Erotisme et cinéma (12) : « La Clef » de Tinto Brass (1983)

- Par l'auteur HDS Olga T -
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Récit libertin : Erotisme et cinéma (12) : « La Clef » de Tinto Brass (1983) Histoire érotique Publiée sur HDS le 14-06-2021 dans la catégorie Dans la zone rouge
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Erotisme et cinéma (12) : « La Clef » de Tinto Brass (1983)
Ce film m’a été recommandé par Micky, auteure sur HDS et fidèle lectrice de mes textes. Je l’en remercie vivement.

LE REALISATEUR
Giovanni Brass, dit Tinto Brass est né à Milan en 1933. Diplômé en droit en 1957, il se passionne d’emblée pour le cinéma. Il travaille à la fin des années 1950 comme archiviste à la Cinémathèque française, dans l'atmosphère de la Nouvelle Vague naissante puis retourne en Italie comme assistant-réalisateur. Assistant de maîtres du cinéma aussi réputés que son idole Federico Fellini ou Roberto Rossellini, il fait ses débuts comme réalisateur avec un long-métrage « Chi lavora è perduto » (In capo al mondo) (1963), une œuvre influencée par la Nouvelle Vague.

En 1964, il dirige « La mia Signora » et « Il disco volante », tous les deux avec Silvana Mangano et Alberto Sordi. En 1967, le « polar pop » Col cuore in gola (« En cinquième vitesse ») avec Jean-Louis Trintignant, donne naissance à une série de films londoniens.

On lui propose en 1976 un sujet érotique, « Salon Kitty, » dont il réécrit le scénario pour en faire une assez sombre satire sociale. Le titre s'inspire de Salon Kitty, un bordel de Berlin dans les années 30. Quelques mois après le début de la Seconde Guerre mondiale, le Troisième Reich reprend en mains le plus luxueux des bordels berlinois, le Salon Kitty, dont la vocation n'est plus uniquement de pourvoir aux fantasmes de sa clientèle, mais de l'espionner, de lui soutirer des confidences. Surtout lorsqu'il s'agit de dignitaires étrangers, d'hommes d'affaires et d'officiers allemands.

Chargé, dans l'ombre, de diriger l'établissement, Wallenberg, un nazi arriviste, sélectionne les filles les plus belles et les plus fanatiques. À la fois prostituées et espionnes, elles remplissent parfaitement leur mission. Du moins jusqu'au jour où l'une d'entre elles, Margharita, tombe amoureuse d'un capitaine de la Luftwaffe hostile à Hitler.

Le succès de ce film amène Bob Guccione, propriétaire de Penthouse, à choisir Tinto Brass pour une adaptation à gros budget du roman « Caligula » de Gore Vidal. Brass refusant d'y inclure les séquences voulues par Guccione est mis à la porte. Bien que désavoué par Brass, ce film de 1979 reste la plus célèbre de ses œuvres.

Tinto Brass se tourne ensuite vers l'érotisme, manière pour lui de dénoncer l'hypocrisie de la censure comme dans « Senso '45 » (2002) ou la comédie « Fallo ! » (2003), jusqu'à Monamour en 2005.

En 2002, la Cinémathèque française lui a consacré un hommage, « Éloge de la chair ».

SYNOPSIS DU FILM
Le film brosse le portrait d’une femme, Teresa (Stefania Sandrelli) qui s’offre à son futur gendre, Laszlo (Franco Branciaroli) pour répondre aux fantasmes de son mari Nino (Frank Finlay), obsédé sexuel à la santé défaillante
En 1940, à Venise, alors que l'Italie fasciste s’apprête à entrer en guerre, Nino, un homme déclinant et libertin, tient le journal de ses frustrations et de ses fantasmes avec le désir inavoué que Teresa, sa très belle épouse, le lise. Laszlo, son futur gendre, est photographe. Nino obtient sa complicité en lui demandant de développer des photos de sa femme en tenue suggestive. Laszlo accepte mais fait en sorte que Lisa (Barbara Cupisti), sa fiancée, fasciste convaincue, les trouve.

Lisa adopte ensuite une attitude ambiguë car, après avoir vertement reproché son inconduite à sa mère, elle fait en sorte de la rapprocher de Laszlo afin qu'une liaison se concrétise. Teresa se met alors à son tour à rédiger un journal qui répond à celui de son mari.

Pour incarner l'héroïne sexuellement frustrée mais prête à sombrer corps et bien dans tous les excès, Tinto Brass mise sur Stefania Sandrelli, ancienne reine de beauté, alors âgée de 37 ans
INSPIRE D’UN ROMAN JAPONAIS
Le film s’inspire du roman éponyme de l’écrivain japonais Junichiro Tanizaki (1886-1955) où celui-ci traite sans détours le problème du désir sexuel chez un couple. Écrit sous la forme d'un double journal intime, le récit alterne les entrées d'un professeur d'université, présenté comme un homme sur le déclin (56 ans), et celles de sa jeune épouse (45 ans) aux « désirs insatiables ». Tous deux évoquent leur vie conjugale et sexuelle, insatisfaisante, et intriguent chacun à leur manière en vue de soigner leurs frustrations. Leurs jeux incluent leur fille ainsi qu'un ami de la famille, potentiel fiancé de la fille. Les manœuvres psychologiques des personnages s’y révèlent extrêmement machiavéliques. L’opinion publique réagit vivement, considérant qu’il s’agissait d’une œuvre pornographique et immorale.

