notre complicité d’avant l’agression, que je suis toujours là, que nous sommes toujours Ourson et P’tit Loup.
Pour le 14, je monte à Paris et je nous prépare un petit dîner tranquille à l’appart.
Jérém a l’air d’apprécier, le repas, ma présence, et surtout le fait que ça se passe à l’appart. Je sais qu’il n’aurait pas accepté que je lui propose un resto, car le fait de s’afficher avec moi à cette date particulière le mettrait mal à l’aise. Et de toute façon, je sais qu’il refuserait, car cela risquerait de raviver les rumeurs le concernant depuis l’agression.
Je suis conscient que depuis le triste soir de son dernier anniversaire, mon beau brun vit sur le qui-vive, et que la relative liberté de nous montrer tous les deux en public que nous nous sommes autorisées depuis quelques années appartient désormais au passé. Je sais que le mot d’ordre est désormais de ne prendre aucun risque. D’ailleurs, ai-je l’ai bien senti lorsque je lui ai annoncé ma venue sur Paris. Je l’ai senti réticent. J’ai senti que ça lui faisait plaisir de me voir, mais qu’il avait peur. J’ai senti qu’il était déchiré entre son bonheur et sa peur. J’ai trouvé ça immensément triste.
Après le repas, nous avons fait l’amour. Ou je devrais plutôt dire, nous avons couché ensemble. Car j’ai senti que là aussi Jérém était écartelé entre son plaisir, son envie de me faire plaisir, et cette peur, ce malaise qui le tourmente. Et, une fois encore, ça a tout gâché.
Certes, Jérém était excité pendant que je le suçais, et certes, il a joui dans mon cul. Mais le plaisir ne se prend pas qu’avec la queue, ça se prend aussi et pour beaucoup avec l’esprit. Quand l’esprit n’est pas en phase avec le corps, le plaisir est court et mécanique. Et son esprit était une fois de plus ailleurs. Son corps avait envie, mais son esprit disait « non ».
J’ai l’impression de ne plus être qu’une ombre à ses yeux, tout comme ses amis, sa famille, le rugby, sa vie tout entière. Jérém n'est plus qu'une silhouette sans plaisir ni joie. Il essaie de jouer son propre rôle pour qu’on lui fiche la paix. Mais il n’arrive plus à faire illusion, son mal être est flagrant.
A 22h30, nous étions au lit. Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai serré contre moi. Je l’ai entendu soupirer. J’ai senti que lui aussi a perçu que notre complicité était partie, et j’ai aussi senti son inquiétude. J’ai voulu lui parler, mais j’y ai renoncé. Je n’ai pas voulu nous gâcher la Saint Valentin. Enfin, je n’ai pas eu envie de la gâcher davantage. Et, surtout, je n’ai pas eu le courage d’affronter une discussion au sujet de notre présent et de notre avenir, une discussion qui me fait peur.

Fin février 2007.

La reprise des entraînements se poursuit pour Jérém. Mais ce n’est pas un processus facile. J’ai l’impression que depuis notre agression, les entraînements pour mon beau brun sont comme le sexe avec moi. Le physique y est, mais le mental n’est toujours pas là. Et sans le mental, point de réussite.
Jérém scrute avec amertume tous les matches qu’il ne peut pas jouer, avec le Stade, en Top 14, avec le XV de France, pour le Tournoi des Six Nations. Son retour sur le terrain est enfin envisagé. Mon beau brun est à la fois impatient et mort de trouille à l’idée de retrouver le chemin des pelouses.

Mars 2007.

C’est le 17 mars, à la faveur d’un remplacement, que Jérém retrouve enfin la pelouse du Stade de France. Je suis si heureux pour lui, si impatient de le voir marquer ses premiers points pour sceller son grand retour, et pour faire fermer la gueule aux colporteurs de ragots.
Mais très vite, il faut se rendre à l’évidence, mes espoirs, et les siens par la même occasion, sont douchés. Jérém n’est pas du tout dans son assiette. Comme après son accident au rugby, son assurance a disparu. On dirait un lapin pris dans les phares d’une voiture. Il n’ose pas aller au charbon. Par ailleurs, il n’arrive pas à la mettre à profit la seule passe qu’il reçoit d’Ulysse.,.
A la fin de la mi-temps, on le remet sur le banc de touche. Je le regarde quitter le terrain, déçu et en colère. Je sais qu’à cet instant il en veut à la terre entière.

Avril 2007.

Il s’écoule près d’un mois avant que Jérém retourne sur le terrain. Contrairement au match précédent, il apparaît plutôt en forme. Il parvient même à marquer un but, sur une passe de l’irremplaçable Ulysse. Tout semble bien parti, je retrouve l’espoir de voir Jérém revenir au top, et retrouver son bonheur.
C’est un peu plus tard dans la première mi-temps qu’un incident fâcheux se produit. Un joueur de l’équipe adverse fait un méchant croche-pied à mon beau brun, qui le fait s’étaler de tout son long. Heureusement, Jérém se relève aussitôt, il a l’air de s’en sortir sans mal. Le geste du joueur paraît délibéré, gratuit, et pourtant il n’est sanctionné que par un carton jaune. D’ailleurs, la moitié de l’immense enceinte siffle et hue l’injustice arbitrale évidente.
C’est là que l’incident se produit. La caméra montre Jérém en train de s’approcher du jouer indélicat et lui hurler dessus. Le joueur semble se laisser alpaguer sans réagir, tout en affichant un léger sourire narquois qui a sans doute le don de faire monter encore plus Jérém dans les tours.
Les joueurs du Stade tentent de calmer Jérém sous le regard sévère de l’arbitre. Et semblent y parvenir. Mais le joueur fautif se charge de mettre de l’essence sur le feu. Il balance quelque chose à Jérém, et ce dernier redémarre comme une fusée et lui décoche une beigne en pleine figure.
Le mal est fait. Pendant qu’Ulysse arrive à maîtriser son co-équipier, le carton rouge est aussitôt dégainé par l’arbitre. Jérém quitte le terrain, défait. Les commentateurs parlent immédiatement de geste impardonnable, de sanctions, de suspension pendant plusieurs journées.

