Récits érotiques de la mythologie (19). Ishtar
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 15-09-2020 dans la catégorie Fétichisme
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Récits érotiques de la mythologie (19). Ishtar
J’avais d’emblée décidé de ne pas limiter cette série de textes à la mythologie grecque. C’est ainsi que j’ai publié des textes « mythologiques » ayant un fort contenu sexuel et qui figurent pourtant dans la bible. Je promets que je ne l’ai pas fait pour provoquer et blasphémer.
Je renvoie à ce sujet aux publications suivantes :
• « Récits érotiques de la mythologie (10). Sodome et Gomorrhe » (26 décembre 2018)
• « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère » (3 avril 2019)
Chacun imagine pourquoi j’ai privilégié la mythologie grecque. La logique chronologique aurait pourtant voulu que je commence par le début de l’histoire, par le Croissant fertile, par la Mésopotamie et donc par Ishtar, la « Vénus de Babylone ».
Ishtar est la plus grande déesse du Proche-Orient et de la Mésopotamie, appelée "Inanna" en sumérien et identifiée à la planète Vénus. Son père est Sîn, dieu de la lune, son frère Samash, dieu du soleil et de la divination, et sa sœur Ereshkigal, déesse des enfers. Elle est une grande amie d’Anu, dieu du ciel, soit en tant qu’épouse, soit en tant que fille. Elle remplace peu à peu son père lunaire Sîn.
Elle fut identifiée à la déesse phénicienne Astarté (que j’ai mentionnée au sujet de la reine « honnie » d’Israël, Jézabel, qui était son adoratrice : voir « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère » 3 avril 2019).
Ishtar a sans doute inspiré Isis en Egypte, dont nous reparlerons et, plus tard, Aphrodite (voir « Récits érotiques de la mythologie (3). Aphrodite, déesse de l’amour » 23 décembre 2017).
AU COMMENCEMENT ETAIT INANNA
Ishtar est une déesse mésopotamienne d'origine sémitique, vénérée chez les Sumériens, les Akkadiens, Babyloniens et Assyriens. Elle correspond à la déesse de la mythologie sumérienne Inanna avec qui elle est confondue, une même déesse se trouvant manifestement derrière ces deux noms. Elle est considérée comme symbole de la femme, une divinité astrale associée à la planète Vénus, une déesse de l'amour et de la guerre.
Dans la plupart des mythes qui la concernent, elle est décrite comme une déesse impitoyable qui pouvait tuer ses ennemis comme ses amis ou ses amants. Le plus célèbre d'entre eux fut Tammuz / Dumuzi, dieu de la végétation.
L’IMAGE DE LA FEMME LIBRE
Ishtar apparaît dans le contexte culturel spécifique des régions méridionales de la Mésopotamie du IVème millénaire av. JC. et du début du IIIe millénaire av. JC., qui voient coexister deux principaux groupes, parlant des langues sans parenté, le sumérien, un isolat linguistique dominant au Sud, et l'akkadien, une langue sémitique dominante au Nord (les peuples sémitiques étant par ailleurs implantés dans le Nord mésopotamien et en Syrie). Bien qu'il y ait des différences culturelles entre les deux groupes, de nombreux échanges culturels ont eu lieu entre eux, avec une prééminence pour l'élément sumérien. L'histoire d'Inanna/Ishtar est marquée par la rencontre de ces deux peuples : Inanna est une déesse du pays de Sumer, tandis qu'Ishtar est d'origine sémitique.
On reconnaît en général trois aspects principaux à Inanna/Ishtar : c'est la déesse de l'amour et de la sexualité, c'est une déesse guerrière, et c'est une divinité astrale, la planète Vénus.
Déesse majeure du panthéon mésopotamien, elle joue également souvent le rôle de divinité souveraine, octroyant la royauté. Quelles que soient ses origines, Inanna/Ishtar est la principale déesse de la Mésopotamie.
Un autre trait saillant de sa « personnalité», plus complexe à cerner, est d'avoir la faculté d'associer les opposés et même de provoquer leur inversion, de briser les interdits. Plus largement, son rôle symbolique, avec son affirmation en tant que principale déesse de la Mésopotamie (et même la déesse par excellence, son nom ayant revêtu avec le temps le sens de « déesse »), est d'être une femme, d'incarner l'image d'un féminin souvent libre de toute tutelle masculine, donc l'inverse de la norme dans une société patriarcale comme l’était la Mésopotamie.
Il n'y a pas eu de tradition figée sur les relations familiales d'Inanna/Ishtar, qui ont donc pu varier selon les lieux et les époques. Suivant une tradition probablement originaire d'Uruk, elle est la fille du dieu céleste An/Anu, autre divinité tutélaire de la ville. Une autre tradition sumérienne importante en fait la fille du dieu-lune, Nanna/Sîn, et elle avait alors pour frère le dieu-soleil Utu/Shamash et pour sœur la déesse infernale Ereshkigal.
Elle n'est pas non plus associée à un époux divin unique : certes dans la tradition sumérienne, sa relation avec son compagnon et amant Dumuzi est forte, mais leur relation est ambiguë puisque la déesse est à l'origine de sa mort. Elle le sacrifie en effet pour pouvoir quitter les enfers.
Elle peut être parfois présentée comme l'amante ou même l'épouse d'autres dieux, par exemple An/Anu. Certains textes lui attribuent des enfants, en général sans dire qui en est le père : la déesse Nanaya et les dieux Lulal, Latarak et Shara.
DESCENTE AUX ENFERS
Le mythe le plus dense concernant la déesse Inanna/Ishtar est celui de sa Descente aux Enfers.
