La tentation du velours 6
Récit érotique écrit par Orchidée [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 07-05-2015 dans la catégorie Entre-nous, les femmes
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La tentation du velours 6
La tentation du velours 6
Très chère Lola,
Pas vraiment inquiète, je m’interrogeais tout de même sur la réaction de Viviane au lendemain de cette aventure hors du temps. Sans doute avais-je gâché toute chance de la mettre dans mon lit, je regrettais un peu ma précipitation. Mais la vie se fait aussi de ce genre d’expériences. Pour rien au monde je ne souhaitais un retour à la case départ. J’avais été honnête avec Sarah, et elle l’avait été envers moi. Notre séparation était de son fait, non du mien… Je me maudis de penser encore à elle, d’espérer son retour.
Peut-être que je souhaite découvrir mon moi profond par l’apprentissage d’un langage corporel particulier. La question se pose. Ou alors je suis amoureuse, et le désir est la répercussion de cet étrange sentiment. Les deux situations me paraissent catastrophiques. Je suis en passe de devenir une obsédée sexuelle, ou alors je m’entiche de la première femme qui croise mon chemin.
C’est difficile de grandir, Lola. Néanmoins, je n’ai plus le choix. La vie parisienne n’est pas faite pour une gamine isolée comme moi, dont l’unique attache familiale est un téléphone portable qui sonne à Londres.
Viviane me reçut au studio de photographie avec la même gentillesse affectée que la veille, celle d’une jeune femme concentrée sur son travail. La séance de maquillage corporel se déroula au mieux, sans nécessiter de recours à une lingette intime. Il me fallait moi aussi réagir en professionnelle, mais surtout en adulte responsable, et ne pas laisser mes émotions imprimer de traces visibles sur mon corps.
Le photographe exigea de nous le meilleur. Il l’obtint, ce qui permit de terminer la journée de travail tôt dans l’après-midi. La présence de Viviane inutile pour le rhabillage, je m’attendais à la voir filer, pressée de profiter de sa liberté. Elle traîna au contraire à ramasser les tampons de coton imprégnés de poudre, à ranger ses affaires. Nous quittâmes le studio de photographie ensemble. Á peine dans l’escalier, sa voix résonna à mon oreille.
– Tu as quelque chose de prévu, maintenant ?
– Non, juste quelques courses, répondis-je l’air de rien, heureuse de me laisser entraîner.
Trois semaines à Paris, et je n’avais pas encore visité Montmartre. Le Sacré Cœur, bâti sur une butte, se repérait de loin. La Place du Tertre au pied de la basilique respirait au rythme des appels joyeux des peintres au milieu d’une foule bigarrée de touristes en mal de souvenirs.
La vie bouillonnait au milieu des présentoirs malmenés par des mains avides, sur les chaises défoncées des caricaturistes. Les terrasses de restaurants bondées, pressées par les vendeurs à la sauvette, résonnaient de langues et d’accents aux saveurs inhabituelles.
Accrochée à mon bras, Viviane s’incrusta sur une terrasse au centre d’une douzaine de joyeux lurons en foire, jeunes hommes et jeunes femmes issus de milieux différents, réunis dans ce paradis des cinq sens par une volonté commune de profiter de l’existence.
Ma tendre Lola, comme j’aimerais te faire découvrir l’enchantement de ce lieu hors du temps, hors des normes conventionnelles de notre société, là où les différences deviennent des sujets de contemplation, non un motif de discorde. Aucun besoin ici de se connaître pour se sourire, de parler le même dialecte pour s’entendre. On s’attendrait presque, par un bel après-midi d’été, à voir les anges délaisser la basilique le temps de se rafraîchir à une table, et répondre à leur dieu de patron sur un téléphone portable que le travail peut attendre.
Le comportement de Viviane se voulait celui d’une amie d’enfance, de celle qu’on se refuse à abandonner par peur d’avoir à grandir.
Une nana de notre groupe se leva, puis disparut dans la salle. La plupart des regards suivirent la brune pétillante, les sourires à la table devinrent des remerciements d’enfants au matin de Noël, les discussions se transformèrent en murmures. Que se passait-il donc pour assagir ainsi la bande de délurés dont les frasques m’amusaient depuis un bon moment.
Un flot de musique se déversa dans la salle puis dans la rue par delà la terrasse, précédant de peu une voix chevrotante, pleine d’émotions contenues. La brune réapparut dans notre champ de vision, un micro accolé à ses lèvres, le regard lumineux de ceux qui ont trouvé leur chemin et ne s’en écarteront sous aucun prétexte, sous aucune menace.
