Jérém & Nico SAISON 1 Episode final
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 19-05-2018 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Jérém & Nico SAISON 1 Episode final
Jérém & Nico SAISON 1 Episode final.
Boucler la boucle (deuxième partie)
J’avale rapidement ma boisson et je remonte les escaliers. Je laisse mon verre au bout du comptoir ; et alors que je m’apprête à quitter les lieux, j’entends mon nom balancé au milieu des décibels.
« Nico ! Nico ! ».
Je me retourne ; un mec me regarde et me sourit. À travers des lunettes carrées lui donnant un look étudiant-intello sexy, ses yeux marron foncé me fixent ; son regard intense, charmant et charmeur, aimante le mien ; son sourire, brûlant comme le soleil du mois d’août, m’aveugle.
Sa chemise à petits carreaux noirs et blancs, parfaitement ajustée à sa plastique, les manches retroussées jusqu’aux coudes – chemise estampillée du logo à l’effigie d’un fameux reptile – retombe sur un beau pantalon marron-orange ; à son poignet, une belle montre de mec ; ses beaux cheveux châtains souples, bouclent légèrement sur le dessus ; alors que sa barbe brune, drue et bien taillée, donne du caractère à sa mâchoire par ailleurs très virile.
Bref, dans son look élégant et décontract à la fois, le mec en jette. Car le type, il a la classe : définitivement, Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.
Décidemment, on dirait que tous les pd de Toulouse se sont donné rendez-vous au B Machine ce soir. Je me surprends à me réjouir de tomber sur Martin ; et ce, malgré le malaise vis-à-vis de la façon dont je l’ai laissé tomber la dernière fois que nous sommes vus.
« Bonsoir ! » il me lance en me claquant la bise.
« Bonsoir… ».
Sa barbe est dense mais douce comme une caresse ; alors que son parfum, de marque sans doute lui aussi, est capiteux, captivant.
Quand je pense que j’ai failli faire mes cours de conduite avec lui, me retrouver enfermé dans l’espace clos d’une petite voiture avec cette bombasse assise à côté de moi, les narines mises à dure épreuve par ce parfum… bien que, je ne peux pas dire qu’avec Julien ça ait été moins « éprouvant ».
« T’as failli me casser une côte tout à l’heure… » il fanfaronne.
« De quoi ? ».
« Tu m’as pas vu quand tu es parti en laissant Romain en plan ? ».
« Ah si… la chemise à carreaux noirs et blancs… c’était toi ! Pardon, j’étais pressé de m’en débarrasser… mais tu le connais ? ».
« Qui ne connaît pas Romain… le serial baiseur… au fait… je crois qu’il n’a pas aimé que tu le plantes… c’est qu’il n’a pas l’habitude… » il se marre.
Je me perds dans son regard de braise, tout en essayant de comprendre si lui aussi a déjà couché avec Romain et/ou s’il sait que j’ai couché avec.
« Alors, que deviens tu depuis le temps ? Tu vas bientôt passer la conduite ? » il enchaîne.
« Début septembre… même si tu m’as fait faux bond… ».
« J’ai eu un petit accident… ».
« T’es toujours en arrêt maladie ? »« Eh, oui… je dois subir une petite opération dans quelques temps… j’en ai encore pour deux mois au moins… ».
« J’espère que c’est rien de grave… ».
« Non, pas trop grave… mais c’est dommage… je t’aurais bien voulu te prendre à la conduite… et sur la banquette arrière aussi… ».
Des mots prononcés sur le ton de la boutade, alors que ses yeux dégagent un petit regard lubrique sur le ton d’envie inassouvie.
« Que de la gueule… » je joue.
« Tu me connais mal… » fait-il, mi farceur, mi challengeur.
« N’empêche que tu m’as fait faux bond… ».
« T’as pas à te plaindre… du coup, t’as fait ça avec Julien… ce putain de bogoss sexy à se damner et chaud comme la braise… ».
« Ouiiiiii… ».
« Ce Julien dont le plus grand défaut c’est d’être excessivement hétéro… et ce, même après trois bières… ».
« T’as essayé ? ».
« Et comment ! J’ai eu beau le faire boire, impossible de lui extorquer la moindre petite pipe… ».
« C’est un hétéro… ».
« C’est surtout un petit allumeur, il chauffe tout le monde, filles, mecs, chiens, chats… les filles, il les baise presque toutes… mais avec les mecs, il n’ira jamais jusqu’au bout… crois-moi, j’ai tout essayé… ».
« Nous sommes devenus amis… » je lui annonce.
« Amis ? Il t’a pas chauffé, toi ? ».
« Ah, si... en plus, il m’a gaulé de suite... ».
« Tu le dévorais des yeux, toi aussi, hein ? ».
« Grave… je le matais dans le rétro, quand j’étais assis à l’arrière… ».
« Évidemment que tu le matais… il fait tout pour qu’on le mate… mais quelle idée d’être aussi sexy… et en plus, il en rajoute avec sa gouaille et ses attitudes de petit allumeur… ».
Au fond de moi, je ressens une sorte de frisson, un frisson incroyable car inespéré : c’est la grisante sensation, comme une délivrance, de pouvoir enfin partager avec quelqu’un tout ce qui était si secret pour moi avant ; de, réaliser que d’autres pensent comme moi et ressentent les choses comme moi…« C’est clair… ».
« Il t’a bien chauffé, alors ? ».
« Un peu comme toi, il jouait sur tous les tableaux, regards, sourires, allusions… » je lui explique.
« Avec un mec comme lui, on a vite fait de ne plus savoir où l’on habite… ».
« Julien est un coureur mais c’est un bon gars… ».
« J’en suis persuadé… d’ailleurs je ne lui en veux pas pour ce qui s’est passé… ».
« Mais lui il s’en veut apparemment… ».
« Il t’a raconté ? ».
« Pas vraiment, il a juste dit qu’il n’avait pas voulu ce qui s’était passé et qu’il le regrettait, mais il ne m’a pas dit davantage… ».
« C’était un stupide accident… » fait-il, rêveur.
« T’es pas obligé de me raconter… ».
« Il y a prescription désormais… et puis, il n’y a rien à cacher…Juju est arrivé à l’autoécole ce printemps… quand j’ai vu débarquer cette bombasse, j’ai été scotché… en plus il est super sympa, il est marrant… comme il me parlait des filles avec qui il couchait, j’ai fini par lui dire assez vite que moi j’aimais les mecs… il l’a super bien pris, on en déconnait, c’était devenu une sorte de complicité entre nous, il essayait de deviner quels mecs je kiffais, c’était génial… très vite j’ai eu l’impression qu’il y avait une sorte de feeling entre nous, l’impression qu’il me cherchait, qu’il me chauffait… au fil du temps, j’ai fini par me dire qu’il y aurait peut-être le moyen de le mettre dans mon lit… je ne m’étais pas encore vraiment rendu compte qu’il faisait ça avec tout le monde…Un soir je l’ai invité prendre un verre chez moi… on a bien rigolé, on s’est raconté nos vies… il m’a posé plein de questions sur mes relations avec les mecs… au bout de quelques bières, ses regards me semblaient particulièrement chauds et caressants… Je te raconte pas dans quel état j’étais… j’avais bu moi aussi et je me suis dit que j’avais mes chances… alors, à un moment, je lui ai carrément dit que j’avais envie de lui faire une pipe… il hésitait… j’ai fini par lui mettre la main sur le paquet… il m’a regardé droit dans les yeux, avec son regard pétillant sexy à mort… j’ai cru qu’il allait me dire d’y aller, mais il m’a dit :« Fais pas ça ».
Ah, ce ptit con ! J’ai essayé de rigoler, de le chauffer à mort, de lui dire qu’il n’allait pas le regretter… je lui ai même dit que je ne lui demandais rien de plus que ça… mais il n’a pas voulu…Il était tard, il s’est levé pour partir ; nous nous sommes retrouvés face à face ; j’ai vu dans son regard qu’il était rond comme une bille… et j’ai trouvé que l’alcool, ça lui donnait un petit air fragile et perdu qui le rendait, si possible, encore plus sexy que d’habitude… ah, putain… ce mec me rend dingue… j’avais tellement envie de le sucer… à m’en arracher les tripes… il faut dire que j’avais pas mal bu moi aussi… je me suis approché de lui, j’ai tenté de passer mes doigts sous son t-shirt… Dans un premier temps, j’ai eu l’impression qu’il se laissait faire ; je suis même arrivé à effleurer les poils en dessous de son nombril… je te dis pas comment j’avais furieusement envie d'aller débraguetter son putain de short et me mettre à genoux devant lui, le front collé à son mur d’abdos d’acier…C’est là que j’ai senti ses doigts attraper les miens et les stopper net… mon élan était impétueux, le sien mal maitrisé… quand il a chopé mes doigts, j’ai entendu un crack, j’ai eu très mal… et au fond de moi, j’ai su immédiatement que quelque chose avait cassé… ».
« Ah, merde… ».
« Juju voulait m’amener aux urgences, mais je n’ai pas voulu, il avait trop bu… j’ai pensé à son permis, au cas il se serait fait arrêter… et puis, malgré tout, je voulais croire que ce n’était pas cassé…Je n’ai été aux urgences que le lendemain, après avoir passé une nuit blanche à cause de la douleur… entre temps, ma main avait drôlement enflé… résultat des courses… j’ai eu des phalanges et des métacarpes du majeur et de l’annulaire brisées… ils m’ont mis des vis et des boulons… et ils ont emballé tout ça dans une espèce de plâtre… avec la chaleur, c’était horrible… je viens tout juste de l’enlever… deux mois sans sortir, deux mois sans presque baiser, deux mois sans pouvoir me branler avec la bonne main… j’ai cru devenir fou… ».
« Et là, tu as bien récupéré ? ».
« Je n’arrive pas à serrer complètement la main, et probablement je n’y arriverai plus jamais… je vais devoir être opéré à nouveau dans quelques temps pour retirer les vis et les boulons, c’est à ce moment-là qu’on verra combien de mobilité je vais récupérer… ».
« Quelle histoire… je suis désolé pour toi… et je comprends que Julien s’en veuille… ».
« Il est venu me voir plusieurs fois depuis l’accident… il m’a fait les courses, il m’a servi de chauffeur… et grâce à son assurance, je ne perds pas un centime de mon salaire… ».
« Il est adorable… ».
« Oui, mais j’ai voulu mettre de la distance entre nous… ».
« Pourquoi ça ? ».
« Parce que… ce mec me fait un effet bizarre… ».
« Tu as trop envie de lui ? ».
« C’est plus que ça, Nico… je crois que je suis… ah putain… ça m’arrache la gueule de le dire, tellement ça ne me ressemble pas… je crois que je suis… amoureux… de Juju… ».
« C’est beau ! ».
« Non, c’est con… ce mec ne sera jamais à moi… un coureur de jupons et un coureur de caleçons... qu’est-ce que tu veux que ça donne de bon ? Et quand bien même… ce mec n’est franchement pas un cadeau… il baise tout ce qui bouge, mais à condition que ça ait des nichons… avec la gueule et le corps qu’il a, il peut se permettre n’importe quoi… je plains sa copine… être avec ce mec, c’est un sacerdoce… ».
« Tu redoutes de le retrouver au taf ? ».