La déesse décide de devenir souveraine des Enfers, en lieu et place de sa sœur Ereshkigal, et décide donc de se rendre dans le Monde inférieur, sous prétexte de se rendre aux funérailles de l'époux de sa sœur. Cette dernière, pressentant la véritable raison de la venue d'Inanna, lui fait laisser un vêtement ou un bijou à chaque fois qu'elle franchit une des sept portes la menant aux Enfers, et quand elle arrive auprès de la Reine des Enfers elle est complètement nue. Ereshkigal la fait alors mettre à mort par des divinités infernales.
Le vizir d'Inanna, Ninshubur, demande de l'aide aux autres grands dieux, et obtient le secours du dieu Enki/Ea qui confectionne deux êtres pour aller récupérer Inanna. Mais Ereshkigal ne consent à la laisser partir qu'à la condition qu'elle trouve un autre dieu pour se substituer à elle. Ce sera finalement Tammuz/Dumuzi, son compagnon, qui sera sacrifié !
DEESSE DE LA VENGEANCE
Le mythe d’Inanna et Shukaletuda raconte comment Inanna, présentée là comme une jeune fille, manifestement vierge, se réfugie dans un verger lors d'une tempête de sable, et est violée par Shukaletuda, le fils du jardinier responsable du lieu, alors qu'elle est endormie. Devinant ce qui s'est passé dès son réveil, la déesse fait s'abattre des calamités sur le monde terrestre, substituant le sang à l'eau. Elle poursuit le coupable et finit par le rattraper après des péripéties, et le récit semble se terminer sur la promesse de sa mort par la déesse. On retrouve dans ce texte d'interprétation difficile plusieurs aspects de la déesse : attrait sexuel, destructions liées à une transgression (le viol)
REJETEE PAR LE HEROS GILGAMESH
Ishtar voulut faire de Gilgamesh son amant mais celui-ci refusa assez vertement. Dans la sixième tablette de l’Épopée de Gilgamesh, le héros repousse les avances de la déesse et énumère plusieurs de ses amants maudits, parmi lesquels Tammuz/Dumuzi, qui est bien connu, un jardinier nommé Ishullanu dont l'histoire rappelle celle de Shukaletuda, ou encore un étalon, qui est également mentionné par des allusions dans d'autres textes, qui semblent indiquer l'existence d'une tradition sur les amours entre la déesse et un cheval.
Furieuse, Ishtar demanda à son père Anu d'envoyer le taureau céleste pour tuer Gilgamesh et son ami Enkidu. Mais ils réussirent à tuer le taureau céleste et jetèrent la dépouille à ses pieds. Alors elle se vengea en faisant mourir Enkidu.
LES FONCTIONS D’ISHTAR
Ishtar est une déesse aux attributs et fonctions diverses, qui lui confèrent une personnalité aux contours flous, complexes, souvent difficiles à démêler et à interpréter pour les chercheurs modernes. La fascination qu'elle a manifestement exercée dans le Proche-Orient ancien semble en bonne partie liée à cela.
Elle est une déesse de l'amour, surtout sous son aspect charnel, et également une déesse des conflits, liée à la guerre. Ishtar est également assimilée à la planète Vénus, l'étoile du matin, et a donc un aspect céleste. Étant une des principales déesses de la Mésopotamie, on lui a également attribué à plusieurs reprises un grand rôle dans la détermination des souverains qui devaient régner sur Terre. Réunissant en elle deux fonctions apparemment opposées, étant facteur d'ordre et de désordre, incarnant les normes aussi bien que la marginalité, elle a été vue comme une déesse bipolaire, paradoxale, réunissant ce qui s'oppose.
LA DEESSE DE L’AMOUR ET DE LA SEXUALITE
C’est l’aspect qui nous intéresse évidemment le plus dans cette rubrique et pour un texte publié sur le site HDS
Si Inanna a sans doute eu dans les temps anciens un rôle concernant la fertilité des plantes et des animaux, elle s'affirme dans les textes de la fin du IIIème millénaire av. JC. comme une déesse liée à l'amour puis de plus en plus à la sexualité, et non pas la fécondité.
Ses relations amoureuses sont multiples et légendaires, car en tant que déesse de l’amour, le mariage lui est étranger. Les hommes qu’elle aime ont une destinée tragique.
De nombreux hymnes et chansons d'amour en sumérien s'intéressent ainsi à sa relation avec son époux, le dieu-berger Dumuzi (Tammuz en pays sémitique), le couple divin devenant un modèle pour ce qui relève de la séduction et de la sexualité. Ces récits se présentent souvent sous la forme d'un jeu de séduction entre Inanna, présentée comme une jeune fille de bonne famille très belle, séductrice et disposant de beaux atours, en émois devant son promis, qui éveille en elle des sentiments enthousiastes et des désirs sexuels, et Dumuzi qui cherche à gagner son cœur en lui faisant la cour, et à l'épouser, en accord avec les conventions sociales.
Le caractère sexuel d'Inanna/Ishtar est progressivement plus prononcé. Elle est alors la patronne du désir sexuel, des relations sexuelles et est invoquée dans des prières visant à obtenir l'amour d'un être désiré, de même que dans des rituels visant à lutter contre l'impuissance sexuelle ou pour enfanter. Dans ses temples, on lui dédiait des objets votifs manifestement en rapport avec la sexualité à ces mêmes fins, notamment des triangles pubiens : de nombreux exemplaires en terre cuite ont été mis au jour dans son temple à Assur, et l'inventaire du trésor du temple de la déesse Ishtar de Lagaba mentionne une vulve en or et huit en argent. Les nombreuses représentations en terre cuite de femmes nues et de couples en pleins ébats sont couramment rattachées au culte d'Ishtar.