Heureuse de mon air surpris, Viviane colla son bras au mien dans un geste difficile à définir. Le contact physique entre filles ne signifie pas obligatoirement une attirance sexuelle, mais aussi la franche camaraderie, ou l’amitié platonique.
Incapable de me retenir, je me tournais régulièrement afin de saisir ses pensées. Son air mutin se teintait parfois d’une certaine gravité, jamais longtemps, comme si des pensées contradictoires se disputaient. Alors, sous le poids de mon regard, elle me rendait un sourire énigmatique, parfois accompagné d’une œillade.
La brune pétillante au micro, répondant au prénom de Véro, nous régala d’airs français connus aux quatre coins de la planète : « Une île » de Serge Lama, « Mon mec à moi » de Patricia Kass, « Domino » de Patachou, et bien d’autres, un récital d’une heure au cours de laquelle elle se promena de table en table, comme une vedette de cabaret incapable de se satisfaire de l’estrade. Elle vivait son art au milieu du public.
Véro s’approcha enfin de nous, s’installa sur une chaise derrière celle de Viviane et la mienne, et nous gratifia d’un sourire complice qui ne s’adressait qu’à nous. Sa voix s’accorda sans mal sur la musique du groupe « Mecano » :
« Deux femmes qui se tiennent la main
Ça na rien qui peut gêner la morale
Là où le doute s’installe
C’est que ce geste se fasse sous la table
Quand elles sont seules
Comme elles n’ont rien à perdre
Après les mains, la peau de tout le reste
Un amour qui est secret
Même nues elles ne pourraient le cacher
Alors sous les yeux des autres
Dans la rue elles le déguisent en amitié
Qui arrêtent les colombes en plein vol
Á deux au ras du sol
Une femme avec une femme… »
Le temps d’une chanson au titre évocateur, les attentions à notre table et aux autres se firent complices, les sourires engageants, les regards complaisants. On n’était pas dans le Marais, mais le ciel de Montmartre était aussi bleu. Viviane se pencha vers moi afin d’effleurer mes lèvres des siennes. Ce baiser léger, suggéré, fleurit dans ma poitrine comme une promesse d’avenir. Des « Ah ! » comblés se mêlèrent aux « Enfin ! ».
Véro finit son tour de chant, regagna sa place à notre table sous les applaudissements, et notre groupe redevint celui des joyeux lurons en foire.
La magie nous entraîna jusqu’à 22 heures. Entre les sujets variés de discussions, la dégustation d’un plateau de fruits de mer, quelques chansons de l’artiste à notre table, qui n’avait pas besoin de micro, la pendule égrena son chapelet d’instants délicieux entrecoupés de marques d’affection. Je laissais faire Viviane, cette soirée était la sienne. Sans abuser de la fibre sentimentale, la belle me gratifia de temps à autre d’un petit bécot, d’une main appuyée sur la mienne, d’un frôlement de ses jambes sous la table, autant de gestes anodins en d’autres circonstances, mais qui prenaient ce soir-là une dimension particulière.
– Coucher avec une nana, ce n’est pas vraiment tromper mon mec, hein ? me demanda-t-elle sur le trottoir en guettant un taxi.
– Honnêtement, je n’en sais rien, lui répondis-je sans avoir réfléchi à la portée de mes mots.
Viviane s’accrocha à moi de toutes ses forces, sa joue sur le haut de mon bras. Elle tritura une mèche de mes cheveux et glissa à mon oreille :
– Pas grave, je m’en fous.
Sa voix grelottait d’émotion.
Consciente d’une certaine nervosité, j’installai Viviane au comptoir servant de table, unique séparation entre la cuisine équipée et la chambre de mon studio. Si, à ce moment de l’histoire, elle avait fait marche arrière, je ne lui en aurais pas voulu. Bien sûr cette nana me plaisait, ma libido se satisfaisait de sa présence. Je n’avais pas seulement envie de faire l’amour, j’avais surtout envie d’elle. Le fait qu’elle soit hétéro ne rendait pas la chose plus facile, au contraire. L’aventure de la veille aussi me contrariait, comme un obstacle sur un parcours déjà difficile, comme si ce stupide jeu m’avait ôté le droit d’en exiger davantage.
– Tu veux boire quelque chose ?
La fin du magnifique film dano-suédois : « Fucking Amal » se rappela à ma mémoire, quand les filles quittent le bahut en clamant haut et fort : « Ma copine et moi, on va baiser. » avant de se retrouver dans la chambre à partager un chocolat. Oui, c’était peut-être ce que nous aurions de mieux à faire, boire un verre et rire de cette histoire, ne pas prendre le risque qu’elle nous entraîne trop loin.
