ET si ... (plus) 1/4
Récit érotique écrit par Misa [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 09-12-2012 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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ET si ... (plus) 1/4
Et si … (plus) – (Misa/2011)
1ère partie
J’ai installé la chaise longue sur la pelouse entre l’appentis et la maison à l’ombre
du grand sapin et je la regarde s’activer.
Elle s’est mis en tête de repeindre la petite table ronde en fer et les chaises.
On était toutes les deux en train de nous dorer au soleil en feuilletant des
magazines quand elle s’est levée tout d’un coup ; elle est restée un moment les mains
sur les hanches, en regardant le jardin :
- Je vais peindre la table !
- Sans moi … tu t’habilles un peu, quand même ?
- Je te plais pas, comme ça ?
- Oh si, mais je suis pas sûre que ce soit adapté pour bosser !
J’avais mis un maillot de bain ; elle, s’était débarrassée de sa jupe et de son
chemisier jetés en vrac sur le dossier du canapé avant de sortir et était restée
ainsi, les seins à l’air, ne gardant sur elle que sa petite culotte blanche en
dentelle.
On devine encore à des tâches plus claires sur sa hanche et sa cuisse bronzées, les
endroits où la peau a été arrachée.
Elle s’est penchée pour me faire un baiser et elle est partie d’un pas décidé vers le
garage.
Déjà trois mois … C’était un jeudi …
C’était un jour comme les autres. J’ai cherché des signes, je n’ai rien trouvé. Pour
moi, c’était un jour ordinaire, et pourtant, je me souviens de tout. Vraiment de tout.
De ce jour-là, d’abord …
… le réveil a encore sonné trop tôt, non pas qu’il ait interrompu un rêve, de ceux
dont on aimerait qu’ils durent encore, mais je manque de sommeil. Encore un jour.
Un grognement de l’autre côté du lit. Marie se soulève sur un coude :
- Déjà ? … merde …
Elle a pris l’habitude, ne me demande même plus. Quand mes horaires de service
correspondent à ses heures de bureau, elle dort à la maison au lieu de rentrer chez
elle, pour économiser le temps de transport vers sa banlieue.
Depuis que Gilles n’est plus là, elle a abandonné la chambre d’amis. Ça non plus elle
n’a pas vraiment demandé. Elle s’est installée un soir dans mon lit, voilà tout.
- On va se tenir chaud …
… et elle s’est collée à mon dos, la main sur ma taille. Si vraiment elle avait froid,
pourquoi elle dormait à poil ?
Elle est transparente … comme si je ne savais pas où elle voulait en venir depuis
quelque temps ! Comme si je croyais vraiment depuis qu’elle squattait mon lit que
c’est par hasard que je me réveillais dans la nuit avec sa main sur mes seins ou sous
mon t-shirt !
Un soir où je n’allais pas trop bien, je me suis laissée faire … c’est plus difficile
maintenant de la repousser.
Je l’aime bien, mais je ne l’aime pas … et le sexe sans amour, je n’y arrive pas bien
; je suis un peu mal à l’aise.
Hier soir, on est rentrées tard, on était fatiguées toutes les deux ; on a à peine
grignoté avant de nous coucher.
- Allez … ça nous détendra …
… elle avait déjà glissé la main sous ma culotte, sur mes fesses …
Faut pas exagérer non plus, je ne suis pas hypocrite ! Je ne suis pas ‘victime’ de ses
avances ! J’y prends aussi du plaisir, parfois. Mais je ne vais pas au-devant, je ne
ressens pas d’attirance particulière. Je profite … je suis une faible ? Sans doute …
Mais le plus souvent je préfère les moments où moi je la caresse à ceux où c’est elle
qui veut me donner du plaisir ; elle est trop brusque, il lui arrive aussi de me faire
mal. Elle ne fait pas exprès, je le sais. Et puis cette manie de vouloir à tout prix
me rentrer ses doigts, profonds, ça m’agace ! Je lui ai dit, pourtant, mais non, on
dirait qu’elle cherche la performance ! Si je la laissais faire … ! C’est pas parce
qu’elle aime ça que je dois aimer aussi ! Mais la douceur, c’est pas son truc.
- Pas ce soir, Marie …
- Mais on se voit plus avant lundi …
Je me suis tournée vers elle et je l’ai repoussée d’une main sur son épaule. J’ai posé
ma main sur son ventre.
Pas de baiser.
Pas de câlin.
Elle s’en fout.
Pas de préliminaires.
Le pouce planté dans le vagin, l’index et le majeur entre ses fesses ; elle adore.
Elle a repoussé la couette du pied et a soulevé les genoux de ses deux mains. Elle
mouille peu. Au début, je lui proposais du lubrifiant, mais non, elle préfère comme
ça, cette friction douloureuse l’amène plus sûrement au plaisir. Elle est un peu maso.
Elle a essayé plusieurs fois de me faire partager ce plaisir-là, mais moi j’aime la
douceur.
Je me suis activée pour qu’elle jouisse vite et je lui ai tourné le dos en retenant sa
main entre les miennes. Pas envie.
Sa présence me pèse. Je finirai par le lui dire, en tentant de ne pas me fâcher avec
elle.
Ce week-end, elle rentre chez elle, en banlieue, retrouve son mec ; elle me racontera
leurs exploits la semaine prochaine … et ça aussi ça m’agace ! Je me fous de savoir
dans quelle pièce, dans quelle position et combien de fois ils ont fait l’amour ! Mais
elle s’étale, elle en rajoute et multiplie les détails. Franchement, je me fous
complètement qu’elle lui attache les testicules et qu’elle lui mette un doigt entre
les fesses ! Et plus elle raconte, plus ça l’excite, et plus ça m’agace ! Mais elle
s’en rend pas compte, ou elle s’en fout … c’est ma faute … je laisse faire …
J’ai branché le chauffage d’appoint dans la salle de bains en enfilant mon peignoir en
éponge.
Ma tasse de café à la main, café de la veille réchauffé dont les deux sucres ne
parviennent pas à faire oublier l’amertume, j’écarte le rideau du salon sur le jardin.
Les écailles de peinture sur la table ronde en fer disparaissent sous les gouttes
d’eau qu’elles accrochent, points de lumière miroirs où se mêlent le gris du ciel et
le vert cru des branches lourdes d’eau du grand sapin. Tout est trop vert sous la
lumière mouillée du petit matin. Il pleut et j’ai froid. Je tire le rideau sur le
jardin mouillé et les flaques grises sur le chemin de terre qui mène au garage.