LA PATRONNE DES PROSTITUEES
Ishtar est également la patronne des prostituées. Plusieurs de ses temples, comme celui de Lagash, sont appelés « cabaret sacré », jouant souvent le rôle de maison de passe, et la cité d'Uruk est qualifiée dans le mythe d'Erra comme la « ville des prostituées, courtisanes et filles de joie, qu'Ishtar a privées d'époux, afin de les garder à merci », tandis que les prostituées sont appelées dans un texte rituel « filles d'Inanna ».
Un hymne sumérien assimile la déesse elle-même à une prostituée : « Prostituée, tu te rends au cabaret et, telle un fantôme qui se faufile par la fenêtre tu y rentres. […] Lorsque les valets ont laissé en liberté les troupeaux, lorsque les bœufs et les moutons ont été rentrés à l'étable, alors, ma Dame, telle une femme sans nom, tu portes un seul ornement. Les perles d’une prostituée sont autour de ton cou, et tu peux alors emporter n'importe quel homme présent au cabaret. »
Un poème grivois en akkadien relate par ailleurs comment la déesse (manifestement là encore dans un rôle de prostituée) est capable de satisfaire sexuellement des dizaines de jeunes hommes sans être épuisée : « « Réunis pour moi les jeunes hommes de ta ville, et allons à l'ombre du mur de la ville. » Sept à son devant, sept à ses hanches, soixante et soixante sont satisfaits par son sexe. Les jeunes hommes s'épuisent, mais pas Ishtar : « Venez, jeunes hommes, sur mon plaisant sexe! »
C’est chaud, n’est-ce pas ?
Voilà qui annonce les exploits, réels ou supposés, de Messaline (à en croire les récits de Juvénal, Suétone et Tacite : voir à ce sujet « Histoire des libertines (5) : Messaline, impératrice et putain » 15 septembre 2017) et de la future impératrice Théodora, à en croire ce qu’écrit Procope dans son « Histoire secrète » : voir Histoire des libertines (8) : Théodora, la putain devenue impératrice de Byzance. » 15 octobre 2017 ! Messaline et Théodora, dans la filiation d’Ishtar la putain, la débauchée ?
LA PROSTITUTION « SACREE »
La référence à Messaline ou Théodora amène au sujet controversé de la prostitution sacrée. On a beaucoup débattu sur l’existence ou non d’une « prostitution sacrée » dans les temples de la déesse, à partir du témoignage d’Hérodote sur une telle pratique en Assyrie et sur les différents aspects de la personnalité et du culte d’Ishtar liés à la sexualité et la prostitution.
Il semblerait que les sanctuaires de la déesse soient bien associés, directement ou au moins indirectement, à de telles activités, puisqu’il y a des attestations de desservants de temples d’Ishtar percevant des revenus liés à la prostitution (il pourrait néanmoins s'agir d'offrandes versées par des prostituées à leur déesse tutélaire), et qu'un texte de Nuzi semble montrer qu’une fille est donnée par son père en gage au temple local de la déesse, dans le but de servir comme prostituée.
Les prostituées sacrées étaient dédiées à la déesse et s'unissaient à des hommes de manière rituelle. Pour ces prostituées sacrées, étaient importants l’acte d’amour et son essence, et non le partenaire. L’union érotique était dédiée avant tout à la déesse et à l’amour. Ces prêtresses ou prostituées sacrées incarnaient la déesse.
Elles étaient des femmes libres et indépendantes vouées au culte de la déesse, des femmes spirituelles ayant intégré le divin. Ces prostituées sacrées recevaient une excellente éducation et avaient certains pouvoirs économiques, comme la gestion et la vente des biens de leurs familles. Elles étaient plus évoluées et plus libres que les autres femmes.
Il a été dit aussi, notamment par Hérodote, que chaque femme devait se rendre au temple une fois dans sa vie, pour y avoir des rapports sexuels avec un inconnu. Il s’agissait d’un rituel d’initiation et d’un culte rendu à la déesse, qui la protégeait et la rendait féconde.
ISHTAR, LA CROQUEUSE D’HOMMES : LA PREMIERE DEESSE HYPERSEXUELLE !
Ishtar n'est plus présentée comme une jeune promise espérant son mariage en accord avec les bonnes mœurs, mais plutôt comme une croqueuse d'hommes, jamais associée durablement à un compagnon masculin, ses partenaires connaissant par ailleurs souvent un destin funeste. Ishtar est une hypersexuelle, jamais rassasiée.
Un hymne hittite décrit ainsi la déesse sous son aspect de patronne de l'amour et du désir comme pouvant aussi bien être à l'origine de l'amour entre un homme et une femme (« Un homme et sa femme qui s'aiment et portent leur amour à son accomplissement : cela a été décidé par toi, Ishtar »), mais également des adultères, et évoque le fait que la déesse elle-même a causé la perte de nombre de ses amants (« Ishtar : tu as dévoré tes époux »). Ce dernier passage rappelle celui de l’Épopée de Gilgamesh, où le héros rejette violemment les avances de la déesse, en énumérant ses amants qui ont connu la perdition à cause d'elle.
Dans la VIème tablette de l’Épopée de Gilgamesh, elle est à la tête d'une armée de prostituées et approche Gilgamesh en femme séductrice, charnelle, brûlant pour le beau héros.
DES FONCTIONS POLITIQUES
Ishtar est, en même temps, déesse de la guerre et faiseuse de rois. Le roi est l'époux d'Inanna/Ishtar, et l'amour qu'il reçoit de la déesse, puis son union physique avec elle ou plutôt sa représentante (et donc la démonstration de sa virilité) le légitiment et assurent la prospérité du royaume.