De retour à l’appart, Jérém est toujours hors de lui, dégoûté, remonté comme une pendule. Les 5 journées d’exclusion dont il a écopé vont l’empêcher de jouer jusqu’à la fin de la saison.
— Pourquoi tu l’as frappé ? Qu’est-ce qui t’a pris ?
— Il m’a pris que ce fils de pute m’a dit « ferme ta gueule, pédé » !
Au plus profond de mes tripes, une petite voix hurle très fort : tu as bien fait de le cogner, tu aurais même dû lui en mettre un deuxième !
Mais je ne la laisse pas s’exprimer, et le « moi » rationnel s’inquiète des conséquences de ce geste. Et surtout, de sa signification. Visiblement, la réalité de notre agression a fuité dans le milieu et la connerie humaine veut que lorsqu’on a la possibilité de donner des coups bas, on ne s’en prive pas.
Visiblement, Jérém ne le supporte pas. Visiblement, Jérém est toujours à fleur de peau. Visiblement, il ne va toujours pas aussi bien qu’il voudrait le faire croire.
— Et tu y as gagné quoi ? C’est toi qui es puni !
C’est triste de voir que le fait d’être gay est toujours une cause de déshonneur et de honte et qu’au final, c’est la victime qu’on traite de coupable.
— Et il aurait fallu que je fasse quoi, que je le laisse dire sans broncher ?
— L’envoyer chier, mais pas le cogner.
— Ça m'a mis hors de moi, j’ai perdu tous mes moyens. Heureusement qu’Ulysse était là pour me retenir, sinon je lui aurais cassé la gueule et ça aurait été un désastre pour l'équipe. Putain, je ne suis qu’une merde !
— Non, tu n’es pas une merde. Au contraire, tu es un garçon formidable qui a subi une violence injustifiée !
— Et pourtant, je me sens comme une merde !
— Ce type qui t’a insulté est un sale con, et il ne mérite pas que tu t’infliges ça !
— Oui, c’est un sale con, mais ce sale con a dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Des réflexions comme celle d’aujourd’hui, j’ai pas fini d’en entendre !
Une immense angoisse s’empare de mon esprit lorsque je réalise avec une violence inouïe que, pendant l’agression Jérém m’a probablement sauvé la vie, mais que ça lui a probablement coûté sa carrière et son bonheur.

Mai 2007.

