Pêche nocturne
Récit érotique écrit par Ffgbear [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 17-12-2015 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Pêche nocturne
Pêche nocturne
Pierrot
Le lac est magnifique, il reflète le rose orangé du ciel juste après le couchant. Nous sommes installés depuis la fin de la matinée le tanker (la tente kaki) est monté depuis longtemps et j'ai même pu y faire une petite sieste dans l'un des deux confortables matelas mousse. Il a fait une chaleur à mourir, pas une amorce de Tramontane, une eau plate comme de l'huile, pas la moindre ridée. J'ai passé pas mal de temps dans l'eau pour me rafraîchir, heureusement ici le naturisme est toléré. On est bien installé au fond d'une minuscule crique, sur le gravier rouge. Il à fait pas loin de 40°, même la nuit va être très tiède. Après un bain qui rafraîchit nos corps nus, je pars à la recherche de bois sec, dans la crique d'à côté pour quelques grillades. Aujourd'hui, c'est lui le pêcheur, moi je cuisine. Nous parlons peu, notre relation a toujours été taiseuse, avec lui, même les silences sont denses.
C'est une pêche assez étonnante, une multitude de gadget high-tech: détecteurs variés de touches lumineux ou sonores, bateau télécommandé pour larguer l'amorce. Moi, plus que la pêche, ce que j'aime c'est être avec lui.
C'est un drôle de mec, un méridional long et voûté, noir de peau en cette fin d'été et noir de son regard, malicieux et rieur, il est au chômage depuis qu'il à été viré d'un sous-traitant aéronautique de Montpellier. Pôle emploi lui fout la paix, à plus de 55ans trouver un job au centre de l'Hérault c'est pas facile, alors il fait des petits jobs dans l'agriculture. Il y a récupéré une belle musculature longue, toute en finesse et surtout de belles fesses, grâce au travail horticole.
Les pêches de nuit, il les préfère. Les baigneurs sont partis, les familles, aussi les rôdeurs. Pas un bruit, un minuscule clapotis et les cris des oiseaux d'eau mais qui ne vont pas tarder aussi à se taire. On a mis quelques Corbières à rafraîchir et on casse la croûte avec les saucisses et le pain de seigle du village. Georges est radieux de m'avoir retrouvé. Après le repas on se précipite à nouveau à l'eau. Les lignes sont loin, ça ne va pas effrayer les carpes. On ressort avec précaution car les cailloux sont un peu aigus et les moules d'eau douce coupantes. Lorsqu'il sort du lac, un peu rafraîchi, j'aime voir son sexe épais et long avec sa longue peau de prépuce qui fait gargouille pour l'eau qui s'écoule de son torse.
Mes parents ses voisins au village depuis mon enfance, tacitement, lui ont confié mon apprentissage de la nature, à la pêche, aux champignons, aux escargots ou le nez en l'air. C'est lui qui a permis à la Nature de me parler, aux paysages de se raconter.
Je me souviens d'une pêche au brochet dans un canal, je devais avoir dans les douze treize ans et j'étais déjà un grand échalas. Nous étions près d'un pont sous lequel il y avait moins de nénuphar. Il faisait chaud en cette fin de matinée. Georges en short, torse nu, couché sur le ventre la tête vers l'eau observait le gros bouchon que le gardon qui servait de vif tirait ça et là, le noyant un peu parfois. A deux mètres du sien, le bouchon rouge de ma ligne, au dessus d'un trou d'eau s'agitait aussi. Bien sûr, je le surveillais, mes yeux suivaient ses mouvements mais ma tête posée sur le dos tiède de Georges était toute occupée à un sérieux exercice de télépathie : je pensais de toutes mes forces au désir que j'avais pour lui et il me semblait impossible que cette pensée si intense ne puisse pas envahir son esprit, le faire se retourner vers moi et m'embrasser comme j'avais vu les amants s'embrasser dans les films. Mais non, quand il s'est assis pour remonter sa ligne, il à simplement attrapé mes épaules de son long bras et ébouriffé mes cheveux, remonté une bouteille d'eau du canal et proposé de boire un coup ! « on va y aller,sinon gare aux coups de soleil » a-t-il dit. On a plié les gaules et cherché un coin abrité pour casser la croûte. Bien sûr mon rêve ne s'était pas réalisé, j'étais déçu, mais têtu, je recommencerais.
Après l'internat au lycée et mes études à Marseille, dès que j'avais du temps on a repris nos randonnées dans la garrigue. Aux retrouvailles, il s'autorise parfois à passer son bras sur mes épaules, me serrer contre lui, je sens son émotion à me retrouver, je sens aussi sa retenue. Ces gestes d'affection discrète m'ont tant manqué, tout le temps où nous nous sommes peu vu. J'ai, Depuis l'enfance dans le désir de me blottir dans ses bras, protégé de son corps il n'a jamais su ou voulu déceler l'amour et le désir que j'avais pour lui.
Les cannes sont tenues par les rod-pod, béquilles améliorées, toutes les lignes sont à l'eau, les détecteurs branchés, il ne reste qu'à attendre en bavardant à voix basse, peu d'espoir de poisson pour cette nuit, tant il fait chaud.
Georges et moi ne sommes pas de la même génération, presque trente ans nous séparent. Je l'ai toujours connu seul chez lui, mais c'était, c'est toujours, un bel homme et sûrement il a eu des liaisons mais je n'en ai jamais rien connu. Peut-être aussi a-t-il traversé une grande déception. J'étais encore minot, en CM, j'allais le retrouver après les devoirs, avant dîner, souvent je le trouvais triste, prostré, méditatif mais à mon arrivée il retrouvait le sourire et le regard bienveillant que je lui avais toujours connu.
Avec le lycée et mon isolement à Marseille ou je me masturbais intensivement tous les jours j'ai quand même appris à découvrir le corps d'autres garçons, qui m'ont aidé à me découvrir moi-même.
