Clotaire et Pierre - Cinquième épisode
Récit érotique écrit par Cokino27 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 22-01-2016 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Clotaire et Pierre - Cinquième épisode
Six heures et demi. C’est sur un air chanté par la Callas que Clotaire prenait l’habitude de se lever si tôt pour terminer quelques devoirs pour la fac avant de se préparer pour y aller. Il appréciait beaucoup cette cantatrice qu’il aimait écouter quand, à cause d’une dispute avec un être cher ou d’un petit moment de déprime, il était habité par la tristesse. Aussi étrange que cela puisse paraître, le fait d’écouter Maria Callas le remettait d’aplomb… Clotaire, aux yeux de ses proches, a toujours été compliqué. C’est sans doute cela qui fait sa valeur.
Chaque matin, c’est invariablement le même rituel : le réveil ne sonne pas après six heures et trente minutes ; le temps pour Clotaire de recouvrer ses esprits tout en s’éveillant sur un air chanté par sa diva préférée, puis de prendre une douche bien chaude, exercice qu’il renouvelait avec plaisir le soir-même, il se préparait avec minutie pour aller à la fac : il était toujours vêtu de manière très élégante, avec un pantalon sombre ou clair (selon son humeur) et une chemise sur laquelle le couvrait une veste sombre ou un pull en fine laine. Enfin, il se parfumait légèrement avec « Ambre noir », une eau qu’il aimait beaucoup parce qu’elle « n’empestait pas la drague à deux balles » comme il disait pour mépriser les parfums « trop remarquables » et parce que l’odeur lui paraissait particulièrement douce. Le temps d’enfiler ses chaussures, il pouvait alors prendre son petit déjeuner.
Le temps qu’il lui restait pour gagner la fac en métro lui permettait, pour une fois, de prendre son temps pour savourer son bol de Cruesli, qu’il accompagnait toujours d’une pomme et d’un jus d’orange. Un petit déjeuner concis, qui devait lui permettre de tenir toute la journée. Aujourd’hui, il n’avait pas très faim ; certains pourront penser que l’amour n’y est pas pour rien… Ce n’est pas tout à fait faux, puisque tout en faisant tourner sa cuillère dans son bol empli de céréales noyées dans du lait, il songeait à Pierre. Il se mettait à sourire quand il songeait à lui, ce qui n’était jamais arrivé par le passé, car pour lui, l’amour pouvait bien se limiter à la phrase « je t’aime », quelques baisers et gestes tendres… C’était curieux, mais à présent, il avait quasiment tout le temps envie d’être avec Pierre, de le serrer dans ses bras, de faire l’amour avec lui sans penser à quoique ce soit d’autre… Il était obnubilé par lui, ce jeune homme un peu tête en l’air et peu travailleur mais qui parvenait à le faire rire, à le faire sourire, avec lequel il aimait bien parler de lui, d’eux, de leurs familles… Quelqu’un qui le comprenait, en somme. Ce qui n’était pas arrivé depuis qu’Eugénie, sa meilleure amie, et lui, se sont séparés il y a quelques mois…
Après ce petit déjeuner assez bref, il n’avait plus qu’à se brosser les dents, avant de prendre sa sacoche et son petit imperméable noir pour partir, enfin, presque impatient de retrouver son homme dans les mêmes couloirs que lui. Oh, bien sûr, il n’était nullement question, pour l’instant au moins, d’assumer cette histoire : bien qu’il n’était pas franchement sensible au « qu’en dira-t-on ? », il ne lui déplaisait pas d’avoir sa petite part de mystère et d’ailleurs, Pierre lui-même approuvait son avis : leur histoire ne regardait qu’eux. Peut-être qu’un jour prochain leur viendra l’idée de vivre leur amour au grand jour… En se disant cela, Clotaire retint un sourire : cela faisait à peine trois jours que Pierre et lui étaient amants, et déjà, les projets lui venaient en tête. C’est que chacun se sera rendu compte que Clotaire est un jeune homme particulièrement organisé, qui n’apprécie que modérément l’imprévu. Sauf s’agissant du sexe évidemment, mais cela, c’est une autre affaire…
En arrivant à la fac, Clotaire reprit tout le sérieux qui le caractérisait si bien. Il ne prit pas la peine de saluer qui que ce soit, préférant déjà chercher sa place dans l’amphi pour suivre le cours qui devait bientôt commencer. Pierre était déjà là, ses affaires de cours posées devant lui ; il attendait certainement Amandine, l’une de ses amies qui le côtoie durant les cours. Or, à la grande surprise de Pierre, mais aussi pour son grand bonheur, Clotaire prit les devants en s’asseyant à côté de celui qui ne demeurait officiellement que son partenaire d’exposé. Ce dernier ne manqua pas d’en être étonné.
- Eh ben… Que me vaut l’honneur ?, sourit Pierre tel un enfant.
- J’avais quelque chose à te montrer à propos de notre exposé, donc je me suis permis de prendre la place t’étant voisine.
Pierre étant assez troublé par la réponse, Clotaire s’empressa de lui adresser un petit sourire doublé d’un clin d’œil complice. Pierre était dans tous ses états : c’était la toute première fois que Clotaire semblait adresser assez ostensiblement un geste tendre à l’égard de son compagnon, ce qui fit rougir de plaisir le jeune homme, très content de se retrouver à côté de son amant régulier.
Par contre, lorsque Amandine arriva, les choses se compliquèrent un peu…
- Pardon, môssieur Clotaire, mais ici, c’est ma place.
- Tu peux bien me la prêter pour les deux heures qui viennent, non ? Je dois étudier un truc avec Pierre, c’est exceptionnel…- Sauf que moi, j’ai envie d’être à côté de mon ami, donc sois gentil : barre-toi !
- Stop ! imposa Pierre, enfin sorti de son silence. Clotaire veut juste me montrer quelque chose pour notre exposé ; tu ne penses pas que nos délires peuvent attendre un peu, non ? Rassure-toi : à la fin du cours, je te retrouve, mais là, s’il te plaît, laisse-nous bosser tous les deux.
- Je préfère te prévenir, toi : ne viens pas la ramener aujourd’hui, mit en garde Amandine en tournant les talons, ne cachant nullement sa vexation.
Sans accorder un seul regard à son amie qui partait au bord de la rage, Pierre se mit à sourire à Clotaire qui lui sourit en retour, avec un regard de braise qui pourrait faire fondre toute une banquise. Comme prévu, tous deux discutèrent essentiellement de l’exposé mais, de temps en temps, le regard complice, ils s’échangeaient quelques petites plaisanteries ou bons mots qui provoquaient quelques rires étouffés. C’était bien la première fois que Clotaire ne suivait pas attentivement un cours magistral et cela, nombreux furent ceux qui l’avaient remarqué…
Les deux amoureux, parfois, s’accordaient quelques petits sourires qui pouvaient traduire une certaine complicité aux yeux de tous, et cela, Pierre en était infiniment heureux ; ce n’était pas une officialisation de leur couple, mais c’était une preuve de l’attachement qu’avait Clotaire à son égard. Finalement, tous deux discutèrent de tout durant ce cours… sauf de leur exposé, ce qui devait être la raison de leur rencontre !
Vers la fin de ce cours magistral, le couple se mit demeurait à l’écart, dans l’amphi, tandis que les autres, dont Amandine, toujours aussi froide depuis tout à l’heure, commençait à quitter les lieux. Il n’était nullement question de leur couple dans cette conversation qui se voulait publiquement amicale, mais tous deux n’avaient au fond qu’une seule envie : disposer à eux seuls des lieux pour s’envoyer en l’air comme ils avaient désormais coutume de le faire. Alors qu’une poignée de gens demeurait dans l’amphi, Clotaire, soudainement, parcourut de sa main droite le bras de son interlocuteur en lui souriant de manière appuyée, ce qui ne manquait pas de surprendre Pierre, lequel fut saisi d’un léger tremblement que Clotaire pouvait prendre comme un ressenti du geste tendre qu’il venait de lui accorder de façon publique… Sur ce geste, il prit congé de son homme en lui rappelant qu’ils devaient se voir dans l’après-midi pour discuter de la proposition que Clotaire devait faire à son compagnon.