COMMENTAIRES
Ce film est un classique du cinéma érotique des années 80, une œuvre sensuelle et troublante. Tinto Brass défend ici une conception de la liberté sexuelle qui rend son film si touchant, je dirai même intimiste.

Ce couple va à la découverte du plaisir, de la transgression. Ils décident d'aller au bout de leurs fantasmes, de sortir de la tradition moraliste. Le non-dit, le voyeurisme, l'exhibitionnisme deviennent des moyens d'accéder à leur libération. L’actrice Stephania Sandrelli est sublime, une vraie bombe érotique. Sa nudité est provocatrice, opulente, généreuse, offerte, nonchalante. Les plans rapprochés sur son sexe, et ses fesses sont incroyablement indécents. Cette femme prend conscience de sa soif de sexe et finit par l’assumer.

Le sujet à la fois fort, brûlant et scandaleux, avec une mise en scène très élégante. Les jeux sexuels sont ici présentés comme un dérivatif à la bêtise fasciste ambiante.

Nino, en bon candauliste, est un esthète et aime vivre les choses par procuration. Depuis le salon de son coiffeur il observe au moyen d’une longue vue des voisines s’adonnant au triolisme (l’usage soudain du noir-et-blanc pour ces plans suggère d’ailleurs qu’il imagine peut-être davantage qu’il ne voit). Ayant emprunté un appareil photo à Laszlo, il prend des clichés de sa femme endormie sous toutes les coutures, la manipulant à sa guise (au sens propre et au figuré) et jouant avec les éclairages.

Teresa, l’épouse, aura finalement accédé au fantasme de son mari, fantasme d’intimité sans pudeur et de dépossession. Lorsque son mari Nino l’étreint par la suite dans son sommeil, ce n’est plus son prénom qu’elle prononce mais celui de son gendre. « Mais, tient-elle à préciser dans le journal intime qu’elle tient à son tour, ce n’est pas par soumission d’épouse que je l’ai fait mais par luxure de femme. »
« La Clé » est au final la découverte d’une double joie ultime : désirer et être désirée. Ce film est un film sur le désir féminin, ce qui en fait un film érotique très fort.

CE FILM ET MOI
Purement intellectuel, je dirai même esthétique, le candaulisme de Nino n’en n’est pas moins réel et ne pouvait évidemment manquer de m’interpeller.

Ce film raconte comment un mari procède pour amener son épouse prude, par des chemins détournés, à devenir une bombe.

Depuis que j’ai perdu ma puberté, j’ai assumé mon hypersexualité et, le moins qu’on puisse dire est que, à la différence de Teresa, je n’ai jamais été prude ! Pourtant, la façon dont Nino pousse Teresa dans les bras d’un amant, n’a pas manqué de me rappeler tout ce que Philippe avait fait pendant les premières années de notre relation, pour que je renonce à mes bonnes résolutions de devenir une épouse sage, fidèle, classique en quelque sorte, pour que j’assume pleinement mon hypersexualité et donne satisfaction à ses fantasmes candaulistes.

Philippe, comme je l’ai raconté dans mes premiers récits autobiographiques, a utilisé des armes bien plus « massives » que le journal intime destiné à faire changer Teresa. Il a exprimé clairement ce qu’il voulait, dès le début de notre relation et n’a cessé de me pousser, jusqu’à ce que je cède à ma tendance naturelle. Il est allé loin, très loin, sans doute trop loin, en me poussant à l’adultère dès la nuit de notre mariage et surtout en mettant sur ma route un fauve comme Rachid.

Il n’en demeure pas moins que l’intention initiale de Nino est de même nature que celle de Philippe. Nino utilise lui aussi l’arme de l’exhibition, Philippe le faisant en me poussant à porter des vêtements toujours plus indécents, alors que Nino fait circuler en cachette des photos intimes de son épouse.

Autre point commun : l’écart entre les âges des époux, dans le film comme entre Philippe et moi. Il y a chez Philippe, comme chez Nino, la conviction de ne pouvoir seul assumer les besoins de leur épouse. L’analogie a ses limites, Philippe ayant pris les dispositions pour surmonter les problèmes de départ et devenir un amant performant. Pour autant, il était et reste conscient qu’il ne peut suffire à répondre à tous mes besoins.

Teresa finit, elle aussi, par donner libre cours à sa libido. Elle découvre qu’il n’y a rien de plus exquis que de faire l’amour et d’assumer sa libido et ses désirs. Je confirme, étant entendu que le fantasme candauliste de son mari, comme du mien, encourage, pousse à l’infidélité de l’épouse.

Cette situation sort évidemment des cadres habituels du couple et de ses engagements, qui reposent sur la fidélité. Je mesure en quoi la situation de Nino et de Teresa, comme celle de Philippe et de moi est exceptionnelle. Cela ne veut d’ailleurs pas dire, j’ai pu le mesurer à mes graves dérapages, qu’il ne faut pas fixer un cadre et des limites. Mais ceci est une autre histoire.

J’ai seulement voulu mettre en avant un film important du cinéma érotique, au regard de la place qu’il donne à cette forme si particulière du couple qu’est le candaulisme.

REFERENCES :
Outre les articles de Wikipédia sur le réalisateur et le film, je renvoie aux liens suivants :
• http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2015/07/la-clef-la-chiave-tinto-brass-1983.html
• https://www.psychovision.net/films/critiques/fiche/1790-cle-la
• http://www.chaosreign.fr/la-clef-tinto-brass-1984/

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