Histoire des libertines (39) : des femmes libres sous la Révolution

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Auteur femme.
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Récit libertin : Histoire des libertines (39) : des femmes libres sous la Révolution Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-09-2019 dans la catégorie A dormir debout
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Histoire des libertines (39) : des femmes libres sous la Révolution
AVERTISSEMENT
Les femmes dont je parle dans ce texte ont d’abord mené un combat politique, au cours de la Révolution, pour défendre, en tant que femmes et citoyennes, leur conception de la liberté.

Elles ont aussi voulu vivre librement et assumer leur vie de femme, à une époque où cela restait particulièrement mal vu.

C’est à cet aspect de leur vie que nous allons nous intéresser. Nous évoquerons bien évidemment leurs combats politiques, puisque ceux-ci furent au cœur de leur vie et de leur destin tragique.

J’ai choisi quatre belles figures féminines de la période révolutionnaire, pour leurs combats pour les libertés, la dignité, pour les droits des femmes ou encore contre l’esclavage aux colonies.

Je salue leur mémoire, leur courage, leur destin tragique. Elles avaient en commun leur beauté, leur force de caractère, mais aussi leur indépendance, la liberté avec laquelle elles ont mené leur vie, dans un monde d’hommes, qui le leur ont fait payer chèrement parce que femmes.

Des quatre femmes présentées ici, seule, semble-t-il, Manon Roland n’a pas voulu, pas osé assumer sa passion pour un autre homme que son mari. Cela n’a d’ailleurs pas empêché les flots de calomnie et la moquerie pour le « pauvre Roland ». La liberté assumée de mœurs de Théroigne de Méricourt et d’Olympe de Gouges, qui ne se laissèrent pas enfermer dans un mariage, a été vouée aux gémonies par leurs adversaires, qui les ont qualifiées de « courtisanes ». Quant à Mulâtresse Solitude, une fois libérée des chaînes de l’esclavage, sa courte existence fut celle d’une femme libre, combattante et qui mourut, exécutée, après avoir donné la vie.

Dans mes textes, j’ai toujours revendiqué mon féminisme, celui de l’égalité sociale et politique, mais aussi dans le choix du mode de vie et dans la liberté sexuelle, à l’instar des hommes. Il ne s’agit pas en aucun cas pour moi d’un féminisme d’exclusion, mais d’une aspiration profonde, viscérale, à la liberté, à toutes les libertés. Je mesure ma chance d’avoir croisé la route de Philippe, qui m’a permis, qui m’a encouragé à vivre cette liberté, y compris celle des sens.

Je me retrouve dans l’esprit, l’intelligence, la culture de ces femmes, admiratrice de ce qu’elles exprimèrent dans un monde alors entièrement au pouvoir des hommes.

Ces courageuses pionnières avaient donc toute leur place dans cette rubrique.

1. Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise
Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt (1762-1817) est la fille d’un laboureur de la principauté de Liège. Elle connait une enfance malheureuse, elle sera vachère, serveuse, puis dame de compagnie
DES AVENTURES MULTIPLES
Après avoir vécu à Paris, elle tente une carrière de chanteuse à Londres, où elle est séduite par un officier anglais, qui lui donne une fille, Françoise-Louise, emportée par la variole en 1788.

En Italie, elle connaît des aventures multiples et y contracte la syphilis, pour laquelle elle sera soignée au mercure. Elle a une relation avec le vieux marquis Doublet de Persan, qui se ruine pour elle. À Naples, elle se trouve en compagnie d'un castrat italien, Giusto Fernando Tenducci, qui lui fait miroiter une carrière de cantatrice.

UNE AMAZONE DE LA REVOLUTION
Elle rejoint la France le 11 mai 1789. Afin de ne pas manquer les événements de la Révolution française, elle s'installe à Versailles et fréquente assidûment les tribunes de l'Assemblée. Elle est alors la seule femme dans les tribunes. Elle a trois costumes : un blanc, un rouge et un noir. Ses ennemis la décrivent toujours vêtue de rouge, telle une bacchante sanguinaire.