Georges ? Peut être a-t-il de l'attirance pour moi mais je sens aussi qu'il ne fera jamais le premier geste. Imagine-t-il même que je puisse le désirer, que je le désire depuis si longtemps ? Il m'aime, j'en suis certain, oui mais comme un père qu'il pourrait être, un oncle bienveillant qui m'a ouvert à la nature, un mentor, qui n'a pas en lui le désir charnel que j'ai pour lui. J'ai peur de cette rencontre. J'ai peur qu'il me repousse. Mon affection, mon amour, mon désir de son corps, j'ai peur qu'il s'en effraie. Je suis adulte mais me voit-il comme un adulte ou encore comme le mioche qu'il emmenait aux champignons il n'y a pas tant d'années que cela.
Je vais me coucher, il reste surveiller les lignes, il n'y a rien à surveiller. Je rapproche les deux matelas mousse côtes à côte.... on verra bien s'il les éloigne. Une demi-heure plus tard il revient vers la tente, je vois bien que son réflexe est de tirer son lit plus loin, mais non, il le laisse et s'allonge à mon côté. Nous sommes nus tous les deux, la chaleur sous la toile est étouffante. Il est sur le dos, il ne dors pas. On sent cela, ses muscles ne sont pas relâchés. Nouvelle demi-heure de tension, du moins pour moi, ma queue est bandée à être douloureuse. Je pivote et me mets sur le flanc, la main droite peut ainsi se poser sur son torse, comme si j'étais endormi mon bras barre sa poitrine. Il n'a pas un geste, seule sa respiration s'est accélérée et les battements de son coeur sous mon coude aussi. Longues minutes et ses doigts enfin saisissent les miens, caressent ma main, la porte vers ses lèvres, l'embrasse, lèche chacun de mes doigts.
Il se retourne vers moi et me tire vers lui, m'embrasse à pleine bouche, parcourt mon visage de ses lèvres et de sa langue, fouille mon oreille. Je le serre contre moi et je suis aussi dans l'étau de ses bras, nos sexes sont collés ensemble entre nos deux ventres.
Je desserre son étreinte pour glisser ma bouche à son sexe. le prépuce à disparu étiré par l'allongement de son pénis, qui bat une mesure désordonnée. Son gland est juste adapté à ma bouche et ma langue danse autour, dans le sillon, et pointe dans son méat. Ma bouche descend à m'étouffer, le long de la hampe épaisse de son sexe, le gland enfoui au plus profond de ma gorge au dessus de la glotte. Je le fait coulisser mais je n'ai pas trop le temps car il explose en moi, GEORGES, enfin... En deux coups de poignet je viens aussi. Et de nouveau l'étau de ses bras qui me serre contre lui, poitrine contre poitrine et coeurs aux rythmes affolés.
Tant pis pour la carpe.
Georges
Il est adulte, maintenant, Pierrot, alors est-ce que ça change vraiment ?
Nous déjeunions chez ses parents, il avait six ans, il a mis sa petite main dans la mienne et a dit « on va se promener ? » Déjà presque vingt ans que de petites promenades en longues randonnées, nous sommes compagnons de balades dans la nature. Je me souviens quand il avait 7 ou 8 ans son air attentif et ses yeux qui suivaient mes moindres mouvements quand ayant trouvé un champignon, je lui expliquais comment le reconnaître, comment le récolter sans trop déchirer le mycélium, couper la base du pied puis peler à l'Opinel les parties qui pouvaient être terreuses. Puis au suivant c'est lui qui le faisait, souvent sa petite langue rose émergeait de ses lèvres comme souvent les font les enfants appliqués à tirer des traits avec leur règle. Il le faisait lentement soucieux de bien faire et de voir dans mon sourire un encouragement. De bolets en chanterellles, de russules en coulemelles, nous avons passé ainsi les années de sa jeunesse à parcourir les vallons et les collines entre Lodève et Clermont. Nous parlions très peu, attentifs aux bruits de la nature guettant à partir du printemps les « Houpoupoup » des Huppes peu farouches, les oedicnèmes et outardes parfois dans les vastes étendues du Larzac. C'était un jeu entre nous d'imiter ou de reconnaître leurs cris. Nous allions à la pêche aussi, et les jours d'été pluvieux aux escargots. Il était devenu un vrai naturaliste. Au cours de ces années je l 'ai vu grandir. Moi qui n'avais pas d'enfant je m'étonnais des vagues de croissance qui ne concernaient pas tous les organes en même temps. Les jambes surtout où pendant de longues période, quand il n'était pas en short, il portait des pantalons trop courts, feu de plancher, disait-on. On avait aussi l'impression que ses muscles disparaissaient un moment puis dans une accalmie de la croissance, ils se reformaient et redonnaient du galbe à ses cuisses. Nous prenions nos bains nus dans le lac, je voyais aussi son sexe et sa pilosité changer quand arriva l'adolescence. Etendus au soleil, séchant sur une roche plate, je voyais parfois son sexe se gonfler et il se retournait sur le ventre, sans doute une pensée érotique le traversait ou simplement la seule volupté de son corps étendu dans la chaleur du soleil. Je me retournais aussi sur le ventre.
Quand il partit au lycée nous passions moins de temps ensemble. Ne plus le savoir à portée de voix lorsque j'allais battre la campagne je le ressentais avec peine . Son absence douloureuse me fit prendre conscience à quel point j'étais attaché à lui. Dans mes rêves dont je me souvenais parfois, souvent me restait au matin l'impression confuse qu'il avait été blotti contre ma poitrine. Ces rêves ne prenaient jamais un aspect vraiment sexuel, ils restaient comme une étreinte affective passive.
J'étais homosexuel non déclaré, la vie à la campagne n'y est pas propice. Il me semblait vivre ma sexualité, mes désirs, sans culpabilité mais pour ma génération que veux dire sans culpabilité? tous nos modèles étaient hétéros alors la culpabilité on la refoulait mais elle restait à fleur d'épiderme et la moindre agression la voyait ressurgir. Dans le quotidien, les nombreux regrets venaient surtout de l'insignifiance de la plupart des rencontres.