Je verse dans l’évier le reste de café.
J’ajoute « peinture verte » sur la liste de courses du week-end fixé par un aimant sur
la porte du réfrigérateur.
Une autre journée à vivre après une autre nuit trop courte. Comme tous les jours il y
aura des pleurs, des sourires tristes et crispés, des rires forcés … d’autres fissures
à l’armure.
J’ai ouvert la porte qui donne sur le jardin : une fusée rousse s’est faufilée, s’est
arrêtée devant l’évier, queue dressée bien droite et tremblante.
- T’es tout mouillé ! t’as faim ?
- Miouaww ! maou ? Moooww !
Je parle à mon chat et il me parle lui aussi, et quand il me parle, il invente des
sons ! C’est un chat à part, on a de vraies conversations !
Sa gamelle devant l’évier est garnie de croquettes, mais ça ne suffit pas ! Je sais
bien ! Il faut le caresser, rajouter deux ou trois croquettes, lui gratter un peu la
tête pour qu’il se décide à manger. Il se fait payer de la « ronron-thérapie » qu’il
m’offre tous les week-ends en se lovant sur le lit au creux de mon ventre. En semaine,
depuis que Marie squatte mon lit, il préfère le canapé.
Gilles est parti … me reste «Che » ; mon chat rouquin s’appelle Che. C’est l’une des
rares choses que Gilles ait oubliées en partant.
Il était arrivé avec Che dans les bras et un vieux sac de sport rempli de jeans et de
t-shirts dans sa vieille R5 qui pourrit lentement sous l’appentis au fond du jardin
depuis qu’il est parti en emportant mes CD de Neil Young et de Peter Gabriel. Et Che
ronronne pour moi le week-end, se fait les griffes sur mon canapé, réclame des
caresses pour se décider à manger.
Trois semaines. Gilles a disparu de ma vie depuis trois semaines.
Je fais la maline devant les copines, à l’hôpital … je fais la maline. Mais j’ai
encore souvent les yeux qui brûlent.
Che. Il l’avait dans les bras la première fois où je l’ai vu. Tout petit, tout maigre,
la tête dressée, des yeux immenses et inquiets.
J’aurai dû prendre le chat … laisser le bonhomme.
Et puis voilà. J’ai pris les deux. Un seul est resté.
Marie et Flore m’avaient prévenue. Je ne les croyais pas. Je ne voulais pas les
croire. Il les avait draguées ? Je ne voulais pas les croire … je soupçonnais une
jalousie … une invention … Marie qui me faisait les yeux doux, dont je savais qu’elle
aimerait bien le remplacer dans mon lit, Flore que son copain venait de larguer, je
n’ai pas voulu les croire.
Che m’a suivie dans la salle de bains. Il s’est installé sur le tapis en éponge devant
le lavabo, les oreilles bien droites, la queue enroulée autour de ses pattes dont
seule l’extrémité battait lentement. Il me suivait des yeux, ne perdait pas un geste.
Il a sursauté au claquement du couvercle du panier à linge où j’ai jeté ma culotte, a
surveillé le balancement de la ceinture de mon peignoir que j’ai suspendu à une patère
… souvent, Gilles s’asseyait à côté de lui sur le tapis de sol … lui aussi me suivait
des yeux pendant que je me déshabillais et que je faisais ma toilette, et ces jours-
là, j’étais en retard pour prendre mon service. Ce qu’il aimait par-dessus tout,
c’était que je m’assois sur le rebord de la baignoire et que je me caresse devant lui,
lentement ; parfois il se contentait de me regarder, assis à mes pieds, parfois il se
caressait aussi avant de me faire l’amour. Che ronronnait en nous regardant.
Ces matins me manquent.
Il me manque.
Et pourtant, s’il revenait … je le mettrais à la porte, ça ne fait aucun doute. Mais
il me manque.
Deux hommes dans ma vie, deux échecs. Deux femmes dans ma vie, deux échecs. Je devrais
peut-être m’en tenir aux chats …
30 ans dans deux mois … ce n’est pas que j’ai envie de me caser, mais je n’aime pas
vivre seule.
Che est sorti d’un air hautain quand Marie est entrée dans la salle de bain : avec
elle, il abandonne le terrain.
Elle m’a entourée de ses bras en me faisant une bise dans le cou, m’a pincé un téton
tendu de froid et m’a mis la main aux fesses pendant que je me lavais les dents.
Si seulement elle était tendre ! Mais non ; elle me pince, elle me chatouille, elle me
claque les fesses, prends mes poils pubiens à pleine main … rentre un doigt …
Je venais de penser à Gilles et à nos jeux, et j’aime bien le matin … j’étais un peu
mouillée. Elle a insisté. Elle s’est accroupie derrière moi en m’écartant du lavabo
d’un bras autour de la taille.
Je me suis appuyée des deux bras sur le bord du lavabo et j’ai fermé les yeux,
tendant les fesses vers elle.
C’est si facile de fermer les yeux.
Elle serrait ma hanche d’une main, plantait ses doigts de l’autre main dans mon sexe,
comme elle aime, elle, en m’ouvrant, en m’étirant du poids de sa main, jusqu’à me
pénétrer de ses quatre doigts tendus, son pouce venant buter entre mes fesses à chaque
va-et vient.
Comme elle hier soir, j’ai joui vite. Je voulais échapper à sa main, l’étirement était
douloureux. Elle a insisté, comme d’habitude, continuait même quand je me suis
redressée, poussait fort de tout son bras.
J’ai plié les jambes à nouveau pour atténuer la douleur et les phalanges ont dépassé
l’anneau de chairs distendues.
J’aime pas qu’elle fasse ça, comme si elle voulait me déchirer, et pourtant un second
orgasme et venu.
Elle a ri en me claquant les fesses en partant sous la douche.
J’ai déposé Marie à l’entrée de l’hôpital, devant les bureaux de l’administration, et
je suis allée me garer près de l’entrée des urgences.
Il est à peine 8 heures et le ballet a déjà commencé : les pompiers sortent un
brancard de leur camion, discutent avec Estelle qui me fait un petit signe de la main.