Si elle est à Versailles lors des journées des 5 et 6 octobre 1789, elle n’y participe pas.

Anne-Josèphe suit l'Assemblée et s'installe à Paris. Elle y tient salon, où se retrouvent Sieyès, Camille Desmoulins, Pétion, Brissot, Fabre d'Églantine ou encore Saint-Just. Elle se lie au mathématicien Charles-Gilbert Romme. Ses amis la surnomment « la Belle Liégeoise ».

Pourvue d’un physique agréable, elle acquiert une réputation sulfureuse de demi-mondaine, se faisant entretenir pour subvenir à ses besoins.

UNE REPUTATION DE FEMME SULFUREUSE
Elle devient la cible des contre-révolutionnaires. Le journaliste royaliste satirique Louis René Quentin de Richebourg de Champcenetz la surnomme « Théroigne de Méricourt » transformant son nom en prénom et déformant son village natal Marcourt en Méricourt. Dans les « Actes des Apôtres », le journaliste l'accouple à un député de l'Assemblée nommé Populus et en fait la catin du peuple.

La campagne de calomnies est si bien orchestrée qu'en 1791, sa réputation de femme sulfureuse est établie. L'auteur d'un ouvrage érotique, dans la deuxième édition du « Catéchisme libertin », publiée en 1791, ajoute la mention: « par Mlle Théroigne »
EXIL ET RETOUR
Suite aux journées d’octobre 1789, une instruction est ouverte, citant Théroigne de Mericourt à comparaître. Théroigne de Méricourt quitte Paris et se réfugie à Liège. Elle est enlevée par un groupe d'émigrés qui la livrent aux Autrichiens. Ceux-ci l'enferment dans la forteresse de Kufstein (Tyrol). Le gouvernement français négocie auprès de l'empereur Léopold II sa mise en liberté qu'il lui accorde, en juillet 1791. Cette séquestration accroît sa popularité à Paris, où elle se retrouve à la fin de l'année 1791
L’AGRESSION DES TRICOTEUSES
Théroigne de Méricourt participe au 10 août 1792, les royalistes l’accusant d’être responsable de la mort du polémiste royaliste François-Louis Suleau.

Théroigne de Méricourt demande l’égalité politique pour les femmes et le droit de porter les armes.

Le 13 mai 1793, à l'Assemblée nationale, accusée de soutenir Brissot, chef de file des Girondins, elle est prise à partie par des « tricoteuses », qui la traitent de brissotine, de girondine, la dénudent et la fessent publiquement.

ELLE ECHAPPE A LA GUILLOTINE MAIS PASSERA 23 ANS INCARCEREE !

L'humiliation de cette agression serait à l'origine de sa folie et l'aurait fait basculer dans un délire de persécution. L'origine de sa folie peut s'expliquer plus simplement par la peur d'être guillotinée, à l’instar d’Olympe de Gouges et de Madame Roland, ou par le stade avancé de sa maladie vénérienne, la neurosyphilis.

Son frère réclame sa mise sous tutelle et la fait interner. Cet internement lui évite une accusation politique et la guillotine. Les internements se succèdent. Elle s'adonne à des rites de souillure et de purification. Elle vit nue et verse sur son corps des baquets d'eau glacée.

Elle meurt à l'hôpital de la Salpêtrière le 23 juin 1817 après avoir passé les 23 dernières années de sa vie à l'asile.

ICONE DU FEMINISME
Pour Théroigne de Méricourt, les femmes « ont les mêmes droits naturels que les hommes, de sorte qu’il est extrêmement injuste que nous n’ayons pas les mêmes droits dans la société ». Quand la France entre en guerre contre l’Autriche en avril 1792, elle fait campagne pour les droits des femmes à porter les armes. Elle réclame l’élection de représentantes du peuple. Si souvent décriée en son temps, elle voulait défendre la place de la femme dans une société démocratique.

Ce discours provoque la colère de la presse contre-révolutionnaire : elle y fait l’objet de moqueries et de propos désobligeants, dépeinte comme une débauchée, antithèse de la féminité, « pute patriote dont 100 amants par jour payaient chacun 100 sous en contributions à la Révolution gagnée à la sueur de son corps ».