Au cours de mes périples, je n'avais jamais été attiré par de jeunes garçons, je recherchais plutôt des types de mon age, ou plus âgés que je trouvais au sauna à Montpellier plutôt l'hiver, ou en toutes saisons, en bord de mer entre la Grande Motte et le cap d'Agde. Les lieux ne manquaient pas et j'aimais mieux le plein air.
J'avais quarante ans, j'ai rencontré un type. Il bouquinait contre un arbre abattu au « Grand Travers ». C'était peut-être une stratégie en tout cas il lisait vraiment car son regard ne s'égarait pas de la double page imprimée. C'est peut-être cette apparente indifférence qui me fit asseoir à son côté. Il me regarda et dit « Veux-tu que je te lise un paragraphe ? C'est de Michel Tournier,- Le roi des Aulnes- ». J'ai du opiner car il commença à voix basse, douce, presque un murmure. Evidemment, ce paragraphe au hasard pour moi qui n'avait pas lu le roman était peu compréhensible mais la musique des mots, du style était très belle. Quand il eut fini il me dit qu'il devait partir mais qu'il était souvent ici le mercredi en fin d'apès-midi. Bien sûr, je revins et finis par le croiser à nouveau. Il avait soixante ans, Henri, les cheveux et la barbe blancs tondus très ras, il était un peu dodu, et il avait un regard pétillant d'intelligence. Il me proposa de me faire à dîner à la fin de la semaine. C'est ainsi que débuta une magifique relation de plusieurs années. Il était seul, moi aussi, et la conjugalité n'était pas notre souhait, mais nous nous voyions souvent, longuement. Nous parlions beaucoup, de tout, moi plutôt de jardinage, de nature. Il savait écouter et cherchait souvent à comprendre ce que je voulais dire. Quand il parlait littérature moi, qui lisait peu, il m'émerveillait en citant ou lisant quelques phrases. C'était une une liaison très riche mêlée d'affection et d'estime de l'autre. Il bandait plus facilement que moi et savait des jeux qui me firent grimper au firmament. Jamais je n'avais eu autant de plaisir. Par l'agilité de ses doigts dans mon anus il me faisait perdre la raison et j'étais une marionnette qu'il animait, secouée de spasmes au bout de ses phalanges et au comble de mon abandon au plaisir, ma bouche cherchait avidement la sienne pour là aussi m'abandonner. Il me sodomisait parfois furtivement mais préférait nettement l'inverse. Je jouis lentement et nous passions des heures à nous aimer. Guidé par ses couinement , ses gémissements, qui m'excitaient prodigieusement et déterminaient le moment de mon orgasme au terme d'un crescendo sonore qui nous emmenait tous deux. Je finissais par jouir en lui et épuisé, m'écroulais contre son corps trempé de nos sueurs. Après quelques instant, il me faisait pivoter, et infatigable, caressait longuement mon dos qui frémissait sous ses doigts, Il adorait me caresser, parfois aussi il réveillait la bête insatiable tapie dans mon rectum.
Lorsqu'il voulait jouir il me faisait jouer avec ses tétons et très vite, de trois quart contre moi, son sexe durci contre ma hanche et souvent sans même se toucher il jouissait avec un hurlement de bête sauvage s'atténuant peu à peu à mesure que les spasmes se calmaient. Il me serrait fort contre lui, collé à moi par son sperme étalé sur nos abdomens.
Un jour, il n'a plus voulu que je le revois, je pressentais qu'une mauvaise nouvelle qu'il venait d'apprendre aurait fait perdre à notre liaison sa légèreté si précieuse et cela il ne l'a pas souhaité. Mon adieu se fit loin du cortège dans le petit cimetière du village où il vivait.
Pierrot me serre dans ses bras, je le serre dans les miens, le sperme colle entre nos ventres si serrées que nos cœur et nos respiration se sont accordées. Je crois que ses larmes coulent dans mon cou. Toute la tension, l'attente exaspérée de notre étreinte, il réussit enfin à la relâcher, à laisser ses yeux pleurer. Moi je suis encore tétanisé, tétanisé de cet acte que mon corps à désiré si fort sans que mon esprit n'ait eu le temps de le vouloir. Tétanisé sans pouvoir penser, mon corps seul, autonome a agi, laissant derrière lui toute pensée. Depuis combien de temps sommes nous ainsi enlacés, assez pour que son désir revienne et que son sexe puissant, rigide, imprime sur mon ventre sa volonté. Sa bouche cherche ma bouche et sa langue fouille mon visage, mes yeux, et ma bouche enfin ou ma langue soumise s'enroule à la sienne, je suis dans un blanc de la conscience, vide de toute volonté, de toute initiative, je subis son fougueux désir comme le destin issu du Chaos, mon chaos intérieur. Il me pivote sur le flanc et je sens son sexe épais me pénétrer et me parcourir. Je suis encore comme en suspension, abandonné à son désir et dans mon esprit vide caracolent les images de lui, de nous. De lui enfant, sérieux, serré contre moi dans la barque, attentif au parcours du bouchon à la surface de l'eau lorsque que nous pêchions de la friture, ses galoches et ses jambes maigres halées par le plein air et le soleil. Les longues randonnées sous le prétexte d'escargots, de châtaignes, de champignons, harassés nous les terminions au bord de l'eau, qui nous débarrassait de la boue et de la terre des chemins, en été, nous nous y baignions et séchions au soleil. Parfois, s'il faisait un peu frais, nous n'y trempions que les pieds, cela attirait les goujons qui nous chatouillaient les orteils. Je le regardais comme certainement un père regarde son fils, sans désir conscient, cet adolescent fin et souple, qui avait grandi trop vite, dégingandé, maigre, aux membres comme ceux d'un atèle ou d'une argyronète qui file si vite à la surface de l'eau. D'avoir grandi beaucoup plus vite que les autres le complexait et toujours courbé en avant il espérait que cela se voit moins. Sans doute était-ce aussi pour cela qu'il recherchait la compagnie des adultes. Il parlait peu mais quand il s'adressait aux autres, à moi, toujours il posait sa main, sur le bras, la cuisse de l'interlocuteur, comme le font si naturellement les italiens pour signifier clairement à qui ils s'adressent. Il a toujours eu cette attitude tactile, pas seulement avec moi, en tout cas avec les adultes mais je n'ai jamais vu ces gestes avec les jeunes de son age. Avec moi qui le voyait beaucoup c'était évidemment sa manière d'être qui s'était construite dès l'enfance, à tenir ma main et toujours être à mon contact comme si je pouvais partout et toujours le protéger. Le lac magnifique à toujours été l'écrin de notre amitié, même de notre intimité lui qui lors des baignade voulait toujours être à l'écart, non par pudeur, mais peut-être, je le réalise aujourd'hui, par possessivité. J'étais un bien grand sot de ne pas voir, à l'adolescence, ses manèges qui lui permettaient lorsque nous étions ensemble, de nous isoler des autres. Parfois lors de plongeons il ressortait et disait s'être endolori le dos et venait m'implorer de le lui masser. En fait il avait toujours mal au dos avec cette croissance trop rapide pour sa musculature. Je le faisais, je pense, innocemment, avec plaisir, récompensé par son sourire. Je n'étais pas stupide, je ressentais son affection, il ressentait la mienne. Je le voyais souvent avec ses parents qui sont mes amis. Je voyais bien l'amour qu'il leur portait et si je me rendais compte de l'intensité de celui qu'il avait avec moi, je ne réalisais pas que la nature de cet amour était différente.