Elle a les traits tirés ; la nuit a dû être longue.
- Salut ! ton premier client ! bras, poignet, hanche ; le visage, c’est rien !
je l’amène en radio. Va te changer, je peux pas faire de rab, ce matin.
J’ai eu le temps de me changer, de saluer l’interne de nuit devant la machine à café,
qui a lui aussi de grands cernes sous les yeux, de parcourir toutes les fiches
d’admission de la nuit. Il nous reste deux lits et deux à récupérer dans la matinée.
J’ai rejoint Estelle qui était encore dans la salle de soin :
- Je suis pas encore en radio … donne-moi un coup de main.
- Ok, l’interne est passé ?
Elle a fait non de la tête en levant les yeux au ciel en riant :
- Olivier ? Un rien le fatigue … On coupe ?
- … vaut mieux …
- Madame, je suis désolée mais, mais on va devoir découper la blouse et le
pantalon. Vous vous sentez bien ? Ne bougez pas …
- Mon fils …
- Il était avec vous, madame ?
- Non … à l’école … il faut prévenir son père …
Elle avait l’air jeune, perdue, désespérée … et mal en point. Elle pleurait doucement,
sans se plaindre. J’ai posé un instant la main sur sa cuisse qui tremblait sous le
drap : la peur, la douleur, le froid aussi sans doute ; il fait toujours froid dans
les salles de soin. .J’ai jeté un coup d’œil sur la fiche d’entrée posée au pied du
lit : Sarah M., et rien d’autre ; les renseignements suivants attendront le passage de
l’interne et la venue des proches.
On a découpé la blouse et le pantalon, le slip, qui ont rejoint sa veste et ses
chaussures dans le sac en plastique au pied du lit.
J’ai nettoyé son visage et ses mains, puis sa hanche et le haut de la cuisse,
incrustée de petits graviers, tandis qu’Estelle s’occupait d’une coupure au cuir
chevelu.
Elle tremblait toujours sous le drap fin étendu sur elle pendant qu’un infirmier
poussait son lit vers la radiologie.
Estelle m’a dit au revoir en partant vers le vestiaire pendant que je commençais à
remplir les documents d’admission au comptoir de l’accueil.
La fiche des premiers constats laissée par les pompiers manquait. Imaginant qu’Estelle
l’avait gardée dans la poche de sa veste, je suis allée au vestiaire pour la lui
réclamer avant qu’elle ne referme son casier.
J’ai contourné la rangée de casiers en l’appelant, et j’ai aussitôt fait demi-tour en
pouffant de rire : elle était en sous vêtements, à genoux au milieu de l’allée entre
les casiers, en train de faire une pipe à Olivier, notre interne de nuit, dont le
pantalon était roulé à ses chevilles.
- Hey ! Qu’est-ce que tu voulais ?
- … la fiche « premiers constats » …
- Ah … merde … tiens, elle est là …
- Je repasserai !
- Au point où on en est, prends-là !
Elle m’a fait un clin d’œil. Elle riait en me tendant la fiche d’une main et en
continuant à branler Olivier de l’autre. Lui, détournait la tête.
Finalement, les cernes qu’ils avaient tous les deux ce matin ne devaient peut-être
rien à l’activité normale du service !
Radio du bras gauche : fracture du radius au-dessus du poignet.
Radio de la main droite : fractures du majeur et de l’index.
Rien à la hanche, heureusement pour elle.
Elle ne me lâchait pas des yeux, gênée d’être quasiment nue sur le plateau de la
radio, du regard du radiologue ; la douleur lui remplissait les yeux de larmes. J’ai
gardé ma main sur son épaule, je lui souriais. Elle ne savait pas, moi si :
contrecoup, douleur, soins, visites … ce n’était que le début.
Elle était jolie ; elle avait l’air tellement désemparée … J’ai arrangé ses cheveux,
essuyé ses yeux, bordé le drap sur elle. Je tenais son bras gauche replié sur son
ventre pendant qu’une fille de salle roulait son lit vers une autre salle de soins où
j’ai attendu l’interne de jour avec elle. Elle penchait sa joue sur ma main.
J’essuyais ses yeux. Je l’ai embrassée sur le front.
Je ne suis pas toujours comme ça … heureusement … pas avec tous. Pourquoi avec elle ?
J’en sais rien. Ses yeux …
La matinée a été calme. Les pompiers nous ont amenés un lycéen avec une entorse de la
cheville ; une dame est arrivée seule, une main profondément entaillée enroulée dans
un torchon sale, accident domestique ; deux policiers ont accompagné un homme, jeune,
ivre, qui avait reçu un coup de couteau, sans gravité.
J’avais du temps ; je suis souvent passée voir Sarah. En voyant son air désespéré
quand une fille de salle lui a donné le bassin, je l’ai aidée à se lever et je l’ai
installée sur le siège des toilettes. Elle était là depuis deux heures : la douleur
dans sa hanche s’était réveillée, sa jambe était raide. Je l’ai laissée seule un
instant et je l’ai lavée ensuite. Là encore, ce n’était qu’un début : les quatre
prochaines semaines elle allait devoir vivre avec le bras gauche et la main droite
dans le plâtre. Ça rend le quotidien compliqué !
Une heure plus tard, j’ai dû menacer son ex-mari pour le faire sortir de sa chambre :
il s’énervait, criait ; elle détournait les yeux.
En début d’après-midi, ce sont les patrons de l’agence de voyage où elle travaille qui
sont passés la voir : j’ai prétexté des soins à faire pour qu’ils aillent geindre
ailleurs.
Je tenais le téléphone contre son oreille quand elle a appelé une tante en province,
apparemment son seul parent proche.
Pourquoi, je me suis autant occupée d’elle ? Par compassion ? Oui, et parce que
j’avais du temps libre, que c’était une journée calme, et puis un petit quelque chose
en plus …
Elle a entendue comme moi les filles de salle se moquer :
- Ouououh ! La 8 a trouvé une nounou ! Va falloir frapper avant d’entrer !
Qu’elle ait le temps de remonter sa culotte !
Elle a haussé les sourcils et a eu un sourire, le premier, des propos entendus peut-
être, de ma tête sans doute, et a secoué la tête :
- C’est de l’humour d’hôpital ? C’est pas grave … voyez, moi ça me fait rire !