- Je te retrouve dans les jardins de la fac ?
- Je dois t’avouer que je n’ai pas beaucoup travaillé hier soir, je dois rattraper mon retard. Mais si tu veux bien, j’aimerais qu’on prenne un verre tous les deux ce soir.
- Première sortie en couple ?, chuchota Pierre, taquin.
- On peut dire cela, oui, sourit Clotaire à son tour. Tu connais le café La Table de Cassini ? C’est un endroit que j’aime beaucoup, j’aimerais vraiment te le faire découvrir ; et puis, comme c’est assez intime comme endroit, on pourra se parler à cœur ouvert, tous les deux.
Pierre n’en croyait pas ses oreilles ; Clotaire et lui parlaient sans grande gêne de leur vie de couple au sein-même de la fac ; il était d’autant plus ravi qu’il venait d’entendre Clotaire lui dire qu’il aimerait lui faire connaître un endroit qu’il apprécie particulièrement. Tous les deux convinrent de l’heure de leur rendez-vous : ils devront se retrouver à 21 heures, juste devant l’endroit qu’évoquait Clotaire.
C’est sur cette promesse que les deux amants se séparèrent, très impatients de se retrouver enfin tous les deux, sans devoir le faire à la fac, au beau milieu de tous ces étudiants…
Alors que Clotaire devait se rendre à un T.D. auquel n’était pas inscrit Pierre, ce dernier s’en alla trouver Amandine, qui, lorsqu’elle le vit arriver, prit un air sévère, voire hautain, que Pierre, encore sur son petit nuage, ne cherchait pas à comprendre, bien qu’il était interloqué par l’attitude de son amie.
- Eh ben… Tu me fais la gueule ?
- Non, pas du tout. Alors, comment cela se passe avec ton nouvel ami ?
- Ma parole… T’es jalouse ?! On devait juste travailler notre exposé…- Tu me prends pour une conne ? Pas un seul instant vous n’avez bossé ! Par contre, pour sûr, je vous ai vu sourire plusieurs fois de suite, et à mon avis, votre foutu exposé ne l’exigeait pas… Même le prof vous a chopés puisqu’il a engueulé Clotaire et, de mémoire générale, c’était la première fois qu’il se faisait remarquer comme ça…- Oui, on plaisantait de temps en temps mais calme-toi un peu… Le côté « harpie », cela ne te va pas du tout.
- Franchement, dis-moi la vérité… Qu’est-ce que tu peux bien lui trouver à ce mec ? Il est aussi chiant que la pluie… On me dirait qu’il est sympa, je serai incapable de le croire !
- Tu ne le connais pas, alors ferme-la.
- Pardon, mais je ne peux pas le blairer, et quand je n’aime pas quelqu’un, c’est que j’ai de bonnes raisons…- Je vais être assez clair, j’espère : je refuse que tu parles de lui comme ça. Tu ne le connais ni de près ni de le loin, alors tu lui fous la paix. Il ne mérite pas ta condescendance.
- Pourquoi tu tiens à le défendre avec une telle vigueur ? Eh bien, réponds...
- PARCE QUE C’EST MON MEC ! C’est assez clair, comme ça ?
A ce moment là, tous les deux se turent. Amandine, parce qu’elle était sidérée de ce qu’elle venait entendre ; Pierre, parce qu’il venait de se rendre compte de la bourde, et c’est un euphémisme, qu’il venait de commettre. Durant un long moment, qui devait paraître interminable pour l’étudiant, sa camarade le fixa de ses grands yeux clairs, comme si elle n’avait pas saisi le message qui avait pourtant le mérite d’être aussi clair que de l’eau de roche… Pierre, quant à lui, peinait à comprendre ce qui l’avait poussé à révéler son secret ; il n’avait absolument pas honte des sentiments qu’il éprouvait sincèrement à l’égard de son amoureux, mais parce qu’il se doutait bien que celui-ci, lorsqu’il l’apprendrait, serait certainement fou de rage. Les deux amis restèrent un long moment silencieux, avant qu’Amandine ne finisse par briser la glace. Enfin.
- Je ne peux pas le croire…- Crois-le ou non, cela m’indiffère.
- Mais vous ne vous connaissez que depuis trois jours ! A PEINE !
- Inutile de me le rappeler, je le sais. On le sait. Mais on s’aime. On en est convaincus. Il nous faudra un peu de temps pour nous connaître vraiment, mais on s’aime déjà. Quand on n’est pas l’un à côté de l’autre, il y a un manque qu’on ne peut pas combler. Je ne vais pas faire un exposé là-dessus, mais j’aime vraiment ce mec. Je pense que c’est réciproque et c’est pour ça que je veux me donner à fond dans cette histoire.
- Tout ça parce que vous avez couché ensemble ?
- Ce n’est pas que sexuel. Cela compte évidemment, mais il y a autre chose. J’ai envie de passer du temps avec lui, comme cela a été le cas ce matin. Et tu t’en seras rendu compte : nous n’étions pas en mesure de baiser quand on était côte-à-côte, dans l’amphi. Cela ne nous a pas empêché de savourer le moment.
Amandine et Pierre commençaient à sourire de ce dialogue quelque peu surréaliste. L’amie de Pierre venait de prendre conscience qu’il y a encore une dizaine de minutes, elle ignorait complètement que celui-ci avait une relation vraisemblablement prometteuse et, surtout, que Clotaire était gay. Sur ce point, c’est vrai, elle était assez déçue : elle aurait bien aimé l’attirer car, en plus d’être brillant, Clotaire était, il faut le reconnaître, un mec très bien foutu qui ne laissait que bien trop peu de femmes indifférentes…
- Eh bien… Félicitations pour ta belle prise !, plaisantait Amandine, qui venait de retrouver sa bonne humeur. Quoique, j’aimerais bien que vous cassiez vite…- Ah ? Pourquoi dis-tu cela ? demanda Pierre, interloqué.
- Ben… Comme ça, il sera libre et je vais pouvoir tenter ma chance.
- Ma pauvre fille… Laisse tomber : il est gay ! C’est un fait avéré.
- Certes, mais bon… Je peux croire en ma chance.
- Tu as la foi des premier chrétiens, ma belle, rigolait Pierre. De toute façon, il n’est pas pour toi : il sait bien qu’avec moi, celui ou celle qui le convoite aura du souci à se faire !
Les deux amis rigolèrent de nouveau ; la journée pouvait reprendre son cours ordinaire. Toutefois, Pierre avait fait promettre Amandine de ne rien révéler de cette relation encore secrète, ce qu’avait accepté, avec compréhension, la jeune femme. La bonne humeur avait regagné Pierre, mais celui-ci ne put s’empêcher de se poser une question : « dois-je informer Clotaire que l’une de mes amies sait pour nous ? ». A vrai dire, il ne savait pas ce qui pourrait être le mieux : le dire à son petit ami par amour, pour lui prouver qu’il n’avait rien à lui cacher s’agissant d’eux, ou dissimuler la nouvelle a son amant, qui ne serait certainement pas très heureux d’apprendre pareille nouvelle…
Le doute l’assaillait, mais l’essentiel était ailleurs : ce soir, il allait voir Clotaire et, le connaissant, cette sortie en ville précéderait forcément quelques caresses intimes dont l’un et l’autre semblaient devenus accros.
La journée fut très longue pour eux. Ils avaient impatience de se retrouver l’un et l’autre car, pour récente que soit leur histoire, ils avaient bien des projets en commun. L’un et l’autre, plus que tout, vouaient, par exemple, se fréquenter davantage, se voir plus souvent… La préparation de leur exposé leur permettrait cela, bien sûr, mais la bibliothèque universitaire n’est pas un lieu rêve pour des gestes tendres ou des mots enveloppés de tendresse.
En rentrant chez lui, Pierre s’empressa de faire sa toilette : il voulait être impeccable car, d’une certaine manière, cela devait être sa première sortie en couple avec Clotaire. Il voulait l’honorer de l’avoir accompagné et, pour cela, entreprit de se faire tout beau : douche, rasage, soins du visage, tenue très soignée… Il avait envie de lui plaire exactement comme ce fut le cas lors de leur première rencontre, quelques jours auparavant, chez Clotaire.