« Disons que je ne suis pas spécialement pressé de reprendre… putain !… quand je pense qu’il ne veut pas que je le suce juste parce que je suis un mec… alors que je ne lui demande rien de plus que lui faire ce que lui font ses copines… mais en mieux ! ».
Je ne peux m’empêcher de me marrer de sa prétention.
« C’est vrai, quoi… » s’excite Martin « je veux juste lui faire plaisir… nous voulons juste leur faire plaisir à ces cons d’hétéros… leur faire plaisir, tout en les laissant être « les mecs »… tout ce qu’ils veulent, rien que ce qu’ils veulent, autant qu’ils veulent… et merde… pourquoi nous n’aurions pas le droit de se faire plaisir en leur faisant plaisir ? Juju laisserait n’importe quelle greluche fouiller dans son boxer mais pas moi, juste parce que je n’ai pas de chatte… une bouche, c’est une bouche, merde ! … quant à la maîtrise… ».
« Oui, je te confirme, c’est très con un hétéro… ».
« Moi je pense que s’ils ont autant de réticence à se faire sucer par un mec, c’est parce qu’ils ont peur de trop aimer… ils ont peur de ne plus pouvoir s’en passer… et aussi de découvrir des envies qu’ils ne pourront jamais assumer… comme de sucer ou même de se faire prendre… j’en ai connu quelques-uns de soi-disant hétéro qui jamais ne se feraient prendre…Il faudrait les priver de toute gonzesse, du jour au lendemain… tu verrais qu’au bout d’une semaine, ils feraient moins les difficiles si un mec leur propose une pipe ! ».
« C’est clair… ».
« Il fallait que je m’entiche de ce petit con de Juju, je te jure ! » fait-il, avec une certaine tristesse dans la voix.
« Mais tu dois en tomber plein de mecs en boîte… » je tente de dédramatiser.
« Oui, oui, j’en tombe, oui… enfin, j’en tombais… là, j’ai même plus vraiment envie… c’est avec lui que j’ai envie d’être… je donnerais une fortune pour sentir l’odeur de sa peau, pour le serrer contre moi, pour passer une nuit avec lui… une fortune pour avoir le plaisir de lui offrir du plaisir… ça m’est arrivé de coucher avec des mecs et de jouir en pensant à Juju… ».
« T’es vraiment accro… ».
« C’est idiot… alors que je n’ai rien à espérer… » il considère ; avant d’enchaîner, sans transition : « et toi alors… t’as pas ton garde du corps ce soir ? ».
Et de trois. Mais tant pis. Je suis prêt à partager ma détresse avec celle de Martin.
« Je ne le vois plus… il m’a largué… ».
« Ah… mince… ».
« Je suis désolé de t’avoir laissé en plan la dernière fois… » je profite pour m’excuser.
« J’avoue que ça m’a fait bizarre… moi non plus, je ne suis pas habitué à me faire planter… mais bon, je ne peux pas te blâmer… si un étalon pareil vient me chercher, devant plein le monde en plus, je me laisse faire moi aussi… et puis, je pense que tu espérais mieux que juste du sexe avec ce mec… ».
« Moi, oui… mais je me suis trompé sur lui… lui il voulait juste baiser… ».
« Dis… ça te dit d’oublier nos bombasses impossibles et d’aller prendre un verre chez moi ? ».
C’est la deuxième fois on me propose ça cette nuit. J’hésite.
« On n’est pas obligé de baiser… » il précise, en se marrant « on peut juste discuter ou mater un film… ».
Oui, c’est la deuxième fois qu’on me propose ça cette nuit. Et cette fois, je décide d’accepter.
« Super, je n’habite pas loin, à Port St Sauveur… ».
Je n’ai pas envie de me retrouver seul à ruminer dans ma chambre, et Martin m’inspire confiance. Je l’ai trouvé touchant et sincère lorsqu’il m’a parlé de ce qu’il ressent pour Julien ; comme quoi, en grattant un peu sous la surface, dans chaque coureur peut se cacher un esprit sensible.
Il est 3 heures du mat lorsque nous quittons le B Machine. Après une overdose de décibels, ça fait du bien de retrouver le silence de la nuit ; tout comme, après les températures tropicales de la boîte, ça fait du bien de retrouver un air plus respirable.
Le vent d’Autan souffle toujours, et la fraîcheur nocturne est la bienvenue.
Nous contournons le parking en spirale, alors que nous entendons voler un : « Bande de pd ! » sur notre passage.
« N’y fais pas attention… surveille juste du coin de l’œil qu’ils n’approchent pas… et si tu les vois approcher, cours le plus vite possible, et n’arrête pas tant que tu n’as pas croisé du monde… j’ai un pote qui s’est fait démolir par une bande de casseurs… ».
« Des casseurs ? ».
« Des casseurs de pd… ».
« Oui, ça existe… » fait-il, devant mon étonnement.
Nous sortons des petites rues et nous débouchons sur les allées Verdier.
Nous n’avons pas fait 100 mètres qu’une silhouette blanche rentre dans mon champ de vision.
J’ai beau être à 150-200 mètres de distance, je reconnais une démarche cadencée, rapide, souple, masculine ; je reconnais également une façon de fumer, elle aussi, éminemment masculine.
Nous avançons, le type avance droit vers nous : nous allons fatalement nous rencontrer.
Un t-shirt de mec, blanc, aveuglant, bien ajusté, un simple jeans, des baskets…Soudainement, j’ai l’impression que le sang vient de se figer dans mes veines, que mon cœur est sur le point d’exploser à la suite d’un ultime battement, tellement puissant qui défoncerait ma caisse thoracique ; ma tête tourne comme un tambour de machine à laver en mode essorage, mes muscles se crispent, mes tripes se vrillent, j’ai du mal à marcher, et même juste à respirer.
Oui, à cette distance je reconnais la façon de fumer, non pas la cigarette, mais le pétard : SA façon à LUI.
Pas ça, pas ça, pas ça, non… Je cherche une raison plausible pour faire demi-tour, pour éviter le choc frontal. En vain. Mon cerveau est paralysé, je suis incapable de me focaliser sur la moindre pensée ; le t-shirt blanc approche vite et la collision est déjà inévitable.
Un étrange mélange d’émotions s’agite en moi… j’ai envie de pleurer et j’ai peur…Quinze jours depuis ce maudit vendredi 10 août ; quinze jours passés à tenter de l’oublier, à tenter de soigner mes blessures, à essayer de me donner l’illusion que je suis en passe de guérir de cet amour dévastateur.
Pourtant, il me suffit de capter sa présence à des centaines de mètres pour qu’en une fraction de seconde, tout remonte, dans mon cerveau, dans ma chair : son sourire pendant la semaine magique, sa langue, les baiser musclés, le goût de sa peau, son kif, mon kif, la puissance de ses giclées, le goût de son jus ; ses coups de reins ; ses doigts sur mes tétons, sa main sur ma queue, sa main qui me fait jouir ; la capote qui tombe de son jeans ; notre dispute, mon coup, son coup…Alors, oui, j’ai envie de pleurer.
Mais aussi, et surtout, j’ai peur ; peur de sa réaction lorsqu’il va me voir en compagnie d’un mec, et à fortiori CE mec, dont il a déjà été jaloux.
Bien sûr, le voir jaloux ce serait une belle revanche par rapport à sa méchanceté de cet horrible vendredi !
Ce que je redoute par-dessus tout, c’est son indifférence ; alors qu’une bonne scène de jalousie me ferait tant de bien, ça montrerait que je ne suis pas qu’une petite merde à ses yeux.
Ce qui me fait peur, c’est qu’une scène de jalousie ce serait assurément virulent ; j’ai peur de l’esclandre, des mots blessants, de son mépris ; j’ai peur de la violence, de l’affrontement ; le connaissant, avec son sang chaud bouillant, ça pourrait vite déraper.
Je me demande aussi comment Martin, dont je ne connais pas le caractère, pourrait réagir si Jérém se mettait à faire le con. Je ne veux surtout pas de bagarre.
100 mètres… je reconnais ce t-shirt, c’est le même qu’il portait le soir du repas de fin de lycée, tellement moulant qu’on le croirait peint sur sa peau… combien de souvenirs autour de ce t-shirt… 50 mètres… t-shirt CK proche collision… mais qu’est-ce qu’il fait là, seul, à cette heure ? Il n’est pas avec sa pouffe ? Est-ce qu’il a bu ? Fumé ? Il vient d’où, il va où ?
40 mètres… dernière possibilité de mise en garde…« Martin… ».
« Oui ? ».
« Mon ex garde du corps nous fonce dessus… ».
« Ah, c’est lui, là ? J’étais justement en train de tenter d’évaluer le degré de canonitude du mec… ».
« Oui, c’est lui… s’il te plaît Martin… ».
« Tu gardes ton calme, je garderai le mien… et on s’en débarrasse vite fait… ».
30 mètres… allure alcoolisée/fumée confirmée… et il fume toujours…20 mètres… un petit hochement de la tête, accompagné d’un éclair mauvais traversant son beau visage de mec : voilà la notification du fait qu’il vient de me capter, et de capter que je ne suis pas seul…15 mètres… il est beau, beau comme un dieu dans son t-shirt blanc immaculé, presque une deuxième peau sur sa plastique de fou… ah, putain ! C’est à hurler à s’en casser les cordes vocales…10 mètres… putain de brassard tatoué, et putain de nouveau tatouage, ressortant par le col du t-shirt, le long de son cou, jusqu’à son oreille, jaillissant par la manchette collée à son biceps… 9 mètres… le blanc du coton, sa peau mate, chaude, douce, parfumée, l’encre noir des tatouages… contrastes magiques… je craque !
8 mètres… ses beaux cheveux bruns, comment j’ai envie de les caresser !
7 mètres… le petit grain de beauté dans le cou, la chaînette posée sur le coton blanc… j’ai envie de lui !
6 mètres… envie de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de câlins…5 mètres… envie de son corps musclé sur le mien, et lui coulissant en moi…4 mètres… envie de le sentir prendre son pied… envie de mes sentir dominé, débordé, chauffé, rempli par sa virilité, par sa puissance de jeune mâle…3 mètres… envie de retrouver la complicité de la semaine magique… 2 mètres… envie de lui crier : « je t’aime »…
Et BAM !
« Hey… » fait-il sur un ton étonnamment décontracté… ou, surtout, complètement shooté par le pétard….ce qui n’est pas une bonne chose, a priori…Tout de suite, je remarque que sous son œil, une légère trace de coup persiste : putain, je l’ai vraiment frappé fort.
« Salut… » je lui réponds avec une petite voix ridicule ; j’ai le souffle coupé, le cœur dans la gorge.
« On se balade ? » fait-il, sur un ton en apparence aimable.
« Ouais… il fait bon maintenant… ».
On peut toujours chercher une réplique plus idiote.
Lorsqu’il expire la fumée, je reconnais l’odeur du tarpé.
« Tu me présentes pas ton pote ? ».
Bon, ça commence moins mal que je l’avais imaginé ; il n’y a que son ton distant et détaché qui me blesse ; pourtant, quelque chose dans le ton un brin sarcastique de sa voix me ferait dire qu’au-dessous de cette politesse de façade, ça bouillonne sévère.
J’ai l’impression de marcher sur des œufs… écourter… s’en débarrasser vite… suit le conseil de Martin, Nico…« Si… Martin… Jérémie… Jérém… Martin… » j’énumère, les jambes flageolantes.