Et puis moi, j’ai plus de culotte … et si elles parlent de la vôtre, je vois pas bien
comment je pourrais y toucher ! En plus, je suis pas sûre que vous en ayez une …
Elle a fait une grimace en voulant soulever ses bras pour appuyer ses propos. Elle
riait :
- Je suis pas sûre d’être en état d’apprécier ! C’est bête ! … ouille … C’est
pas un mythe alors, les infirmières sont nues sous leurs uniformes ?
J’ai fait semblant de me fâcher :
- Hey ! vous matez mes fesses ?
- … j’ai rien d’autre à faire …
… elle riait, c’est déjà ça …
- Je mets des strings … c’est si transparent que ça, ma blouse ?
- Pas trop … un peu …
Elle m’a raconté son ex-mari, celui que j’avais dû mettre dehors le matin, elle m’a
surtout raconté son fils. Quand je voyais ses yeux se gonfler de larmes, je lui
parlais de mon chat et de celui qui était arrivé avec lui, reparti sans ; j’essayais
de la faire rire, j’y arrivais parfois. Elle avait une voix douce. Et de si jolis yeux
…
Je suis allée lui dire au revoir avant de partir après mes heures de service. Estelle
était de retour pour la nuit du vendredi au samedi et s’est étonnée que j’aille
embrasser Sarah avant de partir ; en général, on évite ce genre d’effusions avec nos
patients :
- Tu sais que ça fait causer les filles, dans le vestiaire ? Elles parlaient de
Marie, aussi … les rumeurs … tu les connais, fais gaffe !
Toutes les armures ont des fissures. Ce jour-là, j’étais fragile, sans doute.
Sur une impulsion, je suis passée à l’hôpital le samedi midi après avoir fait mes
courses de week-end.
Son ex-mari était passé le matin en coup de vent pour lui amener quelques affaires ;
il n’avait même pas amené son fils. Elle n’avait pas le moral. L’infirmière de week-
end était un peu surprise que je passe autant de temps avec Sarah, m’a un peu chambrée
avec un clin d’œil appuyé … la rumeur courait … je m’en fichais.
Je suis aussi passée le dimanche. Parce que je n’avais rien à faire. Parce qu’elle
était seule. Parce que … parfois quelqu’un vous émeut, comme ça, sans raison … Elle a
été étonnée, bien sûr de me voir le dimanche aussi. Elle a juste fait une petite
remarque adoucie d’un sourire :
- Vous allez alimenter la rumeur … mais c’est drôlement gentil …
… et a enchaîné aussitôt par un commentaire sur la nourriture sans me laisser le temps
de répondre.
- Ça m’ennuie, vous êtes pas là pour ça … vous voulez m’aider à me lever pour
aller aux toilettes ? J’aime pas ce truc …
Elle montrait le bassin et a baissé la voix :
- Votre collègue, elle est un peu … je me sens plus à l’aise avec vous … je sais
que j’abuse …
A cause de sa jambe raide, je devais la prendre dans mes bras pour l’asseoir, à
nouveau pour la redresser. Elle m’a fait une bise sur la joue avec un grand sourire
quand je l’ai aidée à se recoucher.
Je me suis retenue d’en faire autant … c’était pas le moment …
J’étais de service le lundi quand une petite jeune-fille est venue la chercher. Une
nièce, je crois, qu’elle ne connaissait pratiquement pas, qui allait s’occuper d’elle
pendant quelque temps. Elle semblait toute timide et un peu empruntée.
J’avais fait prendre une douche à Sarah le matin, pour que le problème de sa toilette
soit moins contraignant les premiers jours. J’avais enveloppé ses deux bras dans des
poches de plastique et je l’avais lavée. Elle était mal à l’aise, a souri quand je
lui ai demandé ce qui n’allait pas.
- Ma nièce, celle qui va s’occuper de moi, je ne la connais pratiquement pas …
J’aime pas être dépendante …
- Vous avez froid, je vais me dépêcher !
- Euh … non ! ça va …
Elle a suivi mon regard sur ses tétons dressés, a ri en rougissant, a haussé les
épaules en pinçant les lèvres.
C’est sa nièce qui l’a habillée, disant qu’il fallait bien un début, et je l’ai
encouragée.
Elle m’a tendue la main droite fortement bandée dont deux doigts étaient pris sous une
atèle en partant, a soulevé la main que je lui tendais contre son visage. Je l’ai
embrassée sur la joue.
J’avais le cœur serré en la voyant partir enveloppée dans sa veste déchirée et un
méchant pull posé sur ses épaules, le cœur serré par son sourire triste derrière la
vitre du taxi qui l’emmenait.
Elle est revenue aux urgences le jeudi pour faire refaire son pansement sur la hanche,
et le mardi suivant, l’interne lui a enlevé les deux agrafes posées sur une plaie de
son cuir chevelu.
Je ne l’avais pas vue la première fois, et très peu la seconde. Elle a attendu à la
porte de la salle où je donnais des soins pour me dire bonjour, mais pressée par sa
nièce, elle est partie très vite, et nous n’avons échangé qu’une bise et quelques
mots. C’était sa dernière visite ; elle n’allait pas très bien, avait l’air agacée et
malheureuse.
A plusieurs reprises elle a voulu me parler, et s’est toujours arrêtée avant de
prononcer le moindre mot. Elle me semblait inquiète.
Avant qu’elle ne reprenne son taxi, je lui ai tendu le papier que j’avais préparé à la
hâte avec mon numéro de téléphone :
- Il faudra refaire à nouveau votre pansement sur la hanche … n’hésitez pas … je
n’habite pas très loin de chez vous … et puis … ça me ferait plaisir de vous voir,
Sarah ! Tout va bien ?
Elle a haussé les épaules en jetant un petit coup d’œil vers sa nièce :
- Ça va …
Le ton n’était pas très convaincant :
- Appelez-moi ! Je vis toute seule dans une grande maison et mon chat ne m’en
voudra pas si je m’absente ! Faites-le, d’accord ?
- D’accord, merci … vraiment merci pour tout …
(((La 2ème partie de cette histoire a en fait déjà été publiée : je l’ai un peu, très
peu, modifiée, et donc, peut-être que certains parmi vous la reconnaîtront.