A l’autre bout de l’échiquier politique, ses positions suscitent la haine des jacobins.

La vie d'Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt a suscité tant de passions. Elle est parfois décrite comme une aventurière, une femme vouée à l'amour qui sombre dans la folie.

2. Olympe de Gouges : « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »

Marie Gouze, dite Olympe de Gouges (1748-1793), est considérée comme une des pionnières du féminisme français. Auteure de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l'esclavage des Noirs.

Elle est souvent prise pour emblème par les mouvements pour la libération des femmes.

Fille d’un bourgeois de Montauban, elle serait en fait la fille adultérine du Marquis et poète Jean-Jacques Lefranc de Pompignan.

En 1765, Marie Gouze fut mariée à un traiteur parisien de trente ans son aîné, Louis-Yves Aubry., Quelques mois plus tard, la jeune femme donna naissance à un fils, Pierre. Homme grossier et inculte, son mari mourut en 1766. La loi française interdisant à une femme autrice de publier un ouvrage sans le consentement de son époux, elle ne se remaria jamais, conservant ainsi sa liberté de publication.

Elle qualifiait le mariage religieux de « tombeau de la confiance et de l’amour ». La « veuve Aubry » portait couramment les prénoms de « Marie-Olympe » (signant plusieurs textes ainsi) ou plus simplement d’« Olympe », ajoutant une particule à son patronyme officiel « Gouze » que l’on trouve parfois écrit « Gouges »
Au début des années 1770, elle vécut à Paris avec son fils à qui elle fit donner une éducation soignée. Elle changea de nom : ce ne fut plus Marie Gouze, mais Olympe de Gouges.

UNE REPUTATION DE COURTISANE
Elle avait rencontré un haut fonctionnaire de la marine, Jacques Biétrix de Rozières, alors directeur d’une puissante compagnie de transports militaires. Lorsqu'il lui proposa de l’épouser, elle refusa et leur liaison dura jusqu'à la Révolution. Grâce au soutien financier de son compagnon, elle put mener un train de vie bourgeois.

Dans les salons qu’elle fréquentait, elle fit la rencontre de plusieurs hommes de lettres et elle s'essaya également à l'écriture. Menant une vie luxueuse et galante de manière assez ostentatoire, elle acquit une réputation de courtisane entretenue par les hommes. Certains de ses détracteurs, tels Restif de la Bretonne, prétendront qu'elle se prostitue.

Olympe est extrêmement belle et n’hésite pas à utiliser ses charmes pour manipuler les hommes. C’est par exemple la raison pour laquelle le grand comédien Talma soutient ses deux pièces de théâtre sur l’abolition de l’esclavage.

CONTRE L’ESCLAVAGE, POUR UNE REVOLUTION MODEREE ET POUR LES DROITS DES FEMMES
Olympe de Gouges monta sa propre troupe de théâtre et se rendit célèbre grâce à sa pièce « L’esclavage des noirs, ou l’heureux naufrage », en 1785, qui lui valut brièvement une lettre de cachet.

Dès les débuts de la Révolution, elle se prononce pour une monarchie constitutionnelle. Elle était proche des Girondins.

Elle considérait que les femmes étaient capables d’assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes et, dans pratiquement tous ses écrits, elle demandait qu’elles fussent associées aux débats politiques et aux débats de société. Elle rédigea une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, calquée sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans laquelle elle affirmait l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes, insistant pour qu’on rendît à la femme des droits naturels que la force du préjugé lui avait retirés. Ainsi, elle écrivait : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »
Parmi les premiers, elle demanda l’instauration du divorce, la suppression du mariage religieux, et son remplacement par une sorte de contrat civil signé entre concubins et qui prendrait en compte les enfants issus de liaisons nées d’une « inclination particulière ». C’était, à l’époque, véritablement révolutionnaire, de même son engagement en faveur de la libre recherche de la paternité et la reconnaissance d’enfants nés hors mariage. Elle fut aussi une des premières à théoriser le système de protection maternelle et infantile que nous connaissons aujourd’hui et, s’indignant de voir les femmes accoucher dans des hôpitaux ordinaires, elle demandait la création de maternités. Sensible à la pauvreté endémique, elle recommandait enfin la création d’ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour mendiants.

