Érotisme et poésie (16) : « La femme adultère », par Federico Garcia Lorca

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Érotisme et poésie (16) : « La femme adultère », par Federico Garcia Lorca Histoire érotique Publiée sur HDS le 05-07-2025 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Érotisme et poésie (16) : « La femme adultère », par Federico Garcia Lorca
JE N’ATTEINDRAI JAMAIS GRENADE, BIEN QUE J’EN SACHE LE CHEMIN

J’ai voulu offrir une autre forme d’interlude, un poème érotique du grand Federico Garcia Lorca (1898-1936). Le choix du poème n’est pas sans rapports avec l’une des thématiques dans la série « Clémence », en cours d’écriture avec Sarah.

Federico García Lorca est l'un des écrivains espagnols les plus célèbres après Cervantès.
Il a su allier l'héritage du folklore, la tradition populaire au romantisme, au symbolisme et aux mouvements d'avant-garde des années 1920, laissant une œuvre originale et inclassable. Bien que n'ayant jamais eu d'activité politique, il avait beaucoup d'amis de gauche, était opposé au fascisme et à la guerre et en humaniste s'est engagé auprès des plus démunis.

En lisant ce beau poème de Federico Garcia Lorca, je pense à deux magnifiques chansons de Jean Ferrat, que je ne peux écouter sans frissonner :

• La première, composée en 1960, contient notamment ces strophes si belles :
« Les guitares jouent des sérénades
Que j’entends sonner comme un tocsin
Mais jamais je n’atteindrai Grenade
Bien que j’en sache le chemin ».

• La seconde date de 1971 et met en musique le poème d’Aragon, « Un jour, un jour », dont les deux premiers quatrains se présentent aussi comme un hommage à Lorca
« Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime / Sa protestation ses chants et ses héros / Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux / A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime
Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu / Emplissant tout à coup l'univers de silence / Contre les violents tourne la violence / Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue
[Refrain] : Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange / Un jour de palme un jour de feuillages au front / Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront / Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »

***
Federico García Lorca nait près de Grenade dans une famille bourgeoise et libérale d'Andalousie. Il s'initie très jeune à la poésie, à la musique et à la peinture et suit des études de lettres et de droit à l'Université de Grenade, puis de Madrid.

Il se lie d'amitié à Salvador Dalí, Luis Buñuel et Sanchez Mazas et devient l'un des initiateurs de l'art moderne en Espagne.

Federico García Lorca s'intéresse, outre à la poésie, à la peinture à la musique et surtout au théâtre.

Après l'échec de sa première pièce de théâtre en vers, le Maléfice du papillon (1920), il se consacre presque exclusivement à la poésie. Ses œuvres, Canciones (1921) et Romancero gitano (1928), influencées par la tradition orale et le folklore andalous lui procurent une notoriété croissante.

Victime d'une dépression exacerbée de ne pouvoir vivre son homosexualité en toute liberté dans une Espagne conservatrice, il fait un long voyage aux États-Unis en 1929-1930, où il donne des conférences.

Après la proclamation de la République espagnole, il est nommé directeur de La Barraca, société de théâtre étudiante, subventionnée pour présenter le répertoire classique dans les provinces rurales. Dans les dernières années de sa vie, il se consacre essentiellement à la création théâtrale.

En juillet 1936, au début de la guerre civile, Federico García Lorca se rend de Madrid à Grenade, puritaine et réactionnaire. Sans doute à cause de son homosexualité, il est arrêté par un groupe de répression fasciste, l'Escuadra negra, assassiné quelques jours plus tard, le 19 août 1936, puis jeté dans une fosse commune à Víznar. Son corps ne fut jamais retrouvé, malgré des recherches de grande ampleur.

Ce n'est qu'avec la mort de Franco en 1975 que la vie et la mort de Lorca peuvent être évoqués librement en Espagne.

***

Le poème parut en avril 1935, dans le numéro 2 de la Revue « Mesures ».