J’ai écrit cette première partie (et une suite), parce qu’une lectrice m’avait dit
vouloir voir l’infirmière de plus près. Voilà, c’est fait. Que ne ferais-je pour …)))
(à suivre)
1ère partie
J’ai installé la chaise longue sur la pelouse entre l’appentis et la maison à l’ombre
du grand sapin et je la regarde s’activer.
Elle s’est mis en tête de repeindre la petite table ronde en fer et les chaises.
On était toutes les deux en train de nous dorer au soleil en feuilletant des
magazines quand elle s’est levée tout d’un coup ; elle est restée un moment les mains
sur les hanches, en regardant le jardin :
- Je vais peindre la table !
- Sans moi … tu t’habilles un peu, quand même ?
- Je te plais pas, comme ça ?
- Oh si, mais je suis pas sûre que ce soit adapté pour bosser !
J’avais mis un maillot de bain ; elle, s’était débarrassée de sa jupe et de son
chemisier jetés en vrac sur le dossier du canapé avant de sortir et était restée
ainsi, les seins à l’air, ne gardant sur elle que sa petite culotte blanche en
dentelle.
On devine encore à des tâches plus claires sur sa hanche et sa cuisse bronzées, les
endroits où la peau a été arrachée.
Elle s’est penchée pour me faire un baiser et elle est partie d’un pas décidé vers le
garage.
Déjà trois mois … C’était un jeudi …
C’était un jour comme les autres. J’ai cherché des signes, je n’ai rien trouvé. Pour
moi, c’était un jour ordinaire, et pourtant, je me souviens de tout. Vraiment de tout.
De ce jour-là, d’abord …
… le réveil a encore sonné trop tôt, non pas qu’il ait interrompu un rêve, de ceux
dont on aimerait qu’ils durent encore, mais je manque de sommeil. Encore un jour.
Un grognement de l’autre côté du lit. Marie se soulève sur un coude :
- Déjà ? … merde …
Elle a pris l’habitude, ne me demande même plus. Quand mes horaires de service
correspondent à ses heures de bureau, elle dort à la maison au lieu de rentrer chez
elle, pour économiser le temps de transport vers sa banlieue.
Depuis que Gilles n’est plus là, elle a abandonné la chambre d’amis. Ça non plus elle
n’a pas vraiment demandé. Elle s’est installée un soir dans mon lit, voilà tout.
- On va se tenir chaud …
… et elle s’est collée à mon dos, la main sur ma taille. Si vraiment elle avait froid,
pourquoi elle dormait à poil ?
Elle est transparente … comme si je ne savais pas où elle voulait en venir depuis
quelque temps ! Comme si je croyais vraiment depuis qu’elle squattait mon lit que
c’est par hasard que je me réveillais dans la nuit avec sa main sur mes seins ou sous
mon t-shirt !
Un soir où je n’allais pas trop bien, je me suis laissée faire … c’est plus difficile
maintenant de la repousser.
Je l’aime bien, mais je ne l’aime pas … et le sexe sans amour, je n’y arrive pas bien
; je suis un peu mal à l’aise.
Hier soir, on est rentrées tard, on était fatiguées toutes les deux ; on a à peine
grignoté avant de nous coucher.
- Allez … ça nous détendra …
… elle avait déjà glissé la main sous ma culotte, sur mes fesses …
Faut pas exagérer non plus, je ne suis pas hypocrite ! Je ne suis pas ‘victime’ de ses
avances ! J’y prends aussi du plaisir, parfois. Mais je ne vais pas au-devant, je ne
ressens pas d’attirance particulière. Je profite … je suis une faible ? Sans doute …
Mais le plus souvent je préfère les moments où moi je la caresse à ceux où c’est elle
qui veut me donner du plaisir ; elle est trop brusque, il lui arrive aussi de me faire
mal. Elle ne fait pas exprès, je le sais. Et puis cette manie de vouloir à tout prix
me rentrer ses doigts, profonds, ça m’agace ! Je lui ai dit, pourtant, mais non, on
dirait qu’elle cherche la performance ! Si je la laissais faire … ! C’est pas parce
qu’elle aime ça que je dois aimer aussi ! Mais la douceur, c’est pas son truc.
- Pas ce soir, Marie …
- Mais on se voit plus avant lundi …
Je me suis tournée vers elle et je l’ai repoussée d’une main sur son épaule. J’ai posé
ma main sur son ventre.
Pas de baiser.
Pas de câlin.
Elle s’en fout.
Pas de préliminaires.
Le pouce planté dans le vagin, l’index et le majeur entre ses fesses ; elle adore.
Elle a repoussé la couette du pied et a soulevé les genoux de ses deux mains. Elle
mouille peu. Au début, je lui proposais du lubrifiant, mais non, elle préfère comme
ça, cette friction douloureuse l’amène plus sûrement au plaisir. Elle est un peu maso.
Elle a essayé plusieurs fois de me faire partager ce plaisir-là, mais moi j’aime la
douceur.
Je me suis activée pour qu’elle jouisse vite et je lui ai tourné le dos en retenant sa
main entre les miennes. Pas envie.
Sa présence me pèse. Je finirai par le lui dire, en tentant de ne pas me fâcher avec
elle.
Ce week-end, elle rentre chez elle, en banlieue, retrouve son mec ; elle me racontera
leurs exploits la semaine prochaine … et ça aussi ça m’agace ! Je me fous de savoir
dans quelle pièce, dans quelle position et combien de fois ils ont fait l’amour ! Mais
elle s’étale, elle en rajoute et multiplie les détails. Franchement, je me fous
complètement qu’elle lui attache les testicules et qu’elle lui mette un doigt entre
les fesses ! Et plus elle raconte, plus ça l’excite, et plus ça m’agace ! Mais elle
s’en rend pas compte, ou elle s’en fout … c’est ma faute … je laisse faire …
J’ai branché le chauffage d’appoint dans la salle de bains en enfilant mon peignoir en
éponge.
Ma tasse de café à la main, café de la veille réchauffé dont les deux sucres ne
parviennent pas à faire oublier l’amertume, j’écarte le rideau du salon sur le jardin.
Les écailles de peinture sur la table ronde en fer disparaissent sous les gouttes
d’eau qu’elles accrochent, points de lumière miroirs où se mêlent le gris du ciel et
le vert cru des branches lourdes d’eau du grand sapin. Tout est trop vert sous la
lumière mouillée du petit matin. Il pleut et j’ai froid. Je tire le rideau sur le
jardin mouillé et les flaques grises sur le chemin de terre qui mène au garage.