Dans mon champ de vision, deux facettes de la plus absolue perfection masculine, deux styles opposés : t-shirt-blanc-jeans-baskets-chaînette-de-mec VS chemise-à-carreaux-noirs-et-blancs-pantalon -chaussures-de-ville-belle-montre-de-marque… bref, p’tit con insupportablement sexy VS mec très classe insupportablement sexy.
Oui, ça avait l’air de ne pas avoir trop mal commencé ; mais ça ne va pas durer.
Martin lui tend la main, poliment ; mais Jérém, petit con de son statut, ne la saisit pas, tout en expirant la fumée dans sa direction.
« On s’est déjà croisés à l’Esmé… » il ajoute, avec mépris ; et il continue, avec un certain dédain : « alors, t’as été t’amuser au… B Machine ? ».
Ainsi, Jérém connaît le B Machine… tout comme la Ciguë… et le On Off… combien de fois a-t-il déjà mis les pieds dans le milieu gay ? Combien de mecs s’est-il déjà envoyés ? Romain a donc raison de me mettre en garde…Voilà peut-être la réponse à ma question de savoir où est-ce qu’il allait, seul, à cette heure tardive : il était peut-être en train de se diriger vers là d’où justement nous venons…Je ne sais pas trop quoi répondre, ni comment me comporter face à son attitude ; oui, il a fumé, et il certainement bu aussi, je le sens au ton éraillé de sa voix ; je dois éviter de le chatouiller, je dois éviter à tout prix que ça dérape.
Un silence gênant s’installe. Vite, trouver un prétexte pour se tirer.
Mais avant que j’aie pu échafauder quoi que ce soit, Jérém revient à la charge, le ton de la voix de plus en plus froid et méprisant :« C’est bien, t’as trouvé un nouveau mec… ».
Tutt'al più, mi accoglierai/Tout au plus, tu m’accueillerasCon la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu n’as jamais eue
Pourtant, je sens qu’au fond de lui, il est énervé de me trouver en compagnie de Martin. Comme si ça le faisait chier de me trouver :
Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec (celle) celui qui a pris (ma) sa place…
Au fond de moi, une voix a envie de crier que personne n’a pris sa place ; que si j’ai été au B Machine,
Non è perché l’amore sia finito/Ce n’est pas parce que l'amour est terminéIo ti amo ancora/Je t’aime encore
Oui, j’ai envie de lui crier que, non, personne n’a pris sa place, du tout ; que si j’ai accepté de finir ma soirée avec Martin, c’est juste parce que j’ai besoin de ne pas être seul, parce que je n’ai plus envie de pleurer en pensant à lui ; j’ai envie de lui crier que la présence de Martin à mes côtés est juste une façon de trouver un peu de répit à la souffrance, une façon de supporter cet immense gâchis.
Mais à cet instant, la seule chose que je me sens capable de faire, c’est de partir loin, au plus vite, loin de lui, de ce malaise et des larmes que je sens monter en moi.
« On va y aller… » je fais à l’attention de Martin.
« Non, moi je dis que c’est bien, il faut savoir passer à autre chose… » revient à la charge Jérém, de plus en plus sarcastique « alors, t’en as bien profité depuis deux semaines ? ».
E forse mi chiederai/Et peut-être tu me demanderasQuanti ragazzi ho avuto/Combien de gars j'ai eusDimenticando te/En oubliant que tu (étais le plus important de tous pour moi)
« Ça y est, tu es à nouveau « amoureux » ? » il ajoute, railleur.
Eppure tu sai bene/Pourtant, tu le sais bienChe una ragazza come me/Qu'(une fille) un mec comme moi Non scherza con l’amore/Ne plaisante pas avec l'amourNon ha scherzato mai/N’a jamais plaisanté.
« Jérém, tu es relou… ».
« Tu ne disais pas ça quand tu me suppliais de te baiser… » fait-il, mauvais.
« Tu ferais bien de te calmer… ».
La voix chaude et calme de Martin vient de se manifester.
« Sinon quoi ? » fait Jérém, soudainement agressif.
« Sinon rien… il est tard, on va rentrer… ».
« C’est qui ce bouffon ? » fait Jérém, de plus en plus piquant.
« Hey… » fait Martin en haussant le ton de la voix « je t’insulte pas, tu m’insultes pas ! ».
« La ferme, toi ! C’est à lui que je cause ! A toi je n’ai rien à dire… toi, tu n’existes même pas ! ».
Ses mots, tout comme son attitude, sont clairement provocateurs et mauvais. J’ai l’impression que Jérém cherche à faire sortir Martin de ses gonds : j’ai l’impression qu’il cherche la bagarre.
« Tu commences vraiment à me casser les couilles ! » fait Martin, soudainement emporté. J’ai l’impression qu’il est lui aussi à deux doigts de perdre son calme.
« Tu veux quoi, tu veux me cogner ? » fait Jérém, en mode petit coq arrogant et provocateur.
« Je ne me bats jamais… ça ne sert à rien ! ».
« Tu te bats pas parce que t’as pas de couilles… ».
« Tu veux voir ça ? ».
« Martin, Jérém, s’il vous plaît, arrêtez ! » je crie, tout en m’interposant entre les deux.
« Martin, on y va ! Et toi, Jérém, casse-toi ! Tu m’as dit de dégager de ta vie, alors, maintenant, fiche-moi la paix ! ».
« T’inquiète, je vais te foutre la paix… tu ne me verras plus jamais ! ».
« Tant mieux ! » je crâne, alors que je crie et je pleure et je saigne à l’intérieur.
« Fais-toi sauter par qui tu veux, je n’en ai rien à foutre, je me suis assez amusé avec toi ! ».
Tutt’al più mi offenderai/Tout au plus, tu m’offenserasEt tu mi caccerai/Et puis tu me chasseras (…)Dicendo che oramai/Me disant que maintenantNon t’interessa più/Tu ne te soucies pas plusUna ragazza che/Pour un(e) (fille) mec quiServiva solamente/A servi seulementPer divertirsi un po’/Pour s’amuser un temps
« T’es nul, Jérém… »« Viens, on y va… » fait Martin sèchement.
« Oui, on va y aller… » je le seconde « salut Jérém… ».
Jérém se tait, le regard vide, comme désemparé. C’est un regard dans lequel j’ai l’impression de lire le même souvenir qui m’arrache le cœur depuis que le destin, avec son ironie impitoyable, ait provoqué cette rencontre inattendue : c’est le souvenir de cette nuit à l’Esmé où j’avais failli partir avec Martin… le souvenir de son sketch, lorsqu’il était venu me chercher, me sommant de rentrer avec lui ; obtenant, au final, que je rentre avec lui.
Un souvenir qui se met tout seul en parallèle avec cette nuit, où je suis en train de repartir avec ce même gars, sous ses yeux. Certes, Jérém ne m’a pas demandé de repartir avec lui, cette nuit : d’une part parce qu’il n’a plus de chez lui ; et d’autre part, parce qu’il m’a quitté il y a deux semaines.
Jérém se tait, comme s’il essayait de contenir sa colère, des mots qu’il regretterait ; il se tait, comme pour garder les apparences, comme s’il renonçait à « jouer » pour ne pas devoir affronter la « défaite ».
Ses traits sont figés, par la fatigue et la frustration, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; son regard perdu, rempli de désolation, est le même que j’ai vu dans ses yeux la dernière fois qu’il est venu chez moi, après qu’il m’ait quitté, alors que j’essayais de le retenir ; et tout comme à ce moment-là, ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard ivre mort qui vient de me balancer des horreurs, mais un garçon très, très, très malheureux. Et ça me fend le cœur.
Mais quoi faire pour annuler cette distance infinie qu’il a voulu, lui et lui seul, mettre entre nous ?
Je me suis battu pour cela, depuis des mois ; j’ai tout essayé pour me rapprocher de lui. Et là, force est de constater mon échec. Oui, c’est un gâchis inouï ; mais puisqu’il ne veut rien entendre, à quoi bon dépenser encore de l’énergie pour me battre, alors que je n’ai plus l’énergie de me battre.
Ce qui ne m’empêche pas de me demander si, au cas où il avait encore eu un « chez lui », il aurait à nouveau essayé de m’arracher de Martin… l’espoir de retrouver un amour malheureux est si dur à juguler…Pendant que Martin et moi reprenons notre chemin, je sens son regard s’accrocher lourdement à moi, happer mon énergie, entraver le mouvement de mes jambes : le fait est que mon corps est en train de s’éloigner DE lui, mais que mon cœur est resté AVEC lui. Mes pas sont de plus en plus pénibles au fur et à mesure que je tente de m’éloigner, comme si un fil invisible était en train de se tendre entre ces deux bouts de moi : jusqu’où ce fil va se tendre avant de casser ? Ou bien, lequel des deux bouts sera de taille à ramener l’autre auprès de lui, lorsque le fil trop tendu donnera un grand coup de ressort ?
Nous n’avons pas fait 10 pas, que j’entends sa voix résonner dans l’allée :« Nico… ».
Je me fige sur place, le dos secoué par mille frissons, la tête comme un manège, la respiration coupée : au fond de moi, j’espère, je veux, je crie pour qu’il puisse changer d’attitude du tout au tout, qu’il essaie de me rattraper comme lors de cette fameuse nuit ; qu’il me laisse enfin comprendre que, malgré tout, je suis quelqu’un de spécial pour lui, que je lui manque.
Je me retourne, le cœur en mode marteau piqueur ; mon espoir aura été de courte durée : son regard est à nouveau noir et plein d’éclairs mauvais :« Pour ton info… ton cadeau de merde, je n’en ai rien à cirer ! ».
« T’as qu’à le foutre à la poubelle, si ça te chante ! ».
« T’inquiète, c’est fait ! ».
Et BAM ! Voilà le grand coup de ressort qui ramène mon cœur à moi, mais en mille morceaux.
« Laisse tomber, viens… » fait Martin, impatient.
Un doigt d’honneur pour seule et unique réponse, Jérém reprend son chemin comme une furie.
Je le regarde s’éloigner, en pensant à l’affreux gâchis qu’il vient de faire du souvenir de cette merveilleuse complicité que nous avions, il y a encore trois semaines.
Je pensais qu’il ne pouvait pas me faire davantage souffrir qu’il l’avait pu il y a deux semaines : je me trompais. Cette nuit, il a tout trainé dans la boue ; cette nuit, ma souffrance est renouvelée et portée à des sommets encore jamais atteints.
Envie de pleurer. De courir et de pleurer. D’être seul et de pleurer.
« Ne l’écoute pas… il est rond comme une bille, il dit n’importe quoi… » fait Martin, adorable.
Merci Martin.
Chez Martin, nous avons pris un verre et je lui ai reparlé de mon amour impossible, lui du sien ; je lui ai reparlé de mon cœur brisé, il a fait de même.
Nous nous sommes allongés sur son lit. Il m’a pris dans ses bras, il m’a caressé, il m’a embrassé. Je me suis laissé faire.
Son parfum m’étourdissait, son regard m’hypnotisait. Le contact avec sa peau chaude, avec son torse dénudé, avec ses pecs saillants et assez poilus, me faisait sentir bien.