La relation entre la déesse et le roi prend donc un caractère sexuel affirmé. Il ne s’agît plus d’une construction intellectuelle, mais d’un rite, au cours duquel le roi se déplace sur sa barque royale, revêtu de son habit et de sa perruque de cérémonie. Il célèbre alors, dans la chambre du temple de la déesse, représentée par la « lukur » (en sumérien, « servante du temple », « hiérodule »), son union sacrée avec Inanna/ Ishtar
Ishtar peut par ailleurs être vue comme une déesse de la marginalité, ni valorisée pour son rôle d'épouse ou de mère conforme à l'idéal social mésopotamien et représenté par bien d'autres déesses, mais plutôt associée à la sexualité ou aux conflits. Le culte d'Ishtar semble renvoyer à son anormalité et à la confusion qu'elle jette dans l'ordre établi.
Dans leur célèbre « histoire du sexe », sous forme de bande dessinée (Les Arènes 2017), Philippe Brenot et Laetitia Coryn évoquent la fête annuelle du printemps au temple d’Ishtar (pages 28-34). Le célèbre roi de Babylone, Hammourabi (né vers -1810 et qui régna jusque -1750) y est dessiné en train d’honorer (au sens physique du terme) la grande prêtresse, perpétuant ainsi le rituel du mariage du dieu Enki et de la déesse Ishtar.
BABYLONE LA GRANDE PROSTITUEE
Assimilée à la démone Lilith par la Bible, Ishtar est, dans la bible, une démone, symbole du lucre et du vice. Elle incarne tout ce que condamnent les dix commandements.
Il est vrai qu’en plus d’être l’opposé du modèle de la femme voulu par la Bible, Ishtar est la déesse qu’adore Jézabel la débauchée. Elle est la principale déesse des Assyriens qui détruisirent le royaume d’Israël en -722, des Babyloniens de Nabuchodonosor qui détruisirent en -587 le royaume de Juda et le premier temple, puis déportèrent les Hébreux à Babylone.
Pour les premiers chrétiens, Ishtar est bien évidemment le symbole de ce qu’ils exècrent, l’amour physique et la liberté de choix de la femme. Ishtar représente donc la prostituée. Dans « L’apocalypse », Saint Jean dénonce ainsi « Babylone, la grande prostituée » et annonce sa destruction.
Je reprendrais la conclusion de « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère », publié le 3 avril 2019. J’écrivais alors :
« Ces femmes valent surtout par l’image qu’en a donné la bible, qui a voulu, à des degrés divers, condamné sans appel leurs « fautes », qui seraient dans leur « nature ».
L’opprobre jeté sur elles a alimenté pendant tant de siècles les sermons antiféministes des clercs. Comme l’écrivirent Pierre et Janine Soisson dans leur livre « Byzance » (Editions Minerva 1977), au sujet du massacre, par des fanatiques chrétiens, de la philosophe Hypatie à Alexandrie en 415 : « Jamais l’église n’aima la femme, incarnation de cette Eve qui perdit Adam, instrument du démon » Jean Chrysostome en parlait ainsi : un mal nécessaire, une tentation naturelle, une désirable calamité, un péril domestique, une fascination mortelle, un fléau fardé. » Ces fanatiques en voulaient autant à la vertueuse Hypatie qu’à la sensuelle Ishtar, parce que femmes, sur lesquelles ils faisaient peser le péché originel. Parce que belles, indépendantes, intelligentes, revendiquant le droit au plaisir, les fanatiques d’hier et d’aujourd’hui oublient la belle parabole de Jésus : « que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre. ».
CE QUE JE RETIENS DE CE MYTHE
Inanna/Ishtar est ambivalente. Elle est aussi déesse de la guerre et se montre cruelle, y compris envers ses amants et, encore plus quand un homme lui déplait ou, pire, ose la repousser.
Mais Ishtar est, en même temps, la déesse de l’amour physique, du plaisir, qui s’autorise le libre choix féminin et l’encourage.
Il ne faut pas pour autant avoir une fausse image de la société mésopotamienne. Pour préserver la filiation, comme toutes les civilisations antiques patriarcales, l’adultère y était sévèrement puni : dans le code d’Hammourabi, la femme adultère était punie de mort, jetée dans le fleuve avec son amant, sauf pardon du mari.
Le mythe d’Ishtar n’en n’est pas moins intéressant et tranche avec la façon dont est perçue la femme, tant à travers les Tables de la loi de Moïse, les récits de la Bible ou les législations. Je retiens la place qui est ainsi reconnue au plaisir féminin, la femme n’étant pas réduite à son rôle d’épouse et de reproductrice.
Déesse de l’amour, grande amoureuse à l’éros puissant, Ishtar incarne la féminité dans tous ses aspects, même si c’est sans doute aller vite en besogne que d’en faire « la première féministe »
Et puis, convenons-en, ça devait être assez plaisant d’être prêtresse d’Ishtar et de se prêter aux rites érotiques de la « fête du printemps ».
Pour ma part, je me sens à la fois fille d’Ishtar et d’Hypatie. Je récuse l’anathème, l’enfermement, les vieilles malédictions et, tout en respectant certaines règles et limites, je revendique, en tant que femme, l’indépendance et le droit au plaisir.
PRINCIPALES SOURCES
Je renvoie aux développements que consacre à Inanna/Ishtar Christian-Georges Schwentzel dans « La nombril d’Aphrodite, une histoire érotique de l’Antiquité » (Payot, 2019). Voir plus particulièrement la chapitre 9, « la reine de la nuit », pages 175-197).
