Erotisme et poésie (7) : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise » de Louise Labé

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Erotisme et poésie (7) : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise » de Louise Labé Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-04-2021 dans la catégorie A dormir debout
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Erotisme et poésie (7) : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise » de Louise Labé
Dans un commentaire qu’elle a publié sous ma précédente publication de poésie érotique (Erotisme et poésie (6) : « Ode à l’amant » de Marie Dauguet, paru le 6 mars 2020), une lectrice (et par ailleurs une des mes auteures préférées, dont je recommande chaudement la lecture, en particulier sur HDS), Laetitia sapho, m’a incité à m’intéresser à Louise Labé et à aux textes de la plus grande poétesse française de la Renaissance.

Elle faisait en particulier référence à un poème issu des « Sonnets » de cette poétesse du XVIème siècle, contemporaine de Ronsard « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ». J’ai choisi un autre texte issu de ces Sonnets, que j’ai trouvé d’une audace inouïe, en particulier à l’époque où écrit Louise Labé : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise ».

Merci Laetitia !

Je précise que Pierre Perret, dans son « Anthologie de la poésie érotique » (Nil éditions, 1995) avait consacré plusieurs pages à Louise Labé, autour du poème qu’a cité Laetitia.

LA BELLE CORDIERE
Louise Labé (1524-1566) est née à Lyon. Son père, Pierre Charly, apprenti cordier, avait épousé (vers 1493) en premières noces la veuve d'un cordier prospère, Jacques Humbert dit Labé. Pour assurer sa présence dans cette profession, il reprit pour lui-même le surnom du premier mari de sa femme et se fit appeler Pierre Labé.

À la mort de sa femme, Pierre Labé se remaria, et c'est de ce mariage que naquit Louise Labé. Celle-ci reprendra également le pseudonyme de son père et sera surnommée La Belle Cordière, en raison du métier de son père, puis de son mari.

Louise est une enfant vive et enjouée qui fascine son père. Celui-ci lui donne une éducation assez exceptionnelle pour une femme du peuple au XVIe siècle. Elle apprend le latin, l'italien et la musique mais aussi l'art des armes, un enseignement habituellement réservé aux hommes. Elle monte à cheval vêtue en homme, au mépris des règles religieuses, et s'exerce aux joutes armées.

Elle jouait du luth, elle montait à cheval et maniait l’épée. On dit qu’elle participa en 1542 au siège de Perpignan mené par le dauphin, le futur Henri II. Elle était habillée en homme, et se faisait appeler capitaine Loys.

De ses amours auréolés de mystères, ne retenons que ce qu'elle nous en dit. Elle se serait donnée à l'âge de 16 ans à un homme de guerre : « Je n'avais vu encore seize hivers/ lorsque j'entrai en ces ennuis divers »
Elle épousa en 1543 un riche marchand de cordes, Ennemond Perrin, qui avait 30 ans de plus qu’elle et qui possédait plusieurs maisons à Lyon, trouvant dans la fortune de son mari un moyen de satisfaire sa passion pour les lettres : dans un temps où les livres étaient rares et précieux, elle eut eu une bibliothèque composée des meilleurs ouvrages grecs, latins, italiens, espagnols et français.

Le couple possédait des jardins spacieux près de la place Bellecour où elle pratiquait l'équitation. Elle reçoit chez elle une société distinguée et lettrée, composée d'artistes, d'avocats et de riches propriétaires.

Le charme et le talent de la belle cordière, qui dirigeait ces rencontres, provoquèrent alors des jalousies et des scandales dans la société lyonnaise. Les écrits de Louise Labé, trop voluptueux ou trop satiriques, renforcèrent ces attaques et les appels à leur censure.

Bien avant la première édition des « EVVRES » en 1555, la beauté de Louise Labé fut célèbre à Lyon et, associée à une liberté d’esprit (peut-être de mœurs) jugée trop éclatante, lui valut très vite une réputation sulfureuse. Dès 1547 par exemple, Philibert de Vienne n’hésitait pas, dans son ouvrage satirique « Le philosophe de cour » publié chez Jean de Tournes, à mettre la « Cordière de Lyon » sur le même plan que Laïs, fameuse hétaïre de l’Antiquité grecque dont le nom et les aventures étaient proverbiaux chez les humanistes.

Avec Maurice Scève (1501-1564) et Pernette du Guillet (1518-1545), Louise Labé appartient au groupe dit « école lyonnaise ». Chez Louise Labé, on remarque l'influence du grand poète latin Ovide, qu'elle connaît bien.

L'œuvre de Louise Labé se compose d'un « Débat de Folie et d'Amour », de trois Élégies et de vingt-quatre sonnets, lesquels expriment les tourments féminins de la passion.

