47.2 La sieste, le Mojito et la bière avec Thibault.
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 01-10-2016 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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47.2 La sieste, le Mojito et la bière avec Thibault.
Et lorsque sa silhouette déboule dans la rue, lancée à bonne allure, le pas assuré, la sensation est toujours la même… putain, qu’est ce qu’il est bien gaulé, qu’est ce qu’il est charmant et séduisant, comment tout transpire la gentillesse et la droiture chez lui…
T-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…
« Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.
Après cette folle nuit pour fêter le bac, nuit ayant fait escale aussi bien dans les boites toulousaines classiques, la Bodega, le KL... que dans d'autres un peu plus originales, comme la célèbre boite à pd, le On Off… après cette nuit peuplée de beaux mâles... mon Jérém, notre pote Thibault, le très classe et bien lubrique Martin, le beau barbu Romain... cette nuit de rencontres, de révélations volontaires ou involontaires, de folies sexuelles en tout genre... oui, après cette longue, incroyable nuit terminée rue de la Colombette en faisant l'amour avec mon beau couillu ; après le réveil dans un lit déserté par son propriétaire, parti avant mon réveil ; après un déjeuner pris en essayant d'esquiver les questions de ma mère sur le fait que j'avais découché ; après tout cela, poussé par un nombre très insuffisant d'heures de sommeil, voilà que ma seule aspiration, mon seul projet, mon seul but, mon seul kif pour l'après midi était...
…la sieste...
Evidemment, en fermant les yeux et en me laissant glisser dans les bras de Morphée, j'étais loin de me douter que, pendant mon rattrapage de sommeil, mon subconscient m'apporterait un joli rêve érotique, le genre de rêve qui fait que, évidemment, les draps s'en souviennent...
Ca m'apprendra à voler et garder sur moi un t-shirt marqué par l’empreinte olfactive de mon beau mâle... m'endormir en reniflant son odeur... cela rime très fort avec bonheur... mais aussi avec rêveur...
Et le rêve a été tellement intense qu'en me réveillant, je l'ai d’abord cru réel... au point que pendant un instant mes yeux ont cherché dans le noir les deux protagonistes principaux… avant que ma conscience ne réalise que rien de ce que je venais de rêvasser, deux potes de rugby mélangeant leurs corps dans un plaisir intense, avant de venir en moi à tour de rôle, n'était réel.
Pourtant, le rêve avait été si long, si détaillé... si réaliste...
Evidemment, à bien regarder, certaines petites incohérences de scénario auraient du me mettre sur la piste...
D’abord, cette trace de cambouis sur l'avant bras de Thibault, revenant sans cesse à mon attention.... bien sur, ce style de négligence n'est pas du tout le genre de Thibault... ensuite, le trouble de Jérém en arrivant à l'appart, son mutisme, son regard fuyant, tellement ressemblants à ceux que je lui avais connus lors du plan avec Romain… le même malaise, bien que pour des raisons à priori différentes... et encore… la cigarette fumée par le beau mécano... image très sexy mais pas du tout le genre de Thibault non plus... le premier rapprochement entre mâles, de leurs corps... déjà vu à l'identique, mais avec Romain en vrai dans le rôle onirique de Thibault... la façon de Jérém de se pencher sur la queue de Thibault.... imaginée à l'identique, encore en présence de Romain... la façon de Jérém de poser la main entre les pecs de son pote pour lui annoncer son intention de le prendre... là aussi comme un petit rappel d’épisodes précédents... et tout cela sans compter... l'absence de détails de l'anatomie de Thibault, une anatomie que je ne connais pas...
Oui, quelque chose clochait dans cette « scène » depuis le début. Tout était si infiniment, insoutenablement, presque douloureusement beau… scène infiniment parfaite, fabuleuse, mais scène trop parfaite pour être honnête, pour être « vraie »…
Un truc de fou, sauvage, puissant, torride, brûlant… et à la fois tendre, touchant... toute l’expression la plus absolue de l’érotisme le plus puissant, infini frisson de beauté, définition même de l’amour entre garçons… ainsi, la beauté de cette scène avait suffit à me faire ignorer tous les signes discordants et à seconder mon envie d'y croire...
Dans les rêves tout est possible, et un rêve est toujours plausible pendant qu'on est dedans, même s’il n'est pas réaliste...d’autant plus lorsque le rêve est si agréable à vivre...
Pendant que j'allais tout droit vers ma sieste, loin d'imaginer que j'allais rêver d’un bon gros fantasme de sexe entre deux beaux rugbymen, je pensais à mon beau brun... je pensais non seulement à sa nudité d'une beauté aveuglante... non seulement à sa virilité puissante dont le souvenir persistait dans ma tête, dans mon corps, dans le bien être que connaissaient l'une et l'autre après les multiples plaisirs récents, dans mon envie toujours brûlante, malgré de bonnes courbatures dans des régions sensibles...
Oui, en m'allongeant dans mon lit, je pensais à mon beau et vaillant Jérém, au moins aussi fatigué que moi, levé avant moi, obligé de jouer un match important, un match de demi finale de championnat...
Bien sur, après qu'il m'ait parlé de cette façon si émouvante de sa passion pour le rugby, de ce que représentait pour lui ce sport autour duquel il s’était grandement construit, il aurait était logique et bienvenue que j'aille le voir jouer ce dimanche après midi, que j'aille assister à son triomphe dans cet avant dernier sas avant la finale de la semaine suivante...
Pourtant, la fatigue a eu raison de moi… elle a eu raison de la tentation d’aller voir jouer mon Jérém, du plaisir de le mater évoluer sur un terrain de sport entouré de mecs l’admirant, le jalousant ou encore le redoutant… de le voir dévoré du regard par une foule de jeunes filles criant à tue tête et mouillant la culotte tout en pensant au fameux sketch de Bigard… le lâcher... d’adolescentes en rut… de le (sa)voir certainement aussi désiré en silence, mais pas moins intensément, par quelques jeunes garçons criant intérieurement et mouillant le boxer à chacun de ses exploits...
Oui, cet après midi là, j'étais très fatigué... après, il faut que j'avoue aussi que... assister à un match de rugby en entier... c'est comme qui dirait... au dessus de mes forces... quand bien même ce match allait offrir l'attrait indéniable de la présence de mon beau brun, de son pote Thibault et de quelques autres joueurs plutôt agréables à regarder... pour moi un match de rugby est aussi intéressant qu'un programme nocturne d'Arte...
Certes, le rugby a ses bons cotés... le coté « sportif », le coté « bon enfant », l’« esprit d'équipe », le coté « potes au jeu et dans la vie »... et encore... le coté « proximité, promiscuité entre bogoss grave bien gaulés que je mate en essayant de définir qui j'aimerais voir coucher avec qui et dans quel rôle... »… oups… je m’égare là...
Pourtant, au delà de ces aspects fort appréciables mais peu en relation avec le sport lui même, voir des bogoss se ruer dans la boue, se jeter l'un sur l'autre comme des sacs de patates, pousser comme des bulldozers dans une mêlée en courant le claquage musculaire... aucun intérêt pour moi... si au moins je pouvais avoir accès aux vestiaires, aux douches… voilà qui saurait relever mon intérêt pour le rugby(man)…
Car mon intérêt pour le rugby réside moins dans le jeu lui même que dans ses joueurs... surtout depuis que je couche avec un rugbyman... le plus beau de tous... il commence devant la tenue adamique de mon beau brun et se termine devant de belles photos en noir et blanc sur les pages en papier glacé de la première édition du calendrier des Dieux du stade...
Couché dans le noir, les membres engourdis par une fatigue qui me happe, je me dis que, dans le but de marquer des points aux yeux de mon beau couillu, je devrais quand même faire l'effort d'y aller... assister à ce match, m’offrirait des sujets de conversation pour la prochaine fois que je le verrai, pour pouvoir lui envoyer un sms complice le soir même, pour avoir quelque chose à partager, pour lui montrer que je ne suis pas qu’un pd qui ne s’intéresse pas aux « sports de mecs »… que je m’intéresse à ce qu’il fait, que je m’intéresse à quelque chose qui l’intéresse par-dessus tout... qu’on peut avoir quelque chose à partager à part nos sexualités…
Pendant que le brouillard envahit peu à peu mon esprit et m'amène tout droit vers la sieste... je me répète une fois de plus les mots de mon beau brun faisant état d'un très bon classement de son équipe, et du fait que ce match avait plutôt l'air d'une formalité que d'un enjeu…
Lorsque je reviens à moi, je suis tout sens dessus dessous, ce putain de rêve m'a bouleversé... mon cerveau est en état de chauffe... et mon torse a besoin d'être essuyé..
J'ai besoin de me changer les idées... et quelle meilleure façon de me changer les idées que de passer un moment à déconner avec ma cousine préférée ?
Elodie... ça fait un petit moment que je ne l'ai pas vue... un petit moment que je ne l'ai pas tenue au courant de mes exploits... j'ai tellement de trucs à lui raconter... ou pas... j'avoue qu'il s'est passé tellement de choses depuis une semaine, et surtout depuis 24 heures, que je ne saurais pas par ou commencer... et surtout où m'arrêter... quoi censurer pour ne pas m'attirer ses foudres... je sais qu'elle n'approuverait peut-être pas tous mes agissements... notamment le fait d’avoir cédé au caprice de Jérém à la sortie du KL... le fait de l'avoir suivi au On Off... ce plan à trois... le fait que je sois resté dormir...
Mais peu importe. J’ai très envie de la voir. J’attrape on portable et je tapote quelques mots.
Moi : Apéro fin aprèm en ville ?
Sa réponse moins d’une minute plus tard.
Elle : Tu vas pas le croire... j'allais justement t'écrire
Elle et moi, on se capte, comprend, entend au quart de tour. Non, mieux que ça, c'est de la télépathie. On est des jumeaux séparés à la naissance.
Moi : C'est magique...
Elle : Non, c'est juste que j'ai envie de boire un coup
Moi : Conasse !
Elle : Pétasse, s’il te plait… gardons les politesses... 18 h aux Américains, en terrasse. Envie de Mojito.
Moi : Ok, mdr
Elle : Parfait, à tout
Moi : A tout
Je l'adore.
En attendant l'apéro avec Elodie, je ne peux m’empêcher de revenir sur cette longue nuit marqué par la présence du beau Romain… elle remonte par flash à mon esprit... elle m’apporte mille et un questionnements… mais, au milieu de tous ces points d’interrogation qui s’élèvent de mon esprit comme des ballons de baudruche, la grande question qui monopolise mon attention est la suivante : que signifie donc le départ de Jérém avant mon réveil?
S'est-il réveillé avec la gueule de bois en se disant : « Tiens il est encore là, lui ? C’est moi en plus qui lui ai demandé de rester… pourquoi j’ai fait ça ? Qu'est ce que je vais en faire, maintenant ? »…
Et encore : que signifie le fait de ne pas m’avoir réveillé ? Etait-t-il réellement pressé ou avait-t-il juste besoin de m’éviter, de fuir une confrontation trop pénible au réveil, tout comme trop pénible avait du lui paraître le fait de me retrouver après tout ce qui s’est passé la nuit dernière ?
Ou alors… est-ce qu'il faut au contraire y voir un geste mignon… me laisser dormir chez lui... me laisser squatter chez lui… je réalise que c’est la première fois que je me retrouve seul chez lui… est-ce que finalement il aime bien l'idée que je sois chez lui ?
Je voudrais tant savoir dans quel état d’esprit est mon Jérém après cette folle nuit de tous les dangers… dans quel état est son ego de mec… comment est-il luné à mon égard… car une seule chose est sure... si son ego en est sorti malmené, c'est moi qui vais en faire les frais… soit ce qui s’est passé cette nuit va créer des liens forts entre nous… soit cette soirée va mette un point final ferme et définitif à nos câlins...
Oui, nos câlins… nos gros câlins... lorsque je repense aux nouvelles envies de Jérém… ces envies frôlées pendant le plan avec Romain... je me demande si nos câlins vont désormais lui suffire… s’il ne cherche pas désormais un mec capable de lui faire découvrir justement « l’autre coté du plaisir »… un coté qu’il ne saurait pas envisager avec moi… celui qu’il voit comme son passif, et passif uniquement… bien sur… parfois… l’idée me traverse l’esprit… mais je sais que je n’oserais jamais lui proposer… trop peur qu’il refuse, trop peur de me ridiculiser… et s’il accepte… trop peur de ne pas être à la hauteur… de me ridiculiser… peur de le décevoir… il faut dire que, sans mauvais jeu de mots, dans ce domaine la barre a été mise très haute par mon Jérém...
Et maintenant, il me faut en plus composer avec ce putain de rêve qui me hante... ce rêve qui du coup relance mes craintes au sujet de l'amitié entre Jérém et Thibault, de leur proximité, de leur promiscuité, de leur attirance... je repense à leur plan avec les deux pouffes... ils se sont vus nus... en train de baiser... est-ce que cela n'a pas pu leur donner des idées ?
Comme dans mon rêve, Jérém serait en confiance avec Thibault, peut être plus en confiance qu’avec moi… car tous les deux, potes depuis toujours, se retrouveraient dans une relation sur un pied d’égalité, sans soumission/domination, une relation de réciprocité de rôles qui leur permettrait d'accéder à tout ce qu'il peuvent désirer dans une union entre mecs… Jérém pourrait ainsi découvrir avec Thibault des choses que je ne peux pas lui offrir…
Et un instant plus tard je me trouve ridicule… je me dis que ce n'était qu'un rêve, si intense et mouillé soit-il... je relativise, j'essaie de penser à autre chose...
Je ne peux m’empêcher pourtant de me sentir un peu coupable... coupable d'avoir rêvé non seulement de coucher avec mon beau brun, ce qui est par ailleurs image plutôt proche du bonheur absolu… mais aussi avec Thibault, le gentil Thibault... rêvé de l’entraîner dans un triangle amoureux qui ne serait peut-être bon pour personne…
Heureusement l’heure du rendez vous avec ma cousine approche. Et ça… ça va m’aider à me changer les idées.
Retrouver Elodie un dimanche après midi, équivaut sans faute à sauver un dimanche après midi, à le secouer de sa morosité persistante qui plombe cette dernière demi journée de week-end… oui, parfois il me semble que le dimanche après-midi m’ amène déjà des échos de lundi matin... il n'y a pas pire moment et plus angoissant qu'un dimanche après midi passé sans rien faire... si... il y a le générique de début, et surtout celui de fin, du film du dimanche soir... le film peut raconter ce qu'il veut... pour moi il raconte toujours la même chose... va te coucher, andouille, demain y a boulot...