VICTIME DE LA TERREUR
Olympe de Gouges fut arrêtée le 20 juillet 1793 et déférée le 6 août 1793 devant le tribunal révolutionnaire qui l’inculpa.

Malade des suites d’une blessure infectée, reçue à la prison de l'Abbaye et réclamant des soins, elle fut envoyée à l’infirmerie de la Petite-Force. En octobre suivant, elle obtint son transfert dans la maison de santé Mahay, où le régime était plus libéral et où elle eut, semble-t-il, une liaison avec un des prisonniers.

Désirant se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclama sa mise en jugement dans deux affiches qu’elle avait réussi à faire sortir clandestinement de prison et à faire imprimer. Ces affiches – « Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et « Une patriote persécutée », son dernier texte – furent largement diffusées et remarquées par les inspecteurs de police en civil qui les signalent dans leurs rapports.

Traduite au Tribunal au matin du 2 novembre, soit quarante-huit heures après l’exécution de ses amis Girondins, elle fut interrogée sommairement. Privée d’avocat, elle se défendit avec adresse et intelligence. Condamnée à la peine de mort pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que celui de la République « une et indivisible », elle se déclara enceinte. Les médecins consultés se montrèrent dans l’incapacité de se prononcer, mais Fouquier-Tinville décida qu’il n’y avait pas grossesse.

Elle monta sur l'échafaud avec courage et dignité, s’écriant devant la guillotine : « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. »
ICONE FEMINISTE
Très avant-gardiste sur son temps, on dira d’Olympe de Gouges, qualifiée de « virago », qu’elle paya ses « entorses » aux bonnes mœurs et lois de son sexe.

Olympe ne croyant pas au mariage, qu’elle définit comme « le tombeau de la confiance et de l’amour », elle lui préférait « l’inclinaison naturelle », c’est-à-dire un contrat social entre un homme et une femme. Ces déclarations lui vaudront, chez les chroniqueurs de l’époque, une réputation de femme galante, connue à Paris pour les faveurs qu’elle rendait aux hommes.

Finalement, sa plus grande entorse fut son implication sociale et sa condamnation des injustices faites à tous les laissés-pour-compte de la société (Noirs, femmes, enfants illégitimes, démunis, malades…). Ces dénonciations prirent plusieurs formes telles que des pièces de théâtre engagées, des brochures politiques et, plus tard, des affiches placardées dans tout Paris. Cette dernière entorse eut raison de sa vie.

Trop belle, trop courageuse, trop entière pour son siècle !

3. Madame Roland : « liberté que de crimes on commet en ton nom ! »
Manon Roland (1754-1793), née Jeanne-Marie Phlipon, fut l’égérie des Girondins.

Fille d’un maître-graveur de Paris, elle se passionne très jeune pour la lecture des philosophes des lumières.

Belle, l’« attitude ferme et gracieuse », le sourire « tendre et séducteur », la fille du graveur a de nombreux soupirants, mais refuse toutes les propositions de mariage.

« Vive, fougueuse, avec sa figure ronde, ses yeux à fleur de tête, mais aimables, caressants, la clarté de son teint, sa bouche un peu forte, ses dents fraîches et bien rangées, elle paraît née pour le pinceau de Fragonard ou de Chardin. Point de beauté, si l’on veut, mais l’air le plus riant, le plus spirituel qui soit, et gracieuse. » (Pierre Bessand-Massenet, « Récits des temps révolutionnaires » 1984)
Mme Roland était une jeune femme de figure vive et enjouée, d’une ravissante fraîcheur de teint, sans vraie beauté, les yeux à fleur de tête, mais très expressive et débordante de vie. « Je ne lui trouvai pas l’élégance aisée d’une Parisienne qu’elle s’attribue dans ses Mémoires, écrit un contemporain. Non qu’elle eût de la gaucherie : ce qui est simple et naturel ne saurait manquer de grâce. Elle réalisait pleinement l’idée que je me faisais de la Julie de Jean-Jacques Rousseau, de la petite fille de Vevey. Et quand je l’entendis, l’illusion fut encore plus complète. » Mme Roland parlait bien, trop bien, d’abondance, souvent avec esprit et finesse, plus souvent avec feu et exaltation. Infatigable liseuse, ayant reçu l’éducation la plus désordonnée qui fût, elle-même confesse qu’à neuf ans elle était passionnée à ce point pour Plutarque qu’elle l’emportait à l’église au lieu de son missel et qu’à quatorze ans elle pleurait de n’être pas spartiate ou romaine !

