Erotisme et poésie (3) : « Lesbos» de Charles Baudelaire

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Erotisme et poésie (3) : « Lesbos» de Charles Baudelaire Histoire érotique Publiée sur HDS le 22-06-2020 dans la catégorie Fétichisme
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Erotisme et poésie (3) : « Lesbos» de Charles Baudelaire
J’ai publié le 18 février 2020 « Erotisme et poésie (2) : « Les Bijoux » de Charles Baudelaire ».

Comme je l’avais promis, je consacre un texte à un autre poème des « Fleurs du mal » qui fit scandale, « Lesbos ». Et naturellement, ma dédicace ira à ma compagne, à ma femme, ma douce Agun.

Je renverrai au texte précédent pour tout ce qui concerne Baudelaire, son recueil « Les Fleurs du mal » ainsi que le célèbre procès que lui attenta, en 1857, la censure du régime de Napoléon III.

COMMENTAIRES
Si Baudelaire n’est pas le premier auteur français à avoir écrit sur l’homosexualité féminine, il semble, selon Paul Savouré (voir biographie) que ces femmes sont, pour Baudelaire, plus qu’un simple moyen de faire scandale, qu’elles sont a contrario pour le poète de véritables héroïnes. Cette fascination du poète pour le lesbianisme relève de son goût prononcé pour l’insolite, l’étrange. « Ces femmes représentent pour lui des êtres « hors nature » qui dans une société imprégnée de valeurs bourgeoises incarnent une protestation contre l’amour vu comme un outil ayant pour seule finalité la procréation et la famille. »
Les lesbiennes sont des femmes qui, en se dressant contre les conventions morales et intellectuelles du XIXème siècle, sont perçues par Baudelaire comme mises au ban de la société.

« Pour Baudelaire, l’homosexualité féminine porte le sceau de l’amour idéal ». L’acte sexuel est une véritable hantise pour le poète.

L’amour saphique est pour le poète un amour infini. Il ne peut être détruit par la sexualité étant fait d’un désir qui ne peut jamais être satisfait. Baudelaire projette son idéal féminin dans la poétesse Sapho.

Le thème de l’homosexualité féminine est soulevé. Le premier titre qu’envisageait le poète pour son recueil de poésies était d’ailleurs « Les Lesbiennes », dénotant de l’intérêt particulier qu’il porte à cette question, choquante à l’époque, puisqu’elle s’éloignait des conventions religieuses et morales établies. Il appelle « chercheuses d’infini » ces êtres de souffrance et d’inaccomplissement qui vivent animées par un désir qui ne trouve pas de contentement.

« Lesbos » est, pour Baudelaire également un paradis perdu aux nombreux charmes ; c’est une « terre des nuits chaudes et langoureuses », « aimable et noble », qui n’a perdu son éclat qu’à cause de la rencontre entre l’homme et la femme : « De Sapho qui mourut le jour de son blasphème / Quand, insultant le culte et le rite inventé, / Elle fit son beau corps la pâture suprême / D’un brutal dont l’orgueil punit l’impiété ».

Ainsi, l’auteur effectue une subtile inversion, qui place désormais le pêché sur le couple hétérosexuel, et emploie des termes religieux, tels « blasphème », « culte », « rite », ou encore « impiété », détournés de leur utilisation première.

CE POEME ET MOI
Le premier texte que j’avais publié le 14 août 2017 dans la série « Histoire des libertines » fut consacré à Sappho : « Histoire des libertines (1) : Introduction et Sappho la poétesse de Lesbos ».

Ce n’était pas un hasard dû à la seule chronologie qui situe la poétesse de Mytilène entre -630 et -580.

Ce n’est pas seulement non plus la conséquence de mes origines. Ce n’est pas même dû à ma bisexualité.

J’ai en fait découvert Sappho à travers ce poème de Baudelaire, parce que j’avais trouvé, comme je l’ai raconté, les « Fleurs du mal » dans la bibliothèque familiale.

Ouverts d’esprit, pétris de culture française, mes parents n’avaient pas jugé utile de placer le recueil de poésie baudelairienne dans « l’enfer « de la bibliothèque familiale, qui était censée m’être interdit. Précaution vaine d’ailleurs, comme je l’ai déjà expliqué à propos d’autres ouvrages qui, eux, n’auraient pas dû passer dans mes mains et auxquels j’ai eu accès, d’une part parce que l’interdit accroissait mon intérêt, d’autre part parce qu’on avait voulu me laisser accéder aux lectures défendues.