Viviane en décida autrement. Elle se coula dans mes bras, enserra ma taille, puis leva vers moi un regard suppliant.
Ma bouche se fit douce, presque timide sur la sienne. La pointe de ma langue dénicha le sel de ses lèvres par à-coup. Elle les entrouvrit, comme un appel au secours, une invitation à l’audace. Notre premier baiser s’éternisa, de tendre à fiévreux, d’une sensualité délicieuse. Sans cesser de m’embrasser, Viviane me fit reculer, avec la lenteur d’un slow sans musique. Sa langue fouillait encore ma bouche quand nous tombâmes en travers du lit.
L’envie de déshabiller l’autre nous prit ensemble. On se roula sur l’édredon, avides de mettre nos peaux en contact, sans cesser de s’embrasser. L’exercice se transforma en tendre chahut, une série de gestes désordonnés, précipités par la curiosité. La tension se fit moins violente. Le dernier rempart de tissu envolé, la douceur revint, avec la volonté de pousser plus loin.
On fit connaissance lentement, d’attouchements en caresses, pour ne rien rater de cet instant si particulier. Les bras emmêlés, nos mains s’attardèrent sur un sein, un ventre, une joue, une fesse. Aucune ne voulait rester inactive à la découverte de l’autre. Nos bouches se séparèrent enfin pour nous permettre de nous regarder dans les yeux, puis pour mieux appréhender nos formes à la fois semblables et différentes.
Elle était belle avec son corps mince sculpté dans le marbre, tant la nervosité imprégnait tous ses muscles. Ses petits seins tendus m’invitèrent à l’audace. Je les cajolai, les massai, les baisai du bout des lèvres en prenant soin d’éviter l’aréole sensible. Ne rien précipiter. Ils réagirent pourtant, je finis par gober la pointe fière, par la titiller entre mes dents. Mon amante se pâma.
Puis Viviane entreprit les miens d’une caresse innée, les yeux ébahis, les mains avenantes, le souffle court sur ma peau.
– Tes seins sont beaux, susurra-t-elle avant de les embrasser.
Sa bouche glissa en haut, en bas, à droite, à gauche, entre mes deux globes maintenus dans ses mains fermes. Le geste devint appuyé, elle agaça les tétons de sa langue avant de les suçoter avec un plaisir non feint.
On se retrouva à genoux l’une en face de l’autre, désireuses de passer à la suite. Sans cesser de toucher nos seins, nos bouches s’unirent dans un nouveau baiser, je dénichai sa fente d’une main, et elle investit la mienne. On se caressa mutuellement, du bout des doigts, sans aller trop loin, par mimétisme, laissant le désir monter d’un cran, puis d’un autre.
N’y tenant plus, je la renversai sur le lit. Viviane lâcha un petit hoquet de surprise. Je la voulais maintenant, sur ce lit, je souhaitais lui faire ce que mon esprit méditait, cet appel des sens si particulier entre femmes, goûter enfin l’inaccessible.
Sans prendre le temps de caresser ses seins de nouveau, de toucher son ventre, de jouer avec son pubis, de l’amener à partager mon impétuosité, je glissai la tête entre ses jambes. Une dernière hésitation sans doute, je mordillai l’intérieur d’une cuisse. Puis je ne vis rien d’autre que ce sexe fermé comme un abricot, un coffre au trésor qu’il me fallait ouvrir.
J’introduisis ma langue dans les pétales d’amour, la résistance du fruit me surprit. Je léchai la fente de bas en haut plusieurs fois, puis tentai une nouvelle approche. Les chairs se détendirent, la doucereuse odeur de cyprine m’enivra. Viviane se rassura, et par là même occasion me donna la clé de son intimité. Ma langue entra cette fois, inquisitrice, avide. Je fouillai sa vulve comme j’avais fouillé sa bouche d’un baiser passionné, goûtant sa mouille comme j’avais goûté sa salive.
Mon amante soupira d’aise, elle glissa une main sous mon ventre, tenta d’atteindre mon minou trop loin. Sa main emprisonna un de mes seins dont elle tritura la pointe.
– Hum… tu lèches bien.
Encouragée, j’écartai les grandes lèvres avec mes doigts. Le vestibule m’apparut dans toute sa splendeur, nacré et humide, suintant de désir. Je l’investis de la langue.
Viviane me laissa jouer de ses nymphes, me repaître de sa liqueur, puis me demanda de la prendre avec mes doigts. J’en glissai un dans son antre, happé par ses chairs affamées. Elle oublia mon sein aussitôt pour porter ses mains à son sexe qu’elle ouvrit, débusquant son clitoris.