Louise Labé est le type même de la femme cultivée de la Renaissance, connaissant le latin et l'italien, la musique et l'équitation, et tenant à Lyon un salon fréquenté.

D’autres, comme l’universitaire, spécialiste de Clément Marot et de Rabelais, V.L. Saulnier (1917-1980) l’ont considéré comme une « courtisane sans grande envergure ».

Certains ont mis en doute l’existence réelle de Louise Labé. Les commentaires de ses contemporains devraient suffire à mépriser cette invention. Il est vrai que l’on ne connaît que très peu d'éléments de sa vie. Ceux que l'on peut lire sont parfois le fruit de l'imagination des critiques, à partir de ses écrits : Louise Labé lesbienne, Louise Labé lyonnaise, Louise Labé courtisane.

Louise Labé ne serait pour ces auteurs qu'une fiction élaborée par un groupe de poètes autour de Maurice Scève (le nom de Louise Labé viendrait du surnom d'une prostituée lyonnaise, « La Belle Louise »). L'ouvrage de l'universitaire Mireille Huchon, publié en 2006, développe cette thèse. Daniel Martin a cherché à réfuter cette thèse dans son article publié en 2006 : « Louise Labé est-elle une créature de papier ? ». De même, Michel Jourde, en 2011.

On prête à la jeune femme de nombreuses outrances amoureuses qui n'ont fait qu'accroître le mythe autour de cette femme dont on sait finalement peu de choses. Son caractère indépendant et des rumeurs lui prêtant une liaison avec un poète de La Pléiade, Olivier de Magny (1529-1561), lui firent une réputation de femme légère. Elle fut en revanche fort réputée, et appréciée des poètes de son temps, qui lui dédièrent de nombreux vers et qui chantèrent sa beauté. On a dit aussi que le roi Henri II aurait été son amant.

Son époux, Enemmont Perrin, meurt peu après 1555. Louise, elle, décédera en 1565, à une époque où la cité de Lyon, secouée par des troubles économiques et des haines religieux, a déjà beaucoup perdu de son importance littéraire et artistique.

ŒUVRE FEMINISTE ?

Trois élégies (décasyllabes à rimes plates), un texte en prose et vingt quatre sonnets ont fait de Louise Labé la maîtresse des passions extrêmes, enflammant les codes de l’amour courtois. Le corps a désormais sa place au creux des mots et des poèmes.

Les sonnets et élégies parlent évidemment d’amour. Ces poèmes contiennent aussi des encouragements aux femmes à se cultiver plutôt que se préoccuper de bijoux et de robes.

Louise Labé publia elle-même l'ensemble de ses écrits en 1555 dans un unique volume intitulé « Œuvres ». Il est composé d'un texte en prose, « Débat de folie et d'amour » qui est sans doute son texte le plus important, de trois élégies, de vingt-trois sonnets en français et d'un sonnet en italien. Ces sonnets, poèmes d'amour passionné d'inspiration pétrarquienne et ovidienne, remarquables de maîtrise technique et d'intensité émotionnelle, seront ses œuvres les plus connues.

Dans la préface dans laquelle elle dédie « Débat de folie et d'amour » à son amie Clémence de Bourges, Labé souhaite un changement de comportement, maintenant que « les sévères lois des hommes n'empêchent plus les femmes de s'appliquer aux sciences et aux disciplines ». Traité sur l'art de l'amour, le texte est surtout un plaidoyer féministe, une défense de l'autonomie féminine et de leur capacité à apprendre. Les deux problèmes sont liés : une femme sans connaissance ne peut accéder à l'autonomie. Elle encourage donc ses contemporaines à sortir de l'érudition livresque à laquelle les femmes étaient restreintes, et à écrire et apprendre tout ce qui pouvait les emmener vers un accès au respect, à l'honneur et au pouvoir. Louise Labé, féministe avant l'heure, devint donc un modèle pour ses lectrices contemporaines et la preuve qu'une femme pouvait écrire et publier ses propres textes.

Ses poèmes, d'une grande rigueur formelle, se distinguent des œuvres contemporaines par leur ardeur, leur spontanéité et la sincérité des sentiments exprimés, en même temps que par une philosophie de l'amour d'inspiration platonicienne.

Louise Labé est l'une des premières à aborder aussi directement la passion féminine. Dans l'œuvre de Louise Labé se trouvent 24 sonnets composés en quatre strophes de deux quatrains et deux tercets. Le sonnet I est en langue italienne et les vingt-trois autres en langue française. Le titre de chaque sonnet est basé sur la numérotation romaine, de I jusqu'à XXIV.

Les champs sémantiques les plus récurrents sont celui de l'amour (désirs, passions), de la tristesse (pleurs, larmes, sanglots, soupirs), de la souffrance (mal, calamité, douleurs) et du danger (feu, flèches, mort).