Pour en revenir aux Fleurs du Mal, l’adolescente que j’étais a dévoré les poèmes de Baudelaire et était particulièrement attirée par les textes qui avaient fait l’objet de la censure du Second Empire. Par rapport à ce qu’on peut découvrir aujourd’hui sur le net, ces poèmes suggestifs peuvent sembler bien timides. Et pourtant, ils me troublaient et en particulier ce poème Lesbos.

J’avais essayé d’en parler à ma mère et je me suis heurtée, ce n’était pas la première fois, à un refus, se contentant de me dire que « ce ne sont pas des choses pour ton âge ». Comme j’insitais, je me suis faite traitée de « vicieuse ».

Comme souvent, c’est auprès de mon père que je m’en suis ouverte. Il m’a expliqué qui était Sappho et m’a permis de découvrir les fragments de ses poèmes. J’ai fini par lui demander si une femme pouvait en aimer une autre et, au lieu de me rabrouer, il m’a répondu que oui, que tout amour était dans la nature et que l’amour entre femmes était une chose particulièrement belle, un bonheur qu’a chanté Sappho.

Ce sont ces lectures, le trouble qu’elles causaient chez moi, qui ont fait que naturellement je suis devenue bisexuelle le jour même où, déflorée, je devenais une femme, comme je l’ai raconté dans le premier texte que j’ai publié sur HDS (voir « Olga l'hypersexuelle et Philippe le candauliste. Comment j'ai découvert mon hypersexualité », publié le 29 novembre 2016)
Je publie à nouveau ci-dessous et complète des extraits de la conclusion de l’article que j’ai consacré à Sappho sur HDS.

J’ai toujours vu ma bisexualité comme un plus : être bi, c’est justement avoir le choix non pas d’un sexe mais d’une personne, et ce choix est bien plus élargi pour moi que pour les hétéros et les homos.

Je ne remercierai jamais assez ce couple, Gianni et Maria qui ont successivement fait de moi une femme, en me déflorant, puis une bisexuelle. C’est une des meilleures choses qui me soit arrivée dans la vie ! À mes yeux, être bi, c’est aimer l’être humain tout simplement. Peu importe comment, pourquoi, ou pendant combien de temps on préférera un sexe à l’autre. J’ai tout simplement envie et besoin des deux.

Ma bisexualité me permet de réaliser une chose qui semble impossible, le « poly amour ». Avec deux personnes du même sexe, cela semble impossible ou en tout cas ne saurait durer. Avec un homme et une femme, avec Agun et Philippe, nous prouvons que c’est possible et j’ajouterai que c’est indispensable à mon équilibre.

Les relations amoureuses saphiques sont souvent plus intenses et plus complices ! Autre particularité : dans le couple lesbien, pas de hiérarchie des rôles prédéterminée comme dans les couples hétéros. Le couple lesbien est souvent de type très fusionnel.

Dans mes relations avec mes amantes, j’adopte alternativement des positions passives ou actives. Les choses ont beaucoup changé depuis que je suis en couple avec Agun. Avec elle, je suis de préférence active, elle est ma femme avec qui j’aime prendre l’initiative.

Entre femmes, on est moins pudiques, on ne craint pas de montrer nos fragilités à l’autre. Alors, on se dit beaucoup qu’on s’aime, qu’on a besoin l’une de l’autre. Cette attitude se répercute sur notre sexualité, qui est très douce, très « amoureuse » ce qui n’exclut pas la franchise : au lit, on sait dire quand on aime ou pas ! Une femme avec une femme, ça ne fait pas semblant.

Hypersexuelle avec les hommes et ayant connu un grand nombre d’amants, je ne le suis pas avec les femmes. Et s’il m’est arrivé d’avoir des relations saphiques uniquement basées sur le sexe, le nombre de celles qui furent mes amantes est de loin plus faible.

Depuis plus de six ans, aux côtés du couple officiel que je forme avec Philippe, il y a mon couple avec Agun, dont j’ai parlé longuement dans « Philippe, le mari candauliste et Olga, l’épouse hypersexuelle (52) : Agun mon amour, mon épouse », publié le 14 novembre 2018. Oui, Agun est ma femme, mon épouse, mon roc, grâce à qui j’ai pu réparer les dégâts que j’avais faits et qui, sans elle, auraient été irréversibles. A travers ces vers, c’est mon amour infini que je veux lui témoigner.