Il ne savait rien de ma vie, sinon que j'étais seul mais sans doute devait il en savoir beaucoup plus que je ne l'imaginais. Il était le fils que je n'ai pas eu mais que j'aurais pu souhaiter, il suffisait à mon bonheur. Pour le reste de ma vie sociale il y avait les collègues au boulot et pour le sexe j'avais mes rencontres ici ou là.... je ne recevais personne chez moi.
Il avait un peu plus de dix ans lorsque Henri disparut. Je travaillais encore à l'époque et le soir je traînais une mélancolie que seules ses visites pleines de projets de de rêves égayaient. Instinctivement, il a du sentir ma douleur et par instinct aussi à su la distraire autant qu'il l'a pu. Sans doute à ce moment il m'est devenu plus indispensable encore parce qu'il à su mélanger les fibres de son affection à celle de mon chagrin et sa présence à toujours su me rappeler sans tristesse, le bonheur que j'ai connu avec Henri.
Au printemps suivant, peut-être plus tard, c'était la première fois que l'on pêchait le brochet tous les deux au bord du canal. Lignes à l'eau, allongés dans l'herbe nous attendions l'hypothétique touche. Il faisait chaud ce matin là et nous étions tous les deux torses nus et en short. Il avait un peu plus de douze ans ou treize ans mais déjà une taille d'adulte sauf qu'il ressemblait diablement à une sauterelle. J'étais sur le ventre, la tête sur mes bras croisés regardant les lignes. Il s'est approché et s'est allongé sur le dos sa tête calée sur le mien. Peut-être sommes nous restés ainsi une petite heure ? Il était assez agité et ne réagissait pas lorsque son bouchon sombrait. Je ne voulais pas faire de gestes inutiles le pensant endormi. Quand vers midi, je me suis soulevé et tourné vers lui, il avait les yeux ouverts. J'ai soutenu ses épaules et ébouriffé sa tignasse indomptable, pour le ramener à la réalité. Un air hagard et déçu habitait son visage, un instant j'ai cru qu'il allait pleurer. « Tu vas bien ? » lui ai-je demandé. « Qu'est-ce qui t'arrive ? » Il m'a dit qu'il avait du s'endormir. Alors on a plié les gaules, récupéré les bouteilles au frais et trouvé l'ombre fraîche d'un frêne pour casser la croûte. Il avait retrouvé son entrain. Sans doute, déjà, voulait-il beaucoup plus que ce que mon affection lui offrait.
Toutes ces images tournent dans ma tête, comme dans ces manèges de foire autrefois appelés « Rotor » qui plaquaient les clients contre leur paroi par la force centrifuge, les voilà collés à la paroi de mon crâne les images de cet enfant, de cet adolescent, de ce jeune homme que j'ai tant aimé sans comprendre de quel amour je l'aimais. L'aurais-je su ? jamais je n'aurais attenté à la pureté du sentiment qui m'étreignait à son contact.
Cet adulte qui me pénètre et m'étreint à m'étouffer comme si un manque irrattrapable, inassouvissable d'amour, comme si la frustration terrible de la tendresse qu'il avait désiré dans sa jeunesse devait là, tout de suite, commencer à être consolée.
Il est resté ainsi de longues minutes, immergé en moi, sans un mouvement, si ce n'est dans l'étreinte, sa poitrine à la respiration haletante, les soupirs du souffle dans sa gorge, les chocs des battements de son cœur contre ses côtes.
C'est un peu comme s'il avait compris qu'il me fallait du temps à moi aussi pour reprendre pied, pour calmer la machine infernale dans mon cerveau, pour remettre en ligne ce qu'il fut enfant à ce qu'il est maintenant. Pour commencer à comprendre que derrière l'attachement viscéral que j'avais pour lui il y avait la complexité entremêlée des amours du père et de la mère que je n'étais pas et le mien, empli de la culpabilité potentielle d'un désir que je n'avais pas accepté, que j'avais refoulé au plus profond en l'ensevelissant sous la multiplicité de nos activités communes.
Il me faudra du temps pour faire, sans sentiment de faute, ce chemin vers toi, mon Pierrot. Il te faudra de la patience et beaucoup de nouvelles étreintes pour accéder au moment où nos corps, pourront enfin se mêler, sans culpabilité, libres et sans entraves.