Bien sur, je suis en vacances, mais un dimanche vide reste un dimanche vide, ennuyeux... angoissant... surtout lorsque tant de choses et de questions sans réponse apparente trottent dans la tête, surtout quand une sieste trop longue vous a laissé engourdi, hébété...
Aux Américains à coté de la Fnac Wilson, la terrasse est presque bondée en ce début de soirée ensoleillé qui sent bon les vacances qui approchent.
Ma cousine est déjà là, lunettes de soleil de star, une couleur plus claire que d’habitude dans les cheveux... elle est presque blonde… comme toujours, simple et classe à la fois… avec ses énormes lunettes de marque, on dirait qu’elle se la joue pétasse… sciemment… pétasse assumée, pétasse avec humour... et avec humour, tout passe…
Je la regarde textoter sur son portable… son pouce doit se déplacer à une vitesse approchant celle de la lumière… je la regarde faire et ça me donne presque le tournis…
Elle est tellement prise par ses affaires que, au milieu du brouhaha et du va et vient incessant de clients et de serveurs, elle ne s'aperçoit même pas de mon arrivée.
Je finis par signaler ma présence en me raclant bruyamment la gorge. Elle se décide enfin à lever la tête, mon image traverse ainsi ses verres noirs et ça fait tilt dans sa tête...
« Mon cousin !!! » elle s'exclame avec un grand sourire.
Elle pose illico son téléphone, se lève et vient me claquer deux bises bruyantes tout en me serrant très fort dans ses bras.
« Ca fait plaisir de te voir… » elle me lance en retournant dare dare s'asseoir.
« Moi aussi ma cousine, moi aussi… » je lui confirme sur un ton lourd de sens qui semble vouloir dire « si tu savais tout ce que j’ai à te raconter… ». Un « ton » qui n’échappe pas à la miss.
« Oh oh oh oh oh... » fait-elle avec un air moqueur « tu m'as l'air d'un cousin qui a bien de choses à raconter à sa cousine... tu ferais bien de commencer de suite... j'ai un rancard dans deux heures... ».
« Tu m'a casé entre deux rancards ? » je feins de m’offusquer.
« Oui, parfaitement... mais ce n'est pas le sujet... allez, accouche... ».
« Tu vas m'engueuler... » je temporise.
« Ok, pause... si je dois t’engueuler, on commande d'abord... avec un peu d'alcool dans le sang ça passera mieux... » et elle enchaîne, en gueulant joyeusement « serveur !!!! ».
Lorsque le serveur approche, elle y va franco :
« Deux Mojitos, s'il vous plait... ».
« Mais... » je tente de m'imposer alors que le serveur est déjà reparti sans que je puisse lui faire savoir que j'ai plutôt une envie de bière blanche...
« Tais toi, toi aussi t'as besoin d'alcool... » elle me coupe « je sens qu'il va te falloir du courage pour me balancer toutes tes bêtises... ».
« T'es insupportable... » je rigole. Et encore, Elodie, tu ne te doutes même pas a quel point…
« Oui, je sais... mais ce n'est toujours pas le sujet... » elle enchaîne « allez, crache le morceau... de toute façon, t'es plus à une engueulade près... ».
« C'est pas faux... » je tergiverse.
« Alors, tu es revenu dans le lit de ton beau serveur dès qu'il a claqué des doigts ? » elle balance en frappant plutôt juste.
De toute façon je suis un livre ouvert pour Elodie. Autant l'assumer.
« C'est plus compliqué que ça ma cousine... bien plus compliqué... » je tente de temporiser.
« Tic tac, tic tac... la montre tourne... » fait-t-elle sur un ton pressant .
Alors, contrairement à ce que je m'était promis, je lâche tout... un mot en appelle un autre, un fait en implique un autre, alors je ne peux rien taire… je lui raconte comment son t-shirt blanc moulant, son nouveau parfum et sa bise devant le restaurant boulevard de Strasbourg ont eu raison de toutes mes résolutions de ne plus rien lui concéder avant une mise au point, avant une bonne explication... comment devant son charme fou, j'ai été l'instigateur de cette pipe de dingue dans les chiottes de la Bodega (c’est là qu’elle a failli s'étouffer avec sa boisson)... de comment Jérém a fait le con au KL, de ma rencontre avec Martin, du sketch de Jérém à cause de Martin, de mon hésitation, de ma capitulation devant son chantage… du retour en 205, de sa jalousie qui me met en pétard et qui me pousse à lui balancer que j'ai couché avec Stéphane... je lui raconte la virée au On Off, ma façon de le suivre comme un sage toutou, son petit tour dans la back room avec les deux mecs… je lui parle de la rencontre avec Romain, de la drague avec Romain, du plan avec Romain, de sa baise avec Romain, de son « rien à foutre » avec Romain, de ma baise avec Romain, de la provocation de Romain, de l'affrontement avec Romain, de notre conversation après le départ précipité de Romain, de ses questions sur mes rencontres, de ses confidences sur sa famille, sur le rugby et sur Thibault… et, pour finir, de l'amour dans le noir...
Et, en bonus, je lui parlerai aussi de la rencontre en tête à tête avec Thibault, quelques jours auparavant, de sa profonde tendresse vis à vis de Jérém... de mes questionnements intérieurs sur leurs relations... la seule chose que je ne lui raconterai pas, pour l'instant, ce sera ce putain de rêve de fou que je viens de faire cet après-midi là...
Je balance tout d'une traite, et elle m'écoute sans un mot, en sirotant son Mojito, tout en rythmant ma narration, mes rebondissements avec un jeu d'expressions du visage dont elle seule a le secret. Sans qu'elle ne dise rien, je devine à son attitude un brin surjouée les passages qu’elle « approuve » et ceux qui lui font grincer les dents... je sais qu'elle fait la conne pour m'amuser... et je sais qu'au final, même si elle n’approuve pas tout, elle comprend et ne juge pas.
Pendant ma tirade, j'avais remarqué quelque chose de bizarre... elle semblait utiliser les doigts de sa main droite comme pour énumérer quelque chose... et j'avais remarqué aussi qu'à chaque fois qu'un nouveau doigt était levé dans ce comptage dont j'ignorais le but, derrière ses lunettes noires, l’expression de son visage se faisait de plus en plus dépitée...
Lorsque je m'arrête enfin, les cinq doigts de sa main droite son levés... elle vient de terminer son Mojito... elle me regarde fixement derrière ses grosses lunettes de soleil et elle ne dit rien... on dirait qu'elle est figée, médusée, pétrifiée par ce que je viens de lui raconter.
« Tu ne dis rien ? » je l'interroge au bout de quelques secondes « je t'ai définitivement fermé le clapet ? Quel exploit... »
« Je crois... » elle commence et elle s'arrête aussitôt, elle fait sa star.
« Oui.... » je la taquine.
« Je crois qu'avant de parler... » recommence-t-elle.
« Allez... » je m'impatiente.
« Je pense qu'avant de parler, j'ai d'abord j'ai besoin d'un deuxième Mojito... » finit-elle par lâcher sur un ton faussement dramatique. Son air dépité, bien que sur joué, est drolissime.
Je suis pété de rire. Et elle ajoute :
« Oui, j'ai besoin d'un autre Mojito... le Mojito, c'est une dose de pur bonheur coulé dans un verre... ».
« Allez... fais pas ta pétasse... engueule-moi... » je la relance.
« Non, d'abord une autre dose d'alcool... serveur... s'il vous plait... ».
Lorsque le serveur approche, elle joue la comédie façon diva.
« Vous n'auriez pas... euh... voyons... de l'absinthe ? Ou de l'alcool à brûler ? Ou un flingue ? ».
« Pardon ? » fait le serveur, pressé et un peu agacé.
« Naaan, je déconne... la même chose, s’il vous plait… mais avec plus de rhum, s'il vous plait... et pour lui... ».
« Un coca ! » je m'impose.
« Un coca, un coca... » elle se moque.
« Oui, un coca ! » je confirme.
« Je vais faire pipi ! » elle m'annonce alors qu'elle est déjà en train de se lever.
Pendant les quelques minutes de son absence, je me demande si je ne lui ai pas rencontré trop de choses... je commence à redouter un peu ce qu'elle est capable de me balancer.
Elle revient au même temps que le serveur avec les nouvelles boissons.
Je commence à tirer sur ma paille, en silence. J'attends. Elle commence à siroter son deuxième Mojito. Elle n'a toujours pas proféré un mot depuis qu'elle est revenue des toilettes.
Je sais qu'elle me fait mijoter avant de me balancer des trucs bien à elle... elle soigne son entrée en scène... alors, pour précipiter le démarrage du spectacle, je la fixe avec un sourire appuyé. C'est là qu'elle lâche sa paille, qu'elle soulève légèrement son verre avant de le poser à nouveau, bruyamment sur la petite table métallique, avant de s'exclamer soudainement :
« CINQ !!! ».
« Quoi ? » j'interroge, pris au dépourvu.
« Cinq ! Sans blagues... » enchaîne-t-elle, sans me calculer, sur le même ton affolé « je ne savais même pas que c'était possible ! ».
« Quoi donc ? » je feins à nouveau de m'étonner alors que je viens soudainement de réaliser à quoi tenait son décompte.
C'est en s'aidant à nouveau avec ses doigts qu'elle énumère lentement :
« Une mise en bouche dans les chiottes de la Bodega... une première dégustation pour ce Romain... une sodo... euh... partagée... une autre pipe en terrasse pour bien finir la soirée... et ce feu d'artifice en t'arrachant du sommeil au petit matin... cinq fois... quoi... ».
« C'est ça, cinq... » j'assume, tout en rigolant comme un bossu « c’est grave ? ».
« Moque toi, cousin... » fait-elle, victimiste, juste avant d’enchaîner sur le même ton « je n'ai jamais rencontré un mec capable de ça... cinq fois en une nuit... ».
« Tu déconnes... » je la charrie tout en me rendant bien compte de l’exploit de mon bel étalon.
« Naaaan... je t'assure... max 3 fois et puis on nettoie et on range le matos... ».
« C'est vrai qu'il était en forme le petit con... » je confirme.
« Plus qu'en forme, oui... » elle commente « je ne sais pas à quoi il carbure, mais à mon avis aujourd’hui il a passé sa journée à roupiller... ».
« Même pas… cet après midi ils avaient match... » je précise.
« En plus... » considère ma cousine « il est vraiment incroyable ce mec... ».
« C'est tout ce que tu as à me dire par rapport à tout ce que je viens de te raconter ? » je la provoque.
« Ouais... » fait-elle avec une tout petite voix.
« Tu me fais marcher... » je la taquine.
« Bah... non... » elle insiste.
« Si, tu me fais marcher... » j'insiste.
« Ok… comment te dire... mon cousin... euh... euh... eh bien... les mots m'en manquent... CINQ !!! Mais tu lui fais quoi à ce mec ? CINQ !!! Je t'oublie pendant une poignée de jours et tu te lâches... tu te lâches grave... naaaan... mais... t'es fou.... t'es un grand malade de raconter tout ça à ta pauvre cousine au cœur fragile et surtout à la vie sexuelle désertique en ce moment... ».
« Arrête un peu, tu vas me faire chialer... » je lui balance « …tsssss… ça a connu plus de saucisses qu’un barbecue et ça se dit fille en manque… ».
« Tu peux bien parler… toi, le boulimique de la queue… » elle renvoie du tac-au-tac.
« Tu vas pas me dire que tu n'as pas tiré ton coup ce week-end... et si c'est pas encore fait ça va être réglé avec ton rencard de tout à l'heure... ».
« Si, j'ai eu un tir de rappel vendredi soir... mais c'était un coup vite fait et niveau bogosse, le mec n'arrivait pas à la cheville de ton étalon habituel, ni de ce... Romain... que, si j'en crois ta description, était non seulement un sacré spécimen, mais un autre sacré bon coup...
Je me contente de sourire, tout en redoutant le moment ou ça va basculer en mode plus « posé »...
« Tu t'éclates mon cousin... » fait-elle en redevenant soudainement un peu plus sérieuse (mince, elle va déjà me faire la morale) « mais il me semble que ce n'est pas des baises à deux, à trois, à 27 que tu attends de ton beau brun... ».
« je ne sais pas… je crois que je viens de réaliser que si je veux avancer avec mon beau couillu, je dois être patient… » je rétorque du tac au tac ; comme je m'attendais à cette considération de sa part, j'avais travaillé les arguments à opposer « je sais qu’il n'est toujours pas prêt à assumer notre relation... alors, ma priorité c’est de ne pas le perdre… alors, dans l’immédiat je suis prêt à accepter de lui juste ce dont il a envie, quand il en a envie, comme il en a envie... et au milieu de nos baises... apprécier parfois un moment de tendresse et de partage comme ce matin... déjà le fait de savoir qu’il en est capable, c’est une belle victoire… ».
« Tu penses vraiment que tout lui passer va servir à vous rapprocher ? » elle rétorque.
« Oui. » je réponds avec assurance.
« T'es vraiment prêt à tout lui céder ? » elle insiste.
« Oui. ». Toujours avec aplomb et sans regret.
« Vraiment tout ? Sans limites ? » elle me pique.
« Oui, je pense... » je ne me laisse pas démonter.
« Tu lui donnes de belles habitudes... » elle commente.
« J'adore l'idée d'être sexuellement à sa complète disposition... » je concède.
« Ca je peux comprendre... mais tu aspires aussi à autre chose... alors, où est-ce que ça va t'amener tout ça ? ».
Elle est chiante... mais j'ai encore des arguments.
« Bah... disons que « tout ça» nous a déjà amené quelque chose d'important... » je tente d'expliquer, avant qu’elle me coupe :
« Comme par exemple à entrevoir entre ses mots et au fil de ses contradictions quelque chose qui ressemble à de la jalousie à ton égard... une jalousie super mal placée... culottée... limite hypocrite... mais bien présente... ».
« Ce qui me laisse imaginer que peut-être il tient un peu à moi... » je la coupe à mon tour « et pas seulement parce que je le fais jouir comme un dingue... ».
« Ouais, tu marques un point, là... cousin... » elle concède.
« Tout ça » je continue « nous a amené aussi à avoir notre première véritable conversation... « tout ça » a amené Jérém à s'ouvrir un peu à moi, à me laisser entrevoir ses fêlures... ».