Outre l’article de Wikipédia, je recommande les liens suivants:
• http://www.celebrerladeesse.net/lindomptable-ishtar.html
• https://zardos.jimdofree.com/lilith-d%C3%A9mone-des-hommes-d%C3%A9esse-des-f%C3%A9ministes/ishtar-ou-inanna/
• https://www.voyageinterieur-contesetmythes.fr/blog-voyage-au-coeur-de-la-psyche/que-nous-revelent-les-contes-et-mythes/le-feminin-divin-les-deesses-meres-ishtar-l-amoureuse-guerriere.html
Je renvoie à ce sujet aux publications suivantes :
• « Récits érotiques de la mythologie (10). Sodome et Gomorrhe » (26 décembre 2018)
• « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère » (3 avril 2019)
Chacun imagine pourquoi j’ai privilégié la mythologie grecque. La logique chronologique aurait pourtant voulu que je commence par le début de l’histoire, par le Croissant fertile, par la Mésopotamie et donc par Ishtar, la « Vénus de Babylone ».
Ishtar est la plus grande déesse du Proche-Orient et de la Mésopotamie, appelée "Inanna" en sumérien et identifiée à la planète Vénus. Son père est Sîn, dieu de la lune, son frère Samash, dieu du soleil et de la divination, et sa sœur Ereshkigal, déesse des enfers. Elle est une grande amie d’Anu, dieu du ciel, soit en tant qu’épouse, soit en tant que fille. Elle remplace peu à peu son père lunaire Sîn.
Elle fut identifiée à la déesse phénicienne Astarté (que j’ai mentionnée au sujet de la reine « honnie » d’Israël, Jézabel, qui était son adoratrice : voir « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère » 3 avril 2019).
Ishtar a sans doute inspiré Isis en Egypte, dont nous reparlerons et, plus tard, Aphrodite (voir « Récits érotiques de la mythologie (3). Aphrodite, déesse de l’amour » 23 décembre 2017).
AU COMMENCEMENT ETAIT INANNA
Ishtar est une déesse mésopotamienne d'origine sémitique, vénérée chez les Sumériens, les Akkadiens, Babyloniens et Assyriens. Elle correspond à la déesse de la mythologie sumérienne Inanna avec qui elle est confondue, une même déesse se trouvant manifestement derrière ces deux noms. Elle est considérée comme symbole de la femme, une divinité astrale associée à la planète Vénus, une déesse de l'amour et de la guerre.
Dans la plupart des mythes qui la concernent, elle est décrite comme une déesse impitoyable qui pouvait tuer ses ennemis comme ses amis ou ses amants. Le plus célèbre d'entre eux fut Tammuz / Dumuzi, dieu de la végétation.
L’IMAGE DE LA FEMME LIBRE
Ishtar apparaît dans le contexte culturel spécifique des régions méridionales de la Mésopotamie du IVème millénaire av. JC. et du début du IIIe millénaire av. JC., qui voient coexister deux principaux groupes, parlant des langues sans parenté, le sumérien, un isolat linguistique dominant au Sud, et l'akkadien, une langue sémitique dominante au Nord (les peuples sémitiques étant par ailleurs implantés dans le Nord mésopotamien et en Syrie). Bien qu'il y ait des différences culturelles entre les deux groupes, de nombreux échanges culturels ont eu lieu entre eux, avec une prééminence pour l'élément sumérien. L'histoire d'Inanna/Ishtar est marquée par la rencontre de ces deux peuples : Inanna est une déesse du pays de Sumer, tandis qu'Ishtar est d'origine sémitique.
On reconnaît en général trois aspects principaux à Inanna/Ishtar : c'est la déesse de l'amour et de la sexualité, c'est une déesse guerrière, et c'est une divinité astrale, la planète Vénus.
Déesse majeure du panthéon mésopotamien, elle joue également souvent le rôle de divinité souveraine, octroyant la royauté. Quelles que soient ses origines, Inanna/Ishtar est la principale déesse de la Mésopotamie.
Un autre trait saillant de sa « personnalité», plus complexe à cerner, est d'avoir la faculté d'associer les opposés et même de provoquer leur inversion, de briser les interdits. Plus largement, son rôle symbolique, avec son affirmation en tant que principale déesse de la Mésopotamie (et même la déesse par excellence, son nom ayant revêtu avec le temps le sens de « déesse »), est d'être une femme, d'incarner l'image d'un féminin souvent libre de toute tutelle masculine, donc l'inverse de la norme dans une société patriarcale comme l’était la Mésopotamie.
Il n'y a pas eu de tradition figée sur les relations familiales d'Inanna/Ishtar, qui ont donc pu varier selon les lieux et les époques. Suivant une tradition probablement originaire d'Uruk, elle est la fille du dieu céleste An/Anu, autre divinité tutélaire de la ville. Une autre tradition sumérienne importante en fait la fille du dieu-lune, Nanna/Sîn, et elle avait alors pour frère le dieu-soleil Utu/Shamash et pour sœur la déesse infernale Ereshkigal.
Elle n'est pas non plus associée à un époux divin unique : certes dans la tradition sumérienne, sa relation avec son compagnon et amant Dumuzi est forte, mais leur relation est ambiguë puisque la déesse est à l'origine de sa mort. Elle le sacrifie en effet pour pouvoir quitter les enfers.
Elle peut être parfois présentée comme l'amante ou même l'épouse d'autres dieux, par exemple An/Anu. Certains textes lui attribuent des enfants, en général sans dire qui en est le père : la déesse Nanaya et les dieux Lulal, Latarak et Shara.
DESCENTE AUX ENFERS
Le mythe le plus dense concernant la déesse Inanna/Ishtar est celui de sa Descente aux Enfers.
La déesse décide de devenir souveraine des Enfers, en lieu et place de sa sœur Ereshkigal, et décide donc de se rendre dans le Monde inférieur, sous prétexte de se rendre aux funérailles de l'époux de sa sœur. Cette dernière, pressentant la véritable raison de la venue d'Inanna, lui fait laisser un vêtement ou un bijou à chaque fois qu'elle franchit une des sept portes la menant aux Enfers, et quand elle arrive auprès de la Reine des Enfers elle est complètement nue. Ereshkigal la fait alors mettre à mort par des divinités infernales.