Je verse dans l’évier le reste de café.
J’ajoute « peinture verte » sur la liste de courses du week-end fixé par un aimant sur
la porte du réfrigérateur.
Une autre journée à vivre après une autre nuit trop courte. Comme tous les jours il y
aura des pleurs, des sourires tristes et crispés, des rires forcés … d’autres fissures
à l’armure.
J’ai ouvert la porte qui donne sur le jardin : une fusée rousse s’est faufilée, s’est
arrêtée devant l’évier, queue dressée bien droite et tremblante.
- T’es tout mouillé ! t’as faim ?
- Miouaww ! maou ? Moooww !
Je parle à mon chat et il me parle lui aussi, et quand il me parle, il invente des
sons ! C’est un chat à part, on a de vraies conversations !
Sa gamelle devant l’évier est garnie de croquettes, mais ça ne suffit pas ! Je sais
bien ! Il faut le caresser, rajouter deux ou trois croquettes, lui gratter un peu la
tête pour qu’il se décide à manger. Il se fait payer de la « ronron-thérapie » qu’il
m’offre tous les week-ends en se lovant sur le lit au creux de mon ventre. En semaine,
depuis que Marie squatte mon lit, il préfère le canapé.
Gilles est parti … me reste «Che » ; mon chat rouquin s’appelle Che. C’est l’une des
rares choses que Gilles ait oubliées en partant.
Il était arrivé avec Che dans les bras et un vieux sac de sport rempli de jeans et de
t-shirts dans sa vieille R5 qui pourrit lentement sous l’appentis au fond du jardin
depuis qu’il est parti en emportant mes CD de Neil Young et de Peter Gabriel. Et Che
ronronne pour moi le week-end, se fait les griffes sur mon canapé, réclame des
caresses pour se décider à manger.
Trois semaines. Gilles a disparu de ma vie depuis trois semaines.
Je fais la maline devant les copines, à l’hôpital … je fais la maline. Mais j’ai
encore souvent les yeux qui brûlent.
Che. Il l’avait dans les bras la première fois où je l’ai vu. Tout petit, tout maigre,
la tête dressée, des yeux immenses et inquiets.
J’aurai dû prendre le chat … laisser le bonhomme.
Et puis voilà. J’ai pris les deux. Un seul est resté.
Marie et Flore m’avaient prévenue. Je ne les croyais pas. Je ne voulais pas les
croire. Il les avait draguées ? Je ne voulais pas les croire … je soupçonnais une
jalousie … une invention … Marie qui me faisait les yeux doux, dont je savais qu’elle
aimerait bien le remplacer dans mon lit, Flore que son copain venait de larguer, je
n’ai pas voulu les croire.
Che m’a suivie dans la salle de bains. Il s’est installé sur le tapis en éponge devant
le lavabo, les oreilles bien droites, la queue enroulée autour de ses pattes dont
seule l’extrémité battait lentement. Il me suivait des yeux, ne perdait pas un geste.
Il a sursauté au claquement du couvercle du panier à linge où j’ai jeté ma culotte, a
surveillé le balancement de la ceinture de mon peignoir que j’ai suspendu à une patère
… souvent, Gilles s’asseyait à côté de lui sur le tapis de sol … lui aussi me suivait
des yeux pendant que je me déshabillais et que je faisais ma toilette, et ces jours-
là, j’étais en retard pour prendre mon service. Ce qu’il aimait par-dessus tout,
c’était que je m’assois sur le rebord de la baignoire et que je me caresse devant lui,
lentement ; parfois il se contentait de me regarder, assis à mes pieds, parfois il se
caressait aussi avant de me faire l’amour. Che ronronnait en nous regardant.
Ces matins me manquent.
Il me manque.
Et pourtant, s’il revenait … je le mettrais à la porte, ça ne fait aucun doute. Mais
il me manque.
Deux hommes dans ma vie, deux échecs. Deux femmes dans ma vie, deux échecs. Je devrais
peut-être m’en tenir aux chats …
30 ans dans deux mois … ce n’est pas que j’ai envie de me caser, mais je n’aime pas
vivre seule.
Che est sorti d’un air hautain quand Marie est entrée dans la salle de bain : avec
elle, il abandonne le terrain.
Elle m’a entourée de ses bras en me faisant une bise dans le cou, m’a pincé un téton
tendu de froid et m’a mis la main aux fesses pendant que je me lavais les dents.
Si seulement elle était tendre ! Mais non ; elle me pince, elle me chatouille, elle me
claque les fesses, prends mes poils pubiens à pleine main … rentre un doigt …
Je venais de penser à Gilles et à nos jeux, et j’aime bien le matin … j’étais un peu
mouillée. Elle a insisté. Elle s’est accroupie derrière moi en m’écartant du lavabo
d’un bras autour de la taille.
Je me suis appuyée des deux bras sur le bord du lavabo et j’ai fermé les yeux,
tendant les fesses vers elle.
C’est si facile de fermer les yeux.
Elle serrait ma hanche d’une main, plantait ses doigts de l’autre main dans mon sexe,
comme elle aime, elle, en m’ouvrant, en m’étirant du poids de sa main, jusqu’à me
pénétrer de ses quatre doigts tendus, son pouce venant buter entre mes fesses à chaque
va-et vient.
Comme elle hier soir, j’ai joui vite. Je voulais échapper à sa main, l’étirement était
douloureux. Elle a insisté, comme d’habitude, continuait même quand je me suis
redressée, poussait fort de tout son bras.
J’ai plié les jambes à nouveau pour atténuer la douleur et les phalanges ont dépassé
l’anneau de chairs distendues.
J’aime pas qu’elle fasse ça, comme si elle voulait me déchirer, et pourtant un second
orgasme et venu.
Elle a ri en me claquant les fesses en partant sous la douche.
J’ai déposé Marie à l’entrée de l’hôpital, devant les bureaux de l’administration, et
je suis allée me garer près de l’entrée des urgences.
Il est à peine 8 heures et le ballet a déjà commencé : les pompiers sortent un
brancard de leur camion, discutent avec Estelle qui me fait un petit signe de la main.
Elle a les traits tirés ; la nuit a dû être longue.