« Là non plus tu n’as peut être pas complètement tort, mon cousin... et quand tu mets tout ça ensemble... la fuite de sa famille, son besoin d'appartenir à un groupe, d'avoir des potes, de se sentir admiré… son amitié avec Thibault... je pense que si tu regardes bien, mon petit Nico, pour la première fois tu as en main une clé, encore imparfaite et incomplète, mais un début de clé pour percer le mystère Jérémie T.… évidemment, je pense que le chemin sera encore très long avant que tu aies en main toute la notice et le mode d'emploi de ton bel étalon, mais c'est un bon début... je pense que cette nuit a marqué un tournant dans votre histoire... ».
« J’ai l’impression aussi… ».
Et elle continue : « Du coup, ça va vraiment être intéressant, par la suite, la façon dont tu vas te « servir » des cartes que tu as désormais en main pour commencer à décrypter sa façon d'agir... cette nuit risque de changer pas mal de choses entre vous... oui, « tout ça » peut décanter pas mal de choses... ».
« Tout ça... » je complète « nous a aussi amené tout droit a ce dernier gros câlin dans le noir... très doux, très sensuel… ».
« Un câlin qui ressemblait plutôt à « faire l'amour » que « baiser »... » elle commente.
« Oui, c’est exactement ça… » je confirme.
« Je pense que tout ça a été déclenché par le fait qu'il s'est senti en danger... » elle continue « il a compris qu'il pouvait te perdre... et ça l'a mis en pétard et ça l’a remué... alors, plutôt que d'assumer sa jalousie, il a du chercher une façon de sortir la tête haute... une façon de te rendre plus jaloux encore... ».
« Tu crois que c'est pour ça qu'il a voulu aller à l'On Off ? ».
« Je n'en sais rien, mon cousin... possible... à mon avis, s’il a voulu aller dans une boite gay, ça peut être pour plusieurs raisons... se faire mater, exercer son pouvoir de séduction sur un public différent de celui habituel... il avait peut-être envie de voir si d'autres mecs lui faisaient l'effet que toi tu lui fais... se prouver... je ne sais pas trop quoi... tu sais, la plupart des mecs on tout le temps besoin de se prouver quelque chose... ou peut-être qu'il voulait juste te faire chier, pour se venger du fait que tu lui ais tenu tête, que tu lui ais ôté l'illusion d'être sa chose exclusive... ».
« Ca doit être ça, oui... » je réfléchis à haute voix.
« Ou alors... » continue-t-elle « Jérém est tout simplement un garçon de 19 ans en train de perdre tous ses repères… et lorsqu’un mec est en perte de repères, c’est souvent dans la confrontation et dans le défi qu’il cherche à se raccrocher… ».
« Et le beau Romain s'est trouvé sur sa route, au bon endroit, au bon moment... » je commente « quand je pense que Jérém m’a entraîné dans un plan de dingue avec le premier venu... ».
« Au fait... » elle relance avec une moue dubitative « je ne suis pas sûre que ce mec était vraiment le « premier venu », comme tu le dis... je ne sais pas s'il s'est incrusté dans votre soirée par hasard… à mon avis, ce mec a déclenché quelque chose chez ton bobrun… alors, je crois plutôt que ce mec a été quelque part « choisi » par ton Jérémie, consciemment ou pas… choisi pour ce qu’il représentait, un séducteur, un chasseur, un mec avec auquel se confronter… un mec plus âgé que lui, expérimenté… et non pas un minet transi… un nouveau challenge pour sa capacité de séduction… » .
Je réfléchis. Je sirote nerveusement mon coca. Je ne sais pas trop quoi rétorquer. Profitant de mon silence, elle enchaîne :
« Et tu t'es senti comment devant les ébats de ton beau brun avec ce mec ? Je veux dire... tu y a pris part à plusieurs reprises, si j’ai bien suivi... mais quand tu les regardais juste faire... pas trop frustré ? Excité ??? ».
« Abasourdi… je dirais… » j'avoue « j'étais partagé entre une excitation de dingue devant cette scène de sexe entre deux bogoss... et voir mon mec en train de prendre son pied avec un autre... c’est juste… comment dire… hummmmm... ».
« Je te l'avais dit... » elle me coupe « ça fait partie des bons gros fantasmes... un fantasme un peu risqué quand on est amoureux, mais un très bon fantasme... ».
« Mais à coté de ça… et par moments j’ai également ressenti un sentiment d’humiliation… ».
« Humiliation ? » elle s'étonne.
« Oui... l'humiliation de m’avoir fait venir pour assister à ça… alors que ce connard de mec connaît très bien mes sentiments pour lui... je trouvais ça méchant... ».
« T'es incroyable, cousin... mais tu t'attendais à quoi en acceptant de prendre partie à ce plan à trois ? ».
« J'en sais rien... j'avoue que je n'y ai pas trop pensé sur le moment... ce qui comptait à mes yeux c'est de ne pas rentrer en sachant que mon Jérém allait coucher avec ce gars… j’aurais trouvé ça insupportable... ».
« Alors tout va bien… » elle simplifie « il ne t’a pas laissé sur le carreau… ça aurait été pire s’il t’avait dit « tchao » en rentrant avec le barbu… ».
« C’est vrai… mais.. le fait est… » je tente d’expliquer « que tout ça a été tellement rapide… inattendu… déstabilisant… étrange… ».
« Je comprends... » elle me rassure « mais en même temps… le comportement de Jérémie, dérouté par l'effet « Romain », ne pouvait être qu’"impulsif"… à mon sens tout devait se passer dans l’instinct, la pulsion, le coup de tête... en plus tu étais là... ça devait être un sacré bordel dans sa tête... même si au même temps s’il t’a invité à te joindre à eux, c’est pour se rassurer… ».
« Je suis inquiet, Elodie... » j'enchaîne sans transition.
« Pourquoi, inquiet ? » elle s'étonne à nouveau.
« Justement à cause de ce que tu appelles « l'effet Romain... »… du fait que si mon beau brun s'est découvert un penchant pour se frotter à des bogoss aussi virils que ce Romain… un jour il aura envie de recommencer… et, avec sa gueule et son physique, il n’aura aucun mal à le faire… à le faire sans moi... et sans moi à le perturber… aller au fond de ses fantasmes... je suis inquiet que cette envie puisse le prendre, que cela puisse le perdre… ».
« Je vois, je vois… » fait ma cousine.
« Sur le moment, j’ai trouvé ce plan excitant » je continue « mais à posteriori, plus j’y pense, plus je suis quand même jaloux… oui, j'ai aussi ressenti de la jalousie en voyant ce gars profiter de mon Jérém…».
« C’est normal que tu sois inquiet et jaloux… tu es amoureux mon cousin… ».
« Je suis aussi inquiet de savoir comment tout ça va changer notre relation demain, dans une semaine… comment Jérém va vivre ça dans sa tête… je me demande dans quel état d’esprit il est là, à l’heure qu’on parle... en ce moment il doit être en train de fêter la victoire avec ses potes… mais je me demande quand est-ce que je vais le revoir... et dans quelle disposition il va être envers moi... ».
« Tu te prends trop le chou, Nico... » se lâche Elodie « laisse le mijoter un peu... ne le saoule pas trop avec tes états d'âme et tes questionnements... et quand il ne se l'attendra pas, balance lui une proposition de sexe à brûle pourpoint comme hier soir à la Bodega... il a aimé ça, non ? Rends-toi sexuellement indispensable, mais pas chiant... ».
« Je me demande s’il a déjà couché avec d’autres mecs… sans moi... » je divague.
Ma cousine est en train de tirer sur sa paille, alors j'en profite pour aller plus loin :
« Est-ce qu’il a déjà fait ça avec un pote ? Tiens... pourquoi pas... avec... avec Thibault... ».
« Tu délires mon cousin, tu délires... tu prend ton cas pour des généralités et tes rêves pour des réalités... » elle plaisante.
« Ils sont tellement proches ces deux là... » je continue sans tenir compte de sa remarque « lorsqu'il parle de son Jéjé... Thibault a un regard si particulier... un regard de mec... ».
« Amoureux ? » elle me coupe, moqueuse.
« Je ne sais pas... quand je pense à ses mots... à sa gentillesse... à son affection pour Jérém... j'ai l'impression qu'il tient à lui plus qu'à quiconque... et Jérém c'est pareil... son pote Thibault, c'est sacré, il l'adore... et puis... Thibault sait tout de moi et Jérém... il avait déjà deviné avant, mais depuis qu'on en a parlé, ça doit tourner dans sa tête... je me demande si dans certains de ses regards... comme lorsqu'il nous voit partir de boite rien que tous les deux... je me demande s'il n'y a pas de la jalousie... ».
Et j’essaie d’étayer mes crainte en lui racontant de comment Thibault a débarqué dans les chiottes de la Bodega juste après le départ de Jérém pendant que je me lavais les mains, de comment son regard m’avait semblé frustré, affecté.
« Thibault jaloux ? » elle relance « Tu veux dire... jaloux que tu couches avec son pote ? Et, dans ce cas... jaloux de qui ? De Jérém ? De toi ? Ou alors tous simplement jaloux que tu lui piques son pote, que tu l'éloignes de ce fait un peu de lui... jaloux ou juste frustré du fait qu'à cause de toi ils passent moins de temps ensemble et qu'ils partagent moins de choses ? ».
« Je ne sais pas trop... je ne sais plus trop quoi penser... » j'admets, juste avant de me laisser échapper « j'ai même rêvé qu'ils couchaient ensemble... ».
« Qui... Jérémie et Thibault ? »
« Ouais... tout à l'heure à la sieste... Jérém et Thibault couchaient ensemble... et à la fin, ils s'occupaient tous les deux de moi à tour de rôle... ».
« Elle n'est pas belle la vie ? » elle se moque.
« Tu rigoles... je ne m'en suis toujours pas remis... c'était si réel, si bon !!! » j'admets , rêveur.
« T'es dingue mon cousin... » elle commente.
« Je ne veux pas me brouiller avec Thibault... » je continue « je l'aime vraiment bien ce gars et je ne veux pas le blesser... Thibault est un garçon tellement gentil et adorable... pas envie de m'interposer dans leur amitié, je ne veux surtout pas les éloigner... Thibault le vivrait très mal... mais Jérém ne me le pardonnerait pas... je veux être ami avec Thibault... mais comment être pote avec lui s'il en pince lui aussi pour le gars que j'aime ? D’un coté je pense que je trouverais ça presque naturel que ces deux là se fassent du bien… beau… magique… comme dans mon rêve… mais je pense qu’au final je serais pire que jaloux de les savoir l’un dans les bras de l’autre… je serais jaloux car leur longue complicité pourrait donner envie à Jérém à s’abandonner à des gestes tendres avec Thibault, des gestes qu’il a du mal à assumer avec moi… ».
« Mon cousin, je pense que tu fais fausse route au sujet de Thibault... ».
« Tu crois ? ».
« Jérémy et Thibault, ce sont deux potes inséparables, amis d'enfance, coéquipiers au rugby... depuis toujours, leur relation est fusionnelle... j'ai envie de dire que Jérém et Thibault... c’est un lot... ».
« J'adore l'image, « Jérém et Thibault, c'est un lot... » je note... » je plaisante. Ma cousine a vraiment le sens de la formule.
C’est sur cette bonne note qu’on se quittera ce soir là.
« Bon, allez... mon cousin... » elle enchaîne sans transition « c'est pas tout, mais je suis attendue... ne te prends pas trop la tête avec tout ça... prends les choses comme elles viennent... mais essaie de te protéger... ».
« Facile à dire... »
« C’est pour ça que je préfère donner des conseils que les suivre… » elle se marre.
« Ca m'a fait du bien de discuter avec toi, comme toujours… » je tente de la remercier.
« Pas à moi... vos exploits entre mecs m'ont sapé le moral… » elle recommence.
Je rigole. Elle aussi. On se prend dans les bras l'un de l'autre et on se serre très fort.
« Il faut qu’on trouve un soir pour aller voir un film qui est sorti il y a déjà quelques temps mais qui a l’air super bien… ».
« A savoir ? ».
« Moulin Rouge, tu vois ? ».
« Ah, oui, j’en ai entendu parler… ».
« Avec la grande Nicole… ».
« Et surtout le charmant Ewan… ».
« Tu perds jamais le nord, mon cousin… ».
« C’est une comédie musicale, non ? ».
« Genre, mais ça a l’air complètement déjanté… je pense que je vais adorer… ».
« On se fera ça, promis… ».
Je l'accompagne jusqu'à l'entrée du Métro Capitole et je rentre chez moi un brin rassuré par cette conversation avec ma cousine.
Il est 20 heures, je me dis que le match doit être terminé depuis longtemps... que les bogoss doivent être à la troisième mi temps... je suis heureux de savoir que mon Jérém s'éclate au rugby... franchement, j'aurais du faire l'effort d'aller le voir jouer... malgré la fatigue... lui il a bien joué, malgré la fatigue... je suis impardonnable...
Alors, pour essayer de rattraper un peu le coup en lui montrant que je m'intéresse quand même un peu à sa passion, je trouve bien de lui envoyer un sms pour lui demander comment ça s'est passé.
Ainsi, après maintes écritures et corrections, je finirai par lui envoyer :
#Pas trop dur le match ? Quel score ?#
A la maison, tout est prêt pour dîner. C'est quand même bien la vie d'étudiant en vacances... On mange, on sort, on baise, on dors, on mange, on sort, on est amoureux, on dort... il faut en profiter, car la vie ne sera pas toujours aussi simple et belle...
« Elle racontait quoi Elodie ? » me demande ma mère en plein dîner.
Une question simple, appelle des réponses claires.
« Qu'elle baise chaque week-end avec au moins deux gars différents », « qu’elle a été impressionné par ma vie sexuelle avec mon bel étalon », « Qu'il faut pas que je m'inquiète pour le meilleur pote du mec avec qui je couche, car il ne me le piquera pas… ».
Des réponses qui ne franchiront par la barrière de mes pensées et qui seront remplacées par des banalités, style nos projets de sorties cinéma, une imaginaire conversation « prise de tête » au sujet d'un mec qu'elle aurait rencontré… bref, je deviens bon, voire très bon, dans l'art de l'esquive.
Le dîner terminé, j’aide maman à débarrasser ; je monte ensuite dans ma chambre et je commence à zapper. Et c’est là que je tombe avec bonheur sur le générique de début d’un grand classique… du pur bonheur…
La première fois que j'ai vu ce film à la télé, j’étais très jeune, mais déjà je trouvais que cette musique avait une dimension sensuelle... et je ne parle pas des paroles ou des gestes du protagoniste masculin...
aujourd'hui encore, ce générique me fait l'effet d'une petite ivresse...