Le vizir d'Inanna, Ninshubur, demande de l'aide aux autres grands dieux, et obtient le secours du dieu Enki/Ea qui confectionne deux êtres pour aller récupérer Inanna. Mais Ereshkigal ne consent à la laisser partir qu'à la condition qu'elle trouve un autre dieu pour se substituer à elle. Ce sera finalement Tammuz/Dumuzi, son compagnon, qui sera sacrifié !
DEESSE DE LA VENGEANCE
Le mythe d’Inanna et Shukaletuda raconte comment Inanna, présentée là comme une jeune fille, manifestement vierge, se réfugie dans un verger lors d'une tempête de sable, et est violée par Shukaletuda, le fils du jardinier responsable du lieu, alors qu'elle est endormie. Devinant ce qui s'est passé dès son réveil, la déesse fait s'abattre des calamités sur le monde terrestre, substituant le sang à l'eau. Elle poursuit le coupable et finit par le rattraper après des péripéties, et le récit semble se terminer sur la promesse de sa mort par la déesse. On retrouve dans ce texte d'interprétation difficile plusieurs aspects de la déesse : attrait sexuel, destructions liées à une transgression (le viol)
REJETEE PAR LE HEROS GILGAMESH
Ishtar voulut faire de Gilgamesh son amant mais celui-ci refusa assez vertement. Dans la sixième tablette de l’Épopée de Gilgamesh, le héros repousse les avances de la déesse et énumère plusieurs de ses amants maudits, parmi lesquels Tammuz/Dumuzi, qui est bien connu, un jardinier nommé Ishullanu dont l'histoire rappelle celle de Shukaletuda, ou encore un étalon, qui est également mentionné par des allusions dans d'autres textes, qui semblent indiquer l'existence d'une tradition sur les amours entre la déesse et un cheval.
Furieuse, Ishtar demanda à son père Anu d'envoyer le taureau céleste pour tuer Gilgamesh et son ami Enkidu. Mais ils réussirent à tuer le taureau céleste et jetèrent la dépouille à ses pieds. Alors elle se vengea en faisant mourir Enkidu.
LES FONCTIONS D’ISHTAR
Ishtar est une déesse aux attributs et fonctions diverses, qui lui confèrent une personnalité aux contours flous, complexes, souvent difficiles à démêler et à interpréter pour les chercheurs modernes. La fascination qu'elle a manifestement exercée dans le Proche-Orient ancien semble en bonne partie liée à cela.
Elle est une déesse de l'amour, surtout sous son aspect charnel, et également une déesse des conflits, liée à la guerre. Ishtar est également assimilée à la planète Vénus, l'étoile du matin, et a donc un aspect céleste. Étant une des principales déesses de la Mésopotamie, on lui a également attribué à plusieurs reprises un grand rôle dans la détermination des souverains qui devaient régner sur Terre. Réunissant en elle deux fonctions apparemment opposées, étant facteur d'ordre et de désordre, incarnant les normes aussi bien que la marginalité, elle a été vue comme une déesse bipolaire, paradoxale, réunissant ce qui s'oppose.
LA DEESSE DE L’AMOUR ET DE LA SEXUALITE
C’est l’aspect qui nous intéresse évidemment le plus dans cette rubrique et pour un texte publié sur le site HDS
Si Inanna a sans doute eu dans les temps anciens un rôle concernant la fertilité des plantes et des animaux, elle s'affirme dans les textes de la fin du IIIème millénaire av. JC. comme une déesse liée à l'amour puis de plus en plus à la sexualité, et non pas la fécondité.
Ses relations amoureuses sont multiples et légendaires, car en tant que déesse de l’amour, le mariage lui est étranger. Les hommes qu’elle aime ont une destinée tragique.
De nombreux hymnes et chansons d'amour en sumérien s'intéressent ainsi à sa relation avec son époux, le dieu-berger Dumuzi (Tammuz en pays sémitique), le couple divin devenant un modèle pour ce qui relève de la séduction et de la sexualité. Ces récits se présentent souvent sous la forme d'un jeu de séduction entre Inanna, présentée comme une jeune fille de bonne famille très belle, séductrice et disposant de beaux atours, en émois devant son promis, qui éveille en elle des sentiments enthousiastes et des désirs sexuels, et Dumuzi qui cherche à gagner son cœur en lui faisant la cour, et à l'épouser, en accord avec les conventions sociales.
Le caractère sexuel d'Inanna/Ishtar est progressivement plus prononcé. Elle est alors la patronne du désir sexuel, des relations sexuelles et est invoquée dans des prières visant à obtenir l'amour d'un être désiré, de même que dans des rituels visant à lutter contre l'impuissance sexuelle ou pour enfanter. Dans ses temples, on lui dédiait des objets votifs manifestement en rapport avec la sexualité à ces mêmes fins, notamment des triangles pubiens : de nombreux exemplaires en terre cuite ont été mis au jour dans son temple à Assur, et l'inventaire du trésor du temple de la déesse Ishtar de Lagaba mentionne une vulve en or et huit en argent. Les nombreuses représentations en terre cuite de femmes nues et de couples en pleins ébats sont couramment rattachées au culte d'Ishtar.
LA PATRONNE DES PROSTITUEES
Ishtar est également la patronne des prostituées. Plusieurs de ses temples, comme celui de Lagash, sont appelés « cabaret sacré », jouant souvent le rôle de maison de passe, et la cité d'Uruk est qualifiée dans le mythe d'Erra comme la « ville des prostituées, courtisanes et filles de joie, qu'Ishtar a privées d'époux, afin de les garder à merci », tandis que les prostituées sont appelées dans un texte rituel « filles d'Inanna ».