A l’occasion de l’un des ponts du mois de mai, je retrouve Jérém au domaine, chez son père. Il s’y est installé depuis sa suspension et il donne un coup de main dans la vigne. Le travail physique au grand air semble lui faire du bien.
Mai, c’est le printemps. Mai, c’est le mois qui marque le 6ème anniversaire de nos premières révisions, des voyages à toute heure entre Saint-Michel et la rue de la Colombette. Ce devrait être un anniversaire à célébrer comme il se doit. En réalité, cette année il n’y a rien à célébrer. Cette année, à l’anniversaire de nos premières révisions, je sens que Jérém m'échappe.
Depuis la Saint Valentin, nous n’avons plus couché ensemble. Sa libido est toujours au point mort. Jérém n’a toujours pas envie de sexe.
— J’ai envie de toi, Jérém, je lui glisse un soir, dans le noir, sur l’oreiller.
— Je sais, il me glisse, sans rien ajouter de plus.
— Et toi, est-ce que tu as toujours envie de moi ? je m’entends lui demander après un long silence assourdissant.
— Ce n’est pas la question.
— Et c’est quoi la question ?
— La question c’est que j’ai plus envie de baiser. Et puis, je le vois bien, je n’arrive plus à te faire jouir…
— Mais t’inquiète pas pour ça, Jérém, je vois bien que toi non plus tu ne prends pas ton pied. Tu es trop stressé, et le traumatisme de ce qui nous est arrivé est encore en toi, et en moi aussi.
— Je n’arrive plus à rien !
— Ne dis pas ça, mon amour, je crois que tu as juste besoin de temps.
— Tu parles…
— Tu as essayé de coucher avec d’autres mecs ? j’ai envie de savoir.
— Arrête, Nico !
— Dis-moi !
— Oui !
— Et alors ?
— Ça n’a pas plus marché qu’avec toi. Ce n’est pas toi le problème, le problème c’est que j’ai pas envie, c’est tout.
— J’ai même essayé de coucher avec des nanas… il ajoute, après un blanc.
— Et ça a mieux marché ?
— Non.
— Pourquoi des nanas ?
— Parce que je me suis dit que si ça se trouve, je fais fausse route. Au fond, plus jeune, je me tapais des nanas…
— Mais tu as toujours préféré les mecs, non ?
— Je ne sais plus. Plus personne ne me fait envie, plus personne ne me fait bander.
— Même pas moi ?
— Ne le prends pas mal. C’est pas toi, c’est moi. Vraiment.
— Ces connards qui nous ont agressés t’ont fait assez de mal, ne leur laisse pas te faire cette violence aussi, ne les laisse pas te faire douter de qui tu es et de ce qui te rend heureux. Tu es un garçon qui est attiré par les garçons !
— Je ne sais plus où j’en suis…
— Par rapport à ta sexualité ?
— Par rapport à tout !
— Et le psy ne t’a pas aidé ?
— Non.
— Ça me fait de la peine de voir que tu vas si mal…
— Je ne veux pas de ta pitié !
— Je n’ai pas pitié de toi, je lui lance haut et fort, alors que les larmes coulent sur mes joues. Nous avons vécu la même agression, et je pense que nous ressentons les mêmes choses.
— Ta vie n’a pas été bouleversée autant que la mienne après cette nuit.
— C’est vrai. Mais je ne te reconnais plus, Jérém ! Et ça me fait mal, tu ne sais pas comment ça me fait mal ! Je vois que tu ne vas pas bien et je n’ai aucun moyen de t’aider à aller mieux…
— Je sais que je te fais du mal. Mais je n’arrive pas à faire autrement. Je me sens comme sonné, vidé de toute énergie.
— Tu te rends seulement compte de ce que tu as fait ce maudit soir ?
— Je me suis fait tabasser comme un con !
— Si ce connard s’est autant acharné sur toi, c’est parce que tu l’as provoqué sciemment… et tu l’as provoqué parce que tu voulais qu’il s’en prenne à toi et pas à moi…
— T’as fait la même chose, juste avant.
— Mais je ne pouvais pas le laisser te démonter la gueule !
— Et moi, donc, tu crois que je pouvais ?
— Tu es mon héros, Jérémie Tommasi !
— Je n’ai pas su te protéger, il me glisse tristement.
— Et comment, tu as su me protéger, tu as risqué ta vie pour moi, tu n’as pas hésité un seul instant à te mettre en danger pour me sauver !
— J’aurais tellement voulu faire plus, t’épargner les coups… il insiste.
— Moi non plus je n’ai pas pu te protéger. On a fait comme on a pu, à deux contre cinq. Mais ce qu’on a pu, on l’a fait, on l’a fait !
Il pleure. Je pleure.
— Tout ça, c’est de ma faute !
— De quoi tu parles, Jérém ?
— C’est moi qui nous ai mis dans cette merde !
— Mais de quoi tu parles ?!
— C’est moi qui t’ai embrassé cette nuit-là ! Si je ne t’avais pas embrassé, rien ne se serait passé !
— Arrête de dire ça, ok ? Avec les « si », on ne va nulle part. Une fois de plus, tu n’as rien à te reprocher. Les seuls à blâmer dans cette histoire ce sont ces cons malbaisés qui s’en prennent à des gars comme nous parce que nous sommes heureux, et pas eux !
A aucun moment j’ai pensé que c’était de sa faute si nous avions été agressés. Pas plus que de la mienne.
Mais sur un point il a raison. C’est bien ce baiser qui a entraîné tout ce désastre. C’est inconcevable, et c’est pourtant la vérité.
Comment imaginer qu’un simple baiser, sublime manifestation de l’amour entre deux êtres, puisse provoquer le dégoût et l’hostilité au point d’entraîner ce qui nous est arrivé cette nuit-là, ainsi que ce sinistre effet domino qui nous a amenés là où nous en sommes aujourd’hui ?
Comment concevoir que, nous les victimes, soyons punis à cause de ce que nous avons enduré ?
Quand je regarde son visage, quand je regarde son nez au profil désormais un peu cassé, son arcade avec cette cicatrice où les cils n’ont toujours pas repoussé, je revois les marques de la violence que nous avons subie. Je revis l’instant où mon Jérém a failli se faire tuer pour me sauver la vie. Une belle preuve d’amour.
Oui, un simple baiser d’amour a fait basculer notre vie.
Comment aurais-je pu imaginer que ce baiser ce serait notre dernier véritable baiser ?
Comment aurais-je pu imaginer que cette nuit ce serait la dernière fois où nous serions Ourson et P’tit Loup ?

Juin 2007.

Juin, c’est le mois des finales du Top 14.
Le vendredi premier, la demi-finale se joue à Bordeaux, entre le Stade Français et Biarritz. Jérém n’a pas souhaité faire le déplacement. Nous avons regardé le match à la télé, et j’ai vu mon beau brun triste et frustré de ne pas être sur le terrain et ne pas contribuer à cette belle victoire. Les Parisiens s’imposent en effet face aux Biarrots avec un score confortable de 18 à 6.
La semaine suivante, le 9, c’est l’heure de la grande finale. Le Stade Français rencontre Clermont au Stade de France. Cette fois-ci, Jérém accepte l’invitation d’Ulysse d’assister au match. Un match qui se révèle particulièrement difficile. Finalement, au bout de deux mi-temps éprouvantes, les Parisiens s’imposent une nouvelle fois sur un score de 23 à 18.
Le Stade Français est champion du Top 14. Quelques minutes après le coup de sifflet final, les joueurs en rose et bleu s’agglutinent au beau milieu de la pelouse et soulèvent le bouclier de Brennus devant une assistance en délire. Jérém refuse de les rejoindre, malgré la demande d’Ulysse.
— Tu vois, ils gagnent quand même, ils n’ont pas besoin de moi ! me lance Jérém, sur un ton agacé mais surtout plein de désespoir, les yeux emplis de larmes retenues de justesse, partagé entre la joie de voir son équipe gagner et la tristesse de la voir gagner sans lui.
— Tu as toute ta place dans cette équipe, je tente de le réconforter.
— Je suis un jouet cassé, je ne sers plus à rien !
— Tu rejoueras quand tu iras mieux.
— Non, le rugby c’est fini pour moi, il assène tristement.