Ca démarre avec des accords de guitare lents, voluptueux comme une excitation qui déferle par grandes rafales... les cordes prennent le relais peu après, pétillantes, nouveau plaisir, plaisir intense... la voix arrive et se mélange avec la musique dans une étreinte puissante... elles ondulent ensemble sur une répétition mélodique incessante, inlassable, comme des corps enlacés dans l'amour... le rythme est puissant, chaque coup de batterie est un pur plaisir, un plaisir un peu plus agréable que le précédent, comme une ivresse des sens qui monte… cette musique est pour les oreilles comme une rafale de vent frais, inattendue, sur la peau... une sensation qui nous fait sentir vivants et qui, pendant un instant, nous secoue de nos soucis, nous fait sentir libres, comme en nous annonçant que tout est à notre portée... sans même parler du texte, où il est question d'un amour qui a raison de tout...
Le générique défile, le film commence... les années 50... l'insouciance dorée des étudiants américains... les blousons en cuir portés sur de simples t-shirts blancs... Danny avec ses potes... Sandy avec ses copines... les chanson s'égrainent... les scènes et les tableaux se succèdent, entre rythmes entêtants et tableaux de danse à couper le souffle... Summer night... Hoplessy devoted to you... ****** lighting... You are the one... Oh Sandy... autant d’hymnes à la jeunesse et à la beauté, à la passion, au bonheur de cet âge où les plus grands malheurs sont les peines de coeur... comment ne pas se laisser transporter...
Ainsi, sans que j'ai vu le temps passer... « Love is a many splendored thing » enchaîne déjà avec le générique de fin... le même que celui du début, écrit par Barry Gibb... ah, si les Bee Gees n'avaient pas existé.... quelle tristesse...
Ce film, cette musique... du pur bonheur à jamais gravé sur vinyle et imprimé sur pellicule... aussi bon que du ABBA pour filer la pêche...
J'avais 12 ans la première fois que j'ai vu ces images et entendu cette musique, la première fois que j'ai vu Grease à la télé... c'était une sensation indéfinissable... mais au fond de moi, je savais déjà que ce seraient les Danny et non pas les Sandy qui attireraient mon attention plus tard...
J'éteins la télé dès la fin du générique, j'ai envie de silence, envie de laisser résonner un peu plus longtemps en moi cette petite ivresse...
J'attrape mon portable pour voir s'il n'y aurait pas une réponse de mon beau brun. On peut toujours rêver. Il y a bien un message, mais c'est Elodie me notifiant que son plan du dimanche soir a foiré et m'annonçant vouloir changer de sexe pour devenir pd et avoir une vie sexuelle épanouie.
Je vais me coucher en pensant à mon beau brun... j'ai envie de le revoir, vite... j'ai envie de lui... mais ce soir j'ai surtout envie d'un bon câlin doux... de le serrer dans mes bras... même pas un gros câlin… juste être avec lui, m’endormir à ses cotés…
Je me décide enfin à ranger son t-shirt dans l'armoire... et lorsque je me mets au lit, je sens la fatigue me happer à nouveau... j'ai fait une longue sieste mais j'ai tellement de sommeil en retard, que je sens que je ne vais pas tarder à plonger à nouveau... j'espère que le match s'est bien passé... il aurait quand même pu me répondre... j'ai envie de lui... juste le voir, juste voir son sourire...
Je me réveille à 9 heures pétantes en ayant dormi comme un bébé. C'est beau d'être étudiant en vacances... je me douche, m'habille, je vais courir. Midi arrive... je rentre... je mets les pieds sous la table... c'est beau d'être étudiant en vacances... pourvu que j'aie de ses nouvelles avant ce soir... demain c'est le départ pour Londres... je suis tellement inquiet de ne pas le revoir avant mon départ que j’en arrive presque à trouver fastidieux de devoir partir… alors que je devrais être excité comme un poux, car je vais à mon premier concert de Madonna !
Je voudrais bien le voir avant de partir, mais ça va être court...
L'après midi je travaille un peu le code à la maison... je repense à Martin... ça va être simple de le revoir à l'autoécole et de prendre des cours de conduite après la drague de samedi soir et l'énorme lapin que je lui ai posé... quand je pense qu’il a du se la mettre sur l’oreille pour la fumer plus tard…
De temps en temps, je regarde mon portable... toujours pas d’sms de Jérém.
Je suis un peu déçu, de plus en plus déçu au fil des heures qui passent, mais ça c'est du Jérémie. Il peut très bien ignorer mes messages après m'avoir fait des câlins et m'avoir fait l'amour...
Un message arrive enfin vers 16 heures... je me précipite dessus... ce n'est pas le message que j'attends, toujours ma cousine... putain... j'aime ses messages drôles, mais il faudrait qu'elle arrête de me faire des fausses joies...
J'ai envie de le relancer, d'envoyer un autre message... mais je ne sais pas quoi écrire, tout me semble rélou venant de ma part... et n'ai pas envie qu'il se sente harcelé... je décide d'aller marcher le long du canal... j’adore marcher sur le canal… c’est apaisant, dépaysant… en marchant je me dis que cette nuit il a du faire la nouba jusqu’à tard avec ses potes… et qu’aujourd’hui il doit bosser à la brasserie… voilà pourquoi il n'a pas encore répondu à mon message...
Enfin... il aurait quand même pu m’envoyer un petit coucou… ça prend dix secondes... bref... du Jérém... il faut que j’arrête de penser à lui… à Jérém en tenue de serveur, avec sa chemise blanche si sexy… il faut que j’arrête d’y penser car plus j’y pense, plus je sens que cette rue de Metz m'attire comme un aimant...
Il ne faut surtout pas que je cède à la tentation… une fois ça va, en compagnie de Thibault, pour marquer le coup de son premier jour de taf, ça passe… mais si je me pointe seul... avec ma tête de mec en manque… ça ne va pas le faire...
Je marche toujours… et pris dans mes pensées, je me surprends à roder dans les quartiers autour du Pont Neuf... je dérive… comme pris dans un courant marin imperceptible… je tente de résister… de mettre de grandes brassées pour repartir vers le rivage… le quartier St Michel… mais rien n’y fait… je pars à la dérive… j'ai trop envie de le voir avant de m'envoler pour Londres…
Je me dis qu'après tout, un petit coucou style mec qui passe vite faire un coucou sans s’arrêter, car il est pressé, ça pourrait passer... j’ai juste besoin de le voir… de voir son sourire... en dirigeant désormais mes pas vers la rue de Metz par le chemin le plus court et à bonne allure, je cherche quelque chose d'original et/ou marrant à lui balancer si jamais son sourire m’autorisait à m’arrêter une seconde… bien sur, je ne trouve rien de valable... l'important c'est de voir mon beau brun… pour le reste je vais improviser...
Evidemment, plus j'approche, plus je me sens mal à l'aise... j'angoisse... je commence à me laisser gagner par l'idée que s'il ne m'a pas répondu, c'est qu'il fait la gueule...
Lorsque je rentre dans la rue de Metz, mes pas ralentissent tout seuls... je m'arrête carrément, indécis si je dois continuer ou si je dois faire demi tour...
Mon envie de le revoir aura raison de mes hésitations. Je me fais violence pour avancer, pour y aller d'une seule traite, sans ralentir. Et lorsque j'arrive à proximité du fameux abribus où la dernière fois je m'étais fait gauler par Thibault, je me poste pour guetter sa présence...
Je reste plusieurs minutes... je vois défiler tous ses collègues... mais pas de Jérém... je me dis qu’il est peut-être à l'intérieur... je décide de prendre sur moi… je décide d'en avoir le cœur net.... et tant pis s’il me regarde de travers… rentrer dans une brasserie pour prendre un café et accessoirement chercher à voir le mec qu’on aime, n’est pas puni par la loi, que je sache…
Je rentre donc à l'intérieur en essayant de dissimuler mon malaise coupable qui doit se lire sur ma personne, et je commande un café... pendant que le mec derrière le comptoir trafique à la machine expresso et que le parfum de torréfaction ravit mes narines, je laisse courir mon regard dans la salle… quelques clients… mais pas de trace de mon beau brun... mais il est où, alors ?
Je n'aurai pas vraiment l’occasion de me poser trop longtemps la question, car une petite conversation captée entre le patron et l'un des serveurs, me donnera un début de réponse :
« Julien... » fait le type derrière le comptoir en s’adressant à un charmant serveur qui vient de le rejoindre.
« Oui, patron » lui répond le jeune serveur.
« Tu peux faire l'après midi demain, exceptionnellement ? ».
« Jérémie ne sera pas là ? ».
« Non, apparemment il est en arrêt au moins jusqu'à jeudi ».
« Qu'est ce qui lui arrive ? ».
« Une blessure au rugby, un truc à l'épaule si j'ai bien compris… ».
Mon café manque de partir en travers dans ma gorge. Merde… voilà pourquoi mon bobrun n'est pas au taf… soudainement je sens mon adrénaline monter en flèche, rapidement je suis dans un état de fébrilité intenable... j'en tremble...
Jérém blessé... au rugby... lors du match contre Cugnaux... mais que s'est-t-il passé ? Est-ce que c’est grave ? Est ce qu'il pourra jouer dimanche prochain pour la finale ? Il doit avoir le moral dans les chaussettes, surtout s'il n'a pas pu terminer le match... il doit être chez lui… je vais aller le voir… je me lève… je me dirige vers l’entrée… j’entend quelqu’un qui m’appelle avec insistance « monsieur ! monsieur ! s’il vous plait »… bien sur, je n’ai pas réglé mon café… j’ouvre mon portefeuille, les mains tremblantes… je fais tomber les pièces…
Je suis enfin dans la rue… aller le voir… est-ce vraiment une bonne idée ? S’il est en pétard… je vais être reçu… impossible de pas me dire que notre folle nuit n’y est pas pour quelque chose dans son accident… bien sur, un accident, est un accident… c’est la faute à pas de chance… mais si seulement il avait dormi un peu plus… il aurait peut être été plus en forme… et ça ne serait pas arrivé…
C’est sur, je suis peut être la dernière personne qu’il a envie de voir… mais j’ai besoin d’en savoir plus… alors devant mon QCM à la Jean-Pierre Foucault :
A – Il est blessé et c’est grave
B – Il est blessé, c’est pas grave, il est en pétard
C – Il est blessé, il m’en veut à mort
D – Il est blessé, mais une visite lui ferait plaisir,
je choisis le joker… coup de fil à un ami… enfin… puisque je ne suis pas loin… ce sera plutôt, visite surprise à un amis.
Je traîne de rue en rue, en attendant 18 heures, je passe dans la rue Alsace Lorraine devant le magasin de portables… le beau Mathieu est là, en train de montrer un appareil à un mec qui n’est pas moche non plus… Mathieu, qui a couché avec Romain… Romain, qui a couché avec Jérém… Jérém, qui s’est fait mal au rugby… pourvu que ce ne soit pas grave…
Je presse mon pas, car c’est l’heure de faire appel à mon joker… ma stratégie est toujours la même, l’attendre à la sortie de son taf près de la gare Matabiau. Et lorsque sa silhouette déboule dans la rue, lancée à bonne allure, le pas assuré, la sensation est toujours la même… putain, qu’est ce qu’il est bien gaulé, qu’est ce qu’il est charmant et séduisant, comment tout transpire la gentillesse et la droiture chez le beau et bon Thibault… un mec comme si beau ça donne envie de faire de la mécanique…
Thibault t-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…
Le pire chez les garçons comme Thibault, c’est qu’ils ne le font même pas exprès, il n’y a pas de « but » recherche, contrairement a un Jérém, au look soigneusement réfléchi… Thibault est juste beau, nature… et ça… putaiiiin…
« Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.
Lorsque son regard se tourne vers moi, je me sens mis à nu. C’est dingue la puissance de son regard… il y a tant de beauté et de gentillesse dans ce regard… on a envie de lui faire un bisou…
C’est ce qu’on fera… un échange de bises, bien viriles…
Ce sera l’occasion de sentir une fois encore sa présence dans mon espace vital, bonheur indescriptible… de sentir un mélange d’odeurs dans lequel je crois pouvoir distinguer l’odeur de propre de son t-shirt… l’odeur du savon avec lequel il s’est lavé avant de débaucher… le tout mélangé avec une petite odeur de cambouis persistante… bref, une odeur de propre et de bon, une odeur de mec bosseur et bien dans ses baskets…
La bise faite, mon regard tombe sur son avant-bras… évidemment qu’il est propre, pas comme dans ce putain de rêve... si tu savais Thibault... comment j'ai rêvé de toi et de ton pote hier après midi... stop Nico, arrête d'y penser, la trique te guette… il te faut garder tes moyens… déjà que en reculant je n’ai pas fait attention au bord du trottoir, et que la seule chose qui a failli me faire casser la gueule c’est la main de Thibault, aussitôt tendue, qui m’attrape par l’avant-bras… ainsi que ma main, s’élançant pas réflexe et s’agrippant, non sans bonheur, au biceps tendu du beau mécano… putain qu’est ce que c’est puissant ce biceps… le voir est une chose… le sentir, c’est une expérience à part entière…
« Ca va Nico ? » il enchaîne avec un beau sourire qui me fait un peu oublier la gêne du fait d’avoir que j’ai failli me casser la gueule devant lui. Quand je dis qu’il est adorable…
« Ca va, et toi ? » je relance.
« Ouais ça va... » sera sa réponse. Pourtant, j’ai l’impression que son regard ne colle pas avec ses mots. Je remarque sur son visage, sur le nez, la joue et le front, les contusions typiques d'un match de rugby difficile.
Je crains un peu la réponse à la question qui me brûle les lèvres, mais j’ai besoin de savoir. Alors j’y vais sans détours.
« Qu'est ce qui est arrivé à Jérém ? Il s'est blessé? ».
« Tu l’as eu ? ».
« Non… mais comme il ne répond pas à mes messages, tout à l’heure je suis passé à la brasserie... j’ai entendu un serveur en parler... ».
« C’est l'épaule qui est touchée... ».
« C'est grave ? »
« Apparemment il n'y a rien de cassé, c’est douloureux car il a pris un sacré pet’... ».
« Qu'est ce qui s’est passé ? ».
« Le rugby est un sport dangereux » il plaisante.
« J’imagine… ».
« Le match a été très dur... » il reprend sur un ton plus sérieux « au milieu de la deuxième mi temps, un joueur de Cugnaux l’a plaqué et Jéjé est mal tombé... ».
« Toi aussi t'as pas l'air en forme... » je relance.
