Erotisme et cinéma (8) : La Vie d’Adèle (2013)

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Erotisme et cinéma (8) : La Vie d’Adèle (2013) Histoire érotique Publiée sur HDS le 28-11-2020 dans la catégorie Entre-nous, les femmes
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Erotisme et cinéma (8) : La Vie d’Adèle (2013)
Dans la dernière publication que j’ai faite dans cette série « Erotisme et cinéma » j’ai longuement évoqué le film de Josiane Balasko (« Erotisme et cinéma (7) : Gazon maudit », paru le 26 août 2020).

Comme annoncé, je vais donc compléter ce post en parlant d’autres films français, plus récents, qui ont, eux aussi, traité de l’homosexualité féminine.

Le film (France, Belgique, Espagne) a été écrit, produit et réalisé par Abdellatif Kechiche. Il est une adaptation du roman graphique « Le bleu est une couleur chaude » de Julie Maroh.

La Vie d'Adèle est présenté lors du Festival de Cannes 2013 en sélection officielle, où il reçoit un accueil quasi unanime de la presse. Il se place très rapidement comme le grand favori pour la Palme d'or, qu'il obtient finalement. La récompense suprême est même attribuée de façon exceptionnelle au réalisateur Abdellatif Kechiche ainsi qu'à ses deux actrices principales Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos.

Mais, alors qu'il reçoit un accueil critique positif de la part des médias français et internationaux, le film est entouré par une polémique opposant le réalisateur Abdellatif Kechiche avec d'une part certains de ses techniciens et d'autre part les deux actrices principales, tous dénonçant un tournage difficile.

SYNOPSIS
Âgée de dix-sept ans, la jeune Adèle croit forcément qu'une fille doit rencontrer des garçons et rêve du grand amour. Elle se laisse séduire par Thomas, élève de terminale, et met rapidement fin à cette liaison. Puis ce sont les premiers baisers à une copine de classe dont les ongles des mains sont vernis en bleu.

Et puis enfin, un soir, voilà Adèle qui pénètre dans un bar gay, cherche Emma, croise Emma et finit par lui parler. Adèle est troublée. C’est le coup de foudre, la naissance de l'amour et du désir.

Le lendemain, Emma viendra la chercher à la sortie du lycée sous le regard ébahi des copines. Pas facile à une lycéenne de faire accepter son homosexualité. Alors on nie. Contre toute évidence, au risque de l'incompréhension et de la violence. Adèle et Emma iront ensuite s'asseoir sur un banc, sous un bel arbre. Emma est en 4e année aux Beaux-arts ; elle peint, elle va exposer. Visiblement Emma est très cultivée.

Cette rencontre bouleverse totalement sa vie. Emma hante chaque nuit ses rêves et ses désirs les plus intimes. Adèle et Emma se rencontrent à nouveau fortuitement, elles se découvrent, s'aiment follement, vivent ensemble.

Emma est une artiste peintre pleine d'ambition, évoluant dans un milieu cultivé et intellectuel ; alors qu'Adèle, plus terre à terre, s'épanouit dans son métier d'institutrice, apprécie les plaisirs simples comme faire la cuisine. L'écart se creuse : Adèle se sent seule, déplacée, complexée dans cette relation qui la pousse à avoir une courte aventure avec un collègue de travail. Emma l'apprend et rejette avec violence Adèle hors de sa vie. Emma continue de vivre mais avec une autre femme, tandis qu'Adèle, incapable d'oublier son amour pour Emma, désespère dans la souffrance du souvenir.

UN GRAND SUCCES
Suite à une plainte de catholiques intégristes, le 9 décembre 2015, le visa d'exploitation du film (interdit aux moins de 12 ans depuis sa sortie en 2013) est annulé par la justice française au motif de la présence de scènes de sexe très explicites et jugées trop réalistes. La ministre de la Culture devra « procéder au réexamen de la demande de visa » du film pour pouvoir l'exploiter à nouveau.

Finalement, le 30 septembre 2016, le Conseil d'État se range du côté du ministère de la Culture, qui a déposé un recours en s’opposant à la demande de requalification du film, en cassant la décision de la cour administrative d'appel de Paris, qui réclamait le réexamen de la classification du long-métrage, ce qui permet à La Vie d'Adèle de conserver l'interdiction aux moins de 12 ans.

On mesure ainsi l’évolution de la censure depuis l’époque où, près de 50 ans plus tôt, le ministère avait essayé de s’opposer à la sortie de « La religieuse de Diderot », le film de Jacques Rivette.

Au total, dès 2014, le film sera vu par près de 2,6 millions de personnes dans 26 pays, dont plus d’un million d’entrées en France.