Marc
Pierrot
Le lac est magnifique, il reflète le rose orangé du ciel juste après le couchant. Nous sommes installés depuis la fin de la matinée le tanker (la tente kaki) est monté depuis longtemps et j'ai même pu y faire une petite sieste dans l'un des deux confortables matelas mousse. Il a fait une chaleur à mourir, pas une amorce de Tramontane, une eau plate comme de l'huile, pas la moindre ridée. J'ai passé pas mal de temps dans l'eau pour me rafraîchir, heureusement ici le naturisme est toléré. On est bien installé au fond d'une minuscule crique, sur le gravier rouge. Il à fait pas loin de 40°, même la nuit va être très tiède. Après un bain qui rafraîchit nos corps nus, je pars à la recherche de bois sec, dans la crique d'à côté pour quelques grillades. Aujourd'hui, c'est lui le pêcheur, moi je cuisine. Nous parlons peu, notre relation a toujours été taiseuse, avec lui, même les silences sont denses.
C'est une pêche assez étonnante, une multitude de gadget high-tech: détecteurs variés de touches lumineux ou sonores, bateau télécommandé pour larguer l'amorce. Moi, plus que la pêche, ce que j'aime c'est être avec lui.
C'est un drôle de mec, un méridional long et voûté, noir de peau en cette fin d'été et noir de son regard, malicieux et rieur, il est au chômage depuis qu'il à été viré d'un sous-traitant aéronautique de Montpellier. Pôle emploi lui fout la paix, à plus de 55ans trouver un job au centre de l'Hérault c'est pas facile, alors il fait des petits jobs dans l'agriculture. Il y a récupéré une belle musculature longue, toute en finesse et surtout de belles fesses, grâce au travail horticole.
Les pêches de nuit, il les préfère. Les baigneurs sont partis, les familles, aussi les rôdeurs. Pas un bruit, un minuscule clapotis et les cris des oiseaux d'eau mais qui ne vont pas tarder aussi à se taire. On a mis quelques Corbières à rafraîchir et on casse la croûte avec les saucisses et le pain de seigle du village. Georges est radieux de m'avoir retrouvé. Après le repas on se précipite à nouveau à l'eau. Les lignes sont loin, ça ne va pas effrayer les carpes. On ressort avec précaution car les cailloux sont un peu aigus et les moules d'eau douce coupantes. Lorsqu'il sort du lac, un peu rafraîchi, j'aime voir son sexe épais et long avec sa longue peau de prépuce qui fait gargouille pour l'eau qui s'écoule de son torse.
Mes parents ses voisins au village depuis mon enfance, tacitement, lui ont confié mon apprentissage de la nature, à la pêche, aux champignons, aux escargots ou le nez en l'air. C'est lui qui a permis à la Nature de me parler, aux paysages de se raconter.
Je me souviens d'une pêche au brochet dans un canal, je devais avoir dans les douze treize ans et j'étais déjà un grand échalas. Nous étions près d'un pont sous lequel il y avait moins de nénuphar. Il faisait chaud en cette fin de matinée. Georges en short, torse nu, couché sur le ventre la tête vers l'eau observait le gros bouchon que le gardon qui servait de vif tirait ça et là, le noyant un peu parfois. A deux mètres du sien, le bouchon rouge de ma ligne, au dessus d'un trou d'eau s'agitait aussi. Bien sûr, je le surveillais, mes yeux suivaient ses mouvements mais ma tête posée sur le dos tiède de Georges était toute occupée à un sérieux exercice de télépathie : je pensais de toutes mes forces au désir que j'avais pour lui et il me semblait impossible que cette pensée si intense ne puisse pas envahir son esprit, le faire se retourner vers moi et m'embrasser comme j'avais vu les amants s'embrasser dans les films. Mais non, quand il s'est assis pour remonter sa ligne, il à simplement attrapé mes épaules de son long bras et ébouriffé mes cheveux, remonté une bouteille d'eau du canal et proposé de boire un coup ! « on va y aller,sinon gare aux coups de soleil » a-t-il dit. On a plié les gaules et cherché un coin abrité pour casser la croûte. Bien sûr mon rêve ne s'était pas réalisé, j'étais déçu, mais têtu, je recommencerais.
Après l'internat au lycée et mes études à Marseille, dès que j'avais du temps on a repris nos randonnées dans la garrigue. Aux retrouvailles, il s'autorise parfois à passer son bras sur mes épaules, me serrer contre lui, je sens son émotion à me retrouver, je sens aussi sa retenue. Ces gestes d'affection discrète m'ont tant manqué, tout le temps où nous nous sommes peu vu. J'ai, Depuis l'enfance dans le désir de me blottir dans ses bras, protégé de son corps il n'a jamais su ou voulu déceler l'amour et le désir que j'avais pour lui.
Les cannes sont tenues par les rod-pod, béquilles améliorées, toutes les lignes sont à l'eau, les détecteurs branchés, il ne reste qu'à attendre en bavardant à voix basse, peu d'espoir de poisson pour cette nuit, tant il fait chaud.
Georges et moi ne sommes pas de la même génération, presque trente ans nous séparent. Je l'ai toujours connu seul chez lui, mais c'était, c'est toujours, un bel homme et sûrement il a eu des liaisons mais je n'en ai jamais rien connu. Peut-être aussi a-t-il traversé une grande déception. J'étais encore minot, en CM, j'allais le retrouver après les devoirs, avant dîner, souvent je le trouvais triste, prostré, méditatif mais à mon arrivée il retrouvait le sourire et le regard bienveillant que je lui avais toujours connu.
Avec le lycée et mon isolement à Marseille ou je me masturbais intensivement tous les jours j'ai quand même appris à découvrir le corps d'autres garçons, qui m'ont aidé à me découvrir moi-même.