Il commença par la douche. Un moment que devait apprécier Pierre car lorsque ses mains parcouraient son corps pour l’envelopper de gel, il songeait à Clotaire, en imaginant les suites de leur sortie nocturne. Peu importe l’endroit, peu importe le contexte pourvu que son homme le prenne avec fougue et frénésie tel un étalon passionné. En se masturbant alors que l’eau coulait sur son corps, il s’imaginait se faire prendre par son amant, toujours aussi dominant qu’il était. Durant leurs ébats, il osait à peine le dire, mais il aimait de plus en plus être dominé par Clotaire ; c’était la première fois qu’il acceptait cela d’un homme, mais il aimait vraiment ça. Il appréciait d’autant plus la manière dont celui-ci s’adressait à lui quand il le prenait, lorsqu’il lui donnait du « Tu aimes bien ma queue, pas vrai ? »… C’était assez paradoxal car, en dehors du sexe, Clotaire était un jeune homme particulièrement sensuel et doux, presque prévenant à l’égard de Pierre, qui n’était pas qu’un simple partenaire sexuel.
Sous la douche, Pierre se voyait sucer la queue de son homme qui, comblé de plaisir, lui rendrait la pareille avec un 69. Il avait cependant remarqué que, depuis le début de leur aventure, lui-même était le seul passif de leur duo et que jamais il n’avait encore eu l’occasion de prendre Clotaire. Il en venait à se demander si Clotaire allait s’obstiner à refuser s’offrir à lui. C’est vrai que Pierre apprécierait que, pour une fois, les rôles puissent s’inverser, mais il n’avait pas franchement envie d’embêter son compagnon avec ce genre de chose qui, pour importante qu’elle soit, n’avait rien de fondamentalement essentiel…
Une fois tout propre, bien habillé, parfumé (prêt à séduire en somme), Pierre regarda le miroir une dernière fois pour être convaincu de sa prestance. C’est qu’il voulait à tout prix honorer l’homme qui l’invitait… Dans le bus qui devait le conduire jusqu’au café désigné par Clotaire, il pensait à lui, se disant que la vie pouvait être surprenante à bien des égard, car il y a pas moins d’une semaine, tous deux ne se connaissaient absolument pas, sinon de réputation lointaine. A présent, ils étaient amants et semblaient avoir envie d’aller plus loin dans cette relation dont ni l’un ni l’autre ne pouvait prétendre savoir jusqu’où celle-ci les mènerait. Les deux jeunes hommes allaient certainement en parler ce soir car, si le sexe était évidemment important pour eux, ils avaient envie de sortir de ce cadre ; quand ils se confiaient, à l’un comme à l’autre, que tous deux se manquaient mutuellement, ils le pensaient sincèrement. C’et très étrange, mais réel.
Arrivé sur place, il constatait qu’il était visiblement le premier arrivé, puisque Clotaire, contrairement à ce qu’il avait annoncé, n’était pas encore arrivé à cette heure. « Il doit être encore tout à ses devoirs » pensait, soupirant, Pierre. Durant un quart d’heure que le jeune homme pouvait trouver incroyablement long, celui-ci attendait son compagnon, lequel arriva fort en retard, à pied. Plus sexy que jamais.
Celui-ci s’approchait de Pierre, vêtu de son imperméable noir et d’un pantalon clair qui lui donnaient toujours autant cet air intellectuel absolument séduisant, capable d’en faire tomber plus d’un(e)… Il était coiffé différemment qu’à l’accoutumée, puisque cette fois-ci, en lieu et place de sa très légère crête, ses cheveux étaient dirigés vers sa gauche, à peine laqués ; cela fit rire Pierre, sur le coup, car ainsi coiffé, cela lui donnait un petit air sévère mais pas moins désirable. Plus Clotaire s’approchait de son compagnon, plus son sourire devenait craquant, au point d’exciter Pierre qui se demandait si leur passage dans ce bistrot devait être si nécessaire que cela…
Comme attendu, les deux amants ne s’embrassèrent point. C’était bien trop tôt pour le faire publiquement. Mais tous deux s’accordèrent quelques gestes tendres doublés de sourires sincères, tels deux meilleurs amis ravis de se retrouver après une séparation qui pourrait sembler pénible. Mais Pierre fut assez surpris car si cela se voyait qu’il se contenait pour ne pas s’y abandonner, Clotaire était apparemment très tenté de succombé puisqu’il tenait à rapprocher ses lèvres de celles de son partenaire pour lui parler.
- Je suis désolé pour mon retard, mais le boulot s’est accumulé, j’allais devenir fou…- Toi, devenir fou à cause du boulot ? Ce serait bien la première f…- Non, fou de ne pas pouvoir te voir plus tôt. Parce que tu m’as beaucoup trop manqué aujourd’hui…
Sur ces mots, Clotaire caressa, de ses doigts enveloppés dans de fins gants de cuir, l’avant-bras de Pierre, qui se mettait à trembler d’entendre pareille déclaration amoureuse.
- Bon, eh bien beau gosse ? Tu m’y emmènes dans ton café ? s’impatienta Pierre en souriant.
- Je suis ton prince pour la soirée ! répondit, en riant, Clotaire.
- Ah non…Tu l’es pour très, très longtemps, j’espère !, répliqua Pierre, sur un ton sérieux mais non dénué d’amour profond et sincère.
Tous deux quittèrent le point de rassemblement pour se diriger ensemble, côte-à-côte, vers le café. Ils ne se tenaient pas par la main, mais ils auraient payé cher pour le faire. Sauf que, les conventions étant ce qu’elles sont, ils préféraient éviter les ennuis ; d’ailleurs, ils s’abstenaient par pudeur : après tout, pour vivre heureux, vivons cachés, dixit l’adage… Mais tout au long de leur trajet, les papouilles et gestes tendres, preuve de leur évidente complicité, se multiplièrent. Cette première sortie en couple leur faisait vraiment plaisir : c’était, pour ainsi dire, la première fois qu’ils se rencontraient sans qu’il n’y ait forcément de contexte sexuel. Cette soirée, ils l’espéraient, parce que l’un et l’autre allaient certainement apprendre à mieux se connaître et, surtout, passer du temps en tête-à-tête. Loin des autres, il n’y aurait plus qu’eux, discutant autour d’un verre.
Les deux jeunes hommes, animés par la bonne humeur, arrivèrent enfin devant le fameux bar, évoqué le matin même par Clotaire. Quand il entra, le premier, Pierre n’en revenait pas : c’était un très bel endroit, très reposant, très feutré ; l’endroit idéal pour venir se détendre après un mauvais moment. Il y avait, dans ce bar, un style un peu semblable à celui d’un grand et beau café de gare, mais c’est autrement plus différent car ici, les clients consomment leurs confiseries et leur boisson dans une absolue discrétion ; il paraitrait impossible à quiconque de vouloir entendre quelque bout d’une conversation car tous, lorsqu’ils s’adressaient à leurs interlocuteurs, le faisaient à voix basse. En tout cas s’agissant de celles et ceux qui siégeaient à proximité de l’entrée de l’établissement. Pierre comprenait pourquoi son amant disait apprécier s’y rendre : c’est un endroit très intime et reposant, non dépourvu d’une certaine classe et du confort nécessaire. On devinait volontiers que la clientèle devait être assez aisée. Les deux jeunes étudiants allaient bientôt se diriger vers une table quand soudain, sans qu’on ne s’y attende, une voix posée mais assez enjouée se fit entendre.
- Ne serait-ce pas notre plus beau client ?, demanda, tout sourire, un beau jeune homme de grande taille et de bonne corpulence, les cheveux bruns très courts et les yeux noirs.
- Et si, mon bon Hugo, répondit Clotaire. Alors, comme d’habitude, tu veux bien me conduire à ma table ?
