Erotisme et poésie (9) : Marguerite Burnat-Provins « Laisse-moi crier »

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Erotisme et poésie (9) : Marguerite Burnat-Provins « Laisse-moi crier » Histoire érotique Publiée sur HDS le 10-09-2021 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Erotisme et poésie (9) : Marguerite Burnat-Provins « Laisse-moi crier »
L’anthologie de la poésie érotique, écrite par Pierre Perret (Nil Editions 1995) est décidément une inépuisable source de belles découvertes.

L’œuvre de Marguerite Burnat-Provins (1872-1952), poète, écrivain et peintre en est un excellent exemple. Pour l’illustrer, Pierre Perret a choisi un poème dont le titre est en soit une promesse, « Laisse-moi crier ». J’espère que mes lecteurs et lectrices auront autant de plaisir que moi à le déclamer !

MARGUERITE, UNE FEMME LIBRE
Artiste et auteure, amoureuse de la nature et de l’amour lui-même, conférencière, militante, journaliste, commerçante… Marguerite Burnat-Provins fut une personnalité aux multiples facettes. Française devenue Suissesse par ses deux mariages, Marguerite Burnat-Provins vécut une existence créative et indépendante.

Marguerite Provins est née en 1872 à Arras, dans le nord de la France, aînée d’une famille aisée et nombreuse, à une époque où la grande majorité des femmes n'existaient que par leur mari. Enfant déjà, elle exprime le goût du dessin et de l'écriture, compose des contes et des poèmes autour de sa famille. C'est son père, un avocat, artiste à ses heures, qui encourage l'aînée de ses huit enfants à écouter son inspiration et l'aide à « suivre sa voie ».

A Paris, Marguerite Provins ne peut pas s'inscrire aux Beaux-Arts, alors interdit aux femmes. Elle étudiera à l’Académie Julian, nourrissant son inspiration des sculptures du Louvre ou des motifs végétaux du Jardin des Plantes. Elle achève sa formation en 1896 à l'École des Beaux-Arts, lorsqu'enfin en est levée l'interdiction aux femmes !

EN RUPTURE DE BAN
Elle épouse, en 1896, un architecte de Vevey, Adolphe Burnat (1872-1946). C'est le début d'un séjour de quelque douze années en Suisse romande.

A l’âge de dix-sept ans, elle subit une opération qui l’empêchera d’avoir des enfants. Marguerite s'ennuie et se sent livrée à elle-même, la tranquillité des bords du Léman contrastant fortement avec l'agitation de la vie parisienne qu'elle venait de quitter. Pour tromper l'ennui, elle donne des leçons de dessin dans son atelier veveysan et à l'École Vinet à Lausanne. Elle commence également à écrire pour La Gazette de Lausanne. En 1900, elle ouvre une boutique qui porte comme enseigne « À la Cruche verte » et qui propose des objets de décoration destinés à un intérieur bourgeois.

Elle peint, notamment en 1899 « Profil à la coiffeé et en 1904 « Frise au gui ». En 1905, elle crée, après avoir publié dans La Gazette de Lausanne un article où elle déplorait l'avilissement des paysages suisses, la Ligue pour la Beauté, futur Heimatschutz, aujourd'hui Patrimoine suisse (organisation suisse de protection du paysage naturel et construit). Marguerite fut une pionnière dans la défense de l’environnement.

Sa belle-famille évolue dans un milieu protestant très étroit qui bride la curiosité et l'hyperactivité de la jeune mariée ; son beau-père surveille ses allers-venues et la famille, les femmes surtout, ne voient pas d'un bon œil son indépendance et son besoin de nouveauté culturelle. Très vite, elle casse les codes de ce milieu bourgeois : elle ouvre un commerce d’objets d’art décoratif, réalise des affiches pour la Fête des Vignerons, polémique dans les journaux, prend position pour les droits des femmes.

Parallèlement, elle dessine et peint. Elle fait la connaissance du peintre valaisan Ernest Biéler et, comme lui, produit des œuvres sur la ruralité et la culture populaire. Sa belle-famille, là encore, réprouve.

Dans une lettre à Francis Jammes daté du 5 mai 1905, l’écrivain André Gide (1869-1951) parle de l'artiste et de son atelier : « Une extraordinaire créature [...] ; elle a l'air d'une créole et de vivre sous un cocotier, et elle est flamande. Elle vit complètement seule, à Vevey, dans un merveilleux atelier qu'elle s'est fait construire par son mari. »
En 1906, elle rencontre Paul de Kalbermatten, un jeune ingénieur valaisan, de dix ans son cadet, avec qui elle entretient une liaison passionnée. Elle divorce finalement d’Adolphe Burnat en 1908 pour se remarier avec Paul en 1910 : sa relation tendue avec son entourage se mue alors en rejet absolu.

SCANDALEUSE PARMI LES SCANDALEUSES
Marguerite va choquer quand, dans ses poésies, elle fait étalage de ses émois érotiques dans des textes flamboyants, réunis dans le « Livre pour toi », cent poèmes destinés à son nouvel amour et bientôt nouveau mari, l'ingénieur Paul de Kalbermatten.