Georges ? Peut être a-t-il de l'attirance pour moi mais je sens aussi qu'il ne fera jamais le premier geste. Imagine-t-il même que je puisse le désirer, que je le désire depuis si longtemps ? Il m'aime, j'en suis certain, oui mais comme un père qu'il pourrait être, un oncle bienveillant qui m'a ouvert à la nature, un mentor, qui n'a pas en lui le désir charnel que j'ai pour lui. J'ai peur de cette rencontre. J'ai peur qu'il me repousse. Mon affection, mon amour, mon désir de son corps, j'ai peur qu'il s'en effraie. Je suis adulte mais me voit-il comme un adulte ou encore comme le mioche qu'il emmenait aux champignons il n'y a pas tant d'années que cela.
Je vais me coucher, il reste surveiller les lignes, il n'y a rien à surveiller. Je rapproche les deux matelas mousse côtes à côte.... on verra bien s'il les éloigne. Une demi-heure plus tard il revient vers la tente, je vois bien que son réflexe est de tirer son lit plus loin, mais non, il le laisse et s'allonge à mon côté. Nous sommes nus tous les deux, la chaleur sous la toile est étouffante. Il est sur le dos, il ne dors pas. On sent cela, ses muscles ne sont pas relâchés. Nouvelle demi-heure de tension, du moins pour moi, ma queue est bandée à être douloureuse. Je pivote et me mets sur le flanc, la main droite peut ainsi se poser sur son torse, comme si j'étais endormi mon bras barre sa poitrine. Il n'a pas un geste, seule sa respiration s'est accélérée et les battements de son coeur sous mon coude aussi. Longues minutes et ses doigts enfin saisissent les miens, caressent ma main, la porte vers ses lèvres, l'embrasse, lèche chacun de mes doigts.
Il se retourne vers moi et me tire vers lui, m'embrasse à pleine bouche, parcourt mon visage de ses lèvres et de sa langue, fouille mon oreille. Je le serre contre moi et je suis aussi dans l'étau de ses bras, nos sexes sont collés ensemble entre nos deux ventres.
Je desserre son étreinte pour glisser ma bouche à son sexe. le prépuce à disparu étiré par l'allongement de son pénis, qui bat une mesure désordonnée. Son gland est juste adapté à ma bouche et ma langue danse autour, dans le sillon, et pointe dans son méat. Ma bouche descend à m'étouffer, le long de la hampe épaisse de son sexe, le gland enfoui au plus profond de ma gorge au dessus de la glotte. Je le fait coulisser mais je n'ai pas trop le temps car il explose en moi, GEORGES, enfin... En deux coups de poignet je viens aussi. Et de nouveau l'étau de ses bras qui me serre contre lui, poitrine contre poitrine et coeurs aux rythmes affolés.
Tant pis pour la carpe.
Georges
Il est adulte, maintenant, Pierrot, alors est-ce que ça change vraiment ?
Nous déjeunions chez ses parents, il avait six ans, il a mis sa petite main dans la mienne et a dit « on va se promener ? » Déjà presque vingt ans que de petites promenades en longues randonnées, nous sommes compagnons de balades dans la nature. Je me souviens quand il avait 7 ou 8 ans son air attentif et ses yeux qui suivaient mes moindres mouvements quand ayant trouvé un champignon, je lui expliquais comment le reconnaître, comment le récolter sans trop déchirer le mycélium, couper la base du pied puis peler à l'Opinel les parties qui pouvaient être terreuses. Puis au suivant c'est lui qui le faisait, souvent sa petite langue rose émergeait de ses lèvres comme souvent les font les enfants appliqués à tirer des traits avec leur règle. Il le faisait lentement soucieux de bien faire et de voir dans mon sourire un encouragement. De bolets en chanterellles, de russules en coulemelles, nous avons passé ainsi les années de sa jeunesse à parcourir les vallons et les collines entre Lodève et Clermont. Nous parlions très peu, attentifs aux bruits de la nature guettant à partir du printemps les « Houpoupoup » des Huppes peu farouches, les oedicnèmes et outardes parfois dans les vastes étendues du Larzac. C'était un jeu entre nous d'imiter ou de reconnaître leurs cris. Nous allions à la pêche aussi, et les jours d'été pluvieux aux escargots. Il était devenu un vrai naturaliste. Au cours de ces années je l 'ai vu grandir. Moi qui n'avais pas d'enfant je m'étonnais des vagues de croissance qui ne concernaient pas tous les organes en même temps. Les jambes surtout où pendant de longues période, quand il n'était pas en short, il portait des pantalons trop courts, feu de plancher, disait-on. On avait aussi l'impression que ses muscles disparaissaient un moment puis dans une accalmie de la croissance, ils se reformaient et redonnaient du galbe à ses cuisses. Nous prenions nos bains nus dans le lac, je voyais aussi son sexe et sa pilosité changer quand arriva l'adolescence. Etendus au soleil, séchant sur une roche plate, je voyais parfois son sexe se gonfler et il se retournait sur le ventre, sans doute une pensée érotique le traversait ou simplement la seule volupté de son corps étendu dans la chaleur du soleil. Je me retournais aussi sur le ventre.
Quand il partit au lycée nous passions moins de temps ensemble. Ne plus le savoir à portée de voix lorsque j'allais battre la campagne je le ressentais avec peine . Son absence douloureuse me fit prendre conscience à quel point j'étais attaché à lui. Dans mes rêves dont je me souvenais parfois, souvent me restait au matin l'impression confuse qu'il avait été blotti contre ma poitrine. Ces rêves ne prenaient jamais un aspect vraiment sexuel, ils restaient comme une étreinte affective passive.
J'étais homosexuel non déclaré, la vie à la campagne n'y est pas propice. Il me semblait vivre ma sexualité, mes désirs, sans culpabilité mais pour ma génération que veux dire sans culpabilité? tous nos modèles étaient hétéros alors la culpabilité on la refoulait mais elle restait à fleur d'épiderme et la moindre agression la voyait ressurgir. Dans le quotidien, les nombreux regrets venaient surtout de l'insignifiance de la plupart des rencontres.