Martin a été doux, attentionné, câlin, sensuel. Lorsqu’il a passé sa main sous mon t-shirt, il s’est attardé à me caresser, tout en continuant à m’embrasser.
J’ai croisé son regard, un regard qui attendait un signe de ma part pour savoir de quoi j’avais envie… est-ce que je savais seulement de quoi j’avais envie ?
https://www.youtube.com/watch?v=OYttugD31rI
Se immagino che tu sei qui con me/Si j’imagine que tu es ici avec moiSto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!
Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner l’illusion de t’avoir à nouveauCom'era un anno fa/Comme c’était il y a un an.
Io stasera insieme ad un altro/Ce soir, je suis avec un autre (…)
Puis, Martin s’est glissé sur moi, il a défait ma ceinture, ma braguette. Lorsqu’il m’a pris en bouche, ça a été le feu d’artifice pour mes sens.
Pourtant, pendant que mon corps prenait son plaisir, mon cœur pleurait ; alors, je fermais les yeux et je me laissais aller à cette… Pazza Idea/Idée folle…
Pazza idea di far l'amore con lui/Idée folle de faire l'amour avec luiPensando di stare ancora insieme a te!/En imaginant d’être encore avec toi!
Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de t’avoir iciMentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux et je suis à toi.
Martin s’est allongé sur moi, il m’a embrassé ; il m’a souri, je lui ai souri…
Pazza idea, io che sorrido a lui/Idée folle, alors que je souris à luiSognando di stare a piangere con te/Tout en rêvant de pleurer dans tes brasFolle, folle, folle idea sentirti mio/Folle, folle, folle idée de te sentir à moiSe io chiudo gli occhi vedo te/Si je ferme les yeux c’est toi que je vois.
Pazza idea.../Idée folle, que de coucher chacun de notre côté… alors qu’on est fait l’un pour l’autre…
Ainsi, après avoir partagé nos solitudes et nos détresses, Martin et moi avons partagé le plaisir ; puis, nous nous sommes assoupis l’un à côté de l’autre.
Il est 4h30 du mat lorsque je me réveille, en sursaut. Il fait chaud dans l’appart et je sors chercher de la fraîcheur sur le balcon.
Je regarde la ville endormie, j’écoute le silence de la nuit ; Jérém me manque à en crever.
Je repense à ce maudit vendredi, la dernière fois qu’il est venu chez moi. Je le revois, planté sur le pas de porte, si distant, le regard fuyant, me demandant de lui rendre sa chaînette, pressé de repartir.
J’avais dû insister pour qu’il rentre, et j’avais dû ramer pour qu’il me laisse lui faire plaisir : et même s’il avait fini par se laisser faire, ce jour-là, le sexe avait été incroyablement triste.
Jérém semblait ailleurs, perturbé par une sorte de mélancolie, par un malaise palpable que même son attitude de macho, qui sonnait d’ailleurs un brin forcée, n’avait pas réussi à masquer.
Et puis il y avait eu l’accident de la capote tombée de son jeans, ses mots blessants, sa goujaterie, qui sonnait fausse elle aussi ; je repense à son regard, toujours ailleurs, à sa jambe, animée par une sorte de tremblement nerveux.
« Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » j’avais essayé de le retenir.
Je le revois, là, devant moi, muré dans son silence, le regard posé sur la poignée de la porte ; je revois ses traits figés, ses paupières qui clignent nerveusement, ses lèvres serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam qui bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; ses yeux qui se ferment lourdement, se rouvrent ; ce petit mouvement de sa tête sur le côté, comme s’il voulait chercher mon regard, avant que ses yeux ne se perdent à nouveau dans le vide.
J’ai eu l’impression de me retrouver devant un garçon qui n’était pas mon Jérém ; un garçon qui se faisait violence pour être aussi méchant, pour me blesser et m’éloigner de lui :« Il n’y a toujours eu que ton cul qui m’intéressait ! » ; « Le mec de la piscine, c’est pas moi qui t’a dit de baiser avec… » ; « T’es pas le seul mec que j’ai fait couiner… ».
Ma colère aveugle ; mon coup ; son coup.
« T’es vraiment qu’une petite merde ! »… « tu vas dégager de ma vie ! ».
Maman qui débarque.
Et je repense à son dernier regard avant de partir, ce regard qui me brise le cœur davantage encore que ses mots cruels ; ce regard perdu, rempli de désolation, de chagrin, et de regret. Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer plein d’horreurs, mais un garçon très malheureux.
Ce même regard que j’ai retrouvé ce soir, alors que je repartais avec Martin ; ce regard que j’ai retrouvé au-delà de sa colère, de sa vulgarité, de son mépris, de son état d’ivresse.
Oui, Thibault a raison : au fond, Jérém, n’est qu’un animal blessé qui se débat, qui réagit à sa souffrance par la violence ; oui, que ce soit en me quittant il y a quinze jours, ou en me retrouvant en compagnie d’un autre cette nuit, son comportement n’est au fait que le révélateur de sa détresse.
Quand je vois Jérém dans cet état, je comprends l’inquiétude de Thibault et je ressens la même inquiétude, une inquiétude qui me prend au ventre. J’ai peur qu’il se mettre en danger, j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose.
Qu’a-il-fait, après être reparti en colère tout à l’heure ? Où est-il allé ? Qui a-t-il rencontré ? Est-ce qu’il a bu davantage, fumé davantage ? Avec qui a-t-il couché ? Est-ce qu’il s’est au moins protégé ?
Soudainement, je me sens prêt à aller le voir, où qu’il soit, prêt à retourner toute la ville pour le retrouver et pour m’excuser de l’avoir frappé, pour lui dire qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie.
Non, je ne peux pas me résigner à le perdre de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble.
Alors, à cet instant précis, je me dis que, dès demain, je vais l’appeler, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; je me dis que oui, demain je vais trouver les mots ; que demain, je vais retrouver mon Jérém.
À cet instant précis, le lendemain me semble encore plein de promesses.
À l'autre bout de la ville, cherchant lui aussi la fraîcheur sur son balcon, Thibault non plus n'arrive pas à dormir. Quelque chose le tracasse, lui empêchant de trouver le sommeil. Cette nuit, comme depuis de nombreuses nuits.
Thibault est inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son Jéjé depuis plus d’une semaine ; il a la nostalgie de cette époque où ils étaient comme des frères, l’un pour l’autre ; et il ressent une immense tristesse en pensant que cette époque semble être désormais bel et bien révolue ; et imaginer l’avenir sans la présence de son Jéjé, ça lui arrache le cœur.
Jamais il n’aurait cru que ça puisse arriver un jour ; il a fallu que le Stade le choisisse, lui, et qu’il laisse son pote sur la touche. Il a fallu que le rugby s’interpose entre eux.
Depuis une semaine, il a essayé d’appeler son Jéjé, il lui a laissé des messages ; il n’a jamais réussi à l’avoir.
Depuis une semaine, il n’y a pas eu une heure, une minute, où il n’a pas pensé à son pote et à sa déception après l’injustice de son exclusion des poteaux toulousains ; pas un seul instant où il n’a pas pensé à son Jéjé, se privant lui-même de la présence bénéfique de Nico ; pas un instant sans qu’il ne pense à son pote loin de lui, sans qu’il s’en veuille à mort pour la façon dont ils ses sont quittés la dernière fois qu’ils se sont vus ; pas un moment sans ressentir l’inquiétude que son pote, désormais seul et désorienté, puisse se mettre en danger ; pas un moment, sans que tout cela ne lui noue la gorge, lui vrille les tripes.
Oui, depuis une semaine, Thibault a le cœur lourd, très lourd : un cœur qui en a encore pris un coup quelques heures plus tôt, lorsque Nico est allé lui parler. Car, à partir de ce moment-là, son cœur s’est encore alourdi un peu plus, de la honte d’avoir menti à Nico ; ou du moins de ne pas lui avoir tout dit, comme c’était le cas déjà l’avant dernière fois qu’ils s’étaient vus.
Une grande résolution de profile dans son esprit ; une décision importante, terriblement difficile à prendre.
Mais avant de cela, Thibault se dit que, dès demain, il va rappeler son Jéjé, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; il se dit que oui, demain il va trouver les mots pour sauver leur belle amitié ; que demain, il va retrouver son Jéjé.
À cet instant précis, pour Thibault, tout comme pour moi, le lendemain semble encore plein de promesses.
C’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous nous sentons pas le courage de faire aujourd’hui, pour trouver les mots que nous n’avons pas su prononcer plus tôt, pour nous reconcilier avec les personnes avec qui nous regrettons d’être fâchés : en somme, pour être en harmonie avec nous-mêmes ; pour être heureux, tout simplement.
La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur ; il caresse ma peau, s’engouffre dans mes cheveux, essuie mes larmes ; il fait onduler les branches les arbres des allées, il balaie les feuilles que la sécheresse commence à faire tomber ; c’est encore lui qui qui fait osciller les câbles des lignes électriques, qui s’engouffre dans les places, les avenues, les rues de la ville rose, qui traverse les grilles du Boulingrin, que je contourne en rentrant chez moi, après avoir quitté l’appart de Martin au petit matin.
Devant le Grand Rond, je ralentis le pas : je suis percuté par la violence du souvenir, ce tout premier souvenir de ma nouvelle vie, le souvenir d’un beau jour de mai, le souvenir de mon parcours, plein d’angoisses et d’inquiétudes, vers les « révisions », vers l’appart du garçon que j’aime depuis le tout premier jour du lycée.
Je me souviens de cet après-midi ensoleillé ; ce jour-là, le vent d’Autan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, caressant ma peau, s’engouffrant dans mes oreilles, me racontant le réveil d’un printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris du Grand Rond.
J’ai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour tenter de faire taire mon hésitation.
Cette nuit encore, le vent d’Autan semble m’encourager à retrouver mon Jérém, dès demain.
Oui, c’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous n’avons pas le courage de faire aujourd’hui…
Je ne me lasse pas de cette caresse légère que le vent d’Autan pose sur moi ; c’est la même caresse qui glisse dans les moindres recoins de la ville, dans la place du Capitole, place Wilson, boulevard Carnot, rue de la Colombette, jusqu’à cette rue du centre-ville, là où une petite foule s’est amassée autour d’un gars à terre, inconscient, après que sa tête ait heurté violemment un mur en briques, lors d’une bagarre entre mecs bourrés…
… la vérité c’est que nous ne savons rien de ce que demain nous réserve ; car, en une fraction de seconde, le temps d’un battement d’aile de papillon, la vie que nous connaissons peut se retourner, du tout au tout…
Le vent d’Autan glisse sur mon visage, tout en glissant au même moment sur un t-shirt blanc, un t-shirt habillant la peau mate, le torse magnifique d’un jeune rugbyman ; un t-shirt qui a été blanc mais qui, plus les secondes passent, plus il se tache copieusement de rouge vif…
… la vérité c’est que la vie est un cadeau ; un cadeau dont il faut savoir profiter, tant qu’il est possible.
FIN de la SAISON 1 de JEREM & NICO.
L’épisode complet sur jerem-nico.com.
Ne ratez pas le générique de fin de saison ci-dessous, avec les remerciements à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible.