« Le match a été dur... » il répète.
« Et comment ça s'est fini, vous avez gagné ? » je m'inquiète.
« Malheureusement... non… » soupire le beau mécano « malheureusement, non… ».
T-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…
« Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.
Après cette folle nuit pour fêter le bac, nuit ayant fait escale aussi bien dans les boites toulousaines classiques, la Bodega, le KL... que dans d'autres un peu plus originales, comme la célèbre boite à pd, le On Off… après cette nuit peuplée de beaux mâles... mon Jérém, notre pote Thibault, le très classe et bien lubrique Martin, le beau barbu Romain... cette nuit de rencontres, de révélations volontaires ou involontaires, de folies sexuelles en tout genre... oui, après cette longue, incroyable nuit terminée rue de la Colombette en faisant l'amour avec mon beau couillu ; après le réveil dans un lit déserté par son propriétaire, parti avant mon réveil ; après un déjeuner pris en essayant d'esquiver les questions de ma mère sur le fait que j'avais découché ; après tout cela, poussé par un nombre très insuffisant d'heures de sommeil, voilà que ma seule aspiration, mon seul projet, mon seul but, mon seul kif pour l'après midi était...
…la sieste...
Evidemment, en fermant les yeux et en me laissant glisser dans les bras de Morphée, j'étais loin de me douter que, pendant mon rattrapage de sommeil, mon subconscient m'apporterait un joli rêve érotique, le genre de rêve qui fait que, évidemment, les draps s'en souviennent...
Ca m'apprendra à voler et garder sur moi un t-shirt marqué par l’empreinte olfactive de mon beau mâle... m'endormir en reniflant son odeur... cela rime très fort avec bonheur... mais aussi avec rêveur...
Et le rêve a été tellement intense qu'en me réveillant, je l'ai d’abord cru réel... au point que pendant un instant mes yeux ont cherché dans le noir les deux protagonistes principaux… avant que ma conscience ne réalise que rien de ce que je venais de rêvasser, deux potes de rugby mélangeant leurs corps dans un plaisir intense, avant de venir en moi à tour de rôle, n'était réel.
Pourtant, le rêve avait été si long, si détaillé... si réaliste...
Evidemment, à bien regarder, certaines petites incohérences de scénario auraient du me mettre sur la piste...
D’abord, cette trace de cambouis sur l'avant bras de Thibault, revenant sans cesse à mon attention.... bien sur, ce style de négligence n'est pas du tout le genre de Thibault... ensuite, le trouble de Jérém en arrivant à l'appart, son mutisme, son regard fuyant, tellement ressemblants à ceux que je lui avais connus lors du plan avec Romain… le même malaise, bien que pour des raisons à priori différentes... et encore… la cigarette fumée par le beau mécano... image très sexy mais pas du tout le genre de Thibault non plus... le premier rapprochement entre mâles, de leurs corps... déjà vu à l'identique, mais avec Romain en vrai dans le rôle onirique de Thibault... la façon de Jérém de se pencher sur la queue de Thibault.... imaginée à l'identique, encore en présence de Romain... la façon de Jérém de poser la main entre les pecs de son pote pour lui annoncer son intention de le prendre... là aussi comme un petit rappel d’épisodes précédents... et tout cela sans compter... l'absence de détails de l'anatomie de Thibault, une anatomie que je ne connais pas...
Oui, quelque chose clochait dans cette « scène » depuis le début. Tout était si infiniment, insoutenablement, presque douloureusement beau… scène infiniment parfaite, fabuleuse, mais scène trop parfaite pour être honnête, pour être « vraie »…
Un truc de fou, sauvage, puissant, torride, brûlant… et à la fois tendre, touchant... toute l’expression la plus absolue de l’érotisme le plus puissant, infini frisson de beauté, définition même de l’amour entre garçons… ainsi, la beauté de cette scène avait suffit à me faire ignorer tous les signes discordants et à seconder mon envie d'y croire...
Dans les rêves tout est possible, et un rêve est toujours plausible pendant qu'on est dedans, même s’il n'est pas réaliste...d’autant plus lorsque le rêve est si agréable à vivre...
Pendant que j'allais tout droit vers ma sieste, loin d'imaginer que j'allais rêver d’un bon gros fantasme de sexe entre deux beaux rugbymen, je pensais à mon beau brun... je pensais non seulement à sa nudité d'une beauté aveuglante... non seulement à sa virilité puissante dont le souvenir persistait dans ma tête, dans mon corps, dans le bien être que connaissaient l'une et l'autre après les multiples plaisirs récents, dans mon envie toujours brûlante, malgré de bonnes courbatures dans des régions sensibles...
Oui, en m'allongeant dans mon lit, je pensais à mon beau et vaillant Jérém, au moins aussi fatigué que moi, levé avant moi, obligé de jouer un match important, un match de demi finale de championnat...
Bien sur, après qu'il m'ait parlé de cette façon si émouvante de sa passion pour le rugby, de ce que représentait pour lui ce sport autour duquel il s’était grandement construit, il aurait était logique et bienvenue que j'aille le voir jouer ce dimanche après midi, que j'aille assister à son triomphe dans cet avant dernier sas avant la finale de la semaine suivante...
Pourtant, la fatigue a eu raison de moi… elle a eu raison de la tentation d’aller voir jouer mon Jérém, du plaisir de le mater évoluer sur un terrain de sport entouré de mecs l’admirant, le jalousant ou encore le redoutant… de le voir dévoré du regard par une foule de jeunes filles criant à tue tête et mouillant la culotte tout en pensant au fameux sketch de Bigard… le lâcher... d’adolescentes en rut… de le (sa)voir certainement aussi désiré en silence, mais pas moins intensément, par quelques jeunes garçons criant intérieurement et mouillant le boxer à chacun de ses exploits...
Oui, cet après midi là, j'étais très fatigué... après, il faut que j'avoue aussi que... assister à un match de rugby en entier... c'est comme qui dirait... au dessus de mes forces... quand bien même ce match allait offrir l'attrait indéniable de la présence de mon beau brun, de son pote Thibault et de quelques autres joueurs plutôt agréables à regarder... pour moi un match de rugby est aussi intéressant qu'un programme nocturne d'Arte...
Certes, le rugby a ses bons cotés... le coté « sportif », le coté « bon enfant », l’« esprit d'équipe », le coté « potes au jeu et dans la vie »... et encore... le coté « proximité, promiscuité entre bogoss grave bien gaulés que je mate en essayant de définir qui j'aimerais voir coucher avec qui et dans quel rôle... »… oups… je m’égare là...
Pourtant, au delà de ces aspects fort appréciables mais peu en relation avec le sport lui même, voir des bogoss se ruer dans la boue, se jeter l'un sur l'autre comme des sacs de patates, pousser comme des bulldozers dans une mêlée en courant le claquage musculaire... aucun intérêt pour moi... si au moins je pouvais avoir accès aux vestiaires, aux douches… voilà qui saurait relever mon intérêt pour le rugby(man)…
Car mon intérêt pour le rugby réside moins dans le jeu lui même que dans ses joueurs... surtout depuis que je couche avec un rugbyman... le plus beau de tous... il commence devant la tenue adamique de mon beau brun et se termine devant de belles photos en noir et blanc sur les pages en papier glacé de la première édition du calendrier des Dieux du stade...
Couché dans le noir, les membres engourdis par une fatigue qui me happe, je me dis que, dans le but de marquer des points aux yeux de mon beau couillu, je devrais quand même faire l'effort d'y aller... assister à ce match, m’offrirait des sujets de conversation pour la prochaine fois que je le verrai, pour pouvoir lui envoyer un sms complice le soir même, pour avoir quelque chose à partager, pour lui montrer que je ne suis pas qu’un pd qui ne s’intéresse pas aux « sports de mecs »… que je m’intéresse à ce qu’il fait, que je m’intéresse à quelque chose qui l’intéresse par-dessus tout... qu’on peut avoir quelque chose à partager à part nos sexualités…
Pendant que le brouillard envahit peu à peu mon esprit et m'amène tout droit vers la sieste... je me répète une fois de plus les mots de mon beau brun faisant état d'un très bon classement de son équipe, et du fait que ce match avait plutôt l'air d'une formalité que d'un enjeu…
Lorsque je reviens à moi, je suis tout sens dessus dessous, ce putain de rêve m'a bouleversé... mon cerveau est en état de chauffe... et mon torse a besoin d'être essuyé..
J'ai besoin de me changer les idées... et quelle meilleure façon de me changer les idées que de passer un moment à déconner avec ma cousine préférée ?
Elodie... ça fait un petit moment que je ne l'ai pas vue... un petit moment que je ne l'ai pas tenue au courant de mes exploits... j'ai tellement de trucs à lui raconter... ou pas... j'avoue qu'il s'est passé tellement de choses depuis une semaine, et surtout depuis 24 heures, que je ne saurais pas par ou commencer... et surtout où m'arrêter... quoi censurer pour ne pas m'attirer ses foudres... je sais qu'elle n'approuverait peut-être pas tous mes agissements... notamment le fait d’avoir cédé au caprice de Jérém à la sortie du KL... le fait de l'avoir suivi au On Off... ce plan à trois... le fait que je sois resté dormir...
Mais peu importe. J’ai très envie de la voir. J’attrape on portable et je tapote quelques mots.
Moi : Apéro fin aprèm en ville ?
Sa réponse moins d’une minute plus tard.
Elle : Tu vas pas le croire... j'allais justement t'écrire
Elle et moi, on se capte, comprend, entend au quart de tour. Non, mieux que ça, c'est de la télépathie. On est des jumeaux séparés à la naissance.
Moi : C'est magique...
Elle : Non, c'est juste que j'ai envie de boire un coup
Moi : Conasse !
Elle : Pétasse, s’il te plait… gardons les politesses... 18 h aux Américains, en terrasse. Envie de Mojito.
Moi : Ok, mdr
Elle : Parfait, à tout
Moi : A tout
Je l'adore.
En attendant l'apéro avec Elodie, je ne peux m’empêcher de revenir sur cette longue nuit marqué par la présence du beau Romain… elle remonte par flash à mon esprit... elle m’apporte mille et un questionnements… mais, au milieu de tous ces points d’interrogation qui s’élèvent de mon esprit comme des ballons de baudruche, la grande question qui monopolise mon attention est la suivante : que signifie donc le départ de Jérém avant mon réveil?
S'est-il réveillé avec la gueule de bois en se disant : « Tiens il est encore là, lui ? C’est moi en plus qui lui ai demandé de rester… pourquoi j’ai fait ça ? Qu'est ce que je vais en faire, maintenant ? »…
Et encore : que signifie le fait de ne pas m’avoir réveillé ? Etait-t-il réellement pressé ou avait-t-il juste besoin de m’éviter, de fuir une confrontation trop pénible au réveil, tout comme trop pénible avait du lui paraître le fait de me retrouver après tout ce qui s’est passé la nuit dernière ?
Ou alors… est-ce qu'il faut au contraire y voir un geste mignon… me laisser dormir chez lui... me laisser squatter chez lui… je réalise que c’est la première fois que je me retrouve seul chez lui… est-ce que finalement il aime bien l'idée que je sois chez lui ?
Je voudrais tant savoir dans quel état d’esprit est mon Jérém après cette folle nuit de tous les dangers… dans quel état est son ego de mec… comment est-il luné à mon égard… car une seule chose est sure... si son ego en est sorti malmené, c'est moi qui vais en faire les frais… soit ce qui s’est passé cette nuit va créer des liens forts entre nous… soit cette soirée va mette un point final ferme et définitif à nos câlins...
Oui, nos câlins… nos gros câlins... lorsque je repense aux nouvelles envies de Jérém… ces envies frôlées pendant le plan avec Romain... je me demande si nos câlins vont désormais lui suffire… s’il ne cherche pas désormais un mec capable de lui faire découvrir justement « l’autre coté du plaisir »… un coté qu’il ne saurait pas envisager avec moi… celui qu’il voit comme son passif, et passif uniquement… bien sur… parfois… l’idée me traverse l’esprit… mais je sais que je n’oserais jamais lui proposer… trop peur qu’il refuse, trop peur de me ridiculiser… et s’il accepte… trop peur de ne pas être à la hauteur… de me ridiculiser… peur de le décevoir… il faut dire que, sans mauvais jeu de mots, dans ce domaine la barre a été mise très haute par mon Jérém...
Et maintenant, il me faut en plus composer avec ce putain de rêve qui me hante... ce rêve qui du coup relance mes craintes au sujet de l'amitié entre Jérém et Thibault, de leur proximité, de leur promiscuité, de leur attirance... je repense à leur plan avec les deux pouffes... ils se sont vus nus... en train de baiser... est-ce que cela n'a pas pu leur donner des idées ?
Comme dans mon rêve, Jérém serait en confiance avec Thibault, peut être plus en confiance qu’avec moi… car tous les deux, potes depuis toujours, se retrouveraient dans une relation sur un pied d’égalité, sans soumission/domination, une relation de réciprocité de rôles qui leur permettrait d'accéder à tout ce qu'il peuvent désirer dans une union entre mecs… Jérém pourrait ainsi découvrir avec Thibault des choses que je ne peux pas lui offrir…
Et un instant plus tard je me trouve ridicule… je me dis que ce n'était qu'un rêve, si intense et mouillé soit-il... je relativise, j'essaie de penser à autre chose...
Je ne peux m’empêcher pourtant de me sentir un peu coupable... coupable d'avoir rêvé non seulement de coucher avec mon beau brun, ce qui est par ailleurs image plutôt proche du bonheur absolu… mais aussi avec Thibault, le gentil Thibault... rêvé de l’entraîner dans un triangle amoureux qui ne serait peut-être bon pour personne…
Heureusement l’heure du rendez vous avec ma cousine approche. Et ça… ça va m’aider à me changer les idées.
Retrouver Elodie un dimanche après midi, équivaut sans faute à sauver un dimanche après midi, à le secouer de sa morosité persistante qui plombe cette dernière demi journée de week-end… oui, parfois il me semble que le dimanche après-midi m’ amène déjà des échos de lundi matin... il n'y a pas pire moment et plus angoissant qu'un dimanche après midi passé sans rien faire... si... il y a le générique de début, et surtout celui de fin, du film du dimanche soir... le film peut raconter ce qu'il veut... pour moi il raconte toujours la même chose... va te coucher, andouille, demain y a boulot...
Bien sur, je suis en vacances, mais un dimanche vide reste un dimanche vide, ennuyeux... angoissant... surtout lorsque tant de choses et de questions sans réponse apparente trottent dans la tête, surtout quand une sieste trop longue vous a laissé engourdi, hébété...