Pour la toute première fois depuis le début de leur relation, Pierre fut saisi d’un sentiment semblable à de la jalousie ; mais après, il devait bien se douter qu’il ne serait pas le seul homme à fréquenter Clotaire ! Ce qui le gênait le plus, c’était l’évidente familiarité qu’avait le serveur avec son amant. D’autant plus qu’il avait remarqué que celui-ci n’était pas vraiment vilain, au contraire. Pierre se mit à penser que peut-être il y allait avoir de la concurrence. Il était loin de se douter, à ce moment-là, que Cédric, qu’il croisait souvent dans les couloirs de la fac, était à craindre tout autant, surtout compte tenu du passé de celui-ci, que Pierre ignorait encore.
Ledit Hugo les conduisit comme promis jusqu’à la table généralement occupée par Clotaire lorsqu’il venait dans cet établissement. C’était une table simple couverte d’une belle et longue nappe blanche à laquelle faisait face deux petites chaises de style baroque ; elle avait la particularité de se situer dans un coin du restaurant, à l’écart des autres tables, ce qui promettait à celui qui y était attablé d’être tout à fait tranquille, ce qu’allaient apprécier particulièrement les deux jeunes hommes.
- Tu ne m’as pas présenté le beau jeune homme qui te tenait compagne, dis-moi…, lança le serveur à Clotaire en regardant Pierre, qui parut un peu gêné d’un tel compliment.
- Eh bien je te présente Pierre… Un ami qui m’est cher. Très cher, sourit Clotaire en réponse, non sans fierté.
- Enchanté Pierre ! Moi, c’est Hugo, se présenta celui-ci en tendant la main à Pierre, qui la serra en se présentant à son tour.
- Pierre, « l’ami très cher » de Clotaire.
- Rassure-toi, j’ai bien compris pour vous deux, lâcha le jeune homme avant de leur adresser un clin d’œil puis de partir faire son service dans le reste du restaurant.
Pierre était troublé, mais Clotaire semblait assez content ; visiblement, cela voulait dire qu’Hugo était son ami. Les deux jeunes hommes se regardèrent les yeux dans les yeux puis s’assirent cote-à-côte en souriant tels deux amoureux. Puisqu’ils étaient à l’écart, ils pouvaient s’échanger des gestes tendres, ce qu’ils ne manquaient pas de faire, s’interrompant seulement quand l’une des serveuses du restaurant prirent leur commande ; tous deux se contentèrent d’un apéritif, un verre de rosé pour Clotaire, un verre de rhum pour Pierre.
Chacun dégustait avec délice son alcool tout comme il savourait le moment. Progressivement, Clotaire se faisait beaucoup plus tendre avec Pierre, qui prenait évidemment bien du plaisir à se laisser caresser la main, la joue puis, subrepticement, la cuisse, ce qui les excitait l’un et l’autre. Mais le sexe n’était pas là le sujet ; Pierre, qui voulait vraiment en savoir plus sur l’homme auquel il se donnait si facilement, se plaisait à jouer les interrogateurs…
- Et du coup, tu connais cet endroit depuis quand ?
- Depuis très, très longtemps… Quand mes grands-parents vivaient encore à Paris, dans l’appartement où je vis à présent, ils m’emmenaient souvent ici avec mes frères et ma sœur quand nous étions bien petits. A présent, j’y retourne seul, deux ou trois fois par semaines pour y prendre une boisson et une fois par mois pour y dîner.
- Seul ?
- Toujours. C’est pour cela qu’Hugo, que tu as vu tout à l’heure, me tient parfois compagnie durant le repas quand il perçoit que je m’ennuie un peu. C’est vraiment quelqu’un de bien, j’avoue que je l’aime beaucoup.
- Ah…- Eh, oh ! Ne panique pas, mon cœur… C’est juste un bon ami qui sait tenir compagnie !
- Oui mais… ’Faut reconnaître qu’il est vachement bien gaulé… Quand même…- Oui, ce n’est pas faux, mais tu sais quoi ? Je suis persuadé qu’il l’est bien moins que toi.
- T’es mignon… Mais je suis persuadé que tu dis ça pour me faire plaisir.
- Non, non, je le pense sincèrement. Et d’ailleurs, je tiens à te rassurer sur ce point.
Après avoir jeté un rapide coup d’œil vers le couloir qui menait à la sortie, qu’empruntaient les serveurs pour servir les occupants de cette table, Clotaire se cacha rapidement sous la nappe, sous le regard de Pierre qui comprenait ce que voulait faire Clotaire ; ils avaient bien assez parlé depuis le début de ce tête-à-tête et tous deux ne manquaient pas d’envier une petite partie de jambes en l’air… Mais Pierre était à des lieues de penser que cela pouvait se faire au restaurant. En effet, Clotaire avait déboutonné le pantalon de son compagnon puis baissé son boxer pour entreprendre une fellation qui devait régaler son compagnon ; l’excitation était accrue par le fait qu’ils s’adonnaient à cet exercice dans un endroit public et, bien que leur table, fort à l’écart, les préservait du regard des autres, ils n’oubliaient pas qu’un serveur pouvait débarquer à tout moment. Mais au lieu de les retenir, cela ne faisait qu’accroître le plaisir qui était le leur ; toutefois, hormis cette caresse buccale, ils savaient bien qu’ils ne pouvaient faire autre chose ici.
Pierre était dans un état d’abandon complet, les yeux levés vers le plafond de la salle, se concentrant de toutes ses forces pour qu’aucun gémissement ne sorte de sa bouche et pourtant, Clotaire mettait bien du cœur à l’ouvrage. Celui-ci, caché sous la nappe, semblait se régalait, tel un enfant comblé de fourrer dans sa bouche une longue sucette très sucrée. De sa langue, il titillait le gland de son compagnon qui, ne souhaitant pas jouir ici, se redressa un peu vivement sur sa chaise. Un peu déçu que cela soit déjà terminé, Clotaire regagna sa place, immédiatement consolé par Pierre.
- Rassure-toi, ça ne s’arrêtera pas là. Ce soir, on poursuit les hostilités ?
- J’y compte bien… Mais attention ! Tu vas payer cher le fait d’avoir mis un terme à ma petite surprise…- Maître, je vous en prie, faites-moi grâce de cette faute…
Les deux jeunes hommes se mirent à rire puis continuèrent leur discussion. Il n’y en avait plus pour bien longtemps car tous les deux étaient déjà très impatients de faire l’amour. Il leur suffisait de quelque minutes pour enfiler leurs manteaux, déposer un pourboire sur la table et, Clotaire ayant une dernière fois salué Hugo par un « A bientôt, mon grand ! », quittèrent le restaurant, pressés de se retrouver enfin tous les deux chez Clotaire.
Ils pressaient le pas car le désir les animait de plus en plus. Une fois la porte de l’immeuble de Clotaire fermée derrière eux, les deux jeunes amants se livrèrent à un superbe baiser amoureux tout en se caressant avec tendresse. Leur baiser ne dura pas bien longtemps car Clotaire voulait éviter de croiser l’un de ses voisins dans pareille posture mais, main dans la main, tous deux montèrent jusqu’à l’appartement de Clotaire. La porte de celui-ci fermée, ils reprirent le cours de leur intense baiser tout en enlevant mutuellement leurs vêtement ; en un rien de temps, tous les deux n’étaient plus que vêtus de leurs boxers, qui contenaient avec difficulté l’érection de leurs engins, dont l’un caressait celui de l’autre à travers le tissu, ce qui ne fit qu’accroître de manière plus intense leur désir. Clotaire interrompit leur baiser pour regarder son compagnon dans les yeux, amoureusement. Le jeune homme avait la particularité d’avoir un regard de braise qui pouvait faire fondre un glaçon.
- Je t’aime Pierre, déclara le jeune homme sur un ton très humble qui pouvait mettre en valeur la sincérité de son propos qui ne manqua pas de faire rougir son compagnon qui remarquait que c’était la première fois que celui-ci l’appelait par son prénom.
- Moi aussi, je t’aime Clotaire, lui répondit-il en l’embrassant dans le cou puis posant sa tête sur l’épaule de son compagnon tout en caressant le corps bien foutu de son partenaire de ses fines mains.