— Je vais avoir des vacances autour du 14 juillet, j’annonce à Jérém au lendemain de la finale du Top14. Et si on repartait quelques jours en Italie ?
Il me semble que parmi les bons moments que nous avons partagés depuis quelques années, ceux passés au Bel Paese ont été les plus doux. J’aimerais tant retrouver le Jérém insouciant, bien dans sa peau, amoureux de ces vacances transalpines. J’aimerais tant retrouver notre complicité et je me dis que c’est là que j’ai le plus de chance de la raviver .
— Je crois que j’ai envie de partir seul cet été…
— Seul ?
— J’ai besoin de faire le vide dans ma tête.
— Et on ne prend pas de vacances tous les deux ?
— Toi tu as des vacances en juillet, et moi j’ai besoin de partir maintenant.
— Et tu veux aller où ?
— Je ne sais pas encore, je vais improviser.
— Et en juillet, on pourra partir ensemble ?
— Je ne sais pas, on verra.

Juillet 2007.

Juillet arrive, mes vacances avec. Après avoir passé un mois de juin sans pratiquement aucun signe de vie de la part de Jérém, après m’être forcé à respecter son besoin de prendre l’air, après trois semaines à tenter en vain de me convaincre que cette morosité n’est qu’une passade et qu’Ourson et P’tit Loup ne sont pas en danger, je me décide enfin à l’appeler pour avoir de ses nouvelles. J’ai également besoin de savoir ce qu’il en est finalement de ma proposition de partir en Italie, ou là où bon lui semblera, n’importe où, l’important pour moi étant d’être avec lui. Je le suivrais au bout du monde, et même au-delà.
J’essaye de l’appeler une fois, deux fois, trois fois. Je tombe directement sur son répondeur. Je laisse des messages, d’abord sur un ton neutre, en essayant de cacher mon besoin de savoir comment il va, mon besoin de plus en plus urgent de le revoir. Puis, au fur et à mesure que les jours passent et que mes messages n’ont pas de réponse, c’est mon inquiétude qui prend le dessus. Alors mes messages commencent à ressembler à des supplications de me donner des nouvelles, de me dire s’il va bien, et tant pis pour les vacances. Les jours passent sans retour de sa part et je commence sérieusement à m’inquiéter.
J’appelle Maxime pour savoir si de son côté il a plus de nouvelles. Il n’en a pas beaucoup plus que moi. Si ce n’est la destination des vacances en solitaire de son grand frère. Et un dernier message rassurant reçu de sa part quelques jours plus tôt, puis plus rien. Jérém a choisi une destination à l’autre bout du monde. Ce qui explique sans doute en partie l’absence de nouvelles. Car je n’ai aucun doute sur le fait que son silence s’explique également par son besoin de faire le vide dans sa tête, de passer à autre chose, d’oublier. Pourvu qu’il n’oublie pas tout, pourvu qu’il n’oublie pas notre amour, pourvu qu’il n’oublie pas qu’Ourson ne va pas sans P’tit Loup et que P’tit Loup ne va pas sans Ourson.
Dans combien de temps va-t-il revenir ? Va-t-il seulement revenir de cette terre au charme envoûtant qui attire tant une certaine jeunesse assoiffée d’un nouveau départ ? Et s’il croise la route d’un beau surfeur blond capable de faire chavirer son cœur et sa braguette ?

C’est la veille du 14 juillet que je reçois enfin un message de sa part. Mais pas de son numéro habituel. Le message porte un numéro commençant par +61. Croyant d’abord à une erreur de destinataire, la curiosité me pousse cependant à en lire le contenu.

« Salut. Je sui bien, je voyage, je travaille. Dsl pas avoir donné des nouvelles + tot. J espere que tu vas bien. Je revien en aout. Bisous de canberra ».

Oui, Jérém a eu besoin de mettre 20.000 bornes entre lui et ses nouveaux fantômes. Cette distance me donne le vertige. Mais au moins, je sais qu’il va bien et qu’il compte revenir. Pourvu qu’il ne change pas d’avis.