Aux Américains à coté de la Fnac Wilson, la terrasse est presque bondée en ce début de soirée ensoleillé qui sent bon les vacances qui approchent.
Ma cousine est déjà là, lunettes de soleil de star, une couleur plus claire que d’habitude dans les cheveux... elle est presque blonde… comme toujours, simple et classe à la fois… avec ses énormes lunettes de marque, on dirait qu’elle se la joue pétasse… sciemment… pétasse assumée, pétasse avec humour... et avec humour, tout passe…
Je la regarde textoter sur son portable… son pouce doit se déplacer à une vitesse approchant celle de la lumière… je la regarde faire et ça me donne presque le tournis…
Elle est tellement prise par ses affaires que, au milieu du brouhaha et du va et vient incessant de clients et de serveurs, elle ne s'aperçoit même pas de mon arrivée.
Je finis par signaler ma présence en me raclant bruyamment la gorge. Elle se décide enfin à lever la tête, mon image traverse ainsi ses verres noirs et ça fait tilt dans sa tête...
« Mon cousin !!! » elle s'exclame avec un grand sourire.
Elle pose illico son téléphone, se lève et vient me claquer deux bises bruyantes tout en me serrant très fort dans ses bras.
« Ca fait plaisir de te voir… » elle me lance en retournant dare dare s'asseoir.
« Moi aussi ma cousine, moi aussi… » je lui confirme sur un ton lourd de sens qui semble vouloir dire « si tu savais tout ce que j’ai à te raconter… ». Un « ton » qui n’échappe pas à la miss.
« Oh oh oh oh oh... » fait-elle avec un air moqueur « tu m'as l'air d'un cousin qui a bien de choses à raconter à sa cousine... tu ferais bien de commencer de suite... j'ai un rancard dans deux heures... ».
« Tu m'a casé entre deux rancards ? » je feins de m’offusquer.
« Oui, parfaitement... mais ce n'est pas le sujet... allez, accouche... ».
« Tu vas m'engueuler... » je temporise.
« Ok, pause... si je dois t’engueuler, on commande d'abord... avec un peu d'alcool dans le sang ça passera mieux... » et elle enchaîne, en gueulant joyeusement « serveur !!!! ».
Lorsque le serveur approche, elle y va franco :
« Deux Mojitos, s'il vous plait... ».
« Mais... » je tente de m'imposer alors que le serveur est déjà reparti sans que je puisse lui faire savoir que j'ai plutôt une envie de bière blanche...
« Tais toi, toi aussi t'as besoin d'alcool... » elle me coupe « je sens qu'il va te falloir du courage pour me balancer toutes tes bêtises... ».
« T'es insupportable... » je rigole. Et encore, Elodie, tu ne te doutes même pas a quel point…
« Oui, je sais... mais ce n'est toujours pas le sujet... » elle enchaîne « allez, crache le morceau... de toute façon, t'es plus à une engueulade près... ».
« C'est pas faux... » je tergiverse.
« Alors, tu es revenu dans le lit de ton beau serveur dès qu'il a claqué des doigts ? » elle balance en frappant plutôt juste.
De toute façon je suis un livre ouvert pour Elodie. Autant l'assumer.
« C'est plus compliqué que ça ma cousine... bien plus compliqué... » je tente de temporiser.
« Tic tac, tic tac... la montre tourne... » fait-t-elle sur un ton pressant .
Alors, contrairement à ce que je m'était promis, je lâche tout... un mot en appelle un autre, un fait en implique un autre, alors je ne peux rien taire… je lui raconte comment son t-shirt blanc moulant, son nouveau parfum et sa bise devant le restaurant boulevard de Strasbourg ont eu raison de toutes mes résolutions de ne plus rien lui concéder avant une mise au point, avant une bonne explication... comment devant son charme fou, j'ai été l'instigateur de cette pipe de dingue dans les chiottes de la Bodega (c’est là qu’elle a failli s'étouffer avec sa boisson)... de comment Jérém a fait le con au KL, de ma rencontre avec Martin, du sketch de Jérém à cause de Martin, de mon hésitation, de ma capitulation devant son chantage… du retour en 205, de sa jalousie qui me met en pétard et qui me pousse à lui balancer que j'ai couché avec Stéphane... je lui raconte la virée au On Off, ma façon de le suivre comme un sage toutou, son petit tour dans la back room avec les deux mecs… je lui parle de la rencontre avec Romain, de la drague avec Romain, du plan avec Romain, de sa baise avec Romain, de son « rien à foutre » avec Romain, de ma baise avec Romain, de la provocation de Romain, de l'affrontement avec Romain, de notre conversation après le départ précipité de Romain, de ses questions sur mes rencontres, de ses confidences sur sa famille, sur le rugby et sur Thibault… et, pour finir, de l'amour dans le noir...
Et, en bonus, je lui parlerai aussi de la rencontre en tête à tête avec Thibault, quelques jours auparavant, de sa profonde tendresse vis à vis de Jérém... de mes questionnements intérieurs sur leurs relations... la seule chose que je ne lui raconterai pas, pour l'instant, ce sera ce putain de rêve de fou que je viens de faire cet après-midi là...
Je balance tout d'une traite, et elle m'écoute sans un mot, en sirotant son Mojito, tout en rythmant ma narration, mes rebondissements avec un jeu d'expressions du visage dont elle seule a le secret. Sans qu'elle ne dise rien, je devine à son attitude un brin surjouée les passages qu’elle « approuve » et ceux qui lui font grincer les dents... je sais qu'elle fait la conne pour m'amuser... et je sais qu'au final, même si elle n’approuve pas tout, elle comprend et ne juge pas.
Pendant ma tirade, j'avais remarqué quelque chose de bizarre... elle semblait utiliser les doigts de sa main droite comme pour énumérer quelque chose... et j'avais remarqué aussi qu'à chaque fois qu'un nouveau doigt était levé dans ce comptage dont j'ignorais le but, derrière ses lunettes noires, l’expression de son visage se faisait de plus en plus dépitée...
Lorsque je m'arrête enfin, les cinq doigts de sa main droite son levés... elle vient de terminer son Mojito... elle me regarde fixement derrière ses grosses lunettes de soleil et elle ne dit rien... on dirait qu'elle est figée, médusée, pétrifiée par ce que je viens de lui raconter.
« Tu ne dis rien ? » je l'interroge au bout de quelques secondes « je t'ai définitivement fermé le clapet ? Quel exploit... »
« Je crois... » elle commence et elle s'arrête aussitôt, elle fait sa star.
« Oui.... » je la taquine.
« Je crois qu'avant de parler... » recommence-t-elle.
« Allez... » je m'impatiente.
« Je pense qu'avant de parler, j'ai d'abord j'ai besoin d'un deuxième Mojito... » finit-elle par lâcher sur un ton faussement dramatique. Son air dépité, bien que sur joué, est drolissime.
Je suis pété de rire. Et elle ajoute :
« Oui, j'ai besoin d'un autre Mojito... le Mojito, c'est une dose de pur bonheur coulé dans un verre... ».
« Allez... fais pas ta pétasse... engueule-moi... » je la relance.
« Non, d'abord une autre dose d'alcool... serveur... s'il vous plait... ».
Lorsque le serveur approche, elle joue la comédie façon diva.
« Vous n'auriez pas... euh... voyons... de l'absinthe ? Ou de l'alcool à brûler ? Ou un flingue ? ».
« Pardon ? » fait le serveur, pressé et un peu agacé.
« Naaan, je déconne... la même chose, s’il vous plait… mais avec plus de rhum, s'il vous plait... et pour lui... ».
« Un coca ! » je m'impose.
« Un coca, un coca... » elle se moque.
« Oui, un coca ! » je confirme.
« Je vais faire pipi ! » elle m'annonce alors qu'elle est déjà en train de se lever.
Pendant les quelques minutes de son absence, je me demande si je ne lui ai pas rencontré trop de choses... je commence à redouter un peu ce qu'elle est capable de me balancer.
Elle revient au même temps que le serveur avec les nouvelles boissons.
Je commence à tirer sur ma paille, en silence. J'attends. Elle commence à siroter son deuxième Mojito. Elle n'a toujours pas proféré un mot depuis qu'elle est revenue des toilettes.
Je sais qu'elle me fait mijoter avant de me balancer des trucs bien à elle... elle soigne son entrée en scène... alors, pour précipiter le démarrage du spectacle, je la fixe avec un sourire appuyé. C'est là qu'elle lâche sa paille, qu'elle soulève légèrement son verre avant de le poser à nouveau, bruyamment sur la petite table métallique, avant de s'exclamer soudainement :
« CINQ !!! ».
« Quoi ? » j'interroge, pris au dépourvu.
« Cinq ! Sans blagues... » enchaîne-t-elle, sans me calculer, sur le même ton affolé « je ne savais même pas que c'était possible ! ».
« Quoi donc ? » je feins à nouveau de m'étonner alors que je viens soudainement de réaliser à quoi tenait son décompte.
C'est en s'aidant à nouveau avec ses doigts qu'elle énumère lentement :
« Une mise en bouche dans les chiottes de la Bodega... une première dégustation pour ce Romain... une sodo... euh... partagée... une autre pipe en terrasse pour bien finir la soirée... et ce feu d'artifice en t'arrachant du sommeil au petit matin... cinq fois... quoi... ».
« C'est ça, cinq... » j'assume, tout en rigolant comme un bossu « c’est grave ? ».
« Moque toi, cousin... » fait-elle, victimiste, juste avant d’enchaîner sur le même ton « je n'ai jamais rencontré un mec capable de ça... cinq fois en une nuit... ».
« Tu déconnes... » je la charrie tout en me rendant bien compte de l’exploit de mon bel étalon.
« Naaaan... je t'assure... max 3 fois et puis on nettoie et on range le matos... ».
« C'est vrai qu'il était en forme le petit con... » je confirme.
« Plus qu'en forme, oui... » elle commente « je ne sais pas à quoi il carbure, mais à mon avis aujourd’hui il a passé sa journée à roupiller... ».
« Même pas… cet après midi ils avaient match... » je précise.
« En plus... » considère ma cousine « il est vraiment incroyable ce mec... ».
« C'est tout ce que tu as à me dire par rapport à tout ce que je viens de te raconter ? » je la provoque.
« Ouais... » fait-elle avec une tout petite voix.
« Tu me fais marcher... » je la taquine.
« Bah... non... » elle insiste.
« Si, tu me fais marcher... » j'insiste.
« Ok… comment te dire... mon cousin... euh... euh... eh bien... les mots m'en manquent... CINQ !!! Mais tu lui fais quoi à ce mec ? CINQ !!! Je t'oublie pendant une poignée de jours et tu te lâches... tu te lâches grave... naaaan... mais... t'es fou.... t'es un grand malade de raconter tout ça à ta pauvre cousine au cœur fragile et surtout à la vie sexuelle désertique en ce moment... ».
« Arrête un peu, tu vas me faire chialer... » je lui balance « …tsssss… ça a connu plus de saucisses qu’un barbecue et ça se dit fille en manque… ».
« Tu peux bien parler… toi, le boulimique de la queue… » elle renvoie du tac-au-tac.
« Tu vas pas me dire que tu n'as pas tiré ton coup ce week-end... et si c'est pas encore fait ça va être réglé avec ton rencard de tout à l'heure... ».
« Si, j'ai eu un tir de rappel vendredi soir... mais c'était un coup vite fait et niveau bogosse, le mec n'arrivait pas à la cheville de ton étalon habituel, ni de ce... Romain... que, si j'en crois ta description, était non seulement un sacré spécimen, mais un autre sacré bon coup...
Je me contente de sourire, tout en redoutant le moment ou ça va basculer en mode plus « posé »...
« Tu t'éclates mon cousin... » fait-elle en redevenant soudainement un peu plus sérieuse (mince, elle va déjà me faire la morale) « mais il me semble que ce n'est pas des baises à deux, à trois, à 27 que tu attends de ton beau brun... ».
« je ne sais pas… je crois que je viens de réaliser que si je veux avancer avec mon beau couillu, je dois être patient… » je rétorque du tac au tac ; comme je m'attendais à cette considération de sa part, j'avais travaillé les arguments à opposer « je sais qu’il n'est toujours pas prêt à assumer notre relation... alors, ma priorité c’est de ne pas le perdre… alors, dans l’immédiat je suis prêt à accepter de lui juste ce dont il a envie, quand il en a envie, comme il en a envie... et au milieu de nos baises... apprécier parfois un moment de tendresse et de partage comme ce matin... déjà le fait de savoir qu’il en est capable, c’est une belle victoire… ».
« Tu penses vraiment que tout lui passer va servir à vous rapprocher ? » elle rétorque.
« Oui. » je réponds avec assurance.
« T'es vraiment prêt à tout lui céder ? » elle insiste.
« Oui. ». Toujours avec aplomb et sans regret.
« Vraiment tout ? Sans limites ? » elle me pique.
« Oui, je pense... » je ne me laisse pas démonter.
« Tu lui donnes de belles habitudes... » elle commente.
« J'adore l'idée d'être sexuellement à sa complète disposition... » je concède.
« Ca je peux comprendre... mais tu aspires aussi à autre chose... alors, où est-ce que ça va t'amener tout ça ? ».
Elle est chiante... mais j'ai encore des arguments.
« Bah... disons que « tout ça» nous a déjà amené quelque chose d'important... » je tente d'expliquer, avant qu’elle me coupe :
« Comme par exemple à entrevoir entre ses mots et au fil de ses contradictions quelque chose qui ressemble à de la jalousie à ton égard... une jalousie super mal placée... culottée... limite hypocrite... mais bien présente... ».
« Ce qui me laisse imaginer que peut-être il tient un peu à moi... » je la coupe à mon tour « et pas seulement parce que je le fais jouir comme un dingue... ».
« Ouais, tu marques un point, là... cousin... » elle concède.
« Tout ça » je continue « nous a amené aussi à avoir notre première véritable conversation... « tout ça » a amené Jérém à s'ouvrir un peu à moi, à me laisser entrevoir ses fêlures... ».
« Là non plus tu n’as peut être pas complètement tort, mon cousin... et quand tu mets tout ça ensemble... la fuite de sa famille, son besoin d'appartenir à un groupe, d'avoir des potes, de se sentir admiré… son amitié avec Thibault... je pense que si tu regardes bien, mon petit Nico, pour la première fois tu as en main une clé, encore imparfaite et incomplète, mais un début de clé pour percer le mystère Jérémie T.… évidemment, je pense que le chemin sera encore très long avant que tu aies en main toute la notice et le mode d'emploi de ton bel étalon, mais c'est un bon début... je pense que cette nuit a marqué un tournant dans votre histoire... ».