Un hymne sumérien assimile la déesse elle-même à une prostituée : « Prostituée, tu te rends au cabaret et, telle un fantôme qui se faufile par la fenêtre tu y rentres. […] Lorsque les valets ont laissé en liberté les troupeaux, lorsque les bœufs et les moutons ont été rentrés à l'étable, alors, ma Dame, telle une femme sans nom, tu portes un seul ornement. Les perles d’une prostituée sont autour de ton cou, et tu peux alors emporter n'importe quel homme présent au cabaret. »
Un poème grivois en akkadien relate par ailleurs comment la déesse (manifestement là encore dans un rôle de prostituée) est capable de satisfaire sexuellement des dizaines de jeunes hommes sans être épuisée : « « Réunis pour moi les jeunes hommes de ta ville, et allons à l'ombre du mur de la ville. » Sept à son devant, sept à ses hanches, soixante et soixante sont satisfaits par son sexe. Les jeunes hommes s'épuisent, mais pas Ishtar : « Venez, jeunes hommes, sur mon plaisant sexe! »
C’est chaud, n’est-ce pas ?
Voilà qui annonce les exploits, réels ou supposés, de Messaline (à en croire les récits de Juvénal, Suétone et Tacite : voir à ce sujet « Histoire des libertines (5) : Messaline, impératrice et putain » 15 septembre 2017) et de la future impératrice Théodora, à en croire ce qu’écrit Procope dans son « Histoire secrète » : voir Histoire des libertines (8) : Théodora, la putain devenue impératrice de Byzance. » 15 octobre 2017 ! Messaline et Théodora, dans la filiation d’Ishtar la putain, la débauchée ?
LA PROSTITUTION « SACREE »
La référence à Messaline ou Théodora amène au sujet controversé de la prostitution sacrée. On a beaucoup débattu sur l’existence ou non d’une « prostitution sacrée » dans les temples de la déesse, à partir du témoignage d’Hérodote sur une telle pratique en Assyrie et sur les différents aspects de la personnalité et du culte d’Ishtar liés à la sexualité et la prostitution.
Il semblerait que les sanctuaires de la déesse soient bien associés, directement ou au moins indirectement, à de telles activités, puisqu’il y a des attestations de desservants de temples d’Ishtar percevant des revenus liés à la prostitution (il pourrait néanmoins s'agir d'offrandes versées par des prostituées à leur déesse tutélaire), et qu'un texte de Nuzi semble montrer qu’une fille est donnée par son père en gage au temple local de la déesse, dans le but de servir comme prostituée.
Les prostituées sacrées étaient dédiées à la déesse et s'unissaient à des hommes de manière rituelle. Pour ces prostituées sacrées, étaient importants l’acte d’amour et son essence, et non le partenaire. L’union érotique était dédiée avant tout à la déesse et à l’amour. Ces prêtresses ou prostituées sacrées incarnaient la déesse.
Elles étaient des femmes libres et indépendantes vouées au culte de la déesse, des femmes spirituelles ayant intégré le divin. Ces prostituées sacrées recevaient une excellente éducation et avaient certains pouvoirs économiques, comme la gestion et la vente des biens de leurs familles. Elles étaient plus évoluées et plus libres que les autres femmes.
Il a été dit aussi, notamment par Hérodote, que chaque femme devait se rendre au temple une fois dans sa vie, pour y avoir des rapports sexuels avec un inconnu. Il s’agissait d’un rituel d’initiation et d’un culte rendu à la déesse, qui la protégeait et la rendait féconde.
ISHTAR, LA CROQUEUSE D’HOMMES : LA PREMIERE DEESSE HYPERSEXUELLE !
Ishtar n'est plus présentée comme une jeune promise espérant son mariage en accord avec les bonnes mœurs, mais plutôt comme une croqueuse d'hommes, jamais associée durablement à un compagnon masculin, ses partenaires connaissant par ailleurs souvent un destin funeste. Ishtar est une hypersexuelle, jamais rassasiée.
Un hymne hittite décrit ainsi la déesse sous son aspect de patronne de l'amour et du désir comme pouvant aussi bien être à l'origine de l'amour entre un homme et une femme (« Un homme et sa femme qui s'aiment et portent leur amour à son accomplissement : cela a été décidé par toi, Ishtar »), mais également des adultères, et évoque le fait que la déesse elle-même a causé la perte de nombre de ses amants (« Ishtar : tu as dévoré tes époux »). Ce dernier passage rappelle celui de l’Épopée de Gilgamesh, où le héros rejette violemment les avances de la déesse, en énumérant ses amants qui ont connu la perdition à cause d'elle.
Dans la VIème tablette de l’Épopée de Gilgamesh, elle est à la tête d'une armée de prostituées et approche Gilgamesh en femme séductrice, charnelle, brûlant pour le beau héros.
DES FONCTIONS POLITIQUES
Ishtar est, en même temps, déesse de la guerre et faiseuse de rois. Le roi est l'époux d'Inanna/Ishtar, et l'amour qu'il reçoit de la déesse, puis son union physique avec elle ou plutôt sa représentante (et donc la démonstration de sa virilité) le légitiment et assurent la prospérité du royaume.
La relation entre la déesse et le roi prend donc un caractère sexuel affirmé. Il ne s’agît plus d’une construction intellectuelle, mais d’un rite, au cours duquel le roi se déplace sur sa barque royale, revêtu de son habit et de sa perruque de cérémonie. Il célèbre alors, dans la chambre du temple de la déesse, représentée par la « lukur » (en sumérien, « servante du temple », « hiérodule »), son union sacrée avec Inanna/ Ishtar
Ishtar peut par ailleurs être vue comme une déesse de la marginalité, ni valorisée pour son rôle d'épouse ou de mère conforme à l'idéal social mésopotamien et représenté par bien d'autres déesses, mais plutôt associée à la sexualité ou aux conflits. Le culte d'Ishtar semble renvoyer à son anormalité et à la confusion qu'elle jette dans l'ordre établi.