Ce périodique, qui parut de 1935 à 1940, fut financé et dirigé par Henry Church, avec l’aide de Jean Paulhan et d’un comité de lecture, composé de Bernard Groethuysen, Giuseppe Ungaretti, Henri Michaux, Vladimir Nabokov et Michel Leiris.

Je relève particulièrement l’érotisme de ce texte et notamment des passages suivants.
J’aime ainsi le crissement de la « soie arrachée par douze couteaux à la fois. » Tout Lorca est là, avec ses délicatesses et ses hyperboles, des alliances de mots qui s'affrontent comme des joutes amoureuses.

Il y aussi ces mots : « sa poitrine pour moi s'ouvrit comme des branches de jacinthe »
C’est d’autant plus merveilleux quand on connait les préférences du poète. Comment peut-on écrire des choses aussi éblouissantes, parfumées, délicates, sur la poitrine des femmes ?

Voilà un grand mystère, qui me fait aimer Lorca plus que tout autre, plus qu'Eluard, plus que Prévert, plus que Neruda, poètes que pourtant j’adore.

Il y a aussi ce machisme du Gitan : « Je lui fis don en la quittant, d'un beau panier à couture » !

Comme l’écrivit Aragon et le chanta Ferrat : « un jour viendra, couleur d’orange » !

***
LE poème :

Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu’elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis

Quand s’éteignirent les lumières
Et s’allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s’ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l’empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d’arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière

Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s’enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j’ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d’affilée
Ni le nard ni les escargots
N’eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N’ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s’enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L’une moitié toute embrasée
L’autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers
Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu’elle me disait
Le clair entendement m’inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l’eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D’un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu’elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière

***

Les avis des lecteurs

Oui, Henri. c'est prévu pour jeudi 10 juillet.

Histoire Erotique
C'est en effet en rapport avec la série en cours d'écriture avec Sarah.
J'attendais la suite de Clémence et suis heureux de savoir que c'est programmé pour très bientôt.
Henri

@ Julie @ Luc, merci!@ Luc, la muse, ce n'est pas moi!
@ Didier, voici un excellent commentaire, pour quelqu'un qui dit ne pas être un inconditionnel de la poésie;
@ Dyonisia, merci. Les sens et l'amour, oui je les revendique!

Histoire Erotique
Un texte court, mais que j'ai adoré. Tu es une muse, Olga!
Luc

Voilà en effet un interlude qui sort de l'ordinaire, singulièrement en ces pages et lieux où la poésie a peu cours et ou l'érotisme prend des formes plus crues.
Mais quelle bonne idée de nous donner à lire l'exemple même du pouvoir de la création poétique qui se moque des genres et des sexes pour n'exposer que la profondeur des sentiments.
Olga, maîtresse des sens et déesse de l'amour [ou l'inverse :-)] tu surprendras toujours tes lectrices et lecteurs.

Histoire Erotique
Olga,
Même si je ne suis pas un inconditionnel de la poésie, Federico Garcia Lorca, est un excellent choix.
En effet, la prononciation du nom de cet artiste talentueux m’est immédiatement évocateur de la littérature espagnole d’avant-guerre. Oui car qui n’a jamais entendu parler de ce poète, de ce dramaturge, qui mourut assassiné, fusillé pour ses idéaux, son modernisme et surement pour sa sexualité fort dérangeante pour une Espagne qui basculait alors pour une quarantaine d’année un régime empreint de conservatisme et de cléricalisme.
Saches que j'aimé ce poème que tu nous as choisi. Il y explicite pleinement un ébat hétérosexuel, et se fait particulièrement suggestif sur le ressenti de l’homme. Cela ne peut que confirmer tout le talent de l’auteur, du poète, surtout au regard de sa propre sexualité...
C’est là une fois encore un magnifique travail que tu as fait avec cet écrit.
Didier

Histoire Libertine
C'est magnifique!
Merci, Olga.
Julie



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