UN MARIAGE DE RAISON
En 1780, elle accepte la demande en mariage de de Jean-Marie Roland de La Platière (1734-1793), économiste réputé, d’une grande intelligence, inspecteur du commerce et des manufactures de Picardie. « D’abord il a déplu ; roide, doctoral, sans agrément aucun : un long corps triste et bilieux, à demi chauve, et doué d’une diction « revêche », d’un parler bref, comme un homme à court de souffle. L’habitude aidant, pourtant, la confiance est venue, et puis une sorte d’inclination, que fortifiaient de communs enthousiasmes, une passion mutuelle pour les Romains, la Grèce, l’Antiquité. Ensemble ils lisent, ils travaillent. Déjà elle connaît saint Jérome, Fénelon, Nicole, Pascal, Descartes ; elle entreprend Locke, Burlamaqui... Enfin, comprenant comme il l’aime, elle cède, elle l’épouse. » (Pierre Bessand-Massenet)
La vie conjugale en province n’enchante guère Manon Roland mariée, non par amour, mais plutôt pour échapper à la tutelle de son père. Elle n’éprouve guère que de l’affection pour son mari. En 1781, le couple a une fille, Eudora.

La Révolution, qui l’enflamme d’un ardent patriotisme, lui donne l’occasion de mettre un terme à sa vie terne et monotone. Roland ayant été élu député à la Législative, le couple vient à Paris en décembre 1791, les époux dormant désormais dans une chambre à deux lits. Enthousiasmée par le mouvement qui se développe, elle se jette avec passion dans l’arène politique.

EGERIE DES GIRONDINS
Manon Roland accueille dans son salon de nombreux hommes politiques influents. Il est presque inévitable qu’elle-même se retrouve au centre des inspirations politiques et préside un groupe des plus talentueux hommes de progrès. Lieu mondain à la mode, son salon fut l’un des creusets de l’élaboration de la politique girondine.

Grâce à ses relations au sein de la Gironde, Roland devient ministre de l’Intérieur le 23 mars 1792. Le renvoi du ministère girondin par Louis XVI débouchera sur la chute de la monarchie. Roland retrouve son ministère après le 10 août, mais sera impuissant à empêcher les massacres de septembre, que dénonce Manon et dont elle rend responsable Danton. Ses adversaires reprochent à Roland d’être gouverné par sa femme. Lassé, Roland finit par démissionner en janvier 1793.

Mme Roland est sans cesse injuriée et menacée de mort.

MANON FIDELE ?

On a dit que le conventionnel girondin François Buzot (1760-1794), lié à Manon par une passion réciproque, fut l’amant de Mme Roland. Manon Roland serait restée fidèle à son mari, ce « vénérable vieillard » qu’elle chérit « comme un père».

N’ayant de son propre aveu « jamais connu la volupté », Manon se prend pour Buzot d’un amour pathétique, en ce sens que cet amour ne sera, malgré lui, malgré elle, jamais satisfait. En fille de Rousseau, elle ne trouve rien de mieux que de s’ouvrir de ses sentiments à son mari.

Celui-ci, oubliant qu’il a vingt ans de plus qu’elle, prend la chose fort mal, jure de se venger, brandit sa plume, qu’il utilise pour élaborer un pamphlet contre Buzot. Si forte est en elle la violence des sentiments qu’elle s’oublie jusqu’à écrire : « Le vieil oncle est tombé dans un affaissement horrible ; il baisse d’une manière effrayante... Faible, ombrageux, difficile, il trouve cette vie un supplice et la rend telle à ceux qui sont près de lui... » La Némésis révolutionnaire se chargera d’emporter et de balayer les acteurs de ce drame intime.