Outre son triomphe à Cannes, le film obtiendra de nombreuses récompenses. Toutefois, lors de la cérémonie des Césars du cinéma 2014, bien que nommé huit fois, le film n'obtient que le César du meilleur espoir féminin, décerné à Adèle Exarchopoulos. La presse n'hésite pas à dénoncer dans ces votes une forme de boycott à la suite des polémiques d'après-tournage, tant avec les comédiennes que les techniciens.

POLEMIQUES
Je ne m’étendrai pas sur la polémique créée par les propos homophobes d’une ancienne ministre (dont je ne mentionnerai pas le nom, ce serait lui faire trop d’honneur) qui s’opposa avec virulence au « mariage pour tous » et les réactions que cela a provoqué, dans le monde politique comme chez les défenseurs des droits des LGBT.

À la suite de la présentation au festival de Cannes, un syndicat des professionnels de l'industrie de l'audiovisuel et du cinéma publie un communiqué dénonçant les conditions de tournage.

Quelques jours après l'attribution de la Palme d'or, Julie Maroh, l'autrice de la bande dessinée, dont le film est tiré, dit regretter le choix de nombreuses scènes de sexe lesbien, jugées par elle démonstratives, crues, dénuées de désir amoureux. Elle exprime sa déception quant au comportement de Abdellatif Kechiche à son égard : celui-ci n'a plus répondu à aucun de ses messages après la cession des droits d'adaptation, ne l'a pas invitée avec l'équipe à Cannes et a omis de la mentionner lors de son discours de remerciements pour la récompense.

En septembre 2013, les deux actrices principales affirment à leur tour que le tournage fut très difficile et ne souhaitent plus jamais tourner avec ce réalisateur. Elles se déclarent également choquées et gênées par les scènes de sexe très explicites, maintes fois répétées. La vie d'Adèle est une histoire d'amour fiévreuse entre deux jeunes femmes. Leurs longues étreintes sont filmées en gros plan. La scène centrale du film, notamment, dure dix minutes. Les deux actrices affirment que cette scène a été filmée en dix jours, dans des conditions éprouvantes.

Les scènes de sexe n'étaient pas les seules à être tournées longuement, avec précision. Abdellatif Kechiche exigeait autant d'implication pour les scènes plus violentes, notamment la violente bagarre qui marque la rupture entre les deux amantes.

COMMENTAIRES SUR LE FILM
Adèle est une adolescente qui se cherche une identité. C’est aussi une jeune fille rongée par la solitude: elle part à l’école seule, rentre chez elle seule, un peu comme la Marianne de Marivaux qui a vu s’envoler ses illusions. Adèle est entourée de Thomas qui ne la comprend pas, de ses copines de classe qui ne la comprennent pas plus. Elle craint l’opinion de ses parents. Adèle ne souffrirait peut-être pas autant si elle n’était pas aussi romantique.

Sa romance trouve écho chez Emma. Grâce à Emma, Adèle va se trouver en tant que femme. Assumer son homosexualité est un combat. Adèle doit se battre pour s’affirmer. Emma, comme un guide, lui permet de faire ses premiers pas dans le monde, de se détacher du regard des autres.

« La vie d’Adèle », ce sont deux femmes qui s’aiment, corps et âme.

Je retiens cette première fois où Adèle et Emma font l'amour, une immense scène de sexe, ensevelie sous les râles et les soupirs ; plaisir charnel, plaisirs des sens, chorégraphie des corps, jouissances. Seul Oshima, dans L'Empire des sens, a osé quelque chose de semblable.

Le film comporte plusieurs scènes de sexe, parfois très longues, l'une d'elles dure six minutes), crues mais esthétiques, aussi vraies que nature. Le film contient des scènes de sexe les plus incroyablement fortes vues récemment au cinéma, en particulier un rapport sexuel filmé sans complaisance mais avec un désir féroce d’authenticité, montré presque dans son intégralité. Dix minutes hallucinantes qui laissent bouche bée, donnant à voir une intimité presque violente.

Si l'illusion est parfaite à l'écran, « La Vie d'Adèle » reste de la pure fiction et les scènes sont donc simulées. Les deux comédiennes portent en effet des prothèses de vagin, faites sur mesure, recouvertes de faux poils pubiens et peintes couleur chair.

Ces scènes ont cependant été critiquées et jugées peu réalistes, voire ridicules, par certains commentateurs issus du monde LGBT, notamment dans un article du magazine « Posture ». J’ai envie de renvoyer à l’expéditeur l’adjectif de « ridicule », comme s’il y avait des règles, des normes, des canons dans l’amour entre deux femmes. Pour ma part, j’ai trouvé belles et excitantes ces scènes d’amour.

Au-delà des polémiques et des scènes de sexe, ce film est bien une histoire d'amour intense et charnelle entre Emma et la jeune Adèle.