« J’ai l’impression aussi… ».
Et elle continue : « Du coup, ça va vraiment être intéressant, par la suite, la façon dont tu vas te « servir » des cartes que tu as désormais en main pour commencer à décrypter sa façon d'agir... cette nuit risque de changer pas mal de choses entre vous... oui, « tout ça » peut décanter pas mal de choses... ».
« Tout ça... » je complète « nous a aussi amené tout droit a ce dernier gros câlin dans le noir... très doux, très sensuel… ».
« Un câlin qui ressemblait plutôt à « faire l'amour » que « baiser »... » elle commente.
« Oui, c’est exactement ça… » je confirme.
« Je pense que tout ça a été déclenché par le fait qu'il s'est senti en danger... » elle continue « il a compris qu'il pouvait te perdre... et ça l'a mis en pétard et ça l’a remué... alors, plutôt que d'assumer sa jalousie, il a du chercher une façon de sortir la tête haute... une façon de te rendre plus jaloux encore... ».
« Tu crois que c'est pour ça qu'il a voulu aller à l'On Off ? ».
« Je n'en sais rien, mon cousin... possible... à mon avis, s’il a voulu aller dans une boite gay, ça peut être pour plusieurs raisons... se faire mater, exercer son pouvoir de séduction sur un public différent de celui habituel... il avait peut-être envie de voir si d'autres mecs lui faisaient l'effet que toi tu lui fais... se prouver... je ne sais pas trop quoi... tu sais, la plupart des mecs on tout le temps besoin de se prouver quelque chose... ou peut-être qu'il voulait juste te faire chier, pour se venger du fait que tu lui ais tenu tête, que tu lui ais ôté l'illusion d'être sa chose exclusive... ».
« Ca doit être ça, oui... » je réfléchis à haute voix.
« Ou alors... » continue-t-elle « Jérém est tout simplement un garçon de 19 ans en train de perdre tous ses repères… et lorsqu’un mec est en perte de repères, c’est souvent dans la confrontation et dans le défi qu’il cherche à se raccrocher… ».
« Et le beau Romain s'est trouvé sur sa route, au bon endroit, au bon moment... » je commente « quand je pense que Jérém m’a entraîné dans un plan de dingue avec le premier venu... ».
« Au fait... » elle relance avec une moue dubitative « je ne suis pas sûre que ce mec était vraiment le « premier venu », comme tu le dis... je ne sais pas s'il s'est incrusté dans votre soirée par hasard… à mon avis, ce mec a déclenché quelque chose chez ton bobrun… alors, je crois plutôt que ce mec a été quelque part « choisi » par ton Jérémie, consciemment ou pas… choisi pour ce qu’il représentait, un séducteur, un chasseur, un mec avec auquel se confronter… un mec plus âgé que lui, expérimenté… et non pas un minet transi… un nouveau challenge pour sa capacité de séduction… » .
Je réfléchis. Je sirote nerveusement mon coca. Je ne sais pas trop quoi rétorquer. Profitant de mon silence, elle enchaîne :
« Et tu t'es senti comment devant les ébats de ton beau brun avec ce mec ? Je veux dire... tu y a pris part à plusieurs reprises, si j’ai bien suivi... mais quand tu les regardais juste faire... pas trop frustré ? Excité ??? ».
« Abasourdi… je dirais… » j'avoue « j'étais partagé entre une excitation de dingue devant cette scène de sexe entre deux bogoss... et voir mon mec en train de prendre son pied avec un autre... c’est juste… comment dire… hummmmm... ».
« Je te l'avais dit... » elle me coupe « ça fait partie des bons gros fantasmes... un fantasme un peu risqué quand on est amoureux, mais un très bon fantasme... ».
« Mais à coté de ça… et par moments j’ai également ressenti un sentiment d’humiliation… ».
« Humiliation ? » elle s'étonne.
« Oui... l'humiliation de m’avoir fait venir pour assister à ça… alors que ce connard de mec connaît très bien mes sentiments pour lui... je trouvais ça méchant... ».
« T'es incroyable, cousin... mais tu t'attendais à quoi en acceptant de prendre partie à ce plan à trois ? ».
« J'en sais rien... j'avoue que je n'y ai pas trop pensé sur le moment... ce qui comptait à mes yeux c'est de ne pas rentrer en sachant que mon Jérém allait coucher avec ce gars… j’aurais trouvé ça insupportable... ».
« Alors tout va bien… » elle simplifie « il ne t’a pas laissé sur le carreau… ça aurait été pire s’il t’avait dit « tchao » en rentrant avec le barbu… ».
« C’est vrai… mais.. le fait est… » je tente d’expliquer « que tout ça a été tellement rapide… inattendu… déstabilisant… étrange… ».
« Je comprends... » elle me rassure « mais en même temps… le comportement de Jérémie, dérouté par l'effet « Romain », ne pouvait être qu’"impulsif"… à mon sens tout devait se passer dans l’instinct, la pulsion, le coup de tête... en plus tu étais là... ça devait être un sacré bordel dans sa tête... même si au même temps s’il t’a invité à te joindre à eux, c’est pour se rassurer… ».
« Je suis inquiet, Elodie... » j'enchaîne sans transition.
« Pourquoi, inquiet ? » elle s'étonne à nouveau.
« Justement à cause de ce que tu appelles « l'effet Romain... »… du fait que si mon beau brun s'est découvert un penchant pour se frotter à des bogoss aussi virils que ce Romain… un jour il aura envie de recommencer… et, avec sa gueule et son physique, il n’aura aucun mal à le faire… à le faire sans moi... et sans moi à le perturber… aller au fond de ses fantasmes... je suis inquiet que cette envie puisse le prendre, que cela puisse le perdre… ».
« Je vois, je vois… » fait ma cousine.
« Sur le moment, j’ai trouvé ce plan excitant » je continue « mais à posteriori, plus j’y pense, plus je suis quand même jaloux… oui, j'ai aussi ressenti de la jalousie en voyant ce gars profiter de mon Jérém…».
« C’est normal que tu sois inquiet et jaloux… tu es amoureux mon cousin… ».
« Je suis aussi inquiet de savoir comment tout ça va changer notre relation demain, dans une semaine… comment Jérém va vivre ça dans sa tête… je me demande dans quel état d’esprit il est là, à l’heure qu’on parle... en ce moment il doit être en train de fêter la victoire avec ses potes… mais je me demande quand est-ce que je vais le revoir... et dans quelle disposition il va être envers moi... ».
« Tu te prends trop le chou, Nico... » se lâche Elodie « laisse le mijoter un peu... ne le saoule pas trop avec tes états d'âme et tes questionnements... et quand il ne se l'attendra pas, balance lui une proposition de sexe à brûle pourpoint comme hier soir à la Bodega... il a aimé ça, non ? Rends-toi sexuellement indispensable, mais pas chiant... ».
« Je me demande s’il a déjà couché avec d’autres mecs… sans moi... » je divague.
Ma cousine est en train de tirer sur sa paille, alors j'en profite pour aller plus loin :
« Est-ce qu’il a déjà fait ça avec un pote ? Tiens... pourquoi pas... avec... avec Thibault... ».
« Tu délires mon cousin, tu délires... tu prend ton cas pour des généralités et tes rêves pour des réalités... » elle plaisante.
« Ils sont tellement proches ces deux là... » je continue sans tenir compte de sa remarque « lorsqu'il parle de son Jéjé... Thibault a un regard si particulier... un regard de mec... ».
« Amoureux ? » elle me coupe, moqueuse.
« Je ne sais pas... quand je pense à ses mots... à sa gentillesse... à son affection pour Jérém... j'ai l'impression qu'il tient à lui plus qu'à quiconque... et Jérém c'est pareil... son pote Thibault, c'est sacré, il l'adore... et puis... Thibault sait tout de moi et Jérém... il avait déjà deviné avant, mais depuis qu'on en a parlé, ça doit tourner dans sa tête... je me demande si dans certains de ses regards... comme lorsqu'il nous voit partir de boite rien que tous les deux... je me demande s'il n'y a pas de la jalousie... ».
Et j’essaie d’étayer mes crainte en lui racontant de comment Thibault a débarqué dans les chiottes de la Bodega juste après le départ de Jérém pendant que je me lavais les mains, de comment son regard m’avait semblé frustré, affecté.
« Thibault jaloux ? » elle relance « Tu veux dire... jaloux que tu couches avec son pote ? Et, dans ce cas... jaloux de qui ? De Jérém ? De toi ? Ou alors tous simplement jaloux que tu lui piques son pote, que tu l'éloignes de ce fait un peu de lui... jaloux ou juste frustré du fait qu'à cause de toi ils passent moins de temps ensemble et qu'ils partagent moins de choses ? ».
« Je ne sais pas trop... je ne sais plus trop quoi penser... » j'admets, juste avant de me laisser échapper « j'ai même rêvé qu'ils couchaient ensemble... ».
« Qui... Jérémie et Thibault ? »
« Ouais... tout à l'heure à la sieste... Jérém et Thibault couchaient ensemble... et à la fin, ils s'occupaient tous les deux de moi à tour de rôle... ».
« Elle n'est pas belle la vie ? » elle se moque.
« Tu rigoles... je ne m'en suis toujours pas remis... c'était si réel, si bon !!! » j'admets , rêveur.
« T'es dingue mon cousin... » elle commente.
« Je ne veux pas me brouiller avec Thibault... » je continue « je l'aime vraiment bien ce gars et je ne veux pas le blesser... Thibault est un garçon tellement gentil et adorable... pas envie de m'interposer dans leur amitié, je ne veux surtout pas les éloigner... Thibault le vivrait très mal... mais Jérém ne me le pardonnerait pas... je veux être ami avec Thibault... mais comment être pote avec lui s'il en pince lui aussi pour le gars que j'aime ? D’un coté je pense que je trouverais ça presque naturel que ces deux là se fassent du bien… beau… magique… comme dans mon rêve… mais je pense qu’au final je serais pire que jaloux de les savoir l’un dans les bras de l’autre… je serais jaloux car leur longue complicité pourrait donner envie à Jérém à s’abandonner à des gestes tendres avec Thibault, des gestes qu’il a du mal à assumer avec moi… ».
« Mon cousin, je pense que tu fais fausse route au sujet de Thibault... ».
« Tu crois ? ».
« Jérémy et Thibault, ce sont deux potes inséparables, amis d'enfance, coéquipiers au rugby... depuis toujours, leur relation est fusionnelle... j'ai envie de dire que Jérém et Thibault... c’est un lot... ».
« J'adore l'image, « Jérém et Thibault, c'est un lot... » je note... » je plaisante. Ma cousine a vraiment le sens de la formule.
C’est sur cette bonne note qu’on se quittera ce soir là.
« Bon, allez... mon cousin... » elle enchaîne sans transition « c'est pas tout, mais je suis attendue... ne te prends pas trop la tête avec tout ça... prends les choses comme elles viennent... mais essaie de te protéger... ».
« Facile à dire... »
« C’est pour ça que je préfère donner des conseils que les suivre… » elle se marre.
« Ca m'a fait du bien de discuter avec toi, comme toujours… » je tente de la remercier.
« Pas à moi... vos exploits entre mecs m'ont sapé le moral… » elle recommence.
Je rigole. Elle aussi. On se prend dans les bras l'un de l'autre et on se serre très fort.
« Il faut qu’on trouve un soir pour aller voir un film qui est sorti il y a déjà quelques temps mais qui a l’air super bien… ».
« A savoir ? ».
« Moulin Rouge, tu vois ? ».
« Ah, oui, j’en ai entendu parler… ».
« Avec la grande Nicole… ».
« Et surtout le charmant Ewan… ».
« Tu perds jamais le nord, mon cousin… ».
« C’est une comédie musicale, non ? ».
« Genre, mais ça a l’air complètement déjanté… je pense que je vais adorer… ».
« On se fera ça, promis… ».
Je l'accompagne jusqu'à l'entrée du Métro Capitole et je rentre chez moi un brin rassuré par cette conversation avec ma cousine.
Il est 20 heures, je me dis que le match doit être terminé depuis longtemps... que les bogoss doivent être à la troisième mi temps... je suis heureux de savoir que mon Jérém s'éclate au rugby... franchement, j'aurais du faire l'effort d'aller le voir jouer... malgré la fatigue... lui il a bien joué, malgré la fatigue... je suis impardonnable...
Alors, pour essayer de rattraper un peu le coup en lui montrant que je m'intéresse quand même un peu à sa passion, je trouve bien de lui envoyer un sms pour lui demander comment ça s'est passé.
Ainsi, après maintes écritures et corrections, je finirai par lui envoyer :
#Pas trop dur le match ? Quel score ?#
A la maison, tout est prêt pour dîner. C'est quand même bien la vie d'étudiant en vacances... On mange, on sort, on baise, on dors, on mange, on sort, on est amoureux, on dort... il faut en profiter, car la vie ne sera pas toujours aussi simple et belle...
« Elle racontait quoi Elodie ? » me demande ma mère en plein dîner.
Une question simple, appelle des réponses claires.
« Qu'elle baise chaque week-end avec au moins deux gars différents », « qu’elle a été impressionné par ma vie sexuelle avec mon bel étalon », « Qu'il faut pas que je m'inquiète pour le meilleur pote du mec avec qui je couche, car il ne me le piquera pas… ».
Des réponses qui ne franchiront par la barrière de mes pensées et qui seront remplacées par des banalités, style nos projets de sorties cinéma, une imaginaire conversation « prise de tête » au sujet d'un mec qu'elle aurait rencontré… bref, je deviens bon, voire très bon, dans l'art de l'esquive.
Le dîner terminé, j’aide maman à débarrasser ; je monte ensuite dans ma chambre et je commence à zapper. Et c’est là que je tombe avec bonheur sur le générique de début d’un grand classique… du pur bonheur…
La première fois que j'ai vu ce film à la télé, j’étais très jeune, mais déjà je trouvais que cette musique avait une dimension sensuelle... et je ne parle pas des paroles ou des gestes du protagoniste masculin...
aujourd'hui encore, ce générique me fait l'effet d'une petite ivresse...