Merci de le regarder la vidéo jusqu’au bout, vraiment jusqu’au bout : une petite surprise vous attend…
https://youtu.be/iC12TVfCZg4
Boucler la boucle (deuxième partie)
J’avale rapidement ma boisson et je remonte les escaliers. Je laisse mon verre au bout du comptoir ; et alors que je m’apprête à quitter les lieux, j’entends mon nom balancé au milieu des décibels.
« Nico ! Nico ! ».
Je me retourne ; un mec me regarde et me sourit. À travers des lunettes carrées lui donnant un look étudiant-intello sexy, ses yeux marron foncé me fixent ; son regard intense, charmant et charmeur, aimante le mien ; son sourire, brûlant comme le soleil du mois d’août, m’aveugle.
Sa chemise à petits carreaux noirs et blancs, parfaitement ajustée à sa plastique, les manches retroussées jusqu’aux coudes – chemise estampillée du logo à l’effigie d’un fameux reptile – retombe sur un beau pantalon marron-orange ; à son poignet, une belle montre de mec ; ses beaux cheveux châtains souples, bouclent légèrement sur le dessus ; alors que sa barbe brune, drue et bien taillée, donne du caractère à sa mâchoire par ailleurs très virile.
Bref, dans son look élégant et décontract à la fois, le mec en jette. Car le type, il a la classe : définitivement, Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.
Décidemment, on dirait que tous les pd de Toulouse se sont donné rendez-vous au B Machine ce soir. Je me surprends à me réjouir de tomber sur Martin ; et ce, malgré le malaise vis-à-vis de la façon dont je l’ai laissé tomber la dernière fois que nous sommes vus.
« Bonsoir ! » il me lance en me claquant la bise.
« Bonsoir… ».
Sa barbe est dense mais douce comme une caresse ; alors que son parfum, de marque sans doute lui aussi, est capiteux, captivant.
Quand je pense que j’ai failli faire mes cours de conduite avec lui, me retrouver enfermé dans l’espace clos d’une petite voiture avec cette bombasse assise à côté de moi, les narines mises à dure épreuve par ce parfum… bien que, je ne peux pas dire qu’avec Julien ça ait été moins « éprouvant ».
« T’as failli me casser une côte tout à l’heure… » il fanfaronne.
« De quoi ? ».
« Tu m’as pas vu quand tu es parti en laissant Romain en plan ? ».
« Ah si… la chemise à carreaux noirs et blancs… c’était toi ! Pardon, j’étais pressé de m’en débarrasser… mais tu le connais ? ».
« Qui ne connaît pas Romain… le serial baiseur… au fait… je crois qu’il n’a pas aimé que tu le plantes… c’est qu’il n’a pas l’habitude… » il se marre.
Je me perds dans son regard de braise, tout en essayant de comprendre si lui aussi a déjà couché avec Romain et/ou s’il sait que j’ai couché avec.
« Alors, que deviens tu depuis le temps ? Tu vas bientôt passer la conduite ? » il enchaîne.
« Début septembre… même si tu m’as fait faux bond… ».
« J’ai eu un petit accident… ».
« T’es toujours en arrêt maladie ? »« Eh, oui… je dois subir une petite opération dans quelques temps… j’en ai encore pour deux mois au moins… ».
« J’espère que c’est rien de grave… ».
« Non, pas trop grave… mais c’est dommage… je t’aurais bien voulu te prendre à la conduite… et sur la banquette arrière aussi… ».
Des mots prononcés sur le ton de la boutade, alors que ses yeux dégagent un petit regard lubrique sur le ton d’envie inassouvie.
« Que de la gueule… » je joue.
« Tu me connais mal… » fait-il, mi farceur, mi challengeur.
« N’empêche que tu m’as fait faux bond… ».
« T’as pas à te plaindre… du coup, t’as fait ça avec Julien… ce putain de bogoss sexy à se damner et chaud comme la braise… ».
« Ouiiiiii… ».
« Ce Julien dont le plus grand défaut c’est d’être excessivement hétéro… et ce, même après trois bières… ».
« T’as essayé ? ».
« Et comment ! J’ai eu beau le faire boire, impossible de lui extorquer la moindre petite pipe… ».
« C’est un hétéro… ».
« C’est surtout un petit allumeur, il chauffe tout le monde, filles, mecs, chiens, chats… les filles, il les baise presque toutes… mais avec les mecs, il n’ira jamais jusqu’au bout… crois-moi, j’ai tout essayé… ».
« Nous sommes devenus amis… » je lui annonce.
« Amis ? Il t’a pas chauffé, toi ? ».
« Ah, si... en plus, il m’a gaulé de suite... ».
« Tu le dévorais des yeux, toi aussi, hein ? ».
« Grave… je le matais dans le rétro, quand j’étais assis à l’arrière… ».
« Évidemment que tu le matais… il fait tout pour qu’on le mate… mais quelle idée d’être aussi sexy… et en plus, il en rajoute avec sa gouaille et ses attitudes de petit allumeur… ».
Au fond de moi, je ressens une sorte de frisson, un frisson incroyable car inespéré : c’est la grisante sensation, comme une délivrance, de pouvoir enfin partager avec quelqu’un tout ce qui était si secret pour moi avant ; de, réaliser que d’autres pensent comme moi et ressentent les choses comme moi…« C’est clair… ».
« Il t’a bien chauffé, alors ? ».
« Un peu comme toi, il jouait sur tous les tableaux, regards, sourires, allusions… » je lui explique.
« Avec un mec comme lui, on a vite fait de ne plus savoir où l’on habite… ».
« Julien est un coureur mais c’est un bon gars… ».
« J’en suis persuadé… d’ailleurs je ne lui en veux pas pour ce qui s’est passé… ».
« Mais lui il s’en veut apparemment… ».
« Il t’a raconté ? ».
« Pas vraiment, il a juste dit qu’il n’avait pas voulu ce qui s’était passé et qu’il le regrettait, mais il ne m’a pas dit davantage… ».
« C’était un stupide accident… » fait-il, rêveur.
« T’es pas obligé de me raconter… ».
« Il y a prescription désormais… et puis, il n’y a rien à cacher…Juju est arrivé à l’autoécole ce printemps… quand j’ai vu débarquer cette bombasse, j’ai été scotché… en plus il est super sympa, il est marrant… comme il me parlait des filles avec qui il couchait, j’ai fini par lui dire assez vite que moi j’aimais les mecs… il l’a super bien pris, on en déconnait, c’était devenu une sorte de complicité entre nous, il essayait de deviner quels mecs je kiffais, c’était génial… très vite j’ai eu l’impression qu’il y avait une sorte de feeling entre nous, l’impression qu’il me cherchait, qu’il me chauffait… au fil du temps, j’ai fini par me dire qu’il y aurait peut-être le moyen de le mettre dans mon lit… je ne m’étais pas encore vraiment rendu compte qu’il faisait ça avec tout le monde…Un soir je l’ai invité prendre un verre chez moi… on a bien rigolé, on s’est raconté nos vies… il m’a posé plein de questions sur mes relations avec les mecs… au bout de quelques bières, ses regards me semblaient particulièrement chauds et caressants… Je te raconte pas dans quel état j’étais… j’avais bu moi aussi et je me suis dit que j’avais mes chances… alors, à un moment, je lui ai carrément dit que j’avais envie de lui faire une pipe… il hésitait… j’ai fini par lui mettre la main sur le paquet… il m’a regardé droit dans les yeux, avec son regard pétillant sexy à mort… j’ai cru qu’il allait me dire d’y aller, mais il m’a dit :« Fais pas ça ».
Ah, ce ptit con ! J’ai essayé de rigoler, de le chauffer à mort, de lui dire qu’il n’allait pas le regretter… je lui ai même dit que je ne lui demandais rien de plus que ça… mais il n’a pas voulu…Il était tard, il s’est levé pour partir ; nous nous sommes retrouvés face à face ; j’ai vu dans son regard qu’il était rond comme une bille… et j’ai trouvé que l’alcool, ça lui donnait un petit air fragile et perdu qui le rendait, si possible, encore plus sexy que d’habitude… ah, putain… ce mec me rend dingue… j’avais tellement envie de le sucer… à m’en arracher les tripes… il faut dire que j’avais pas mal bu moi aussi… je me suis approché de lui, j’ai tenté de passer mes doigts sous son t-shirt… Dans un premier temps, j’ai eu l’impression qu’il se laissait faire ; je suis même arrivé à effleurer les poils en dessous de son nombril… je te dis pas comment j’avais furieusement envie d'aller débraguetter son putain de short et me mettre à genoux devant lui, le front collé à son mur d’abdos d’acier…C’est là que j’ai senti ses doigts attraper les miens et les stopper net… mon élan était impétueux, le sien mal maitrisé… quand il a chopé mes doigts, j’ai entendu un crack, j’ai eu très mal… et au fond de moi, j’ai su immédiatement que quelque chose avait cassé… ».
« Ah, merde… ».
« Juju voulait m’amener aux urgences, mais je n’ai pas voulu, il avait trop bu… j’ai pensé à son permis, au cas il se serait fait arrêter… et puis, malgré tout, je voulais croire que ce n’était pas cassé…Je n’ai été aux urgences que le lendemain, après avoir passé une nuit blanche à cause de la douleur… entre temps, ma main avait drôlement enflé… résultat des courses… j’ai eu des phalanges et des métacarpes du majeur et de l’annulaire brisées… ils m’ont mis des vis et des boulons… et ils ont emballé tout ça dans une espèce de plâtre… avec la chaleur, c’était horrible… je viens tout juste de l’enlever… deux mois sans sortir, deux mois sans presque baiser, deux mois sans pouvoir me branler avec la bonne main… j’ai cru devenir fou… ».
« Et là, tu as bien récupéré ? ».
« Je n’arrive pas à serrer complètement la main, et probablement je n’y arriverai plus jamais… je vais devoir être opéré à nouveau dans quelques temps pour retirer les vis et les boulons, c’est à ce moment-là qu’on verra combien de mobilité je vais récupérer… ».
« Quelle histoire… je suis désolé pour toi… et je comprends que Julien s’en veuille… ».
« Il est venu me voir plusieurs fois depuis l’accident… il m’a fait les courses, il m’a servi de chauffeur… et grâce à son assurance, je ne perds pas un centime de mon salaire… ».
« Il est adorable… ».
« Oui, mais j’ai voulu mettre de la distance entre nous… ».
« Pourquoi ça ? ».
« Parce que… ce mec me fait un effet bizarre… ».
« Tu as trop envie de lui ? ».
« C’est plus que ça, Nico… je crois que je suis… ah putain… ça m’arrache la gueule de le dire, tellement ça ne me ressemble pas… je crois que je suis… amoureux… de Juju… ».
« C’est beau ! ».
« Non, c’est con… ce mec ne sera jamais à moi… un coureur de jupons et un coureur de caleçons... qu’est-ce que tu veux que ça donne de bon ? Et quand bien même… ce mec n’est franchement pas un cadeau… il baise tout ce qui bouge, mais à condition que ça ait des nichons… avec la gueule et le corps qu’il a, il peut se permettre n’importe quoi… je plains sa copine… être avec ce mec, c’est un sacerdoce… ».
« Tu redoutes de le retrouver au taf ? ».
« Disons que je ne suis pas spécialement pressé de reprendre… putain !… quand je pense qu’il ne veut pas que je le suce juste parce que je suis un mec… alors que je ne lui demande rien de plus que lui faire ce que lui font ses copines… mais en mieux ! ».