La passion naissante entre les deux jeunes femmes est filmée avec beaucoup de finesse par le réalisateur, franco-tunisien avec au passage de superbes moments de grâce où quelques regards, quelques sourires ou quelques mots suffisent à retranscrire parfaitement le trouble palpitant de ces deux jeunes femmes qui tombent amoureuses. L’éclosion d’un amour a rarement été aussi bien mise en image.

« La vie d’Adèle », c’est avant tout l’histoire d’un coup de foudre imprévisible et inattendu, d’une passion dévorante.

Kechiche ne cherche pas à faire de sa « Vie d’Adèle » un film militant, en plein débat autour du mariage pour tous. Il raconte une tranche de vie au cœur des émois de son personnage croquant l’existence à pleines dents. À l’image du personnage d’Emma, celui-ci peint une fresque de trois heures sur le sentiment amoureux avec une justesse épatante. Adèle se donne complètement à la passion, celle qui consume l’âme et le corps. Les scènes de sexe sont explicites, réalistes, frontales, au point que certains ont dit qu’elles n’étaient pas simulées. Il montre l’amour tel qu’il est, entre ces deux femmes qui semblent parfois fusionner et ne faire qu’une malgré leurs énormes différences (d’âge, d’éducation, de situation sociale, de champs professionnels…). C’est justement cette différence, qui n’était juste là que latente, qui commencera à se faire sentir au milieu du film et qui viendra insinuer le doute et le sentiment de solitude, souvent compagnons ingrats et pernicieux d’une relation amoureuse.

Le regard inquisiteur des gens ou de la famille face à la relation de ces deux femmes n'est qu'à peine évoqué, pour se concentrer sur le premier regard, la première rencontre, la découverte des premiers émois, les premiers baisers passionnés, l'ivresse des premières étreintes, les premiers doutes, les premiers élans de jalousie gangrénant un couple, la première déchirure, le premier deuil d'une relation ayant pris tant d'importance dans une vie. « La vie d'Adèle », le film des premières fois, qu'elles soient futiles ou considérables, démontre de la plus magnifique des manières que l'Amour n'a pas de genre, de couleur, ni de frontière.

Emma a fait découvrir à Adèle un autre monde, plus profond, plus sensible et beaucoup plus intense. Ce monde est vertigineux et Adèle va s’y perdre. Elle s’est découverte puis ne s’y reconnaît plus, rattrapée par ses démons, se sentant à nouveau seule au milieu des amis d’Emma qui parlent une langue qui n’est pas la sienne. Ce n’est pas Adèle qui trompe Emma. C’est Emma qui a abandonné Adèle.

C’est si compliqué d’assumer son homosexualité qu’on en viendrait presque à oublier que les homosexuels aussi se séparent. Les couples homosexuels sont tout aussi vulnérables que les autres à la rupture. Sinon plus. Adèle et Emma sont confrontées à la routine, aux disputes. Leur lune de miel prend fin. Reste la force exclusive du sentiment amoureux, celle qui peut abolir le temps et le monde.

CE FILM ET MOI
Les histoires ne sont évidemment pas transposables.

Pas davantage que je ne suis attirée par le genre de femmes que représentait la « Marijo » de « Gazon maudit », je ne saurais l’être par Emma. Ce n’est pas seulement une question de look, mais surtout de caractère.

Je n’ai pas eu non plus la même expérience qu’Adèle, j’ai découvert de façon différente ma bisexualité et je ne me suis jamais sentie attirée exclusivement par les femmes. Je me revendique comme bisexuelle, pas comme lesbienne. Je ne peux imaginer me passer de rapports virils.

J’ai ressenti un vrai malaise en découvrant les confidences des deux interprètes principales au sujet des conditions de tournage. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une formidable histoire d’amour entre deux êtres, entre deux femmes et je ne pouvais qu’y être sensible, moi qui vis le bonheur de mon couple féminin avec Agun.

Contrairement à ce qui s’est passé entre Emma et Adèle, je n’ai pas initié Agun. Un peu plus âgée que ne l’est Adèle dans le film, ma chérie avait suivi la femme qui l’avait séduite, initiée et ramenée en France, avant de l’abandonner lâchement, laissant seule la jeune fille de 18 ans qu’elle était, dans un pays qu’elle ne connaissait pas ou peu.

Je sais la blessure profonde que cela a été pour Agun et le coup de tonnerre qu’a signifié pour Agun notre rencontre, qui fut pour elle, comme pour Emma et Adèle, un coup de foudre.

Je suis celle dont elle est tombée amoureuse, exclusivement et sans que rien ne puisse remettre en cause la force de ce sentiment, ni une longue séparation, ni même ma trahison lors de ma relation avec N. Et bien entendu en harmonie totale avec le couple que nous formons avec Philippe.

C’est l’histoire d’amour que je retiens dans ce film et dans notre couple. Je ne connais rien de plus beau, que ce soit entre un homme et une femme, entre deux femmes ou entre deux hommes.

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