Au cours de mes périples, je n'avais jamais été attiré par de jeunes garçons, je recherchais plutôt des types de mon age, ou plus âgés que je trouvais au sauna à Montpellier plutôt l'hiver, ou en toutes saisons, en bord de mer entre la Grande Motte et le cap d'Agde. Les lieux ne manquaient pas et j'aimais mieux le plein air.
J'avais quarante ans, j'ai rencontré un type. Il bouquinait contre un arbre abattu au « Grand Travers ». C'était peut-être une stratégie en tout cas il lisait vraiment car son regard ne s'égarait pas de la double page imprimée. C'est peut-être cette apparente indifférence qui me fit asseoir à son côté. Il me regarda et dit « Veux-tu que je te lise un paragraphe ? C'est de Michel Tournier,- Le roi des Aulnes- ». J'ai du opiner car il commença à voix basse, douce, presque un murmure. Evidemment, ce paragraphe au hasard pour moi qui n'avait pas lu le roman était peu compréhensible mais la musique des mots, du style était très belle. Quand il eut fini il me dit qu'il devait partir mais qu'il était souvent ici le mercredi en fin d'apès-midi. Bien sûr, je revins et finis par le croiser à nouveau. Il avait soixante ans, Henri, les cheveux et la barbe blancs tondus très ras, il était un peu dodu, et il avait un regard pétillant d'intelligence. Il me proposa de me faire à dîner à la fin de la semaine. C'est ainsi que débuta une magifique relation de plusieurs années. Il était seul, moi aussi, et la conjugalité n'était pas notre souhait, mais nous nous voyions souvent, longuement. Nous parlions beaucoup, de tout, moi plutôt de jardinage, de nature. Il savait écouter et cherchait souvent à comprendre ce que je voulais dire. Quand il parlait littérature moi, qui lisait peu, il m'émerveillait en citant ou lisant quelques phrases. C'était une une liaison très riche mêlée d'affection et d'estime de l'autre. Il bandait plus facilement que moi et savait des jeux qui me firent grimper au firmament. Jamais je n'avais eu autant de plaisir. Par l'agilité de ses doigts dans mon anus il me faisait perdre la raison et j'étais une marionnette qu'il animait, secouée de spasmes au bout de ses phalanges et au comble de mon abandon au plaisir, ma bouche cherchait avidement la sienne pour là aussi m'abandonner. Il me sodomisait parfois furtivement mais préférait nettement l'inverse. Je jouis lentement et nous passions des heures à nous aimer. Guidé par ses couinement , ses gémissements, qui m'excitaient prodigieusement et déterminaient le moment de mon orgasme au terme d'un crescendo sonore qui nous emmenait tous deux. Je finissais par jouir en lui et épuisé, m'écroulais contre son corps trempé de nos sueurs. Après quelques instant, il me faisait pivoter, et infatigable, caressait longuement mon dos qui frémissait sous ses doigts, Il adorait me caresser, parfois aussi il réveillait la bête insatiable tapie dans mon rectum.
Lorsqu'il voulait jouir il me faisait jouer avec ses tétons et très vite, de trois quart contre moi, son sexe durci contre ma hanche et souvent sans même se toucher il jouissait avec un hurlement de bête sauvage s'atténuant peu à peu à mesure que les spasmes se calmaient. Il me serrait fort contre lui, collé à moi par son sperme étalé sur nos abdomens.
Un jour, il n'a plus voulu que je le revois, je pressentais qu'une mauvaise nouvelle qu'il venait d'apprendre aurait fait perdre à notre liaison sa légèreté si précieuse et cela il ne l'a pas souhaité. Mon adieu se fit loin du cortège dans le petit cimetière du village où il vivait.
Pierrot me serre dans ses bras, je le serre dans les miens, le sperme colle entre nos ventres si serrées que nos cœur et nos respiration se sont accordées. Je crois que ses larmes coulent dans mon cou. Toute la tension, l'attente exaspérée de notre étreinte, il réussit enfin à la relâcher, à laisser ses yeux pleurer. Moi je suis encore tétanisé, tétanisé de cet acte que mon corps à désiré si fort sans que mon esprit n'ait eu le temps de le vouloir. Tétanisé sans pouvoir penser, mon corps seul, autonome a agi, laissant derrière lui toute pensée. Depuis combien de temps sommes nous ainsi enlacés, assez pour que son désir revienne et que son sexe puissant, rigide, imprime sur mon ventre sa volonté. Sa bouche cherche ma bouche et sa langue fouille mon visage, mes yeux, et ma bouche enfin ou ma langue soumise s'enroule à la sienne, je suis dans un blanc de la conscience, vide de toute volonté, de toute initiative, je subis son fougueux désir comme le destin issu du Chaos, mon chaos intérieur. Il me pivote sur le flanc et je sens son sexe épais me pénétrer et me parcourir. Je suis encore comme en suspension, abandonné à son désir et dans mon esprit vide caracolent les images de lui, de nous. De lui enfant, sérieux, serré contre moi dans la barque, attentif au parcours du bouchon à la surface de l'eau lorsque que nous pêchions de la friture, ses galoches et ses jambes maigres halées par le plein air et le soleil. Les longues randonnées sous le prétexte d'escargots, de châtaignes, de champignons, harassés nous les terminions au bord de l'eau, qui nous débarrassait de la boue et de la terre des chemins, en été, nous nous y baignions et séchions au soleil. Parfois, s'il faisait un peu frais, nous n'y trempions que les pieds, cela attirait les goujons qui nous chatouillaient les orteils. Je le regardais comme certainement un père regarde son fils, sans désir conscient, cet adolescent fin et souple, qui avait grandi trop vite, dégingandé, maigre, aux membres comme ceux d'un atèle ou d'une argyronète qui file si vite à la surface de l'eau. D'avoir grandi beaucoup plus vite que les autres le complexait et toujours courbé en avant il espérait que cela se voit moins. Sans doute était-ce aussi pour cela qu'il recherchait la compagnie des adultes. Il parlait peu mais quand il s'adressait aux autres, à moi, toujours il posait sa main, sur le bras, la cuisse de l'interlocuteur, comme le font si naturellement les italiens pour signifier clairement à qui ils s'adressent. Il a toujours eu cette attitude tactile, pas seulement avec moi, en tout cas avec les adultes mais je n'ai jamais vu ces gestes avec les jeunes de son age. Avec moi qui le voyait beaucoup c'était évidemment sa manière d'être qui s'était construite dès l'enfance, à tenir ma main et toujours être à mon contact comme si je pouvais partout et toujours le protéger. Le lac magnifique à toujours été l'écrin de notre amitié, même de notre intimité lui qui lors des baignade voulait toujours être à l'écart, non par pudeur, mais peut-être, je le réalise aujourd'hui, par possessivité. J'étais un bien grand sot de ne pas voir, à l'adolescence, ses manèges qui lui permettaient lorsque nous étions ensemble, de nous isoler des autres. Parfois lors de plongeons il ressortait et disait s'être endolori le dos et venait m'implorer de le lui masser. En fait il avait toujours mal au dos avec cette croissance trop rapide pour sa musculature. Je le faisais, je pense, innocemment, avec plaisir, récompensé par son sourire. Je n'étais pas stupide, je ressentais son affection, il ressentait la mienne. Je le voyais souvent avec ses parents qui sont mes amis. Je voyais bien l'amour qu'il leur portait et si je me rendais compte de l'intensité de celui qu'il avait avec moi, je ne réalisais pas que la nature de cet amour était différente.