– Oh oui… plus fort…
Je la masturbai ainsi, le regard ébahi sur son trésor béant, sur ce bouton qu’elle malmenait avec une insolente indélicatesse. Je l’observai et guettai l’instant fatidique.
Viviane fut longue à venir, comme si elle retardait le moment fatidique inconsciemment, comme si la peur d’être abandonnée la retenait. Ella lâcha prise pourtant, acceptant de livrer son sort superbe à ma vue. La regarder jouir me rendit heureuse.
Étendue sur le lit, mon amante dans mes bras, je n’attendais rien, aucune réciprocité, ni baisers ni caresses, juste qu’elle reste ainsi collée à moi. La portée symbolique de mon acte était la seule récompense qui vaille : je l’avais goûté et j’avais adoré ça.
Tu comprends, chère Lola, être attirée depuis toujours par les filles n’était pas suffisant. J’avais besoin de ce contact, comme un rituel de passage, pour concevoir ma nouvelle existence sous un jour acceptable. Je pourrai maintenant me présenter dans les bars du Marais avec cette certitude : je suis prête.
J’appartiens désormais à une communauté. Et même si l’idée de sectarisme me rebute comme je te l’ai expliqué il y a quelques jours, ça pourra me servir le cas échéant. Non, la vie d’une nana seule à Paris n’est pas simple. Alors, en cas de danger, je pourrai toujours me réfugier chez mes copines lesbiennes.
Je ne suis pas certaine que Viviane se soit retenue. Sans doute a-t-elle été longue à jouir à cause de mon inexpérience. Et sans ses propres caresses manuelles, elle ne serait pas venue. L’orgasme n’est pas à chaque fois au rendez-vous pour les filles, il nous faut une combinaison de plusieurs facteurs psychologiques, parfois un fantasme ou une caresse bien précise. Mais ne pas atteindre l’orgasme ne signifie pas qu’on n’a pas de plaisir.
C’est plus difficile dans les bras d’un homme, comme tu me l’as expliqué. Il s’attend toujours à nous faire grimper aux rideaux comme si sa virilité en dépendait. N’en déplaise à certains, cet esprit de compétition est dérangeant, il provoque même un blocage chez certaines femmes.
Quoiqu’il en soit, ma petite Lola, je possède un sacré avantage sur toi : je connais mon corps. Donc je connais celui de mes amantes. Et puis, on n’est pas pressées par le temps entre nanas, se caresser et s’embrasser n’est pas pour nous un petit préliminaire qui doit obligatoirement aboutir à autre chose.
Un dernier avantage, non des moindres, deux lesbiennes vont rarement chercher la délivrance en même temps. Le fait de s’occuper de l’autre sans la contrainte liée à son propre plaisir permet de mieux l’amener à l’extase. Il nous suffit d’inverser les rôles ensuite.
Tout ça pour te dire, chère amie, que jamais je ne serai à un homme comme je peux être à une femme. J’aime les seins et les minous, la douceur des courbes et les traits féminins d’un visage. Il ne pourra jamais en être autrement. Et là, je ne te parle que des raisons physiques, mon attirance ne se limite pas à cela bien sûr.
Pour en revenir à cette nuit avec Viviane, elle a voulu me donner aussi du plaisir. Pas besoin d’avoir fait des études pour savoir que ça ne pouvait marcher ainsi. La pauvre tenta de m’imiter, de me caresser, de me masturber, je ne la sentais pas à son aise et on arrêta avant que ça devienne trop glauque.
On discuta longuement ensuite, pour permettre à notre amitié de se développer. Nous désirons l’une comme l’autre nous revoir, passer du temps ensemble, mais pas comme amantes. Viviane est intelligente, drôle, honnête je crois. En sa compagnie je vis l’adolescence que je souhaitais, et dont on m’a privée à cause de principes imbéciles. Elle m’a invitée à déjeuner samedi midi, pour me présenter son copain. Je n’ai rien contre le principe, mais j’ai refusé. On doit d’abord passer au stade de véritables copines, nous libérer du contexte dans lequel nous avons bâti le début de notre relation. Ensuite, quand on sera capables de se parler sans rougir et sans penser à nos aventures sexuelles, on pourra envisager une autre étape.
Puis nous avons dormi côte à côte. Pas le choix, je n’ai qu’un lit. D’accord, au réveil elle était dans mes bras, mais on n’a pas essayé de recommencer.
Ma Lola, j’attends de tes nouvelles avec une impatience grandissante. Je t’embrasse.