Je traverse le mois de juillet dans une morosité sans fin. C’est bien beau d’avoir des vacances, si on n’a pas l’état d’esprit pour en profiter, ça ne sert à rien. Je suis inquiet quant au retour de Jérém. Et s’il ne revenait pas ? Et s’il revenait changé du tout au tout ?
Le 14 juillet, les feux d’artifice de la fête nationale m’agacent plus qu’ils ne me réjouissent. A Gruissan, malgré la présence d’Elodie, je tourne en rond. J’ai besoin de me changer les idées, et j’en viens à croire que me sentir désiré, ou du moins convoité, m’aiderait à me sentir moins mal, à oublier mes peurs.
Je sors dans une boîte gay, je me perds parfois dans les buissons des plages où rôdent les hommes qui cherchent d’autres hommes. Entre les dunes, je couche avec un brun pas mal du tout. Il est plutôt sensuel pendant qu’il me tringle, il est même prévenant. Il est très beau lorsque sa belle gueule se crispe sous la vague de l’orgasme. Il me branle, me fait jouir. Mon torse parsemé de mes traînées brillantes, sa queue aussitôt retirée d’entre mes cuisses, je le regarde enlever sa capote bien remplie et faire un nœud pour la rendre étanche. L’excitation passée, au moment de se dire au revoir, ou plutôt « adieu », je retrouve ma solitude et mon angoisse.
Le fait est que c’est de Jérém dont j’ai envie, dont j’ai besoin. Aucun gars, aucune aventure ne saura combler cette envie, ce besoin, ce manque.

Août 2007.

Juillet se termine enfin et août arrive. Je salue la reprise du taf comme une délivrance. Car je n’en peux plus de tourner en rond, j’ai besoin de m’occuper l’esprit.
Ma mission jusqu’au mois de septembre est de passer de ferme en ferme pour relever les index des compteurs d’eau des irrigants. Je suis heureux d’être sur le terrain, heureux de découvrir le réseau secondaire découlant du Canal de Saint Martory, cet ouvrage impressionnant qui a révolutionné l’agriculture de la Haute Garonne.
Je passe mes journées à chercher des fermes, des lieux-dits aux assonances patoises, à traquer des agriculteurs et des cabanes d’irrigations, à emprunter des chemins en terre, à me perdre dans la campagne, entre les champs de maïs qui bouchent la vue, à demander à droite et à gauche, à me tromper de chemin, à faire demi-tour, à prendre des jets d’eau sous pression sur le parebrise.
Mais j’aime ça, on dirait un jeu de l’oie géant. J’adore l’odeur de la terre humide, du maïs fraîchement arrosé. J’aime le contact avec ce monde de producteurs, d’agriculteurs discrets et travailleurs qui produisent, il faut bien le rappeler, les biens les plus essentiels qui soient. J’aime cette nature calme, où l’on entend le vent et le chant des oiseaux, l’écoulement de l’eau et le bruissement des feuilles. J’aime cette campagne qui me rappelle Campan, mais aussi le domaine de M. Tommasi. Est-ce que je reverrai un jour ces endroits ? Est-ce que Jérém m’y amènera à nouveau ? La nostalgie me tire parfois les larmes.
Où es-tu, mon Jérém ?

Jeudi 23 août 2007.

Hier, Jérém m’a appelé. Il était au domaine, chez son père. Il était rentré deux jours plus tôt et il n’avait fait que dormir depuis. Il m’a proposé de nous voir ce soir pour dîner ensemble.
Ce soir, je suis très heureux de le retrouver. Et pourtant, au fond de moi, j’ai la sensation que ces retrouvailles ne vont pas se passer comme je les imagine. J’ai l’impression que Jérém a quelque chose à m’annoncer. Et j’ai peur d’entendre ce qu’il a à m’annoncer.
D’ailleurs, le vent d’Autan s’est levé ce matin. Et sa caresse insistante m’inquiète, beaucoup.
Je retrouve mon beau brun dans un resto du centre-ville. Ça fait plus de deux mois que je ne l’ai pas vu. Je le retrouve là, beau comme un Dieu, le teint halé, le bronzage marqué, un peu plus sec que la dernière fois, ce qui met en valeur sa masse musculaire, les cheveux assez courts, la barbe d’une semaine, ce qui met en valeur sa sensualité radioactive. Ce soir, il fait très chaud. Le bogoss est habillé d’une chemisette à fines rayures portée bien près de son torse et de ses biceps, les boutons du haut ouverts jusqu’à dévoiler la naissance de ses pecs.
Les stigmates de notre agression marquent toujours sa belle petite gueule, mais elles me paraissent moins choquantes, moins insupportables.
Ce soir, Jérém est beau à en pleurer. C’est peut-être l’effet des retrouvailles, après deux mois à redouter qu’elles ne se produisent jamais. C’est peut-être le changement dans son regard, son allure, son attitude, son sourire. C’est sa nouvelle sérénité empreinte de gravité. A bientôt 26 ans, Jérém semble transfiguré. Ce voyage semble l’avoir changé, fait mûrir. Oui, il y a quelque chose dans son regard et dans son allure qui n’était pas là avant. Comme des nuances de maturité. Il me semble que désormais, l’homme prend le pas sur le petit con.
Je regarde le menu mais rien ne me fait envie. C’est Jérém qui me fait envie, une envie déraisonnable. Et lui, est-ce qu’il a toujours envie de moi ? Est-ce que nous sommes toujours Ourson et P’tit Loup ?