Les Sonnets relatent les divers états de l'amour au féminin. On y perçoit l'admiration que suscite la beauté de l'autre chez l'amante, et à la fois le désir physique et spirituel dans des sonnets comme le XVIII ème, « Baise m'encor, rebaise-moi et baise », qui est publié sous cet article.

Louise Labé apporte une inflexion nouvelle au modèle pétrarquiste en adaptant le rôle de l’amant poète au féminin. Dans la tradition du sonnet d’amour à cette époque, initiée par Pétrarque et suivie par des auteurs français comme Du Bellay et Ronsard, la femme aimée ne partage pas les sentiments du poète. La poétesse des « Sonnets » se distingue de cette règle en tombant amoureuse de celui qui l’aurait séduite. Louise Labé, en écrivant ce qu’elle ressent, donne une voix à la féminité. Elle n’est plus seulement un « objet » d’admiration dépersonnalisée par l'amant, mais un sujet.

Louise Labé est considérée comme une des premières féministes en France. Louise Labé revendiquait pour la femme l'indépendance de pensée, la liberté de parole amoureuse et le droit à l'éducation.

Dans son anthologie, Pierre Perret relève la sensualité et la passion incandescente de Louise Labé. Il ajoute : « son œuvre toute entière est consacrée à l’amour charnel, principalement dans les sonnets, qui demeurent les plus sublimes de notre langue »
UNE FEMME LIBRE
Louise était une femme si libre qu'elle demande à son amant: « Baise m'encor, rebaise-moi et baise ». Une femme rebelle déclarant qu'elle voulait voir les femmes : « non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes »; et pour cela elle prie « les vertueuses dames, d'élever un peu leur esprits par dessus leurs quenouilles et leurs fuseaux … » Une femme qui murmure, gémit, souffre ou pleure : « Crier me faut mon mal toute la nuit ». Une femme qui se moque avec légèreté de l'amoureuse qui soupire en elle-même : « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie »
Les outrances amoureuses attribuées à Louise ne sont que le désir et la volonté de disposer de sa vie. Une amoureuse, Louise ? Plus encore. Elle va donner voix à l'expression féminine de la passion: une femme peut oser déclarer son désir sans attendre de se sentir désirée. Sa religion est l'amour, sa morale est l'amour, sa liberté est l'amour. « Le plus grand plaisir qu'il soit après l'amour, c'est d'en parler », dit-elle.

A son époque, Louise suscita la haine des dévots, de ceux que j’exècre et qualifierai de rétrogrades. Claude de Rubys, un contemporain, procureur général de la commune de Lyon, membre de la Ligue, les ultras catholiques des Guerres de religions parlait ainsi d’elle : « Cette impudique Louise Labé, que chacun sait avoir fait profession de courtisane publique jusqu’à sa mort. »
Pour ma part, je retiens ce bel hommage de Léopold Sédar Senghor au sujet de Louise Labé : « On s’étonne qu’elle ait pu passer, aux yeux de certains, pour une indigne courtisane. On ne saurait trouver dans notre littérature de poèmes d’amour plus pudiques. Il est vrai que Louise Labé n’a pas le sens du pêché : elle a l’innocence du cœur et de la chair. Elle reste la plus grande poétesse qui soit née en France. »
Dans son commentaire, Laetitia avait totalement raison d’écrire que l’œuvre de Louise Labé, « c’est d’une modernité pas possible » !

LE TEXTE DU POEME
« Baise m’encor, rebaise moy et baise… »
Ces quatre syllabes ont suffi à la « belle Cordière » pour entrer dans la légende du XVIème siècle. Il est bon toutefois de rappeler qu’au siècle de Louise Labé, ce verbe ne dit encore que le fait, plus ou moins fougueux, de poser ses lèvres avec affection et respect. Voici donc le XVIIIème sonnet de Louise Labé :
Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;Donne m’en un de tes plus savoureux,Donne m’en un de tes plus amoureux :Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :
Toujours suis mal, vivant discrètement,Et ne me puis donner contentementSi hors de moi ne fais quelque saillie.

REFERENCES
Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je renvoie à l’article de Wikipédia sur Louise Labé ainsi qu’aux liens suivants :
• https://www.compagnie-litteraire.com/louise-labe/
• https://www.liberation.fr/grand-angle/2006/06/16/louise-labe-femme-trompeuse_41395/
• Louise Labé et l'écriture au féminin : https://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2004-4-page-8.htm
• De la Laïs Lyonnaise à Louise Labé : les métamorphoses d'un portrait : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2008-1-page-3.htm
• https://www.poesie.net/labe2.htm
• https://www.cave-a-poemes.org/page.php?id=999

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