Il ne savait rien de ma vie, sinon que j'étais seul mais sans doute devait il en savoir beaucoup plus que je ne l'imaginais. Il était le fils que je n'ai pas eu mais que j'aurais pu souhaiter, il suffisait à mon bonheur. Pour le reste de ma vie sociale il y avait les collègues au boulot et pour le sexe j'avais mes rencontres ici ou là.... je ne recevais personne chez moi.
Il avait un peu plus de dix ans lorsque Henri disparut. Je travaillais encore à l'époque et le soir je traînais une mélancolie que seules ses visites pleines de projets de de rêves égayaient. Instinctivement, il a du sentir ma douleur et par instinct aussi à su la distraire autant qu'il l'a pu. Sans doute à ce moment il m'est devenu plus indispensable encore parce qu'il à su mélanger les fibres de son affection à celle de mon chagrin et sa présence à toujours su me rappeler sans tristesse, le bonheur que j'ai connu avec Henri.
Au printemps suivant, peut-être plus tard, c'était la première fois que l'on pêchait le brochet tous les deux au bord du canal. Lignes à l'eau, allongés dans l'herbe nous attendions l'hypothétique touche. Il faisait chaud ce matin là et nous étions tous les deux torses nus et en short. Il avait un peu plus de douze ans ou treize ans mais déjà une taille d'adulte sauf qu'il ressemblait diablement à une sauterelle. J'étais sur le ventre, la tête sur mes bras croisés regardant les lignes. Il s'est approché et s'est allongé sur le dos sa tête calée sur le mien. Peut-être sommes nous restés ainsi une petite heure ? Il était assez agité et ne réagissait pas lorsque son bouchon sombrait. Je ne voulais pas faire de gestes inutiles le pensant endormi. Quand vers midi, je me suis soulevé et tourné vers lui, il avait les yeux ouverts. J'ai soutenu ses épaules et ébouriffé sa tignasse indomptable, pour le ramener à la réalité. Un air hagard et déçu habitait son visage, un instant j'ai cru qu'il allait pleurer. « Tu vas bien ? » lui ai-je demandé. « Qu'est-ce qui t'arrive ? » Il m'a dit qu'il avait du s'endormir. Alors on a plié les gaules, récupéré les bouteilles au frais et trouvé l'ombre fraîche d'un frêne pour casser la croûte. Il avait retrouvé son entrain. Sans doute, déjà, voulait-il beaucoup plus que ce que mon affection lui offrait.
Toutes ces images tournent dans ma tête, comme dans ces manèges de foire autrefois appelés « Rotor » qui plaquaient les clients contre leur paroi par la force centrifuge, les voilà collés à la paroi de mon crâne les images de cet enfant, de cet adolescent, de ce jeune homme que j'ai tant aimé sans comprendre de quel amour je l'aimais. L'aurais-je su ? jamais je n'aurais attenté à la pureté du sentiment qui m'étreignait à son contact.
Cet adulte qui me pénètre et m'étreint à m'étouffer comme si un manque irrattrapable, inassouvissable d'amour, comme si la frustration terrible de la tendresse qu'il avait désiré dans sa jeunesse devait là, tout de suite, commencer à être consolée.
Il est resté ainsi de longues minutes, immergé en moi, sans un mouvement, si ce n'est dans l'étreinte, sa poitrine à la respiration haletante, les soupirs du souffle dans sa gorge, les chocs des battements de son cœur contre ses côtes.
C'est un peu comme s'il avait compris qu'il me fallait du temps à moi aussi pour reprendre pied, pour calmer la machine infernale dans mon cerveau, pour remettre en ligne ce qu'il fut enfant à ce qu'il est maintenant. Pour commencer à comprendre que derrière l'attachement viscéral que j'avais pour lui il y avait la complexité entremêlée des amours du père et de la mère que je n'étais pas et le mien, empli de la culpabilité potentielle d'un désir que je n'avais pas accepté, que j'avais refoulé au plus profond en l'ensevelissant sous la multiplicité de nos activités communes.
Il me faudra du temps pour faire, sans sentiment de faute, ce chemin vers toi, mon Pierrot. Il te faudra de la patience et beaucoup de nouvelles étreintes pour accéder au moment où nos corps, pourront enfin se mêler, sans culpabilité, libres et sans entraves.
Marc
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