- Je dois t’avouer quelque chose : tu m’attirais depuis que je t’ai croisé quelques jours après la rentrée, mais depuis qu’on a fait l’amour tous les deux, je suis vraiment devenu accro à toi…- C’est réciproque, tu sais… Il n’y a pas une seule minute de ma journée que je passe sans penser à toi, mon petit prince. Je t’aime comme un fou…
[A suivre…]
Que mes lecteurs se rassurent : il va bientôt y avoir quelques rebondissements ! C'est à l'étude, en tout cas. Si vous avez des suggestions, des commentaires ou quelque avis à me faire part, n'hésitez pas :) ! En espérant que vous serez fidèles aux autres aventures de ce duo amoureux...
Chaque matin, c’est invariablement le même rituel : le réveil ne sonne pas après six heures et trente minutes ; le temps pour Clotaire de recouvrer ses esprits tout en s’éveillant sur un air chanté par sa diva préférée, puis de prendre une douche bien chaude, exercice qu’il renouvelait avec plaisir le soir-même, il se préparait avec minutie pour aller à la fac : il était toujours vêtu de manière très élégante, avec un pantalon sombre ou clair (selon son humeur) et une chemise sur laquelle le couvrait une veste sombre ou un pull en fine laine. Enfin, il se parfumait légèrement avec « Ambre noir », une eau qu’il aimait beaucoup parce qu’elle « n’empestait pas la drague à deux balles » comme il disait pour mépriser les parfums « trop remarquables » et parce que l’odeur lui paraissait particulièrement douce. Le temps d’enfiler ses chaussures, il pouvait alors prendre son petit déjeuner.
Le temps qu’il lui restait pour gagner la fac en métro lui permettait, pour une fois, de prendre son temps pour savourer son bol de Cruesli, qu’il accompagnait toujours d’une pomme et d’un jus d’orange. Un petit déjeuner concis, qui devait lui permettre de tenir toute la journée. Aujourd’hui, il n’avait pas très faim ; certains pourront penser que l’amour n’y est pas pour rien… Ce n’est pas tout à fait faux, puisque tout en faisant tourner sa cuillère dans son bol empli de céréales noyées dans du lait, il songeait à Pierre. Il se mettait à sourire quand il songeait à lui, ce qui n’était jamais arrivé par le passé, car pour lui, l’amour pouvait bien se limiter à la phrase « je t’aime », quelques baisers et gestes tendres… C’était curieux, mais à présent, il avait quasiment tout le temps envie d’être avec Pierre, de le serrer dans ses bras, de faire l’amour avec lui sans penser à quoique ce soit d’autre… Il était obnubilé par lui, ce jeune homme un peu tête en l’air et peu travailleur mais qui parvenait à le faire rire, à le faire sourire, avec lequel il aimait bien parler de lui, d’eux, de leurs familles… Quelqu’un qui le comprenait, en somme. Ce qui n’était pas arrivé depuis qu’Eugénie, sa meilleure amie, et lui, se sont séparés il y a quelques mois…
Après ce petit déjeuner assez bref, il n’avait plus qu’à se brosser les dents, avant de prendre sa sacoche et son petit imperméable noir pour partir, enfin, presque impatient de retrouver son homme dans les mêmes couloirs que lui. Oh, bien sûr, il n’était nullement question, pour l’instant au moins, d’assumer cette histoire : bien qu’il n’était pas franchement sensible au « qu’en dira-t-on ? », il ne lui déplaisait pas d’avoir sa petite part de mystère et d’ailleurs, Pierre lui-même approuvait son avis : leur histoire ne regardait qu’eux. Peut-être qu’un jour prochain leur viendra l’idée de vivre leur amour au grand jour… En se disant cela, Clotaire retint un sourire : cela faisait à peine trois jours que Pierre et lui étaient amants, et déjà, les projets lui venaient en tête. C’est que chacun se sera rendu compte que Clotaire est un jeune homme particulièrement organisé, qui n’apprécie que modérément l’imprévu. Sauf s’agissant du sexe évidemment, mais cela, c’est une autre affaire…
En arrivant à la fac, Clotaire reprit tout le sérieux qui le caractérisait si bien. Il ne prit pas la peine de saluer qui que ce soit, préférant déjà chercher sa place dans l’amphi pour suivre le cours qui devait bientôt commencer. Pierre était déjà là, ses affaires de cours posées devant lui ; il attendait certainement Amandine, l’une de ses amies qui le côtoie durant les cours. Or, à la grande surprise de Pierre, mais aussi pour son grand bonheur, Clotaire prit les devants en s’asseyant à côté de celui qui ne demeurait officiellement que son partenaire d’exposé. Ce dernier ne manqua pas d’en être étonné.
- Eh ben… Que me vaut l’honneur ?, sourit Pierre tel un enfant.
- J’avais quelque chose à te montrer à propos de notre exposé, donc je me suis permis de prendre la place t’étant voisine.
Pierre étant assez troublé par la réponse, Clotaire s’empressa de lui adresser un petit sourire doublé d’un clin d’œil complice. Pierre était dans tous ses états : c’était la toute première fois que Clotaire semblait adresser assez ostensiblement un geste tendre à l’égard de son compagnon, ce qui fit rougir de plaisir le jeune homme, très content de se retrouver à côté de son amant régulier.
Par contre, lorsque Amandine arriva, les choses se compliquèrent un peu…
- Pardon, môssieur Clotaire, mais ici, c’est ma place.
- Tu peux bien me la prêter pour les deux heures qui viennent, non ? Je dois étudier un truc avec Pierre, c’est exceptionnel…- Sauf que moi, j’ai envie d’être à côté de mon ami, donc sois gentil : barre-toi !
- Stop ! imposa Pierre, enfin sorti de son silence. Clotaire veut juste me montrer quelque chose pour notre exposé ; tu ne penses pas que nos délires peuvent attendre un peu, non ? Rassure-toi : à la fin du cours, je te retrouve, mais là, s’il te plaît, laisse-nous bosser tous les deux.
- Je préfère te prévenir, toi : ne viens pas la ramener aujourd’hui, mit en garde Amandine en tournant les talons, ne cachant nullement sa vexation.
Sans accorder un seul regard à son amie qui partait au bord de la rage, Pierre se mit à sourire à Clotaire qui lui sourit en retour, avec un regard de braise qui pourrait faire fondre toute une banquise. Comme prévu, tous deux discutèrent essentiellement de l’exposé mais, de temps en temps, le regard complice, ils s’échangeaient quelques petites plaisanteries ou bons mots qui provoquaient quelques rires étouffés. C’était bien la première fois que Clotaire ne suivait pas attentivement un cours magistral et cela, nombreux furent ceux qui l’avaient remarqué…
Les deux amoureux, parfois, s’accordaient quelques petits sourires qui pouvaient traduire une certaine complicité aux yeux de tous, et cela, Pierre en était infiniment heureux ; ce n’était pas une officialisation de leur couple, mais c’était une preuve de l’attachement qu’avait Clotaire à son égard. Finalement, tous deux discutèrent de tout durant ce cours… sauf de leur exposé, ce qui devait être la raison de leur rencontre !
Vers la fin de ce cours magistral, le couple se mit demeurait à l’écart, dans l’amphi, tandis que les autres, dont Amandine, toujours aussi froide depuis tout à l’heure, commençait à quitter les lieux. Il n’était nullement question de leur couple dans cette conversation qui se voulait publiquement amicale, mais tous deux n’avaient au fond qu’une seule envie : disposer à eux seuls des lieux pour s’envoyer en l’air comme ils avaient désormais coutume de le faire. Alors qu’une poignée de gens demeurait dans l’amphi, Clotaire, soudainement, parcourut de sa main droite le bras de son interlocuteur en lui souriant de manière appuyée, ce qui ne manquait pas de surprendre Pierre, lequel fut saisi d’un léger tremblement que Clotaire pouvait prendre comme un ressenti du geste tendre qu’il venait de lui accorder de façon publique… Sur ce geste, il prit congé de son homme en lui rappelant qu’ils devaient se voir dans l’après-midi pour discuter de la proposition que Clotaire devait faire à son compagnon.
- Je te retrouve dans les jardins de la fac ?
- Je dois t’avouer que je n’ai pas beaucoup travaillé hier soir, je dois rattraper mon retard. Mais si tu veux bien, j’aimerais qu’on prenne un verre tous les deux ce soir.