Très chère Lola,
Pas vraiment inquiète, je m’interrogeais tout de même sur la réaction de Viviane au lendemain de cette aventure hors du temps. Sans doute avais-je gâché toute chance de la mettre dans mon lit, je regrettais un peu ma précipitation. Mais la vie se fait aussi de ce genre d’expériences. Pour rien au monde je ne souhaitais un retour à la case départ. J’avais été honnête avec Sarah, et elle l’avait été envers moi. Notre séparation était de son fait, non du mien… Je me maudis de penser encore à elle, d’espérer son retour.
Peut-être que je souhaite découvrir mon moi profond par l’apprentissage d’un langage corporel particulier. La question se pose. Ou alors je suis amoureuse, et le désir est la répercussion de cet étrange sentiment. Les deux situations me paraissent catastrophiques. Je suis en passe de devenir une obsédée sexuelle, ou alors je m’entiche de la première femme qui croise mon chemin.
C’est difficile de grandir, Lola. Néanmoins, je n’ai plus le choix. La vie parisienne n’est pas faite pour une gamine isolée comme moi, dont l’unique attache familiale est un téléphone portable qui sonne à Londres.
Viviane me reçut au studio de photographie avec la même gentillesse affectée que la veille, celle d’une jeune femme concentrée sur son travail. La séance de maquillage corporel se déroula au mieux, sans nécessiter de recours à une lingette intime. Il me fallait moi aussi réagir en professionnelle, mais surtout en adulte responsable, et ne pas laisser mes émotions imprimer de traces visibles sur mon corps.
Le photographe exigea de nous le meilleur. Il l’obtint, ce qui permit de terminer la journée de travail tôt dans l’après-midi. La présence de Viviane inutile pour le rhabillage, je m’attendais à la voir filer, pressée de profiter de sa liberté. Elle traîna au contraire à ramasser les tampons de coton imprégnés de poudre, à ranger ses affaires. Nous quittâmes le studio de photographie ensemble. Á peine dans l’escalier, sa voix résonna à mon oreille.
– Tu as quelque chose de prévu, maintenant ?
– Non, juste quelques courses, répondis-je l’air de rien, heureuse de me laisser entraîner.
Trois semaines à Paris, et je n’avais pas encore visité Montmartre. Le Sacré Cœur, bâti sur une butte, se repérait de loin. La Place du Tertre au pied de la basilique respirait au rythme des appels joyeux des peintres au milieu d’une foule bigarrée de touristes en mal de souvenirs.
La vie bouillonnait au milieu des présentoirs malmenés par des mains avides, sur les chaises défoncées des caricaturistes. Les terrasses de restaurants bondées, pressées par les vendeurs à la sauvette, résonnaient de langues et d’accents aux saveurs inhabituelles.
Accrochée à mon bras, Viviane s’incrusta sur une terrasse au centre d’une douzaine de joyeux lurons en foire, jeunes hommes et jeunes femmes issus de milieux différents, réunis dans ce paradis des cinq sens par une volonté commune de profiter de l’existence.
Ma tendre Lola, comme j’aimerais te faire découvrir l’enchantement de ce lieu hors du temps, hors des normes conventionnelles de notre société, là où les différences deviennent des sujets de contemplation, non un motif de discorde. Aucun besoin ici de se connaître pour se sourire, de parler le même dialecte pour s’entendre. On s’attendrait presque, par un bel après-midi d’été, à voir les anges délaisser la basilique le temps de se rafraîchir à une table, et répondre à leur dieu de patron sur un téléphone portable que le travail peut attendre.
Le comportement de Viviane se voulait celui d’une amie d’enfance, de celle qu’on se refuse à abandonner par peur d’avoir à grandir.
Une nana de notre groupe se leva, puis disparut dans la salle. La plupart des regards suivirent la brune pétillante, les sourires à la table devinrent des remerciements d’enfants au matin de Noël, les discussions se transformèrent en murmures. Que se passait-il donc pour assagir ainsi la bande de délurés dont les frasques m’amusaient depuis un bon moment.
Un flot de musique se déversa dans la salle puis dans la rue par delà la terrasse, précédant de peu une voix chevrotante, pleine d’émotions contenues. La brune réapparut dans notre champ de vision, un micro accolé à ses lèvres, le regard lumineux de ceux qui ont trouvé leur chemin et ne s’en écarteront sous aucun prétexte, sous aucune menace.
Heureuse de mon air surpris, Viviane colla son bras au mien dans un geste difficile à définir. Le contact physique entre filles ne signifie pas obligatoirement une attirance sexuelle, mais aussi la franche camaraderie, ou l’amitié platonique.