- Salut ! ton premier client ! bras, poignet, hanche ; le visage, c’est rien !
je l’amène en radio. Va te changer, je peux pas faire de rab, ce matin.
J’ai eu le temps de me changer, de saluer l’interne de nuit devant la machine à café,
qui a lui aussi de grands cernes sous les yeux, de parcourir toutes les fiches
d’admission de la nuit. Il nous reste deux lits et deux à récupérer dans la matinée.
J’ai rejoint Estelle qui était encore dans la salle de soin :
- Je suis pas encore en radio … donne-moi un coup de main.
- Ok, l’interne est passé ?
Elle a fait non de la tête en levant les yeux au ciel en riant :
- Olivier ? Un rien le fatigue … On coupe ?
- … vaut mieux …
- Madame, je suis désolée mais, mais on va devoir découper la blouse et le
pantalon. Vous vous sentez bien ? Ne bougez pas …
- Mon fils …
- Il était avec vous, madame ?
- Non … à l’école … il faut prévenir son père …
Elle avait l’air jeune, perdue, désespérée … et mal en point. Elle pleurait doucement,
sans se plaindre. J’ai posé un instant la main sur sa cuisse qui tremblait sous le
drap : la peur, la douleur, le froid aussi sans doute ; il fait toujours froid dans
les salles de soin. .J’ai jeté un coup d’œil sur la fiche d’entrée posée au pied du
lit : Sarah M., et rien d’autre ; les renseignements suivants attendront le passage de
l’interne et la venue des proches.
On a découpé la blouse et le pantalon, le slip, qui ont rejoint sa veste et ses
chaussures dans le sac en plastique au pied du lit.
J’ai nettoyé son visage et ses mains, puis sa hanche et le haut de la cuisse,
incrustée de petits graviers, tandis qu’Estelle s’occupait d’une coupure au cuir
chevelu.
Elle tremblait toujours sous le drap fin étendu sur elle pendant qu’un infirmier
poussait son lit vers la radiologie.
Estelle m’a dit au revoir en partant vers le vestiaire pendant que je commençais à
remplir les documents d’admission au comptoir de l’accueil.
La fiche des premiers constats laissée par les pompiers manquait. Imaginant qu’Estelle
l’avait gardée dans la poche de sa veste, je suis allée au vestiaire pour la lui
réclamer avant qu’elle ne referme son casier.
J’ai contourné la rangée de casiers en l’appelant, et j’ai aussitôt fait demi-tour en
pouffant de rire : elle était en sous vêtements, à genoux au milieu de l’allée entre
les casiers, en train de faire une pipe à Olivier, notre interne de nuit, dont le
pantalon était roulé à ses chevilles.
- Hey ! Qu’est-ce que tu voulais ?
- … la fiche « premiers constats » …
- Ah … merde … tiens, elle est là …
- Je repasserai !
- Au point où on en est, prends-là !
Elle m’a fait un clin d’œil. Elle riait en me tendant la fiche d’une main et en
continuant à branler Olivier de l’autre. Lui, détournait la tête.
Finalement, les cernes qu’ils avaient tous les deux ce matin ne devaient peut-être
rien à l’activité normale du service !
Radio du bras gauche : fracture du radius au-dessus du poignet.
Radio de la main droite : fractures du majeur et de l’index.
Rien à la hanche, heureusement pour elle.
Elle ne me lâchait pas des yeux, gênée d’être quasiment nue sur le plateau de la
radio, du regard du radiologue ; la douleur lui remplissait les yeux de larmes. J’ai
gardé ma main sur son épaule, je lui souriais. Elle ne savait pas, moi si :
contrecoup, douleur, soins, visites … ce n’était que le début.
Elle était jolie ; elle avait l’air tellement désemparée … J’ai arrangé ses cheveux,
essuyé ses yeux, bordé le drap sur elle. Je tenais son bras gauche replié sur son
ventre pendant qu’une fille de salle roulait son lit vers une autre salle de soins où
j’ai attendu l’interne de jour avec elle. Elle penchait sa joue sur ma main.
J’essuyais ses yeux. Je l’ai embrassée sur le front.
Je ne suis pas toujours comme ça … heureusement … pas avec tous. Pourquoi avec elle ?
J’en sais rien. Ses yeux …
La matinée a été calme. Les pompiers nous ont amenés un lycéen avec une entorse de la
cheville ; une dame est arrivée seule, une main profondément entaillée enroulée dans
un torchon sale, accident domestique ; deux policiers ont accompagné un homme, jeune,
ivre, qui avait reçu un coup de couteau, sans gravité.
J’avais du temps ; je suis souvent passée voir Sarah. En voyant son air désespéré
quand une fille de salle lui a donné le bassin, je l’ai aidée à se lever et je l’ai
installée sur le siège des toilettes. Elle était là depuis deux heures : la douleur
dans sa hanche s’était réveillée, sa jambe était raide. Je l’ai laissée seule un
instant et je l’ai lavée ensuite. Là encore, ce n’était qu’un début : les quatre
prochaines semaines elle allait devoir vivre avec le bras gauche et la main droite
dans le plâtre. Ça rend le quotidien compliqué !
Une heure plus tard, j’ai dû menacer son ex-mari pour le faire sortir de sa chambre :
il s’énervait, criait ; elle détournait les yeux.
En début d’après-midi, ce sont les patrons de l’agence de voyage où elle travaille qui
sont passés la voir : j’ai prétexté des soins à faire pour qu’ils aillent geindre
ailleurs.
Je tenais le téléphone contre son oreille quand elle a appelé une tante en province,
apparemment son seul parent proche.
Pourquoi, je me suis autant occupée d’elle ? Par compassion ? Oui, et parce que
j’avais du temps libre, que c’était une journée calme, et puis un petit quelque chose
en plus …
Elle a entendue comme moi les filles de salle se moquer :
- Ouououh ! La 8 a trouvé une nounou ! Va falloir frapper avant d’entrer !
Qu’elle ait le temps de remonter sa culotte !
Elle a haussé les sourcils et a eu un sourire, le premier, des propos entendus peut-
être, de ma tête sans doute, et a secoué la tête :
- C’est de l’humour d’hôpital ? C’est pas grave … voyez, moi ça me fait rire !