- Première sortie en couple ?, chuchota Pierre, taquin.
- On peut dire cela, oui, sourit Clotaire à son tour. Tu connais le café La Table de Cassini ? C’est un endroit que j’aime beaucoup, j’aimerais vraiment te le faire découvrir ; et puis, comme c’est assez intime comme endroit, on pourra se parler à cœur ouvert, tous les deux.
Pierre n’en croyait pas ses oreilles ; Clotaire et lui parlaient sans grande gêne de leur vie de couple au sein-même de la fac ; il était d’autant plus ravi qu’il venait d’entendre Clotaire lui dire qu’il aimerait lui faire connaître un endroit qu’il apprécie particulièrement. Tous les deux convinrent de l’heure de leur rendez-vous : ils devront se retrouver à 21 heures, juste devant l’endroit qu’évoquait Clotaire.
C’est sur cette promesse que les deux amants se séparèrent, très impatients de se retrouver enfin tous les deux, sans devoir le faire à la fac, au beau milieu de tous ces étudiants…
Alors que Clotaire devait se rendre à un T.D. auquel n’était pas inscrit Pierre, ce dernier s’en alla trouver Amandine, qui, lorsqu’elle le vit arriver, prit un air sévère, voire hautain, que Pierre, encore sur son petit nuage, ne cherchait pas à comprendre, bien qu’il était interloqué par l’attitude de son amie.
- Eh ben… Tu me fais la gueule ?
- Non, pas du tout. Alors, comment cela se passe avec ton nouvel ami ?
- Ma parole… T’es jalouse ?! On devait juste travailler notre exposé…- Tu me prends pour une conne ? Pas un seul instant vous n’avez bossé ! Par contre, pour sûr, je vous ai vu sourire plusieurs fois de suite, et à mon avis, votre foutu exposé ne l’exigeait pas… Même le prof vous a chopés puisqu’il a engueulé Clotaire et, de mémoire générale, c’était la première fois qu’il se faisait remarquer comme ça…- Oui, on plaisantait de temps en temps mais calme-toi un peu… Le côté « harpie », cela ne te va pas du tout.
- Franchement, dis-moi la vérité… Qu’est-ce que tu peux bien lui trouver à ce mec ? Il est aussi chiant que la pluie… On me dirait qu’il est sympa, je serai incapable de le croire !
- Tu ne le connais pas, alors ferme-la.
- Pardon, mais je ne peux pas le blairer, et quand je n’aime pas quelqu’un, c’est que j’ai de bonnes raisons…- Je vais être assez clair, j’espère : je refuse que tu parles de lui comme ça. Tu ne le connais ni de près ni de le loin, alors tu lui fous la paix. Il ne mérite pas ta condescendance.
- Pourquoi tu tiens à le défendre avec une telle vigueur ? Eh bien, réponds...
- PARCE QUE C’EST MON MEC ! C’est assez clair, comme ça ?
A ce moment là, tous les deux se turent. Amandine, parce qu’elle était sidérée de ce qu’elle venait entendre ; Pierre, parce qu’il venait de se rendre compte de la bourde, et c’est un euphémisme, qu’il venait de commettre. Durant un long moment, qui devait paraître interminable pour l’étudiant, sa camarade le fixa de ses grands yeux clairs, comme si elle n’avait pas saisi le message qui avait pourtant le mérite d’être aussi clair que de l’eau de roche… Pierre, quant à lui, peinait à comprendre ce qui l’avait poussé à révéler son secret ; il n’avait absolument pas honte des sentiments qu’il éprouvait sincèrement à l’égard de son amoureux, mais parce qu’il se doutait bien que celui-ci, lorsqu’il l’apprendrait, serait certainement fou de rage. Les deux amis restèrent un long moment silencieux, avant qu’Amandine ne finisse par briser la glace. Enfin.
- Je ne peux pas le croire…- Crois-le ou non, cela m’indiffère.
- Mais vous ne vous connaissez que depuis trois jours ! A PEINE !
- Inutile de me le rappeler, je le sais. On le sait. Mais on s’aime. On en est convaincus. Il nous faudra un peu de temps pour nous connaître vraiment, mais on s’aime déjà. Quand on n’est pas l’un à côté de l’autre, il y a un manque qu’on ne peut pas combler. Je ne vais pas faire un exposé là-dessus, mais j’aime vraiment ce mec. Je pense que c’est réciproque et c’est pour ça que je veux me donner à fond dans cette histoire.
- Tout ça parce que vous avez couché ensemble ?
- Ce n’est pas que sexuel. Cela compte évidemment, mais il y a autre chose. J’ai envie de passer du temps avec lui, comme cela a été le cas ce matin. Et tu t’en seras rendu compte : nous n’étions pas en mesure de baiser quand on était côte-à-côte, dans l’amphi. Cela ne nous a pas empêché de savourer le moment.
Amandine et Pierre commençaient à sourire de ce dialogue quelque peu surréaliste. L’amie de Pierre venait de prendre conscience qu’il y a encore une dizaine de minutes, elle ignorait complètement que celui-ci avait une relation vraisemblablement prometteuse et, surtout, que Clotaire était gay. Sur ce point, c’est vrai, elle était assez déçue : elle aurait bien aimé l’attirer car, en plus d’être brillant, Clotaire était, il faut le reconnaître, un mec très bien foutu qui ne laissait que bien trop peu de femmes indifférentes…
- Eh bien… Félicitations pour ta belle prise !, plaisantait Amandine, qui venait de retrouver sa bonne humeur. Quoique, j’aimerais bien que vous cassiez vite…- Ah ? Pourquoi dis-tu cela ? demanda Pierre, interloqué.
- Ben… Comme ça, il sera libre et je vais pouvoir tenter ma chance.
- Ma pauvre fille… Laisse tomber : il est gay ! C’est un fait avéré.
- Certes, mais bon… Je peux croire en ma chance.
- Tu as la foi des premier chrétiens, ma belle, rigolait Pierre. De toute façon, il n’est pas pour toi : il sait bien qu’avec moi, celui ou celle qui le convoite aura du souci à se faire !
Les deux amis rigolèrent de nouveau ; la journée pouvait reprendre son cours ordinaire. Toutefois, Pierre avait fait promettre Amandine de ne rien révéler de cette relation encore secrète, ce qu’avait accepté, avec compréhension, la jeune femme. La bonne humeur avait regagné Pierre, mais celui-ci ne put s’empêcher de se poser une question : « dois-je informer Clotaire que l’une de mes amies sait pour nous ? ». A vrai dire, il ne savait pas ce qui pourrait être le mieux : le dire à son petit ami par amour, pour lui prouver qu’il n’avait rien à lui cacher s’agissant d’eux, ou dissimuler la nouvelle a son amant, qui ne serait certainement pas très heureux d’apprendre pareille nouvelle…
Le doute l’assaillait, mais l’essentiel était ailleurs : ce soir, il allait voir Clotaire et, le connaissant, cette sortie en ville précéderait forcément quelques caresses intimes dont l’un et l’autre semblaient devenus accros.
La journée fut très longue pour eux. Ils avaient impatience de se retrouver l’un et l’autre car, pour récente que soit leur histoire, ils avaient bien des projets en commun. L’un et l’autre, plus que tout, vouaient, par exemple, se fréquenter davantage, se voir plus souvent… La préparation de leur exposé leur permettrait cela, bien sûr, mais la bibliothèque universitaire n’est pas un lieu rêve pour des gestes tendres ou des mots enveloppés de tendresse.
En rentrant chez lui, Pierre s’empressa de faire sa toilette : il voulait être impeccable car, d’une certaine manière, cela devait être sa première sortie en couple avec Clotaire. Il voulait l’honorer de l’avoir accompagné et, pour cela, entreprit de se faire tout beau : douche, rasage, soins du visage, tenue très soignée… Il avait envie de lui plaire exactement comme ce fut le cas lors de leur première rencontre, quelques jours auparavant, chez Clotaire.