Dans leur célèbre « histoire du sexe », sous forme de bande dessinée (Les Arènes 2017), Philippe Brenot et Laetitia Coryn évoquent la fête annuelle du printemps au temple d’Ishtar (pages 28-34). Le célèbre roi de Babylone, Hammourabi (né vers -1810 et qui régna jusque -1750) y est dessiné en train d’honorer (au sens physique du terme) la grande prêtresse, perpétuant ainsi le rituel du mariage du dieu Enki et de la déesse Ishtar.
BABYLONE LA GRANDE PROSTITUEE
Assimilée à la démone Lilith par la Bible, Ishtar est, dans la bible, une démone, symbole du lucre et du vice. Elle incarne tout ce que condamnent les dix commandements.
Il est vrai qu’en plus d’être l’opposé du modèle de la femme voulu par la Bible, Ishtar est la déesse qu’adore Jézabel la débauchée. Elle est la principale déesse des Assyriens qui détruisirent le royaume d’Israël en -722, des Babyloniens de Nabuchodonosor qui détruisirent en -587 le royaume de Juda et le premier temple, puis déportèrent les Hébreux à Babylone.
Pour les premiers chrétiens, Ishtar est bien évidemment le symbole de ce qu’ils exècrent, l’amour physique et la liberté de choix de la femme. Ishtar représente donc la prostituée. Dans « L’apocalypse », Saint Jean dénonce ainsi « Babylone, la grande prostituée » et annonce sa destruction.
Je reprendrais la conclusion de « Récits érotiques de la mythologie (11). Récits érotiques issus de la bible : la femme adultère », publié le 3 avril 2019. J’écrivais alors :
« Ces femmes valent surtout par l’image qu’en a donné la bible, qui a voulu, à des degrés divers, condamné sans appel leurs « fautes », qui seraient dans leur « nature ».
L’opprobre jeté sur elles a alimenté pendant tant de siècles les sermons antiféministes des clercs. Comme l’écrivirent Pierre et Janine Soisson dans leur livre « Byzance » (Editions Minerva 1977), au sujet du massacre, par des fanatiques chrétiens, de la philosophe Hypatie à Alexandrie en 415 : « Jamais l’église n’aima la femme, incarnation de cette Eve qui perdit Adam, instrument du démon » Jean Chrysostome en parlait ainsi : un mal nécessaire, une tentation naturelle, une désirable calamité, un péril domestique, une fascination mortelle, un fléau fardé. » Ces fanatiques en voulaient autant à la vertueuse Hypatie qu’à la sensuelle Ishtar, parce que femmes, sur lesquelles ils faisaient peser le péché originel. Parce que belles, indépendantes, intelligentes, revendiquant le droit au plaisir, les fanatiques d’hier et d’aujourd’hui oublient la belle parabole de Jésus : « que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre. ».
CE QUE JE RETIENS DE CE MYTHE
Inanna/Ishtar est ambivalente. Elle est aussi déesse de la guerre et se montre cruelle, y compris envers ses amants et, encore plus quand un homme lui déplait ou, pire, ose la repousser.
Mais Ishtar est, en même temps, la déesse de l’amour physique, du plaisir, qui s’autorise le libre choix féminin et l’encourage.
Il ne faut pas pour autant avoir une fausse image de la société mésopotamienne. Pour préserver la filiation, comme toutes les civilisations antiques patriarcales, l’adultère y était sévèrement puni : dans le code d’Hammourabi, la femme adultère était punie de mort, jetée dans le fleuve avec son amant, sauf pardon du mari.
Le mythe d’Ishtar n’en n’est pas moins intéressant et tranche avec la façon dont est perçue la femme, tant à travers les Tables de la loi de Moïse, les récits de la Bible ou les législations. Je retiens la place qui est ainsi reconnue au plaisir féminin, la femme n’étant pas réduite à son rôle d’épouse et de reproductrice.
Déesse de l’amour, grande amoureuse à l’éros puissant, Ishtar incarne la féminité dans tous ses aspects, même si c’est sans doute aller vite en besogne que d’en faire « la première féministe »
Et puis, convenons-en, ça devait être assez plaisant d’être prêtresse d’Ishtar et de se prêter aux rites érotiques de la « fête du printemps ».
Pour ma part, je me sens à la fois fille d’Ishtar et d’Hypatie. Je récuse l’anathème, l’enfermement, les vieilles malédictions et, tout en respectant certaines règles et limites, je revendique, en tant que femme, l’indépendance et le droit au plaisir.
PRINCIPALES SOURCES
Je renvoie aux développements que consacre à Inanna/Ishtar Christian-Georges Schwentzel dans « La nombril d’Aphrodite, une histoire érotique de l’Antiquité » (Payot, 2019). Voir plus particulièrement la chapitre 9, « la reine de la nuit », pages 175-197).
Outre l’article de Wikipédia, je recommande les liens suivants:
• http://www.celebrerladeesse.net/lindomptable-ishtar.html
• https://zardos.jimdofree.com/lilith-d%C3%A9mone-des-hommes-d%C3%A9esse-des-f%C3%A9ministes/ishtar-ou-inanna/
• https://www.voyageinterieur-contesetmythes.fr/blog-voyage-au-coeur-de-la-psyche/que-nous-revelent-les-contes-et-mythes/le-feminin-divin-les-deesses-meres-ishtar-l-amoureuse-guerriere.html
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