Pendant le dîner, Jérém me parle de son road trip en Australie.
— J’ai fait du stop, j’ai travaillé dans des fermes, j’ai tondu des brebis.
— J’ai traversé le désert, j’ai longé l’océan pendant des centaines de miles.
— J’ai fait du cheval sur la plage.
— J’ai appris à faire du surf.
— J’ai été voir comment on joue au rugby là-bas, j’ai joué au rugby là-bas.
— J’ai vu des requins blancs et des baleines.
— J’ai vu des kangourous et des koalas.
— Je me suis saoulé la gueule, j’ai été impliqué dans une bagarre et j’ai passé une nuit en cellule.
En évoquant toutes ces expériences nouvelles pour lui, Jérém a les yeux qui brillent. Ça a l’air de lui avoir fait vraiment du bien de changer de décor, je suis heureux pour lui et en même temps triste de ne pas avoir pu partager ces moments avec lui.
— J’ai fait de belles rencontres, j’ai dormi chez l’habitant… il continue.
— Et tu as baisé avec l’habitant ? je ne peux m’empêcher de lui glisser.
— Aussi…
Je ne suis même pas jaloux, il a bien fait d’en profiter. J’espère seulement qu’il a pensé à se protéger.
— Alors, tu as retrouvé l’envie de coucher ?
— Il a fallu que je parte à l’autre bout du monde pour me retrouver.
— Eh, bien, tu en as fait des choses ! Je me suis demandé si tu allais seulement revenir un jour ! je le cherche.
— Je n’ai pas arrêté de penser à toi…
— Ah, bah, c’était pas flagrant !
— Désolé de ne pas avoir donné plus de nouvelles. Mais j’avais besoin de me couper de tout.
— De moi aussi ?
— Ne le prends pas mal, il me glisse, la voix douce, en saisissant ma main, ce qui provoque en moi un intense frisson. J’avais besoin de cette pause, de ces espaces, j’avais vraiment besoin de changer d’air. Tu comprends, Nico ?
Je comprends que Jérém avait besoin de prendre de la distance de tout ce qui le ramenait à cette terrible nuit, et je réalise que je fais sans doute partie des « choses » qui le ramènent à cette nuit, que je suis même la « chose » principale.
— Je crois que je comprends, oui. Et ça t’a fait du bien ?
— Un bien fou.
Une question me titille l’esprit depuis début août, depuis le début du top14. Mais où en est Jérém par rapport à sa carrière de rugbyman ? La question clignote de façon encore plus insistante dans ma tête ce soir.
— Et le rugby ? Tu vas jouer où cette saison ? j’ai besoin de lui demander.
— Je vais régler l’addition, tu m’attends dehors ?