Il commença par la douche. Un moment que devait apprécier Pierre car lorsque ses mains parcouraient son corps pour l’envelopper de gel, il songeait à Clotaire, en imaginant les suites de leur sortie nocturne. Peu importe l’endroit, peu importe le contexte pourvu que son homme le prenne avec fougue et frénésie tel un étalon passionné. En se masturbant alors que l’eau coulait sur son corps, il s’imaginait se faire prendre par son amant, toujours aussi dominant qu’il était. Durant leurs ébats, il osait à peine le dire, mais il aimait de plus en plus être dominé par Clotaire ; c’était la première fois qu’il acceptait cela d’un homme, mais il aimait vraiment ça. Il appréciait d’autant plus la manière dont celui-ci s’adressait à lui quand il le prenait, lorsqu’il lui donnait du « Tu aimes bien ma queue, pas vrai ? »… C’était assez paradoxal car, en dehors du sexe, Clotaire était un jeune homme particulièrement sensuel et doux, presque prévenant à l’égard de Pierre, qui n’était pas qu’un simple partenaire sexuel.
Sous la douche, Pierre se voyait sucer la queue de son homme qui, comblé de plaisir, lui rendrait la pareille avec un 69. Il avait cependant remarqué que, depuis le début de leur aventure, lui-même était le seul passif de leur duo et que jamais il n’avait encore eu l’occasion de prendre Clotaire. Il en venait à se demander si Clotaire allait s’obstiner à refuser s’offrir à lui. C’est vrai que Pierre apprécierait que, pour une fois, les rôles puissent s’inverser, mais il n’avait pas franchement envie d’embêter son compagnon avec ce genre de chose qui, pour importante qu’elle soit, n’avait rien de fondamentalement essentiel…
Une fois tout propre, bien habillé, parfumé (prêt à séduire en somme), Pierre regarda le miroir une dernière fois pour être convaincu de sa prestance. C’est qu’il voulait à tout prix honorer l’homme qui l’invitait… Dans le bus qui devait le conduire jusqu’au café désigné par Clotaire, il pensait à lui, se disant que la vie pouvait être surprenante à bien des égard, car il y a pas moins d’une semaine, tous deux ne se connaissaient absolument pas, sinon de réputation lointaine. A présent, ils étaient amants et semblaient avoir envie d’aller plus loin dans cette relation dont ni l’un ni l’autre ne pouvait prétendre savoir jusqu’où celle-ci les mènerait. Les deux jeunes hommes allaient certainement en parler ce soir car, si le sexe était évidemment important pour eux, ils avaient envie de sortir de ce cadre ; quand ils se confiaient, à l’un comme à l’autre, que tous deux se manquaient mutuellement, ils le pensaient sincèrement. C’et très étrange, mais réel.
Arrivé sur place, il constatait qu’il était visiblement le premier arrivé, puisque Clotaire, contrairement à ce qu’il avait annoncé, n’était pas encore arrivé à cette heure. « Il doit être encore tout à ses devoirs » pensait, soupirant, Pierre. Durant un quart d’heure que le jeune homme pouvait trouver incroyablement long, celui-ci attendait son compagnon, lequel arriva fort en retard, à pied. Plus sexy que jamais.
Celui-ci s’approchait de Pierre, vêtu de son imperméable noir et d’un pantalon clair qui lui donnaient toujours autant cet air intellectuel absolument séduisant, capable d’en faire tomber plus d’un(e)… Il était coiffé différemment qu’à l’accoutumée, puisque cette fois-ci, en lieu et place de sa très légère crête, ses cheveux étaient dirigés vers sa gauche, à peine laqués ; cela fit rire Pierre, sur le coup, car ainsi coiffé, cela lui donnait un petit air sévère mais pas moins désirable. Plus Clotaire s’approchait de son compagnon, plus son sourire devenait craquant, au point d’exciter Pierre qui se demandait si leur passage dans ce bistrot devait être si nécessaire que cela…
Comme attendu, les deux amants ne s’embrassèrent point. C’était bien trop tôt pour le faire publiquement. Mais tous deux s’accordèrent quelques gestes tendres doublés de sourires sincères, tels deux meilleurs amis ravis de se retrouver après une séparation qui pourrait sembler pénible. Mais Pierre fut assez surpris car si cela se voyait qu’il se contenait pour ne pas s’y abandonner, Clotaire était apparemment très tenté de succombé puisqu’il tenait à rapprocher ses lèvres de celles de son partenaire pour lui parler.
- Je suis désolé pour mon retard, mais le boulot s’est accumulé, j’allais devenir fou…- Toi, devenir fou à cause du boulot ? Ce serait bien la première f…- Non, fou de ne pas pouvoir te voir plus tôt. Parce que tu m’as beaucoup trop manqué aujourd’hui…
Sur ces mots, Clotaire caressa, de ses doigts enveloppés dans de fins gants de cuir, l’avant-bras de Pierre, qui se mettait à trembler d’entendre pareille déclaration amoureuse.
- Bon, eh bien beau gosse ? Tu m’y emmènes dans ton café ? s’impatienta Pierre en souriant.
- Je suis ton prince pour la soirée ! répondit, en riant, Clotaire.
- Ah non…Tu l’es pour très, très longtemps, j’espère !, répliqua Pierre, sur un ton sérieux mais non dénué d’amour profond et sincère.
Tous deux quittèrent le point de rassemblement pour se diriger ensemble, côte-à-côte, vers le café. Ils ne se tenaient pas par la main, mais ils auraient payé cher pour le faire. Sauf que, les conventions étant ce qu’elles sont, ils préféraient éviter les ennuis ; d’ailleurs, ils s’abstenaient par pudeur : après tout, pour vivre heureux, vivons cachés, dixit l’adage… Mais tout au long de leur trajet, les papouilles et gestes tendres, preuve de leur évidente complicité, se multiplièrent. Cette première sortie en couple leur faisait vraiment plaisir : c’était, pour ainsi dire, la première fois qu’ils se rencontraient sans qu’il n’y ait forcément de contexte sexuel. Cette soirée, ils l’espéraient, parce que l’un et l’autre allaient certainement apprendre à mieux se connaître et, surtout, passer du temps en tête-à-tête. Loin des autres, il n’y aurait plus qu’eux, discutant autour d’un verre.
Les deux jeunes hommes, animés par la bonne humeur, arrivèrent enfin devant le fameux bar, évoqué le matin même par Clotaire. Quand il entra, le premier, Pierre n’en revenait pas : c’était un très bel endroit, très reposant, très feutré ; l’endroit idéal pour venir se détendre après un mauvais moment. Il y avait, dans ce bar, un style un peu semblable à celui d’un grand et beau café de gare, mais c’est autrement plus différent car ici, les clients consomment leurs confiseries et leur boisson dans une absolue discrétion ; il paraitrait impossible à quiconque de vouloir entendre quelque bout d’une conversation car tous, lorsqu’ils s’adressaient à leurs interlocuteurs, le faisaient à voix basse. En tout cas s’agissant de celles et ceux qui siégeaient à proximité de l’entrée de l’établissement. Pierre comprenait pourquoi son amant disait apprécier s’y rendre : c’est un endroit très intime et reposant, non dépourvu d’une certaine classe et du confort nécessaire. On devinait volontiers que la clientèle devait être assez aisée. Les deux jeunes étudiants allaient bientôt se diriger vers une table quand soudain, sans qu’on ne s’y attende, une voix posée mais assez enjouée se fit entendre.
- Ne serait-ce pas notre plus beau client ?, demanda, tout sourire, un beau jeune homme de grande taille et de bonne corpulence, les cheveux bruns très courts et les yeux noirs.
- Et si, mon bon Hugo, répondit Clotaire. Alors, comme d’habitude, tu veux bien me conduire à ma table ?
Pour la toute première fois depuis le début de leur relation, Pierre fut saisi d’un sentiment semblable à de la jalousie ; mais après, il devait bien se douter qu’il ne serait pas le seul homme à fréquenter Clotaire ! Ce qui le gênait le plus, c’était l’évidente familiarité qu’avait le serveur avec son amant. D’autant plus qu’il avait remarqué que celui-ci n’était pas vraiment vilain, au contraire. Pierre se mit à penser que peut-être il y allait avoir de la concurrence. Il était loin de se douter, à ce moment-là, que Cédric, qu’il croisait souvent dans les couloirs de la fac, était à craindre tout autant, surtout compte tenu du passé de celui-ci, que Pierre ignorait encore.