Avant de publier le magnifique texte ne résiste pas à la tentation de reproduire ce poème de Sappho, que je dédicace également à Agun : « Ode à une Femme aimée »:
SAPPHO : « ODE A UNE FEMME AIMEE »
« L’homme fortuné qu’enivre ta présenceMe semble l’égal des dieux, car il entendRuisseler ton rire et rêver ton silence,Et moi, sanglotant,Je frissonne toute et ma langue est brisée:Subtile, une flamme a traversé ma chairEt ma sueur coule ainsi que la roséeÂpre de la mer;Un bourdonnement remplit de bruits d’orageMes oreilles, car je sombre sous l’effort,Plus pâle que l’herbe, et je vois ton visageÀ travers la mort… »


TEXTE DU POEME DE BAUDELAIRE : LESBOS
Mère des jeux latins et des voluptés grecques,Lesbos, où les baisers, languissants ou joyeux, Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques, Font l'ornement des nuits et des jours glorieux, Mère des jeux latins et des voluptés grecques, Lesbos, où les baisers sont comme les cascades Qui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds, Et courent, sanglotant et gloussant par saccades, Orageux et secrets, fourmillants et profonds; Lesbos, où les baisers sont comme les cascades!
Lesbos, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent, Où jamais un soupir ne resta sans écho, À l'égal de Paphos les étoiles t'admirent, Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho!
Lesbos où les Phrynés l'une l'autre s'attirent, Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses, Qui font qu'à leurs miroirs, stérile volupté!
Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses, Caressent les fruits mûrs de leur nubilité; Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses, Laisse du vieux Platon se froncer l'œil austère; Tu tires ton pardon de l'excès des baisers, Reine du doux empire, aimable et noble terre, Et des raffinements toujours inépuisés.
Laisse du vieux Platon se froncer l'œil austère.
Tu tires ton pardon de l'éternel martyre, Infligé sans relâche aux cœurs ambitieux, Qu'attire loin de nous le radieux sourire Entrevu vaguement au bord des autres cieux!
Tu tires ton pardon de l'éternel martyre!
Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge Et condamner ton front pâli dans les travaux, Si ses balances d'or n'ont pesé le déluge De larmes qu'à la mer ont versé tes ruisseaux?
Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge?
Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?
Vierges au cœur sublime, honneur de l'archipel, Votre religion comme une autre est auguste, Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel!
Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste?
Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terre Pour chanter le secret de ses vierges en fleurs, Et je fus dès l'enfance admis au noir mystère Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs; Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terre.
Et depuis lors je veille au sommet de Leucate, Comme une sentinelle à l'œil perçant et sûr, Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate, Dont les formes au loin frissonnent dans l'azur; Et depuis lors je veille au sommet de Leucate, Pour savoir si la mer est indulgente et bonne, Et parmi les sanglots dont le roc retentit Un soir ramènera vers Lesbos, qui pardonne, Le cadavre adoré de Sapho, qui partit Pour savoir si la mer est indulgente et bonne!
De la mâle Sapho, l'amante et le poète, Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs!
— L'œil d'azur est vaincu par l'œil noir que tachète Le cercle ténébreux tracé par les douleurs De la mâle Sapho, l'amante et le poète!
— Plus belle que Vénus se dressant sur le monde Et versant les trésors de sa sérénité Et le rayonnement de sa jeunesse blonde Sur le vieil Océan de sa fille enchanté; Plus belle que Vénus se dressant sur le monde!
— De Sapho qui mourut le jour de son blasphème, Quand, insultant le rite et le culte inventé, Elle fit son beau corps la pâture suprême D'un brutal dont l'orgueil punit l'impiété De celle qui mourut le jour de son blasphème.
Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente, Et, malgré les honneurs que lui rend l'univers, S'enivre chaque nuit du cri de la tourmente Que poussent vers les cieux ses rivages déserts.
Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente!

— Charles Baudelaire
REFERENCES
Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je mentionnerai, au sujet de ce poème de Baudelaire, le lien suivant :
• https://netboardme.s3.amazonaws.com/published/1790/files/efefdebb302576ac7af123957b69322b.pdf: L’identité féminine dans l’Œuvre de Charles Baudelaire, par Paul Savouré

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