Jean-Marie Roland aimait à la folie son épouse. Mais cet amour n’allait pas jusqu’à accepter et comprendre la passion qui unissait Manon et François Buzot. Roland, n’était évidemment pas candauliste, et, sur ce plan, même pas rousseauiste.

VICTIME DE LA TERREUR
Lors de la proscription des Girondins, elle ne fuit pas, comme elle aurait pu le faire et comme le font, entre autres, son mari et Buzot. Manon Roland se laisse arrêter le 1er juin 1793. Elle est incarcérée dans la prison de l’Abbaye.

Détachée de la vie, libérée de la présence de son mari, elle ressent son arrestation comme un soulagement qu’elle décrit à Buzot dans une de ces pages de la correspondance passionnée et déchirante qu’ils échangent alors : « Je chéris ces fers où il m’est libre de t’aimer sans partage». Relâchée le 24 juin, pendant une heure, elle est à nouveau arrêtée et placée à Sainte-Pélagie puis transférée à la Conciergerie où elle reste cinq mois.

Elle est jugée le 8 novembre 1793. Tout de blanc vêtue, elle se présente devant le Tribunal révolutionnaire. Le procès se déroule entre 9 h et 14 h 30, et la sentence est mise à exécution le soir même.

Ses dernières paroles auraient été : « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »
Apprenant la mort tragique de sa femme, Jean-Marie Roland se suicide, le 10 novembre 1793, à Bourg-Beaudouin dans l’Eure, sur la route entre Rouen et Paris. Buzot, qui ne l’apprend qu’en juin 1794, se donne lui aussi la mort, près de Saint-Émilion.

LA POLITIQUE DES SALONS
Instruite et consciente de sa supériorité intellectuelle, Manon a joué depuis son salon de la rue Guénégaud un rôle d’inspiratrice auprès des milieux dirigeants, à la limite entre privé et public, suivant en cela une tradition du XVIIIe siècle. Elle souhaitait mettre son savoir et ses idées au service de la République, sans revendiquer pour autant un rôle politique de premier plan pour les femmes : influencée par les idées rousseauistes, elle jugeait que celles-ci devaient demeurer à leur place au sein de la sphère privée et contribuer par là au bonheur de la société, plutôt que de se mêler ouvertement de politique. Ces positions modérées n’étaient pas partagées par tous, et d’autres figures plus radicales, comme Condorcet ou Olympe de Gouges, revendiquaient la reconnaissance des droits naturels de la femme et son égalité avec l’homme. Toutefois, si la Révolution a accordé aux femmes certains droits civils comme l’égalité successorale ou le divorce et encouragé leur instruction, elle les a complètement exclues de la vie politique, interdisant dès l’automne 1793 tous les clubs féminins.

4. Mulâtresse Solitude, femme debout
Mulâtresse Solitude (1772-1802) est une figure historique de la résistance des esclaves noirs de la Guadeloupe. Elle fait partie des femmes dites « fanm doubout » et a été pendue à l'âge de 30 ans. Elle est un emblème de la Révolution contre l'esclavage en Guadeloupe, son île d'origine colonisée par la France.

Solitude est une mulâtresse, fille d’une esclave africaine, violée par un marin sur le bateau qui la déportait aux Antilles.

Solitude fut séparée de sa mère lorsqu'un colon remarqua que cette dernière avait la peau et les yeux clairs, il en fit une domestique, une catégorie supérieure dans la hiérarchie des esclaves.

L’enfant, prénommée Rosalie, devient esclave elle-même. Pendant plus de vingt ans, Solitude connait les affres de l’esclavage, des lourdes punitions, de la privation de liberté et de l’oppression, en Guadeloupe.