Quelques instants plus tard, Jérém me rejoint dans la rue et me propose d’aller marcher sur les quais de la Garonne.
J’ai le souffle coupé, je tremble. Au fond de moi, j’ai l’intuition que cette marche est un préambule à une discussion que je redoute. Le vent d’Autan souffle toujours. J’ai peur d’entendre ce que Jérém a à me dire.
La proximité du fleuve est l’occasion pour Jérém de me questionner sur mon taf, et pour moi de lui raconter à quel point je suis heureux d’avoir choisi cette voie. Après une longue tirade passionnée de ma part, le silence s’installe entre nous.
Mon beau brun me paraît désormais soucieux. Je sens qu’il a quelque chose à me dire mais que ça ne sort pas. Je crève d’envie et je meurs de peur de savoir.
C’est à l’approche du Pont Neuf que ça vient enfin. Le beau brun s’arrête de marcher, me saisit par le poignet, m’obligeant à m’arrêter à mon tour. Et là, il me glisse, la voix étouffée :
— Asseyons-nous.
Assis sur la pelouse rase, je fixe les arcades et les larges trouées qui ont permis à ce pont de devenir le plus vieux pont de Toulouse. Du coin de l’œil, je capte la présence de mon beau brun. Elle a sur moi l’effet d’un aimant ultrapuissant. Je meurs d’envie de me glisser sur lui, de l’embrasser, de le serrer contre moi, de lui montrer à quel point je suis heureux de le retrouver. Mais je sais que ce n’est ni le moment, ni le lieu. J’attends avec impatience et angoisse qu’il me dise ce qu’il a sur le cœur.
— Je vais arrêter le rugby, il finit par me lancer, comme une bombe, après un long instant de silence.
— Quoi ? T’es pas sérieux ?
— J’y ai longuement réfléchi et ma décision est prise.
— Mais pourquoi ?
— Parce que je ne me sens plus à l’aise dans les vestiaires et sur le terrain.
— C’est à cause de ce qui nous est arrivé ?
— Peu importe, Nico. Je n’ai plus le mental. Et un joueur sans un mental solide, ne sera jamais un bon joueur. Alors, autant arrêter les frais avant de me faire humilier davantage. Je n’ai pas envie de terminer ma carrière comme un looser. Si j’arrête maintenant, il y a des chances qu’on se souvienne de moi pour mes exploits. Si je continue, on se souviendra de moi comme d’un joueur qui a planté sa carrière.
— Mais le rugby c’est toute ta vie !
— Il l’était…
— Et tu crois que tu vas réussir à être heureux sans ?
— Il va bien falloir.
Il va bien falloir. Ces quatre mots résonnent à mes oreilles comme un fardeau insupportable à porter. Je le sens au choix des mots, je le sens au ton sur lequel ils sont prononcés. Sans le rugby, il va être malheureux comme les pierres. Quel gâchis, quel horrible gâchis !
— T’es vraiment sûr qu’il n’y a pas moyen ?
— Oui, sûr et certain.
— Mais la proposition de Toulouse tient toujours, non ?
— Je l’ai refusée.
— Mais tu débloques ou quoi ? C’est une occasion en or !
— Je sais. Mais ça ne changerait rien. Où que je joue, je ne serai plus jamais à l’aise. Il y en a qui ont su ce qui s’est vraiment passé cette nuit-là, et ils ne s’en sont pas privés pour en parler. Le rugby est un petit monde. Les ragots vont très vite et ont la vie longue. Ils vont me suivre, où que j’aille. Il y aura toujours un con pour sortir une réflexion à la con dans un match ou dans une soirée. T’as vu ce qui s’est passé la dernière fois ? Ça s’est terminé avec un carton rouge et cinq journées d’interdiction de jeu…
— Mais ça s’est produit une fois, et…
— Et ça se reproduira ! il me coupe net. Et quand ça arrivera, je réagirai de la même façon. Et le rugby ce sera fini pour moi, de la pire des façons. Et même si ça ne se reproduit pas, j’aurais toujours l’impression qu’un me scrute, qu’on se fout de ma gueule dans mon dos. Ça me prendra toute mon énergie et je n’arriverai plus à jouer comme il faut.
— Mais Jérém ! je proteste, sans trop savoir quels arguments opposer à son analyse que je comprends parfaitement par ailleurs.
— Regarde, Thib a arrêté le rugby, et il est heureux.
— Mais lui l’a fait par choix, pas par peur !
— Le choix, je ne l’ai pas, il lâche tristement, et surtout pas ici, en France…
— Pourquoi, il y aurait mieux ailleurs ?
Je le vois hésiter, pousser un long soupir, comme combattu entre l’envie de parler et celle de se taire.
— Il y a autre chose ? je tente de le mettre à l’aise.
— Laisse tomber !
— Dis-moi, s’il te plaît, je peux tout entendre, tu sais ?
— Je te dis de laisser tomber !
— Tu en as trop dit et pas assez dit. Tu ne peux pas me laisser comme ça ! Tu as eu une autre proposition ?
— Ouais.
— Quel club ?
— C’est pas…
— C’est pas quoi ?
— C’est pas en France.
— Et c’est où ?
— En Angleterre.
— Quoi ?
— Je pourrais jouer dans l’équipe des Wasps.
— C’est qui ces Was… ?
— Les Wasps. C’est une grande équipe anglaise. J’ai sympathisé avec certains joueurs lors des matches des Tournois des Six Nations. Et avec leur entraîneur. Un jour, il m’a dit qu’il y aurait toujours une place pour moi dans son équipe.
— Et si tu partais jouer là-bas, tu pourrais revenir au top ?
— J’aurais plus de chances d’y parvenir qu’en restant ici. Là-bas, personne ne sait pour ce qui m’est arrivé.
Mon cœur bat à tout rompre. Je tremble. J’étouffe.
— De toute façon, ma décision est prise, le rugby c’est fini pour moi.
— Et tu comptes faire quoi si tu arrêtes le rugby ?
— J’ai un diplôme, je vais le mettre à profit. J’ai trouvé une offre d’emploi qui a l’air pas mal. J’ai postulé pour un poste de commercial dans une boîte qui vend des équipements informatiques. J’ai passé un entretien et mon profil leur a plu. Il y a de fortes chances que j’arrive à avoir le job.
— An bon ? Et c’est où ça ?
— A Paris.
— Ah… et tu vas rester à Paris, alors ?
— Oui, mais je vais pas mal voyager.
— Tu es sûr de ton coup ? Tu penses que ce job va te convenir ?
— Il va bien falloir…
Il va bien falloir. Deuxième du nom.
Mille questions s’agitent dans ma tête. Elles tapent si fort que l’une d’entre elles finit par glisser sur mes lèvres.
— Pourquoi tu ne veux pas donner suite à la proposition de l’équipe anglaise ?
— Parce que je n’en ai pas envie !
— Je vois bien que tu crèves d’envie de rejouer et de foutre le camp d’ici !
Puis, au prix d’un effort dont je ne me serais pas cru capable, je lui lance :
— Si tu restes pour moi…
— Arrête, Nico ! il me coupe net.
— Ecoute moi, Jérém, je reviens aussitôt à la charge. Si tu restes pour moi, c’est pas le bon choix. Tu vas te rendre malheureux et tu vas nous rendre malheureux.
Et là, après un silence qui me paraît interminable, je l’entends me glisser, la voix pleine d’émotion :
— Et nous deux ?
Soudain, je repense aux mots du pauvre M. Charles de l’hôtel à Biarritz, à son regret de ne pas avoir suivi l’amour de sa vie au bout du monde. Et je lui balance, sans hésiter un seul instant :
— Amène-moi avec toi !
— Nico… ici tu as un travail qui te plaît, tu as ta famille, tes amis. Tu ne vas pas quitter tout ça pour venir avec moi.
— Je peux le faire, il suffit que tu en aies envie.
— Je ne suis même pas certain que ça marcherait là-bas, je ne peux pas te demander de me suivre alors que je ne sais pas où je vais.
— L’Angleterre n’est pas à l’autre bout du monde, nous trouverons le moyen de nous voir, j’arrive à articuler de justesse, alors que les larmes coulent déjà sur mes joues.
Jérém me prend dans ses bras, me serre très fort contre lui et me chuchote, les lèvres très près de mon oreille :
— Je t’aime, Ourson. Et je crois bien que je ne t’ai jamais autant aimé qu’à cet instant.
— Ne m’oublie pas, Jérém, je lui glisse, comme une bouteille à la mer, comme une prière.
— Je ne sais pas encore si je vais accepter, je dois y réfléchir.
— Quoique tu décides, ne m’oublie pas !
— Ça, ça ne risque pas. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivé dans la vie. Tu seras toujours avec moi ! Je ne t’oublierai jamais ! Jamais !
Et, ce disant, il glisse ses doigts dans l’ouverture de sa belle chemisette, il saisit la chaînette que je lui ai offerte pour ses vingt ans et il me la montre.