Et puis moi, j’ai plus de culotte … et si elles parlent de la vôtre, je vois pas bien
comment je pourrais y toucher ! En plus, je suis pas sûre que vous en ayez une …
Elle a fait une grimace en voulant soulever ses bras pour appuyer ses propos. Elle
riait :
- Je suis pas sûre d’être en état d’apprécier ! C’est bête ! … ouille … C’est
pas un mythe alors, les infirmières sont nues sous leurs uniformes ?
J’ai fait semblant de me fâcher :
- Hey ! vous matez mes fesses ?
- … j’ai rien d’autre à faire …
… elle riait, c’est déjà ça …
- Je mets des strings … c’est si transparent que ça, ma blouse ?
- Pas trop … un peu …
Elle m’a raconté son ex-mari, celui que j’avais dû mettre dehors le matin, elle m’a
surtout raconté son fils. Quand je voyais ses yeux se gonfler de larmes, je lui
parlais de mon chat et de celui qui était arrivé avec lui, reparti sans ; j’essayais
de la faire rire, j’y arrivais parfois. Elle avait une voix douce. Et de si jolis yeux
…
Je suis allée lui dire au revoir avant de partir après mes heures de service. Estelle
était de retour pour la nuit du vendredi au samedi et s’est étonnée que j’aille
embrasser Sarah avant de partir ; en général, on évite ce genre d’effusions avec nos
patients :
- Tu sais que ça fait causer les filles, dans le vestiaire ? Elles parlaient de
Marie, aussi … les rumeurs … tu les connais, fais gaffe !
Toutes les armures ont des fissures. Ce jour-là, j’étais fragile, sans doute.
Sur une impulsion, je suis passée à l’hôpital le samedi midi après avoir fait mes
courses de week-end.
Son ex-mari était passé le matin en coup de vent pour lui amener quelques affaires ;
il n’avait même pas amené son fils. Elle n’avait pas le moral. L’infirmière de week-
end était un peu surprise que je passe autant de temps avec Sarah, m’a un peu chambrée
avec un clin d’œil appuyé … la rumeur courait … je m’en fichais.
Je suis aussi passée le dimanche. Parce que je n’avais rien à faire. Parce qu’elle
était seule. Parce que … parfois quelqu’un vous émeut, comme ça, sans raison … Elle a
été étonnée, bien sûr de me voir le dimanche aussi. Elle a juste fait une petite
remarque adoucie d’un sourire :
- Vous allez alimenter la rumeur … mais c’est drôlement gentil …
… et a enchaîné aussitôt par un commentaire sur la nourriture sans me laisser le temps
de répondre.
- Ça m’ennuie, vous êtes pas là pour ça … vous voulez m’aider à me lever pour
aller aux toilettes ? J’aime pas ce truc …
Elle montrait le bassin et a baissé la voix :
- Votre collègue, elle est un peu … je me sens plus à l’aise avec vous … je sais
que j’abuse …
A cause de sa jambe raide, je devais la prendre dans mes bras pour l’asseoir, à
nouveau pour la redresser. Elle m’a fait une bise sur la joue avec un grand sourire
quand je l’ai aidée à se recoucher.
Je me suis retenue d’en faire autant … c’était pas le moment …
J’étais de service le lundi quand une petite jeune-fille est venue la chercher. Une
nièce, je crois, qu’elle ne connaissait pratiquement pas, qui allait s’occuper d’elle
pendant quelque temps. Elle semblait toute timide et un peu empruntée.
J’avais fait prendre une douche à Sarah le matin, pour que le problème de sa toilette
soit moins contraignant les premiers jours. J’avais enveloppé ses deux bras dans des
poches de plastique et je l’avais lavée. Elle était mal à l’aise, a souri quand je
lui ai demandé ce qui n’allait pas.
- Ma nièce, celle qui va s’occuper de moi, je ne la connais pratiquement pas …
J’aime pas être dépendante …
- Vous avez froid, je vais me dépêcher !
- Euh … non ! ça va …
Elle a suivi mon regard sur ses tétons dressés, a ri en rougissant, a haussé les
épaules en pinçant les lèvres.
C’est sa nièce qui l’a habillée, disant qu’il fallait bien un début, et je l’ai
encouragée.
Elle m’a tendue la main droite fortement bandée dont deux doigts étaient pris sous une
atèle en partant, a soulevé la main que je lui tendais contre son visage. Je l’ai
embrassée sur la joue.
J’avais le cœur serré en la voyant partir enveloppée dans sa veste déchirée et un
méchant pull posé sur ses épaules, le cœur serré par son sourire triste derrière la
vitre du taxi qui l’emmenait.
Elle est revenue aux urgences le jeudi pour faire refaire son pansement sur la hanche,
et le mardi suivant, l’interne lui a enlevé les deux agrafes posées sur une plaie de
son cuir chevelu.
Je ne l’avais pas vue la première fois, et très peu la seconde. Elle a attendu à la
porte de la salle où je donnais des soins pour me dire bonjour, mais pressée par sa
nièce, elle est partie très vite, et nous n’avons échangé qu’une bise et quelques
mots. C’était sa dernière visite ; elle n’allait pas très bien, avait l’air agacée et
malheureuse.
A plusieurs reprises elle a voulu me parler, et s’est toujours arrêtée avant de
prononcer le moindre mot. Elle me semblait inquiète.
Avant qu’elle ne reprenne son taxi, je lui ai tendu le papier que j’avais préparé à la
hâte avec mon numéro de téléphone :
- Il faudra refaire à nouveau votre pansement sur la hanche … n’hésitez pas … je
n’habite pas très loin de chez vous … et puis … ça me ferait plaisir de vous voir,
Sarah ! Tout va bien ?
Elle a haussé les épaules en jetant un petit coup d’œil vers sa nièce :
- Ça va …
Le ton n’était pas très convaincant :
- Appelez-moi ! Je vis toute seule dans une grande maison et mon chat ne m’en
voudra pas si je m’absente ! Faites-le, d’accord ?
- D’accord, merci … vraiment merci pour tout …
(((La 2ème partie de cette histoire a en fait déjà été publiée : je l’ai un peu, très
peu, modifiée, et donc, peut-être que certains parmi vous la reconnaîtront.
J’ai écrit cette première partie (et une suite), parce qu’une lectrice m’avait dit
vouloir voir l’infirmière de plus près. Voilà, c’est fait. Que ne ferais-je pour …)))
(à suivre)
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