Ca démarre avec des accords de guitare lents, voluptueux comme une excitation qui déferle par grandes rafales... les cordes prennent le relais peu après, pétillantes, nouveau plaisir, plaisir intense... la voix arrive et se mélange avec la musique dans une étreinte puissante... elles ondulent ensemble sur une répétition mélodique incessante, inlassable, comme des corps enlacés dans l'amour... le rythme est puissant, chaque coup de batterie est un pur plaisir, un plaisir un peu plus agréable que le précédent, comme une ivresse des sens qui monte… cette musique est pour les oreilles comme une rafale de vent frais, inattendue, sur la peau... une sensation qui nous fait sentir vivants et qui, pendant un instant, nous secoue de nos soucis, nous fait sentir libres, comme en nous annonçant que tout est à notre portée... sans même parler du texte, où il est question d'un amour qui a raison de tout...
Le générique défile, le film commence... les années 50... l'insouciance dorée des étudiants américains... les blousons en cuir portés sur de simples t-shirts blancs... Danny avec ses potes... Sandy avec ses copines... les chanson s'égrainent... les scènes et les tableaux se succèdent, entre rythmes entêtants et tableaux de danse à couper le souffle... Summer night... Hoplessy devoted to you... ****** lighting... You are the one... Oh Sandy... autant d’hymnes à la jeunesse et à la beauté, à la passion, au bonheur de cet âge où les plus grands malheurs sont les peines de coeur... comment ne pas se laisser transporter...
Ainsi, sans que j'ai vu le temps passer... « Love is a many splendored thing » enchaîne déjà avec le générique de fin... le même que celui du début, écrit par Barry Gibb... ah, si les Bee Gees n'avaient pas existé.... quelle tristesse...
Ce film, cette musique... du pur bonheur à jamais gravé sur vinyle et imprimé sur pellicule... aussi bon que du ABBA pour filer la pêche...
J'avais 12 ans la première fois que j'ai vu ces images et entendu cette musique, la première fois que j'ai vu Grease à la télé... c'était une sensation indéfinissable... mais au fond de moi, je savais déjà que ce seraient les Danny et non pas les Sandy qui attireraient mon attention plus tard...
J'éteins la télé dès la fin du générique, j'ai envie de silence, envie de laisser résonner un peu plus longtemps en moi cette petite ivresse...
J'attrape mon portable pour voir s'il n'y aurait pas une réponse de mon beau brun. On peut toujours rêver. Il y a bien un message, mais c'est Elodie me notifiant que son plan du dimanche soir a foiré et m'annonçant vouloir changer de sexe pour devenir pd et avoir une vie sexuelle épanouie.
Je vais me coucher en pensant à mon beau brun... j'ai envie de le revoir, vite... j'ai envie de lui... mais ce soir j'ai surtout envie d'un bon câlin doux... de le serrer dans mes bras... même pas un gros câlin… juste être avec lui, m’endormir à ses cotés…
Je me décide enfin à ranger son t-shirt dans l'armoire... et lorsque je me mets au lit, je sens la fatigue me happer à nouveau... j'ai fait une longue sieste mais j'ai tellement de sommeil en retard, que je sens que je ne vais pas tarder à plonger à nouveau... j'espère que le match s'est bien passé... il aurait quand même pu me répondre... j'ai envie de lui... juste le voir, juste voir son sourire...
Je me réveille à 9 heures pétantes en ayant dormi comme un bébé. C'est beau d'être étudiant en vacances... je me douche, m'habille, je vais courir. Midi arrive... je rentre... je mets les pieds sous la table... c'est beau d'être étudiant en vacances... pourvu que j'aie de ses nouvelles avant ce soir... demain c'est le départ pour Londres... je suis tellement inquiet de ne pas le revoir avant mon départ que j’en arrive presque à trouver fastidieux de devoir partir… alors que je devrais être excité comme un poux, car je vais à mon premier concert de Madonna !
Je voudrais bien le voir avant de partir, mais ça va être court...
L'après midi je travaille un peu le code à la maison... je repense à Martin... ça va être simple de le revoir à l'autoécole et de prendre des cours de conduite après la drague de samedi soir et l'énorme lapin que je lui ai posé... quand je pense qu’il a du se la mettre sur l’oreille pour la fumer plus tard…
De temps en temps, je regarde mon portable... toujours pas d’sms de Jérém.
Je suis un peu déçu, de plus en plus déçu au fil des heures qui passent, mais ça c'est du Jérémie. Il peut très bien ignorer mes messages après m'avoir fait des câlins et m'avoir fait l'amour...
Un message arrive enfin vers 16 heures... je me précipite dessus... ce n'est pas le message que j'attends, toujours ma cousine... putain... j'aime ses messages drôles, mais il faudrait qu'elle arrête de me faire des fausses joies...
J'ai envie de le relancer, d'envoyer un autre message... mais je ne sais pas quoi écrire, tout me semble rélou venant de ma part... et n'ai pas envie qu'il se sente harcelé... je décide d'aller marcher le long du canal... j’adore marcher sur le canal… c’est apaisant, dépaysant… en marchant je me dis que cette nuit il a du faire la nouba jusqu’à tard avec ses potes… et qu’aujourd’hui il doit bosser à la brasserie… voilà pourquoi il n'a pas encore répondu à mon message...
Enfin... il aurait quand même pu m’envoyer un petit coucou… ça prend dix secondes... bref... du Jérém... il faut que j’arrête de penser à lui… à Jérém en tenue de serveur, avec sa chemise blanche si sexy… il faut que j’arrête d’y penser car plus j’y pense, plus je sens que cette rue de Metz m'attire comme un aimant...
Il ne faut surtout pas que je cède à la tentation… une fois ça va, en compagnie de Thibault, pour marquer le coup de son premier jour de taf, ça passe… mais si je me pointe seul... avec ma tête de mec en manque… ça ne va pas le faire...
Je marche toujours… et pris dans mes pensées, je me surprends à roder dans les quartiers autour du Pont Neuf... je dérive… comme pris dans un courant marin imperceptible… je tente de résister… de mettre de grandes brassées pour repartir vers le rivage… le quartier St Michel… mais rien n’y fait… je pars à la dérive… j'ai trop envie de le voir avant de m'envoler pour Londres…
Je me dis qu'après tout, un petit coucou style mec qui passe vite faire un coucou sans s’arrêter, car il est pressé, ça pourrait passer... j’ai juste besoin de le voir… de voir son sourire... en dirigeant désormais mes pas vers la rue de Metz par le chemin le plus court et à bonne allure, je cherche quelque chose d'original et/ou marrant à lui balancer si jamais son sourire m’autorisait à m’arrêter une seconde… bien sur, je ne trouve rien de valable... l'important c'est de voir mon beau brun… pour le reste je vais improviser...
Evidemment, plus j'approche, plus je me sens mal à l'aise... j'angoisse... je commence à me laisser gagner par l'idée que s'il ne m'a pas répondu, c'est qu'il fait la gueule...
Lorsque je rentre dans la rue de Metz, mes pas ralentissent tout seuls... je m'arrête carrément, indécis si je dois continuer ou si je dois faire demi tour...
Mon envie de le revoir aura raison de mes hésitations. Je me fais violence pour avancer, pour y aller d'une seule traite, sans ralentir. Et lorsque j'arrive à proximité du fameux abribus où la dernière fois je m'étais fait gauler par Thibault, je me poste pour guetter sa présence...
Je reste plusieurs minutes... je vois défiler tous ses collègues... mais pas de Jérém... je me dis qu’il est peut-être à l'intérieur... je décide de prendre sur moi… je décide d'en avoir le cœur net.... et tant pis s’il me regarde de travers… rentrer dans une brasserie pour prendre un café et accessoirement chercher à voir le mec qu’on aime, n’est pas puni par la loi, que je sache…
Je rentre donc à l'intérieur en essayant de dissimuler mon malaise coupable qui doit se lire sur ma personne, et je commande un café... pendant que le mec derrière le comptoir trafique à la machine expresso et que le parfum de torréfaction ravit mes narines, je laisse courir mon regard dans la salle… quelques clients… mais pas de trace de mon beau brun... mais il est où, alors ?
Je n'aurai pas vraiment l’occasion de me poser trop longtemps la question, car une petite conversation captée entre le patron et l'un des serveurs, me donnera un début de réponse :
« Julien... » fait le type derrière le comptoir en s’adressant à un charmant serveur qui vient de le rejoindre.
« Oui, patron » lui répond le jeune serveur.
« Tu peux faire l'après midi demain, exceptionnellement ? ».
« Jérémie ne sera pas là ? ».
« Non, apparemment il est en arrêt au moins jusqu'à jeudi ».
« Qu'est ce qui lui arrive ? ».
« Une blessure au rugby, un truc à l'épaule si j'ai bien compris… ».
Mon café manque de partir en travers dans ma gorge. Merde… voilà pourquoi mon bobrun n'est pas au taf… soudainement je sens mon adrénaline monter en flèche, rapidement je suis dans un état de fébrilité intenable... j'en tremble...
Jérém blessé... au rugby... lors du match contre Cugnaux... mais que s'est-t-il passé ? Est-ce que c’est grave ? Est ce qu'il pourra jouer dimanche prochain pour la finale ? Il doit avoir le moral dans les chaussettes, surtout s'il n'a pas pu terminer le match... il doit être chez lui… je vais aller le voir… je me lève… je me dirige vers l’entrée… j’entend quelqu’un qui m’appelle avec insistance « monsieur ! monsieur ! s’il vous plait »… bien sur, je n’ai pas réglé mon café… j’ouvre mon portefeuille, les mains tremblantes… je fais tomber les pièces…
Je suis enfin dans la rue… aller le voir… est-ce vraiment une bonne idée ? S’il est en pétard… je vais être reçu… impossible de pas me dire que notre folle nuit n’y est pas pour quelque chose dans son accident… bien sur, un accident, est un accident… c’est la faute à pas de chance… mais si seulement il avait dormi un peu plus… il aurait peut être été plus en forme… et ça ne serait pas arrivé…
C’est sur, je suis peut être la dernière personne qu’il a envie de voir… mais j’ai besoin d’en savoir plus… alors devant mon QCM à la Jean-Pierre Foucault :
A – Il est blessé et c’est grave
B – Il est blessé, c’est pas grave, il est en pétard
C – Il est blessé, il m’en veut à mort
D – Il est blessé, mais une visite lui ferait plaisir,
je choisis le joker… coup de fil à un ami… enfin… puisque je ne suis pas loin… ce sera plutôt, visite surprise à un amis.
Je traîne de rue en rue, en attendant 18 heures, je passe dans la rue Alsace Lorraine devant le magasin de portables… le beau Mathieu est là, en train de montrer un appareil à un mec qui n’est pas moche non plus… Mathieu, qui a couché avec Romain… Romain, qui a couché avec Jérém… Jérém, qui s’est fait mal au rugby… pourvu que ce ne soit pas grave…
Je presse mon pas, car c’est l’heure de faire appel à mon joker… ma stratégie est toujours la même, l’attendre à la sortie de son taf près de la gare Matabiau. Et lorsque sa silhouette déboule dans la rue, lancée à bonne allure, le pas assuré, la sensation est toujours la même… putain, qu’est ce qu’il est bien gaulé, qu’est ce qu’il est charmant et séduisant, comment tout transpire la gentillesse et la droiture chez le beau et bon Thibault… un mec comme si beau ça donne envie de faire de la mécanique…
Thibault t-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…
Le pire chez les garçons comme Thibault, c’est qu’ils ne le font même pas exprès, il n’y a pas de « but » recherche, contrairement a un Jérém, au look soigneusement réfléchi… Thibault est juste beau, nature… et ça… putaiiiin…
« Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.
Lorsque son regard se tourne vers moi, je me sens mis à nu. C’est dingue la puissance de son regard… il y a tant de beauté et de gentillesse dans ce regard… on a envie de lui faire un bisou…
C’est ce qu’on fera… un échange de bises, bien viriles…
Ce sera l’occasion de sentir une fois encore sa présence dans mon espace vital, bonheur indescriptible… de sentir un mélange d’odeurs dans lequel je crois pouvoir distinguer l’odeur de propre de son t-shirt… l’odeur du savon avec lequel il s’est lavé avant de débaucher… le tout mélangé avec une petite odeur de cambouis persistante… bref, une odeur de propre et de bon, une odeur de mec bosseur et bien dans ses baskets…
La bise faite, mon regard tombe sur son avant-bras… évidemment qu’il est propre, pas comme dans ce putain de rêve... si tu savais Thibault... comment j'ai rêvé de toi et de ton pote hier après midi... stop Nico, arrête d'y penser, la trique te guette… il te faut garder tes moyens… déjà que en reculant je n’ai pas fait attention au bord du trottoir, et que la seule chose qui a failli me faire casser la gueule c’est la main de Thibault, aussitôt tendue, qui m’attrape par l’avant-bras… ainsi que ma main, s’élançant pas réflexe et s’agrippant, non sans bonheur, au biceps tendu du beau mécano… putain qu’est ce que c’est puissant ce biceps… le voir est une chose… le sentir, c’est une expérience à part entière…
« Ca va Nico ? » il enchaîne avec un beau sourire qui me fait un peu oublier la gêne du fait d’avoir que j’ai failli me casser la gueule devant lui. Quand je dis qu’il est adorable…
« Ca va, et toi ? » je relance.
« Ouais ça va... » sera sa réponse. Pourtant, j’ai l’impression que son regard ne colle pas avec ses mots. Je remarque sur son visage, sur le nez, la joue et le front, les contusions typiques d'un match de rugby difficile.
Je crains un peu la réponse à la question qui me brûle les lèvres, mais j’ai besoin de savoir. Alors j’y vais sans détours.
« Qu'est ce qui est arrivé à Jérém ? Il s'est blessé? ».
« Tu l’as eu ? ».
« Non… mais comme il ne répond pas à mes messages, tout à l’heure je suis passé à la brasserie... j’ai entendu un serveur en parler... ».
« C’est l'épaule qui est touchée... ».
« C'est grave ? »
« Apparemment il n'y a rien de cassé, c’est douloureux car il a pris un sacré pet’... ».
« Qu'est ce qui s’est passé ? ».
« Le rugby est un sport dangereux » il plaisante.
« J’imagine… ».
« Le match a été très dur... » il reprend sur un ton plus sérieux « au milieu de la deuxième mi temps, un joueur de Cugnaux l’a plaqué et Jéjé est mal tombé... ».
« Toi aussi t'as pas l'air en forme... » je relance.
« Le match a été dur... » il répète.
« Et comment ça s'est fini, vous avez gagné ? » je m'inquiète.
« Malheureusement... non… » soupire le beau mécano « malheureusement, non… ».
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