Des troubles et des émeutes commencent à agiter la Guadeloupe au début des années 1790. Après l’exécution de Louis XVI, la Terreur se répercute jusqu’aux Antilles et des familles de planteurs, ainsi que des membres du clergé, sont exécutés ou fuient. Des esclaves désertent, formant des communautés de marrons (esclaves en fuite). Le 4 février 1794, la Convention abolit l’esclavage et fait de tous les hommes peuplant les colonies des citoyens français jouissant des mêmes droits. Mais lorsque la nouvelle parvient jusqu’en Guadeloupe, l’île est tombée sous occupation anglaise.

Solitude rejoint une communauté marronne de Guadeloupe. Malgré sa couleur, elle réussit à s'intégrer à cette communauté qui est située à Goyave et dirigée par le Moudongue Sanga.

Le Premier Consul, par la loi du 20 mai 1802, rétablit l’esclavage aux colonies et charge le général Richepance de mater toute rébellion et de remettre les anciens esclaves aux fers. Le 4 mai 1802, une armée de 4.000 hommes débarque à Pointe-à-Pitre. Le colonel d’infanterie Louis Delgrès, un intellectuel d’origine martiniquaise, appelle alors à la résistance, et de nombreux femmes et hommes prennent les armes.

Solitude se rallie à l'appel de Louis Delgrès et combat à ses côtés pour la liberté. Enceinte de son compagnon qui combat avec elle, Solitude s’arme d’un pistolet et participe à tous les combats, de même que la compagne de Louis Delgrès, Marthe-Rose. Rapidement, les forces françaises acculent les résistants dans une forteresse et mènent un siège violent. En désespoir de cause, Louis Delgrès fait truffer le bâtiment de barils de poudre. Lorsque l’armée y pénètre, le 28 mai 1802, une grande explosion retentit. Parmi les trois cents résistants retranchés, quelques-uns survivent à l’explosion, parmi lesquels Solitude. Arrêtée, elle n’est pas exécutée immédiatement, en raison de sa grossesse. Sur l’île, la répression de la révolte est sanglante et fait des milliers de victimes.

Elle est exécutée par pendaison le 29 novembre 1802, le lendemain de son accouchement.

Figure féminine des insurgés de 1802 en Guadeloupe, la Mulâtresse Solitude incarne les femmes et les mères des Caraïbes qui se sont battues en faveur de la défense des idées de liberté et d’égalité dans le contexte du système esclavagiste.

PRINCIPALES SOURCES SUR LE WEB
1. Sur Théroigne de Méricourt :
• https://histoireparlesfemmes.com/2013/11/08/theroigne-de-mericourt-personnalite-de-la-revolution/
• https://gallica.bnf.fr/blog/20112017/theroigne-de-mericourt
• http://theconversation.com/theroigne-de-mericourt-une-revolutionnaire-feministe-meconnue-109337
• https://www.curieuseshistoires.net/anne-josephe-theroigne-de-mericourt-combat-legalite-sexes/
• https://www.sisilesfemmes.fr/2017/02/14/th%C3%A9roigne-de-m%C3%A9ricourt/
2. Sur Olympe de Gouges :
• https://citoyennes.pressbooks.com/chapter/olympe-de-gouges-france/
• https://republique-des-lettres.com/gouges-9782824900421.php
• https://gallica.bnf.fr/blog/08032019/pionnieres-episode-1-olympe-de-gouges
• https://www.marianne.net/culture/olympe-de-gouges-une-femme-contre-la-terreur
• https://www.lesalondesdames.paris/fr/news/culture/olympe-de-gouges-pionniere-du-feminisme
3. Madame Roland :
• https://www.histoire-image.org/fr/etudes/madame-roland-engagement-politique-femmes-revolution
• https://histoireparlesfemmes.com/2013/07/20/manon-roland-personnalite-de-la-revolution/
• https://www.cairn.info/recits-des-temps-revolutionnaires--9782262003142-page-73.htm
4. Mulâtresse Solitude :
• https://histoireparlesfemmes.com/2015/12/17/solitude-resistante-guadeloupeenne/
• https://www.grioo.com/info6001.html
• http://reinesheroinesdafrique.doomby.com/pages/recits-des-reines-heroines/la-mulatresse-solitude.html
• http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/publications/mulatto_solitude_fr_1.pdf

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