Je ne peux m’empêcher de me marrer de sa prétention.
« C’est vrai, quoi… » s’excite Martin « je veux juste lui faire plaisir… nous voulons juste leur faire plaisir à ces cons d’hétéros… leur faire plaisir, tout en les laissant être « les mecs »… tout ce qu’ils veulent, rien que ce qu’ils veulent, autant qu’ils veulent… et merde… pourquoi nous n’aurions pas le droit de se faire plaisir en leur faisant plaisir ? Juju laisserait n’importe quelle greluche fouiller dans son boxer mais pas moi, juste parce que je n’ai pas de chatte… une bouche, c’est une bouche, merde ! … quant à la maîtrise… ».
« Oui, je te confirme, c’est très con un hétéro… ».
« Moi je pense que s’ils ont autant de réticence à se faire sucer par un mec, c’est parce qu’ils ont peur de trop aimer… ils ont peur de ne plus pouvoir s’en passer… et aussi de découvrir des envies qu’ils ne pourront jamais assumer… comme de sucer ou même de se faire prendre… j’en ai connu quelques-uns de soi-disant hétéro qui jamais ne se feraient prendre…Il faudrait les priver de toute gonzesse, du jour au lendemain… tu verrais qu’au bout d’une semaine, ils feraient moins les difficiles si un mec leur propose une pipe ! ».
« C’est clair… ».
« Il fallait que je m’entiche de ce petit con de Juju, je te jure ! » fait-il, avec une certaine tristesse dans la voix.
« Mais tu dois en tomber plein de mecs en boîte… » je tente de dédramatiser.
« Oui, oui, j’en tombe, oui… enfin, j’en tombais… là, j’ai même plus vraiment envie… c’est avec lui que j’ai envie d’être… je donnerais une fortune pour sentir l’odeur de sa peau, pour le serrer contre moi, pour passer une nuit avec lui… une fortune pour avoir le plaisir de lui offrir du plaisir… ça m’est arrivé de coucher avec des mecs et de jouir en pensant à Juju… ».
« T’es vraiment accro… ».
« C’est idiot… alors que je n’ai rien à espérer… » il considère ; avant d’enchaîner, sans transition : « et toi alors… t’as pas ton garde du corps ce soir ? ».
Et de trois. Mais tant pis. Je suis prêt à partager ma détresse avec celle de Martin.
« Je ne le vois plus… il m’a largué… ».
« Ah… mince… ».
« Je suis désolé de t’avoir laissé en plan la dernière fois… » je profite pour m’excuser.
« J’avoue que ça m’a fait bizarre… moi non plus, je ne suis pas habitué à me faire planter… mais bon, je ne peux pas te blâmer… si un étalon pareil vient me chercher, devant plein le monde en plus, je me laisse faire moi aussi… et puis, je pense que tu espérais mieux que juste du sexe avec ce mec… ».
« Moi, oui… mais je me suis trompé sur lui… lui il voulait juste baiser… ».
« Dis… ça te dit d’oublier nos bombasses impossibles et d’aller prendre un verre chez moi ? ».
C’est la deuxième fois on me propose ça cette nuit. J’hésite.
« On n’est pas obligé de baiser… » il précise, en se marrant « on peut juste discuter ou mater un film… ».
Oui, c’est la deuxième fois qu’on me propose ça cette nuit. Et cette fois, je décide d’accepter.
« Super, je n’habite pas loin, à Port St Sauveur… ».
Je n’ai pas envie de me retrouver seul à ruminer dans ma chambre, et Martin m’inspire confiance. Je l’ai trouvé touchant et sincère lorsqu’il m’a parlé de ce qu’il ressent pour Julien ; comme quoi, en grattant un peu sous la surface, dans chaque coureur peut se cacher un esprit sensible.
Il est 3 heures du mat lorsque nous quittons le B Machine. Après une overdose de décibels, ça fait du bien de retrouver le silence de la nuit ; tout comme, après les températures tropicales de la boîte, ça fait du bien de retrouver un air plus respirable.
Le vent d’Autan souffle toujours, et la fraîcheur nocturne est la bienvenue.
Nous contournons le parking en spirale, alors que nous entendons voler un : « Bande de pd ! » sur notre passage.
« N’y fais pas attention… surveille juste du coin de l’œil qu’ils n’approchent pas… et si tu les vois approcher, cours le plus vite possible, et n’arrête pas tant que tu n’as pas croisé du monde… j’ai un pote qui s’est fait démolir par une bande de casseurs… ».
« Des casseurs ? ».
« Des casseurs de pd… ».
« Oui, ça existe… » fait-il, devant mon étonnement.
Nous sortons des petites rues et nous débouchons sur les allées Verdier.
Nous n’avons pas fait 100 mètres qu’une silhouette blanche rentre dans mon champ de vision.
J’ai beau être à 150-200 mètres de distance, je reconnais une démarche cadencée, rapide, souple, masculine ; je reconnais également une façon de fumer, elle aussi, éminemment masculine.
Nous avançons, le type avance droit vers nous : nous allons fatalement nous rencontrer.
Un t-shirt de mec, blanc, aveuglant, bien ajusté, un simple jeans, des baskets…Soudainement, j’ai l’impression que le sang vient de se figer dans mes veines, que mon cœur est sur le point d’exploser à la suite d’un ultime battement, tellement puissant qui défoncerait ma caisse thoracique ; ma tête tourne comme un tambour de machine à laver en mode essorage, mes muscles se crispent, mes tripes se vrillent, j’ai du mal à marcher, et même juste à respirer.
Oui, à cette distance je reconnais la façon de fumer, non pas la cigarette, mais le pétard : SA façon à LUI.
Pas ça, pas ça, pas ça, non… Je cherche une raison plausible pour faire demi-tour, pour éviter le choc frontal. En vain. Mon cerveau est paralysé, je suis incapable de me focaliser sur la moindre pensée ; le t-shirt blanc approche vite et la collision est déjà inévitable.
Un étrange mélange d’émotions s’agite en moi… j’ai envie de pleurer et j’ai peur…Quinze jours depuis ce maudit vendredi 10 août ; quinze jours passés à tenter de l’oublier, à tenter de soigner mes blessures, à essayer de me donner l’illusion que je suis en passe de guérir de cet amour dévastateur.
Pourtant, il me suffit de capter sa présence à des centaines de mètres pour qu’en une fraction de seconde, tout remonte, dans mon cerveau, dans ma chair : son sourire pendant la semaine magique, sa langue, les baiser musclés, le goût de sa peau, son kif, mon kif, la puissance de ses giclées, le goût de son jus ; ses coups de reins ; ses doigts sur mes tétons, sa main sur ma queue, sa main qui me fait jouir ; la capote qui tombe de son jeans ; notre dispute, mon coup, son coup…Alors, oui, j’ai envie de pleurer.
Mais aussi, et surtout, j’ai peur ; peur de sa réaction lorsqu’il va me voir en compagnie d’un mec, et à fortiori CE mec, dont il a déjà été jaloux.
Bien sûr, le voir jaloux ce serait une belle revanche par rapport à sa méchanceté de cet horrible vendredi !
Ce que je redoute par-dessus tout, c’est son indifférence ; alors qu’une bonne scène de jalousie me ferait tant de bien, ça montrerait que je ne suis pas qu’une petite merde à ses yeux.
Ce qui me fait peur, c’est qu’une scène de jalousie ce serait assurément virulent ; j’ai peur de l’esclandre, des mots blessants, de son mépris ; j’ai peur de la violence, de l’affrontement ; le connaissant, avec son sang chaud bouillant, ça pourrait vite déraper.
Je me demande aussi comment Martin, dont je ne connais pas le caractère, pourrait réagir si Jérém se mettait à faire le con. Je ne veux surtout pas de bagarre.
100 mètres… je reconnais ce t-shirt, c’est le même qu’il portait le soir du repas de fin de lycée, tellement moulant qu’on le croirait peint sur sa peau… combien de souvenirs autour de ce t-shirt… 50 mètres… t-shirt CK proche collision… mais qu’est-ce qu’il fait là, seul, à cette heure ? Il n’est pas avec sa pouffe ? Est-ce qu’il a bu ? Fumé ? Il vient d’où, il va où ?
40 mètres… dernière possibilité de mise en garde…« Martin… ».
« Oui ? ».
« Mon ex garde du corps nous fonce dessus… ».
« Ah, c’est lui, là ? J’étais justement en train de tenter d’évaluer le degré de canonitude du mec… ».
« Oui, c’est lui… s’il te plaît Martin… ».
« Tu gardes ton calme, je garderai le mien… et on s’en débarrasse vite fait… ».
30 mètres… allure alcoolisée/fumée confirmée… et il fume toujours…20 mètres… un petit hochement de la tête, accompagné d’un éclair mauvais traversant son beau visage de mec : voilà la notification du fait qu’il vient de me capter, et de capter que je ne suis pas seul…15 mètres… il est beau, beau comme un dieu dans son t-shirt blanc immaculé, presque une deuxième peau sur sa plastique de fou… ah, putain ! C’est à hurler à s’en casser les cordes vocales…10 mètres… putain de brassard tatoué, et putain de nouveau tatouage, ressortant par le col du t-shirt, le long de son cou, jusqu’à son oreille, jaillissant par la manchette collée à son biceps… 9 mètres… le blanc du coton, sa peau mate, chaude, douce, parfumée, l’encre noir des tatouages… contrastes magiques… je craque !
8 mètres… ses beaux cheveux bruns, comment j’ai envie de les caresser !
7 mètres… le petit grain de beauté dans le cou, la chaînette posée sur le coton blanc… j’ai envie de lui !
6 mètres… envie de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de câlins…5 mètres… envie de son corps musclé sur le mien, et lui coulissant en moi…4 mètres… envie de le sentir prendre son pied… envie de mes sentir dominé, débordé, chauffé, rempli par sa virilité, par sa puissance de jeune mâle…3 mètres… envie de retrouver la complicité de la semaine magique… 2 mètres… envie de lui crier : « je t’aime »…
Et BAM !
« Hey… » fait-il sur un ton étonnamment décontracté… ou, surtout, complètement shooté par le pétard….ce qui n’est pas une bonne chose, a priori…Tout de suite, je remarque que sous son œil, une légère trace de coup persiste : putain, je l’ai vraiment frappé fort.
« Salut… » je lui réponds avec une petite voix ridicule ; j’ai le souffle coupé, le cœur dans la gorge.
« On se balade ? » fait-il, sur un ton en apparence aimable.
« Ouais… il fait bon maintenant… ».
On peut toujours chercher une réplique plus idiote.
Lorsqu’il expire la fumée, je reconnais l’odeur du tarpé.
« Tu me présentes pas ton pote ? ».
Bon, ça commence moins mal que je l’avais imaginé ; il n’y a que son ton distant et détaché qui me blesse ; pourtant, quelque chose dans le ton un brin sarcastique de sa voix me ferait dire qu’au-dessous de cette politesse de façade, ça bouillonne sévère.
J’ai l’impression de marcher sur des œufs… écourter… s’en débarrasser vite… suit le conseil de Martin, Nico…« Si… Martin… Jérémie… Jérém… Martin… » j’énumère, les jambes flageolantes.