La tonalité érotique et passionnée de sa poésie scandalisa en effet les lecteurs du début du 20ème siècle.

Avec son deuxième mari, elle passe deux ans en Égypte, puis accompagne Paul dans ses voyages professionnels, qui les emmènent au Moyen-Orient, en Amérique du Sud mais surtout au Maroc, où elle passera plusieurs hivers. Ce sera un temps son pays d'élection, qui animera ses rêveries exotiques. Ils finissent par s’installer, pour le travail de Paul, à Bayonne, dans le sud de la France.

Après sa séparation d’avec Paul, épris d’une autre femme, en 1925, elle continuera à voyager, seule. Elle connaît bien des demeures éphémères et voyage, en Syrie, au Liban en Afrique du Nord.

Puis elle se retire au Clos des Pins, à Grasse, où elle passe ses dernières années, ébranlée par la mort de sa sœur Marthe, puis de sa mère, par les monstrueuses retombées de la guerre et fragilisée par ses problèmes de santé. Elle mourut ignorée et oubliée et ne fut redécouverte que plus tard.

Son œuvre d'écrivaine est forte d'une vingtaine de volumes de proses poétiques, tandis que son œuvre de peintre comporte des tableaux de la vie rurale proches de ceux de l'école de Savièse en Valais (elle était une intime d'Ernest Biéler), des compositions décoratives.

À partir de 1914, elle réalisa une importante série de dessins étranges nés d'hallucinations récurrentes. Cette série, que Marguerite Provins nommait « Ma Ville », est riche de quelque 3000 dessins.

« AVEC ELLE, LE SEXE ENTRE EN POESIE »
C’est ce qu’écrivait, au sujet de Marguerite, Robert Sabatier (1923-2012), dans son « Histoire de la poésie française » (Albin Michel, 9 volumes édités entre 1975 et 1982).

Il ajouta : « un sexe sans honte, dans la splendeur de l’amour partagé »
Quant à lui, dans son « Anthologie », Pierre Perret écrit : « elle n’en n’est point rassasiée et elle n’a pas honte de le crier. »
Inspirée par la guerre, mais aussi par les tourments intimes et universels, cette « scandaleuse » entre en résonance, en particulier avec Colette, au sujet de laquelle je renvoie à la publication que je lui ai consacrée sur HDS, publié le 15 janvier 2020 : « Histoire des libertines (53) : Colette, romancière et scandaleuse. »
Marguerite Burnat-Provins vit sans peur du scandale. Marguerite rappelle en effet Colette, une autre scandaleuse. Elle aussi écrit des livres, des poèmes en prose, des chroniques dans la presse. Toutes deux sont hypermodernes, ont une vie très remplie et font ce qu’elles ont à faire en dépit de l’interdiction que voudrait leur imposer une époque masculine qui écarte celles qui sortent du rang, Comme Colette, Marguerite Burnat-Provins, alors qu’elle est encore mariée, affirme au vu et au su de tous son amour interdit pour son jeune amant. Comme Colette, on la dit dévergondée, folle, homosexuelle.

Ballottée d’un pays à l’autre, c’est à force de dépaysement, en quittant tout pour une autre vie, que Marguerite Burnat-Provins s’est construite et révélée, en tournant le dos à la norme confortable mais étouffante pour tracer sa propre route.

Place maintenant à la poésie ! Comme le dit Françoise Chandernagor : « quand les femmes parlent d’amour »
Comme Marguerite, dans l’extase, j’aime dire à mes amants « laisse-moi crier » !

LE POEME
Laisse-moi crier
Laisse-moi crier : Encore ! Encore !
Je ne suis pas la sœur de ces femmes aux yeux glacésQui se taisent.
Je tends mes mains impérieuses pour tordre et pour broyer,La bouche vorace pour goûter aux essences enivrantes…
Je darde mes prunelles volontaires sur la vie, sur l’amour et,Sur toi, je jette mon désir comme le pêcheur, dans la rivière,Lance le circulaire épervier.
Jamais je ne serai rassasiée de ta chair lumineuse.
Ne me dis rien. Etends les bras.
Laisse-moi crier.

Je dirai l’emprise de tes mains longuesQui font à ma taille une ceinture frémissante,Je dirai ton regard volontaireQui anéantit ma pensée,Ta poitrine battante soudée à ma poitrine
Et tes jambes aussi fermes que le tronc de l’érableOù les miennes s’enroulent,Comme les jeux onduleux des houblons …***
REFERENCES
Je recommande également la lecture du livre de Françoise Chandernagor : « Quand les femmes parlent d’amour. Une anthologie de la poésie féminine (Editions du Cherche midi, 2016)
Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je renvoie à l’article de Wikipédia sur Marguerite Burnat-Provins, ainsi qu’au lien suivant:
• https://information.tv5monde.com/terriennes/marguerite-burnat-provins-scandaleuse-et-peintre-de-la-beaute-laide-411974

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