Incapable de me retenir, je me tournais régulièrement afin de saisir ses pensées. Son air mutin se teintait parfois d’une certaine gravité, jamais longtemps, comme si des pensées contradictoires se disputaient. Alors, sous le poids de mon regard, elle me rendait un sourire énigmatique, parfois accompagné d’une œillade.
La brune pétillante au micro, répondant au prénom de Véro, nous régala d’airs français connus aux quatre coins de la planète : « Une île » de Serge Lama, « Mon mec à moi » de Patricia Kass, « Domino » de Patachou, et bien d’autres, un récital d’une heure au cours de laquelle elle se promena de table en table, comme une vedette de cabaret incapable de se satisfaire de l’estrade. Elle vivait son art au milieu du public.
Véro s’approcha enfin de nous, s’installa sur une chaise derrière celle de Viviane et la mienne, et nous gratifia d’un sourire complice qui ne s’adressait qu’à nous. Sa voix s’accorda sans mal sur la musique du groupe « Mecano » :
« Deux femmes qui se tiennent la main
Ça na rien qui peut gêner la morale
Là où le doute s’installe
C’est que ce geste se fasse sous la table
Quand elles sont seules
Comme elles n’ont rien à perdre
Après les mains, la peau de tout le reste
Un amour qui est secret
Même nues elles ne pourraient le cacher
Alors sous les yeux des autres
Dans la rue elles le déguisent en amitié
Qui arrêtent les colombes en plein vol
Á deux au ras du sol
Une femme avec une femme… »
Le temps d’une chanson au titre évocateur, les attentions à notre table et aux autres se firent complices, les sourires engageants, les regards complaisants. On n’était pas dans le Marais, mais le ciel de Montmartre était aussi bleu. Viviane se pencha vers moi afin d’effleurer mes lèvres des siennes. Ce baiser léger, suggéré, fleurit dans ma poitrine comme une promesse d’avenir. Des « Ah ! » comblés se mêlèrent aux « Enfin ! ».
Véro finit son tour de chant, regagna sa place à notre table sous les applaudissements, et notre groupe redevint celui des joyeux lurons en foire.
La magie nous entraîna jusqu’à 22 heures. Entre les sujets variés de discussions, la dégustation d’un plateau de fruits de mer, quelques chansons de l’artiste à notre table, qui n’avait pas besoin de micro, la pendule égrena son chapelet d’instants délicieux entrecoupés de marques d’affection. Je laissais faire Viviane, cette soirée était la sienne. Sans abuser de la fibre sentimentale, la belle me gratifia de temps à autre d’un petit bécot, d’une main appuyée sur la mienne, d’un frôlement de ses jambes sous la table, autant de gestes anodins en d’autres circonstances, mais qui prenaient ce soir-là une dimension particulière.
– Coucher avec une nana, ce n’est pas vraiment tromper mon mec, hein ? me demanda-t-elle sur le trottoir en guettant un taxi.
– Honnêtement, je n’en sais rien, lui répondis-je sans avoir réfléchi à la portée de mes mots.
Viviane s’accrocha à moi de toutes ses forces, sa joue sur le haut de mon bras. Elle tritura une mèche de mes cheveux et glissa à mon oreille :
– Pas grave, je m’en fous.
Sa voix grelottait d’émotion.
Consciente d’une certaine nervosité, j’installai Viviane au comptoir servant de table, unique séparation entre la cuisine équipée et la chambre de mon studio. Si, à ce moment de l’histoire, elle avait fait marche arrière, je ne lui en aurais pas voulu. Bien sûr cette nana me plaisait, ma libido se satisfaisait de sa présence. Je n’avais pas seulement envie de faire l’amour, j’avais surtout envie d’elle. Le fait qu’elle soit hétéro ne rendait pas la chose plus facile, au contraire. L’aventure de la veille aussi me contrariait, comme un obstacle sur un parcours déjà difficile, comme si ce stupide jeu m’avait ôté le droit d’en exiger davantage.
– Tu veux boire quelque chose ?
La fin du magnifique film dano-suédois : « Fucking Amal » se rappela à ma mémoire, quand les filles quittent le bahut en clamant haut et fort : « Ma copine et moi, on va baiser. » avant de se retrouver dans la chambre à partager un chocolat. Oui, c’était peut-être ce que nous aurions de mieux à faire, boire un verre et rire de cette histoire, ne pas prendre le risque qu’elle nous entraîne trop loin.
Viviane en décida autrement. Elle se coula dans mes bras, enserra ma taille, puis leva vers moi un regard suppliant.