Ledit Hugo les conduisit comme promis jusqu’à la table généralement occupée par Clotaire lorsqu’il venait dans cet établissement. C’était une table simple couverte d’une belle et longue nappe blanche à laquelle faisait face deux petites chaises de style baroque ; elle avait la particularité de se situer dans un coin du restaurant, à l’écart des autres tables, ce qui promettait à celui qui y était attablé d’être tout à fait tranquille, ce qu’allaient apprécier particulièrement les deux jeunes hommes.
- Tu ne m’as pas présenté le beau jeune homme qui te tenait compagne, dis-moi…, lança le serveur à Clotaire en regardant Pierre, qui parut un peu gêné d’un tel compliment.
- Eh bien je te présente Pierre… Un ami qui m’est cher. Très cher, sourit Clotaire en réponse, non sans fierté.
- Enchanté Pierre ! Moi, c’est Hugo, se présenta celui-ci en tendant la main à Pierre, qui la serra en se présentant à son tour.
- Pierre, « l’ami très cher » de Clotaire.
- Rassure-toi, j’ai bien compris pour vous deux, lâcha le jeune homme avant de leur adresser un clin d’œil puis de partir faire son service dans le reste du restaurant.
Pierre était troublé, mais Clotaire semblait assez content ; visiblement, cela voulait dire qu’Hugo était son ami. Les deux jeunes hommes se regardèrent les yeux dans les yeux puis s’assirent cote-à-côte en souriant tels deux amoureux. Puisqu’ils étaient à l’écart, ils pouvaient s’échanger des gestes tendres, ce qu’ils ne manquaient pas de faire, s’interrompant seulement quand l’une des serveuses du restaurant prirent leur commande ; tous deux se contentèrent d’un apéritif, un verre de rosé pour Clotaire, un verre de rhum pour Pierre.
Chacun dégustait avec délice son alcool tout comme il savourait le moment. Progressivement, Clotaire se faisait beaucoup plus tendre avec Pierre, qui prenait évidemment bien du plaisir à se laisser caresser la main, la joue puis, subrepticement, la cuisse, ce qui les excitait l’un et l’autre. Mais le sexe n’était pas là le sujet ; Pierre, qui voulait vraiment en savoir plus sur l’homme auquel il se donnait si facilement, se plaisait à jouer les interrogateurs…
- Et du coup, tu connais cet endroit depuis quand ?
- Depuis très, très longtemps… Quand mes grands-parents vivaient encore à Paris, dans l’appartement où je vis à présent, ils m’emmenaient souvent ici avec mes frères et ma sœur quand nous étions bien petits. A présent, j’y retourne seul, deux ou trois fois par semaines pour y prendre une boisson et une fois par mois pour y dîner.
- Seul ?
- Toujours. C’est pour cela qu’Hugo, que tu as vu tout à l’heure, me tient parfois compagnie durant le repas quand il perçoit que je m’ennuie un peu. C’est vraiment quelqu’un de bien, j’avoue que je l’aime beaucoup.
- Ah…- Eh, oh ! Ne panique pas, mon cœur… C’est juste un bon ami qui sait tenir compagnie !
- Oui mais… ’Faut reconnaître qu’il est vachement bien gaulé… Quand même…- Oui, ce n’est pas faux, mais tu sais quoi ? Je suis persuadé qu’il l’est bien moins que toi.
- T’es mignon… Mais je suis persuadé que tu dis ça pour me faire plaisir.
- Non, non, je le pense sincèrement. Et d’ailleurs, je tiens à te rassurer sur ce point.
Après avoir jeté un rapide coup d’œil vers le couloir qui menait à la sortie, qu’empruntaient les serveurs pour servir les occupants de cette table, Clotaire se cacha rapidement sous la nappe, sous le regard de Pierre qui comprenait ce que voulait faire Clotaire ; ils avaient bien assez parlé depuis le début de ce tête-à-tête et tous deux ne manquaient pas d’envier une petite partie de jambes en l’air… Mais Pierre était à des lieues de penser que cela pouvait se faire au restaurant. En effet, Clotaire avait déboutonné le pantalon de son compagnon puis baissé son boxer pour entreprendre une fellation qui devait régaler son compagnon ; l’excitation était accrue par le fait qu’ils s’adonnaient à cet exercice dans un endroit public et, bien que leur table, fort à l’écart, les préservait du regard des autres, ils n’oubliaient pas qu’un serveur pouvait débarquer à tout moment. Mais au lieu de les retenir, cela ne faisait qu’accroître le plaisir qui était le leur ; toutefois, hormis cette caresse buccale, ils savaient bien qu’ils ne pouvaient faire autre chose ici.
Pierre était dans un état d’abandon complet, les yeux levés vers le plafond de la salle, se concentrant de toutes ses forces pour qu’aucun gémissement ne sorte de sa bouche et pourtant, Clotaire mettait bien du cœur à l’ouvrage. Celui-ci, caché sous la nappe, semblait se régalait, tel un enfant comblé de fourrer dans sa bouche une longue sucette très sucrée. De sa langue, il titillait le gland de son compagnon qui, ne souhaitant pas jouir ici, se redressa un peu vivement sur sa chaise. Un peu déçu que cela soit déjà terminé, Clotaire regagna sa place, immédiatement consolé par Pierre.
- Rassure-toi, ça ne s’arrêtera pas là. Ce soir, on poursuit les hostilités ?
- J’y compte bien… Mais attention ! Tu vas payer cher le fait d’avoir mis un terme à ma petite surprise…- Maître, je vous en prie, faites-moi grâce de cette faute…
Les deux jeunes hommes se mirent à rire puis continuèrent leur discussion. Il n’y en avait plus pour bien longtemps car tous les deux étaient déjà très impatients de faire l’amour. Il leur suffisait de quelque minutes pour enfiler leurs manteaux, déposer un pourboire sur la table et, Clotaire ayant une dernière fois salué Hugo par un « A bientôt, mon grand ! », quittèrent le restaurant, pressés de se retrouver enfin tous les deux chez Clotaire.
Ils pressaient le pas car le désir les animait de plus en plus. Une fois la porte de l’immeuble de Clotaire fermée derrière eux, les deux jeunes amants se livrèrent à un superbe baiser amoureux tout en se caressant avec tendresse. Leur baiser ne dura pas bien longtemps car Clotaire voulait éviter de croiser l’un de ses voisins dans pareille posture mais, main dans la main, tous deux montèrent jusqu’à l’appartement de Clotaire. La porte de celui-ci fermée, ils reprirent le cours de leur intense baiser tout en enlevant mutuellement leurs vêtement ; en un rien de temps, tous les deux n’étaient plus que vêtus de leurs boxers, qui contenaient avec difficulté l’érection de leurs engins, dont l’un caressait celui de l’autre à travers le tissu, ce qui ne fit qu’accroître de manière plus intense leur désir. Clotaire interrompit leur baiser pour regarder son compagnon dans les yeux, amoureusement. Le jeune homme avait la particularité d’avoir un regard de braise qui pouvait faire fondre un glaçon.
- Je t’aime Pierre, déclara le jeune homme sur un ton très humble qui pouvait mettre en valeur la sincérité de son propos qui ne manqua pas de faire rougir son compagnon qui remarquait que c’était la première fois que celui-ci l’appelait par son prénom.
- Moi aussi, je t’aime Clotaire, lui répondit-il en l’embrassant dans le cou puis posant sa tête sur l’épaule de son compagnon tout en caressant le corps bien foutu de son partenaire de ses fines mains.
- Je dois t’avouer quelque chose : tu m’attirais depuis que je t’ai croisé quelques jours après la rentrée, mais depuis qu’on a fait l’amour tous les deux, je suis vraiment devenu accro à toi…- C’est réciproque, tu sais… Il n’y a pas une seule minute de ma journée que je passe sans penser à toi, mon petit prince. Je t’aime comme un fou…
[A suivre…]
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