Dans mon champ de vision, deux facettes de la plus absolue perfection masculine, deux styles opposés : t-shirt-blanc-jeans-baskets-chaînette-de-mec VS chemise-à-carreaux-noirs-et-blancs-pantalon -chaussures-de-ville-belle-montre-de-marque… bref, p’tit con insupportablement sexy VS mec très classe insupportablement sexy.
Oui, ça avait l’air de ne pas avoir trop mal commencé ; mais ça ne va pas durer.
Martin lui tend la main, poliment ; mais Jérém, petit con de son statut, ne la saisit pas, tout en expirant la fumée dans sa direction.
« On s’est déjà croisés à l’Esmé… » il ajoute, avec mépris ; et il continue, avec un certain dédain : « alors, t’as été t’amuser au… B Machine ? ».
Ainsi, Jérém connaît le B Machine… tout comme la Ciguë… et le On Off… combien de fois a-t-il déjà mis les pieds dans le milieu gay ? Combien de mecs s’est-il déjà envoyés ? Romain a donc raison de me mettre en garde…Voilà peut-être la réponse à ma question de savoir où est-ce qu’il allait, seul, à cette heure tardive : il était peut-être en train de se diriger vers là d’où justement nous venons…Je ne sais pas trop quoi répondre, ni comment me comporter face à son attitude ; oui, il a fumé, et il certainement bu aussi, je le sens au ton éraillé de sa voix ; je dois éviter de le chatouiller, je dois éviter à tout prix que ça dérape.
Un silence gênant s’installe. Vite, trouver un prétexte pour se tirer.
Mais avant que j’aie pu échafauder quoi que ce soit, Jérém revient à la charge, le ton de la voix de plus en plus froid et méprisant :« C’est bien, t’as trouvé un nouveau mec… ».
Tutt'al più, mi accoglierai/Tout au plus, tu m’accueillerasCon la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu n’as jamais eue
Pourtant, je sens qu’au fond de lui, il est énervé de me trouver en compagnie de Martin. Comme si ça le faisait chier de me trouver :
Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec (celle) celui qui a pris (ma) sa place…
Au fond de moi, une voix a envie de crier que personne n’a pris sa place ; que si j’ai été au B Machine,
Non è perché l’amore sia finito/Ce n’est pas parce que l'amour est terminéIo ti amo ancora/Je t’aime encore
Oui, j’ai envie de lui crier que, non, personne n’a pris sa place, du tout ; que si j’ai accepté de finir ma soirée avec Martin, c’est juste parce que j’ai besoin de ne pas être seul, parce que je n’ai plus envie de pleurer en pensant à lui ; j’ai envie de lui crier que la présence de Martin à mes côtés est juste une façon de trouver un peu de répit à la souffrance, une façon de supporter cet immense gâchis.
Mais à cet instant, la seule chose que je me sens capable de faire, c’est de partir loin, au plus vite, loin de lui, de ce malaise et des larmes que je sens monter en moi.
« On va y aller… » je fais à l’attention de Martin.
« Non, moi je dis que c’est bien, il faut savoir passer à autre chose… » revient à la charge Jérém, de plus en plus sarcastique « alors, t’en as bien profité depuis deux semaines ? ».
E forse mi chiederai/Et peut-être tu me demanderasQuanti ragazzi ho avuto/Combien de gars j'ai eusDimenticando te/En oubliant que tu (étais le plus important de tous pour moi)
« Ça y est, tu es à nouveau « amoureux » ? » il ajoute, railleur.
Eppure tu sai bene/Pourtant, tu le sais bienChe una ragazza come me/Qu'(une fille) un mec comme moi Non scherza con l’amore/Ne plaisante pas avec l'amourNon ha scherzato mai/N’a jamais plaisanté.
« Jérém, tu es relou… ».
« Tu ne disais pas ça quand tu me suppliais de te baiser… » fait-il, mauvais.
« Tu ferais bien de te calmer… ».
La voix chaude et calme de Martin vient de se manifester.
« Sinon quoi ? » fait Jérém, soudainement agressif.
« Sinon rien… il est tard, on va rentrer… ».
« C’est qui ce bouffon ? » fait Jérém, de plus en plus piquant.
« Hey… » fait Martin en haussant le ton de la voix « je t’insulte pas, tu m’insultes pas ! ».
« La ferme, toi ! C’est à lui que je cause ! A toi je n’ai rien à dire… toi, tu n’existes même pas ! ».
Ses mots, tout comme son attitude, sont clairement provocateurs et mauvais. J’ai l’impression que Jérém cherche à faire sortir Martin de ses gonds : j’ai l’impression qu’il cherche la bagarre.
« Tu commences vraiment à me casser les couilles ! » fait Martin, soudainement emporté. J’ai l’impression qu’il est lui aussi à deux doigts de perdre son calme.
« Tu veux quoi, tu veux me cogner ? » fait Jérém, en mode petit coq arrogant et provocateur.
« Je ne me bats jamais… ça ne sert à rien ! ».
« Tu te bats pas parce que t’as pas de couilles… ».
« Tu veux voir ça ? ».
« Martin, Jérém, s’il vous plaît, arrêtez ! » je crie, tout en m’interposant entre les deux.
« Martin, on y va ! Et toi, Jérém, casse-toi ! Tu m’as dit de dégager de ta vie, alors, maintenant, fiche-moi la paix ! ».
« T’inquiète, je vais te foutre la paix… tu ne me verras plus jamais ! ».
« Tant mieux ! » je crâne, alors que je crie et je pleure et je saigne à l’intérieur.
« Fais-toi sauter par qui tu veux, je n’en ai rien à foutre, je me suis assez amusé avec toi ! ».
Tutt’al più mi offenderai/Tout au plus, tu m’offenserasEt tu mi caccerai/Et puis tu me chasseras (…)Dicendo che oramai/Me disant que maintenantNon t’interessa più/Tu ne te soucies pas plusUna ragazza che/Pour un(e) (fille) mec quiServiva solamente/A servi seulementPer divertirsi un po’/Pour s’amuser un temps
« T’es nul, Jérém… »« Viens, on y va… » fait Martin sèchement.
« Oui, on va y aller… » je le seconde « salut Jérém… ».
Jérém se tait, le regard vide, comme désemparé. C’est un regard dans lequel j’ai l’impression de lire le même souvenir qui m’arrache le cœur depuis que le destin, avec son ironie impitoyable, ait provoqué cette rencontre inattendue : c’est le souvenir de cette nuit à l’Esmé où j’avais failli partir avec Martin… le souvenir de son sketch, lorsqu’il était venu me chercher, me sommant de rentrer avec lui ; obtenant, au final, que je rentre avec lui.
Un souvenir qui se met tout seul en parallèle avec cette nuit, où je suis en train de repartir avec ce même gars, sous ses yeux. Certes, Jérém ne m’a pas demandé de repartir avec lui, cette nuit : d’une part parce qu’il n’a plus de chez lui ; et d’autre part, parce qu’il m’a quitté il y a deux semaines.
Jérém se tait, comme s’il essayait de contenir sa colère, des mots qu’il regretterait ; il se tait, comme pour garder les apparences, comme s’il renonçait à « jouer » pour ne pas devoir affronter la « défaite ».
Ses traits sont figés, par la fatigue et la frustration, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; son regard perdu, rempli de désolation, est le même que j’ai vu dans ses yeux la dernière fois qu’il est venu chez moi, après qu’il m’ait quitté, alors que j’essayais de le retenir ; et tout comme à ce moment-là, ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard ivre mort qui vient de me balancer des horreurs, mais un garçon très, très, très malheureux. Et ça me fend le cœur.
Mais quoi faire pour annuler cette distance infinie qu’il a voulu, lui et lui seul, mettre entre nous ?
Je me suis battu pour cela, depuis des mois ; j’ai tout essayé pour me rapprocher de lui. Et là, force est de constater mon échec. Oui, c’est un gâchis inouï ; mais puisqu’il ne veut rien entendre, à quoi bon dépenser encore de l’énergie pour me battre, alors que je n’ai plus l’énergie de me battre.
Ce qui ne m’empêche pas de me demander si, au cas où il avait encore eu un « chez lui », il aurait à nouveau essayé de m’arracher de Martin… l’espoir de retrouver un amour malheureux est si dur à juguler…Pendant que Martin et moi reprenons notre chemin, je sens son regard s’accrocher lourdement à moi, happer mon énergie, entraver le mouvement de mes jambes : le fait est que mon corps est en train de s’éloigner DE lui, mais que mon cœur est resté AVEC lui. Mes pas sont de plus en plus pénibles au fur et à mesure que je tente de m’éloigner, comme si un fil invisible était en train de se tendre entre ces deux bouts de moi : jusqu’où ce fil va se tendre avant de casser ? Ou bien, lequel des deux bouts sera de taille à ramener l’autre auprès de lui, lorsque le fil trop tendu donnera un grand coup de ressort ?
Nous n’avons pas fait 10 pas, que j’entends sa voix résonner dans l’allée :« Nico… ».
Je me fige sur place, le dos secoué par mille frissons, la tête comme un manège, la respiration coupée : au fond de moi, j’espère, je veux, je crie pour qu’il puisse changer d’attitude du tout au tout, qu’il essaie de me rattraper comme lors de cette fameuse nuit ; qu’il me laisse enfin comprendre que, malgré tout, je suis quelqu’un de spécial pour lui, que je lui manque.
Je me retourne, le cœur en mode marteau piqueur ; mon espoir aura été de courte durée : son regard est à nouveau noir et plein d’éclairs mauvais :« Pour ton info… ton cadeau de merde, je n’en ai rien à cirer ! ».
« T’as qu’à le foutre à la poubelle, si ça te chante ! ».
« T’inquiète, c’est fait ! ».
Et BAM ! Voilà le grand coup de ressort qui ramène mon cœur à moi, mais en mille morceaux.
« Laisse tomber, viens… » fait Martin, impatient.
Un doigt d’honneur pour seule et unique réponse, Jérém reprend son chemin comme une furie.
Je le regarde s’éloigner, en pensant à l’affreux gâchis qu’il vient de faire du souvenir de cette merveilleuse complicité que nous avions, il y a encore trois semaines.
Je pensais qu’il ne pouvait pas me faire davantage souffrir qu’il l’avait pu il y a deux semaines : je me trompais. Cette nuit, il a tout trainé dans la boue ; cette nuit, ma souffrance est renouvelée et portée à des sommets encore jamais atteints.
Envie de pleurer. De courir et de pleurer. D’être seul et de pleurer.
« Ne l’écoute pas… il est rond comme une bille, il dit n’importe quoi… » fait Martin, adorable.
Merci Martin.
Chez Martin, nous avons pris un verre et je lui ai reparlé de mon amour impossible, lui du sien ; je lui ai reparlé de mon cœur brisé, il a fait de même.
Nous nous sommes allongés sur son lit. Il m’a pris dans ses bras, il m’a caressé, il m’a embrassé. Je me suis laissé faire.
Son parfum m’étourdissait, son regard m’hypnotisait. Le contact avec sa peau chaude, avec son torse dénudé, avec ses pecs saillants et assez poilus, me faisait sentir bien.
Martin a été doux, attentionné, câlin, sensuel. Lorsqu’il a passé sa main sous mon t-shirt, il s’est attardé à me caresser, tout en continuant à m’embrasser.