Ma bouche se fit douce, presque timide sur la sienne. La pointe de ma langue dénicha le sel de ses lèvres par à-coup. Elle les entrouvrit, comme un appel au secours, une invitation à l’audace. Notre premier baiser s’éternisa, de tendre à fiévreux, d’une sensualité délicieuse. Sans cesser de m’embrasser, Viviane me fit reculer, avec la lenteur d’un slow sans musique. Sa langue fouillait encore ma bouche quand nous tombâmes en travers du lit.
L’envie de déshabiller l’autre nous prit ensemble. On se roula sur l’édredon, avides de mettre nos peaux en contact, sans cesser de s’embrasser. L’exercice se transforma en tendre chahut, une série de gestes désordonnés, précipités par la curiosité. La tension se fit moins violente. Le dernier rempart de tissu envolé, la douceur revint, avec la volonté de pousser plus loin.
On fit connaissance lentement, d’attouchements en caresses, pour ne rien rater de cet instant si particulier. Les bras emmêlés, nos mains s’attardèrent sur un sein, un ventre, une joue, une fesse. Aucune ne voulait rester inactive à la découverte de l’autre. Nos bouches se séparèrent enfin pour nous permettre de nous regarder dans les yeux, puis pour mieux appréhender nos formes à la fois semblables et différentes.
Elle était belle avec son corps mince sculpté dans le marbre, tant la nervosité imprégnait tous ses muscles. Ses petits seins tendus m’invitèrent à l’audace. Je les cajolai, les massai, les baisai du bout des lèvres en prenant soin d’éviter l’aréole sensible. Ne rien précipiter. Ils réagirent pourtant, je finis par gober la pointe fière, par la titiller entre mes dents. Mon amante se pâma.
Puis Viviane entreprit les miens d’une caresse innée, les yeux ébahis, les mains avenantes, le souffle court sur ma peau.
– Tes seins sont beaux, susurra-t-elle avant de les embrasser.
Sa bouche glissa en haut, en bas, à droite, à gauche, entre mes deux globes maintenus dans ses mains fermes. Le geste devint appuyé, elle agaça les tétons de sa langue avant de les suçoter avec un plaisir non feint.
On se retrouva à genoux l’une en face de l’autre, désireuses de passer à la suite. Sans cesser de toucher nos seins, nos bouches s’unirent dans un nouveau baiser, je dénichai sa fente d’une main, et elle investit la mienne. On se caressa mutuellement, du bout des doigts, sans aller trop loin, par mimétisme, laissant le désir monter d’un cran, puis d’un autre.
N’y tenant plus, je la renversai sur le lit. Viviane lâcha un petit hoquet de surprise. Je la voulais maintenant, sur ce lit, je souhaitais lui faire ce que mon esprit méditait, cet appel des sens si particulier entre femmes, goûter enfin l’inaccessible.
Sans prendre le temps de caresser ses seins de nouveau, de toucher son ventre, de jouer avec son pubis, de l’amener à partager mon impétuosité, je glissai la tête entre ses jambes. Une dernière hésitation sans doute, je mordillai l’intérieur d’une cuisse. Puis je ne vis rien d’autre que ce sexe fermé comme un abricot, un coffre au trésor qu’il me fallait ouvrir.
J’introduisis ma langue dans les pétales d’amour, la résistance du fruit me surprit. Je léchai la fente de bas en haut plusieurs fois, puis tentai une nouvelle approche. Les chairs se détendirent, la doucereuse odeur de cyprine m’enivra. Viviane se rassura, et par là même occasion me donna la clé de son intimité. Ma langue entra cette fois, inquisitrice, avide. Je fouillai sa vulve comme j’avais fouillé sa bouche d’un baiser passionné, goûtant sa mouille comme j’avais goûté sa salive.
Mon amante soupira d’aise, elle glissa une main sous mon ventre, tenta d’atteindre mon minou trop loin. Sa main emprisonna un de mes seins dont elle tritura la pointe.
– Hum… tu lèches bien.
Encouragée, j’écartai les grandes lèvres avec mes doigts. Le vestibule m’apparut dans toute sa splendeur, nacré et humide, suintant de désir. Je l’investis de la langue.
Viviane me laissa jouer de ses nymphes, me repaître de sa liqueur, puis me demanda de la prendre avec mes doigts. J’en glissai un dans son antre, happé par ses chairs affamées. Elle oublia mon sein aussitôt pour porter ses mains à son sexe qu’elle ouvrit, débusquant son clitoris.