Pendant que nous remontons vers la place du Capitole, l’air frais de la nuit caresse ma peau, m’apportant un étrange frisson, une sensation de vide, de manque, de déchirement. Jérém est encore là, il marche à côté de moi, mais j’ai l’impression qu’il est déjà loin. J’ai l’impression que je suis en train de vivre un adieu.

Mercredi 23 août 2017.

Aujourd’hui, ça fait dix ans que Jérém est parti. Et ce soir, il me manque horriblement. Ce soir, après ma journée chargée au bureau pour décider de la réduction du débit du Canal et des restrictions d’usage suite à la sécheresse, je n’ai pas eu le cœur de rester seul dans mon appart. Alors, je suis allé dîner chez Papa et Maman, et je compte bien y rester dormir.
Mais, après le dîner, le vent d’Autan s’est levé. Il a tapé à la fenêtre de ma chambre d’enfant, insistant, inlassable, violent. Comme s’il m’appelait, comme s’il voulait me dire quelque chose. Je l’ai écouté, je suis sorti. Je suis parti me balader.
Mes pas m’ont conduit sur ceux des souvenirs des derniers jours avant le bac. Et, en particulier, à ce mercredi 2 mai 2001 où j’ai traversé les allées pour aller à la rencontre de Jérém, le bogoss sur qui je fantasmais depuis le premier jour du lycée. Le garçon qui avait ravi mon cœur depuis le premier jour du lycée.
C’était le printemps, c’était la première année du nouveau millénaire. Mais c’était surtout et avant tout l’année de mes 18 ans.
Ce jour-là, le vent d’Autan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, il caressait ma peau, chatouillait mes oreilles, me parlait du printemps, un printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris du Grand Rond, dans les t-shirts qui mettaient en valeur la plastique des garçons.
J’ai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour faire taire mon hésitation.
Ce jour-là, le vent d’Autan me poussait à aller au bout de mon trajet, il me poussait à marcher tout droit vers la première révision de maths avec Jérém, vers la première révision de ma vie sentimentale, et de ma vie d’adulte.
J’avais filé sur le Boulevard Carnot, je m’étais engagé dans la rue de la Colombette, comme sur un nuage. C’était le début de cette histoire, de mon histoire.
On n’oublie jamais son premier amour, son seul amour. Mais où es-tu, Jérém ? Au fond de moi, je sais que nous nous retrouverons, que le destin nous réunira un jour. On se l'est promis tous les deux, on se l'est promis sans mots, sans formule. C’est une promesse que j’ai lue dans tes yeux, une promesse que je serre à moi depuis longtemps déjà. On se l'est promis par une belle soirée d'été d’il y a dix ans, après avoir fait l’amour pour la dernière fois avant de nous quitter.
Tout était beau, tout était parfait ce soir-là. Et je n’ai qu’un seul, immense regret. Celui de ne pas avoir su trouver les mots qui auraient pu t’apaiser, ce petit rien qui aurait pu te retenir.
Il m’a fallu longtemps pour comprendre que ces mots n’existaient pas, et que ce petit rien était en réalité un immense tout qui n’était pas à ma portée.
J’ai parfois regretté de pas m’être battu davantage pour te suivre au bout du monde. J’ai essayé de te détester pour le fait d’avoir pris ta liberté si facilement après avoir reçu ma bénédiction. Je n’ai pas réussi. Car, au fond de moi, je suis heureux d’avoir d’une certaine façon contribué à t’offrir quelques belles années de rugby supplémentaires.
Non, je n’ai jamais oublié la puissance du vent d’Autan cet après-midi de mai d’il y a seize ans. Pas plus que j’ai oublié celle du même vent d’Autan le soir où nous avons marché le long de la Garonne, il y a dix ans déjà. Tout comme je n’ai jamais pu t’oublier, mon Jérém. Bien que depuis tant de temps déjà, nos vies ne marchent plus ensemble.


Ce soir le vent qui frappe à ma porte
Me parle des amours mortes
Et je pense aux jours lointains

Que reste-t-il de nos amours
Que reste-t-il de ces beaux jours
Une photo, vieille photo…


FIN DE LA SAISON 3 de Jérém&Nico.


Le premier épisode de la saison 4, « JN0401 Le temps apaisera la blessure », sortira en janvier 2024.

Les avis des lecteurs

Bon sang, ce que c'est triste... Je commence à me dire qu'il y a des gens qui ne sont pas faits pour le bonheur, ou qui ne font pas grand chose pour le mériter :/ Au final, Jérém n'a fait aucun effort pour retrouver ce qu'ils avaient, Nico a mis trop de temps à réaliser qu'on ne porte pas une relation seul. Quel gâchis :'(



Texte coquin : 0332 Jérém&Nico L’effet domino (partie 2).
Histoire sexe : Une rose rouge
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