J’ai croisé son regard, un regard qui attendait un signe de ma part pour savoir de quoi j’avais envie… est-ce que je savais seulement de quoi j’avais envie ?
https://www.youtube.com/watch?v=OYttugD31rI
Se immagino che tu sei qui con me/Si j’imagine que tu es ici avec moiSto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!
Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner l’illusion de t’avoir à nouveauCom'era un anno fa/Comme c’était il y a un an.
Io stasera insieme ad un altro/Ce soir, je suis avec un autre (…)
Puis, Martin s’est glissé sur moi, il a défait ma ceinture, ma braguette. Lorsqu’il m’a pris en bouche, ça a été le feu d’artifice pour mes sens.
Pourtant, pendant que mon corps prenait son plaisir, mon cœur pleurait ; alors, je fermais les yeux et je me laissais aller à cette… Pazza Idea/Idée folle…
Pazza idea di far l'amore con lui/Idée folle de faire l'amour avec luiPensando di stare ancora insieme a te!/En imaginant d’être encore avec toi!
Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de t’avoir iciMentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux et je suis à toi.
Martin s’est allongé sur moi, il m’a embrassé ; il m’a souri, je lui ai souri…
Pazza idea, io che sorrido a lui/Idée folle, alors que je souris à luiSognando di stare a piangere con te/Tout en rêvant de pleurer dans tes brasFolle, folle, folle idea sentirti mio/Folle, folle, folle idée de te sentir à moiSe io chiudo gli occhi vedo te/Si je ferme les yeux c’est toi que je vois.
Pazza idea.../Idée folle, que de coucher chacun de notre côté… alors qu’on est fait l’un pour l’autre…
Ainsi, après avoir partagé nos solitudes et nos détresses, Martin et moi avons partagé le plaisir ; puis, nous nous sommes assoupis l’un à côté de l’autre.
Il est 4h30 du mat lorsque je me réveille, en sursaut. Il fait chaud dans l’appart et je sors chercher de la fraîcheur sur le balcon.
Je regarde la ville endormie, j’écoute le silence de la nuit ; Jérém me manque à en crever.
Je repense à ce maudit vendredi, la dernière fois qu’il est venu chez moi. Je le revois, planté sur le pas de porte, si distant, le regard fuyant, me demandant de lui rendre sa chaînette, pressé de repartir.
J’avais dû insister pour qu’il rentre, et j’avais dû ramer pour qu’il me laisse lui faire plaisir : et même s’il avait fini par se laisser faire, ce jour-là, le sexe avait été incroyablement triste.
Jérém semblait ailleurs, perturbé par une sorte de mélancolie, par un malaise palpable que même son attitude de macho, qui sonnait d’ailleurs un brin forcée, n’avait pas réussi à masquer.
Et puis il y avait eu l’accident de la capote tombée de son jeans, ses mots blessants, sa goujaterie, qui sonnait fausse elle aussi ; je repense à son regard, toujours ailleurs, à sa jambe, animée par une sorte de tremblement nerveux.
« Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » j’avais essayé de le retenir.
Je le revois, là, devant moi, muré dans son silence, le regard posé sur la poignée de la porte ; je revois ses traits figés, ses paupières qui clignent nerveusement, ses lèvres serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam qui bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; ses yeux qui se ferment lourdement, se rouvrent ; ce petit mouvement de sa tête sur le côté, comme s’il voulait chercher mon regard, avant que ses yeux ne se perdent à nouveau dans le vide.
J’ai eu l’impression de me retrouver devant un garçon qui n’était pas mon Jérém ; un garçon qui se faisait violence pour être aussi méchant, pour me blesser et m’éloigner de lui :« Il n’y a toujours eu que ton cul qui m’intéressait ! » ; « Le mec de la piscine, c’est pas moi qui t’a dit de baiser avec… » ; « T’es pas le seul mec que j’ai fait couiner… ».
Ma colère aveugle ; mon coup ; son coup.
« T’es vraiment qu’une petite merde ! »… « tu vas dégager de ma vie ! ».
Maman qui débarque.
Et je repense à son dernier regard avant de partir, ce regard qui me brise le cœur davantage encore que ses mots cruels ; ce regard perdu, rempli de désolation, de chagrin, et de regret. Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer plein d’horreurs, mais un garçon très malheureux.
Ce même regard que j’ai retrouvé ce soir, alors que je repartais avec Martin ; ce regard que j’ai retrouvé au-delà de sa colère, de sa vulgarité, de son mépris, de son état d’ivresse.
Oui, Thibault a raison : au fond, Jérém, n’est qu’un animal blessé qui se débat, qui réagit à sa souffrance par la violence ; oui, que ce soit en me quittant il y a quinze jours, ou en me retrouvant en compagnie d’un autre cette nuit, son comportement n’est au fait que le révélateur de sa détresse.
Quand je vois Jérém dans cet état, je comprends l’inquiétude de Thibault et je ressens la même inquiétude, une inquiétude qui me prend au ventre. J’ai peur qu’il se mettre en danger, j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose.
Qu’a-il-fait, après être reparti en colère tout à l’heure ? Où est-il allé ? Qui a-t-il rencontré ? Est-ce qu’il a bu davantage, fumé davantage ? Avec qui a-t-il couché ? Est-ce qu’il s’est au moins protégé ?
Soudainement, je me sens prêt à aller le voir, où qu’il soit, prêt à retourner toute la ville pour le retrouver et pour m’excuser de l’avoir frappé, pour lui dire qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie.
Non, je ne peux pas me résigner à le perdre de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble.
Alors, à cet instant précis, je me dis que, dès demain, je vais l’appeler, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; je me dis que oui, demain je vais trouver les mots ; que demain, je vais retrouver mon Jérém.
À cet instant précis, le lendemain me semble encore plein de promesses.
À l'autre bout de la ville, cherchant lui aussi la fraîcheur sur son balcon, Thibault non plus n'arrive pas à dormir. Quelque chose le tracasse, lui empêchant de trouver le sommeil. Cette nuit, comme depuis de nombreuses nuits.
Thibault est inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son Jéjé depuis plus d’une semaine ; il a la nostalgie de cette époque où ils étaient comme des frères, l’un pour l’autre ; et il ressent une immense tristesse en pensant que cette époque semble être désormais bel et bien révolue ; et imaginer l’avenir sans la présence de son Jéjé, ça lui arrache le cœur.
Jamais il n’aurait cru que ça puisse arriver un jour ; il a fallu que le Stade le choisisse, lui, et qu’il laisse son pote sur la touche. Il a fallu que le rugby s’interpose entre eux.
Depuis une semaine, il a essayé d’appeler son Jéjé, il lui a laissé des messages ; il n’a jamais réussi à l’avoir.
Depuis une semaine, il n’y a pas eu une heure, une minute, où il n’a pas pensé à son pote et à sa déception après l’injustice de son exclusion des poteaux toulousains ; pas un seul instant où il n’a pas pensé à son Jéjé, se privant lui-même de la présence bénéfique de Nico ; pas un instant sans qu’il ne pense à son pote loin de lui, sans qu’il s’en veuille à mort pour la façon dont ils ses sont quittés la dernière fois qu’ils se sont vus ; pas un moment sans ressentir l’inquiétude que son pote, désormais seul et désorienté, puisse se mettre en danger ; pas un moment, sans que tout cela ne lui noue la gorge, lui vrille les tripes.
Oui, depuis une semaine, Thibault a le cœur lourd, très lourd : un cœur qui en a encore pris un coup quelques heures plus tôt, lorsque Nico est allé lui parler. Car, à partir de ce moment-là, son cœur s’est encore alourdi un peu plus, de la honte d’avoir menti à Nico ; ou du moins de ne pas lui avoir tout dit, comme c’était le cas déjà l’avant dernière fois qu’ils s’étaient vus.
Une grande résolution de profile dans son esprit ; une décision importante, terriblement difficile à prendre.
Mais avant de cela, Thibault se dit que, dès demain, il va rappeler son Jéjé, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; il se dit que oui, demain il va trouver les mots pour sauver leur belle amitié ; que demain, il va retrouver son Jéjé.
À cet instant précis, pour Thibault, tout comme pour moi, le lendemain semble encore plein de promesses.
C’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous nous sentons pas le courage de faire aujourd’hui, pour trouver les mots que nous n’avons pas su prononcer plus tôt, pour nous reconcilier avec les personnes avec qui nous regrettons d’être fâchés : en somme, pour être en harmonie avec nous-mêmes ; pour être heureux, tout simplement.
La nuit va bientôt se terminer et le vent d’Autan n’a rien perdu de sa vigueur ; il caresse ma peau, s’engouffre dans mes cheveux, essuie mes larmes ; il fait onduler les branches les arbres des allées, il balaie les feuilles que la sécheresse commence à faire tomber ; c’est encore lui qui qui fait osciller les câbles des lignes électriques, qui s’engouffre dans les places, les avenues, les rues de la ville rose, qui traverse les grilles du Boulingrin, que je contourne en rentrant chez moi, après avoir quitté l’appart de Martin au petit matin.
Devant le Grand Rond, je ralentis le pas : je suis percuté par la violence du souvenir, ce tout premier souvenir de ma nouvelle vie, le souvenir d’un beau jour de mai, le souvenir de mon parcours, plein d’angoisses et d’inquiétudes, vers les « révisions », vers l’appart du garçon que j’aime depuis le tout premier jour du lycée.
Je me souviens de cet après-midi ensoleillé ; ce jour-là, le vent d’Autan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, caressant ma peau, s’engouffrant dans mes oreilles, me racontant le réveil d’un printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris du Grand Rond.
J’ai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour tenter de faire taire mon hésitation.
Cette nuit encore, le vent d’Autan semble m’encourager à retrouver mon Jérém, dès demain.
Oui, c’est reposant de se dire qu’il y aura toujours un demain pour faire ce que nous n’avons pas le courage de faire aujourd’hui…
Je ne me lasse pas de cette caresse légère que le vent d’Autan pose sur moi ; c’est la même caresse qui glisse dans les moindres recoins de la ville, dans la place du Capitole, place Wilson, boulevard Carnot, rue de la Colombette, jusqu’à cette rue du centre-ville, là où une petite foule s’est amassée autour d’un gars à terre, inconscient, après que sa tête ait heurté violemment un mur en briques, lors d’une bagarre entre mecs bourrés…
… la vérité c’est que nous ne savons rien de ce que demain nous réserve ; car, en une fraction de seconde, le temps d’un battement d’aile de papillon, la vie que nous connaissons peut se retourner, du tout au tout…
Le vent d’Autan glisse sur mon visage, tout en glissant au même moment sur un t-shirt blanc, un t-shirt habillant la peau mate, le torse magnifique d’un jeune rugbyman ; un t-shirt qui a été blanc mais qui, plus les secondes passent, plus il se tache copieusement de rouge vif…
… la vérité c’est que la vie est un cadeau ; un cadeau dont il faut savoir profiter, tant qu’il est possible.
FIN de la SAISON 1 de JEREM & NICO.
L’épisode complet sur jerem-nico.com.
Ne ratez pas le générique de fin de saison ci-dessous, avec les remerciements à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible.
Merci de le regarder la vidéo jusqu’au bout, vraiment jusqu’au bout : une petite surprise vous attend…
https://youtu.be/iC12TVfCZg4
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