– Oh oui… plus fort…
Je la masturbai ainsi, le regard ébahi sur son trésor béant, sur ce bouton qu’elle malmenait avec une insolente indélicatesse. Je l’observai et guettai l’instant fatidique.
Viviane fut longue à venir, comme si elle retardait le moment fatidique inconsciemment, comme si la peur d’être abandonnée la retenait. Ella lâcha prise pourtant, acceptant de livrer son sort superbe à ma vue. La regarder jouir me rendit heureuse.
Étendue sur le lit, mon amante dans mes bras, je n’attendais rien, aucune réciprocité, ni baisers ni caresses, juste qu’elle reste ainsi collée à moi. La portée symbolique de mon acte était la seule récompense qui vaille : je l’avais goûté et j’avais adoré ça.
Tu comprends, chère Lola, être attirée depuis toujours par les filles n’était pas suffisant. J’avais besoin de ce contact, comme un rituel de passage, pour concevoir ma nouvelle existence sous un jour acceptable. Je pourrai maintenant me présenter dans les bars du Marais avec cette certitude : je suis prête.
J’appartiens désormais à une communauté. Et même si l’idée de sectarisme me rebute comme je te l’ai expliqué il y a quelques jours, ça pourra me servir le cas échéant. Non, la vie d’une nana seule à Paris n’est pas simple. Alors, en cas de danger, je pourrai toujours me réfugier chez mes copines lesbiennes.
Je ne suis pas certaine que Viviane se soit retenue. Sans doute a-t-elle été longue à jouir à cause de mon inexpérience. Et sans ses propres caresses manuelles, elle ne serait pas venue. L’orgasme n’est pas à chaque fois au rendez-vous pour les filles, il nous faut une combinaison de plusieurs facteurs psychologiques, parfois un fantasme ou une caresse bien précise. Mais ne pas atteindre l’orgasme ne signifie pas qu’on n’a pas de plaisir.
C’est plus difficile dans les bras d’un homme, comme tu me l’as expliqué. Il s’attend toujours à nous faire grimper aux rideaux comme si sa virilité en dépendait. N’en déplaise à certains, cet esprit de compétition est dérangeant, il provoque même un blocage chez certaines femmes.
Quoiqu’il en soit, ma petite Lola, je possède un sacré avantage sur toi : je connais mon corps. Donc je connais celui de mes amantes. Et puis, on n’est pas pressées par le temps entre nanas, se caresser et s’embrasser n’est pas pour nous un petit préliminaire qui doit obligatoirement aboutir à autre chose.
Un dernier avantage, non des moindres, deux lesbiennes vont rarement chercher la délivrance en même temps. Le fait de s’occuper de l’autre sans la contrainte liée à son propre plaisir permet de mieux l’amener à l’extase. Il nous suffit d’inverser les rôles ensuite.
Tout ça pour te dire, chère amie, que jamais je ne serai à un homme comme je peux être à une femme. J’aime les seins et les minous, la douceur des courbes et les traits féminins d’un visage. Il ne pourra jamais en être autrement. Et là, je ne te parle que des raisons physiques, mon attirance ne se limite pas à cela bien sûr.
Pour en revenir à cette nuit avec Viviane, elle a voulu me donner aussi du plaisir. Pas besoin d’avoir fait des études pour savoir que ça ne pouvait marcher ainsi. La pauvre tenta de m’imiter, de me caresser, de me masturber, je ne la sentais pas à son aise et on arrêta avant que ça devienne trop glauque.
On discuta longuement ensuite, pour permettre à notre amitié de se développer. Nous désirons l’une comme l’autre nous revoir, passer du temps ensemble, mais pas comme amantes. Viviane est intelligente, drôle, honnête je crois. En sa compagnie je vis l’adolescence que je souhaitais, et dont on m’a privée à cause de principes imbéciles. Elle m’a invitée à déjeuner samedi midi, pour me présenter son copain. Je n’ai rien contre le principe, mais j’ai refusé. On doit d’abord passer au stade de véritables copines, nous libérer du contexte dans lequel nous avons bâti le début de notre relation. Ensuite, quand on sera capables de se parler sans rougir et sans penser à nos aventures sexuelles, on pourra envisager une autre étape.
Puis nous avons dormi côte à côte. Pas le choix, je n’ai qu’un lit. D’accord, au réveil elle était dans mes bras, mais on n’a pas essayé de recommencer.
Ma Lola, j’attends de tes nouvelles avec une impatience grandissante. Je t’embrasse.
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pour moi, ça m'éveil l'érotisme,
Toujours passionnant et plein de sensualité les récits d'Orchidée