Erotisme et poésie (2) : « Les Bijoux » de Charles Baudelaire

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Erotisme et poésie (2) : « Les Bijoux » de Charles Baudelaire Histoire érotique Publiée sur HDS le 18-02-2020 dans la catégorie Fétichisme
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Erotisme et poésie (2) : « Les Bijoux » de Charles Baudelaire
Comme l’écrit Pierre Perret, dans son « Anthologie de la poésie érotique », au sujet de Baudelaire : « comment ne pas donner sa place à cet immense auteur dans une anthologie de poèmes érotiques ? »
« Les Bijoux » est un poème écrit par Charles Baudelaire et publié pour la première fois dans Les « Fleurs du mal » en 1857, puis censuré dans l'édition de 1861, à cause d'une condamnation de Baudelaire pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ».

Il est republié en 1866, à Bruxelles, dans le recueil « Les Épaves ».

LE POETE DES FLEURS DU MAL
Charles Baudelaire (1821-1867) est un poète symbolique du XIXème siècle. « Dante d’une époque déchue » selon le mot de Barbey d’Aurevilly, à la croisée entre le Parnasse et le symbolisme, chantre de la « modernité », il occupe une place considérable parmi les poètes français, pour un recueil certes bref au regard de l’œuvre de son contemporain Victor Hugo mais qu’il aura façonné sa vie durant : Les Fleurs du mal.

« Outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs... » Le 20 août 1857, Baudelaire était condamné pour son recueil Les Fleurs du mal. Six des poèmes du recueil restèrent interdits jusqu'en... 1949 !

C'est un article paru dans Le Figaro, le 5 juillet 1857, qui semble avoir attiré l'attention de la censure impériale, sur ce mince recueil. Gustave Bourdin, tout en se défendant d'avoir un « jugement à rendre », « un arrêt à prononcer », y dénonçait l'immoralité de quatre poèmes : Le Reniement de saint Pierre, Lesbos et les deux pièces intitulées « Femmes damnées ».

Dès le 7 juillet, un rapport fut rédigé à la direction de la Sûreté publique, dépendant du ministère de l'Intérieur : Les Fleurs du mal y sont présentées comme « un défi jeté aux lois qui protègent la religion et la morale ».

Le poème Les Bijoux y est épinglé, car il « présente à chaque instant les images les plus licencieuses avec toute la brutalité de l'expression ».

Et le censeur de conclure : « En résumé, le livre de M. Baudelaire est une de ces publications malsaines, profondément immorales qui sont appelées à un succès de scandale. Proposition de déférer au parquet.»
La machine était en marche. Le 17 juillet, le Procureur général indique à la direction de la Sûreté publique qu'il vient de requérir une information contre Baudelaire et ses éditeurs et d'ordonner la saisie des exemplaires. Elle eut lieu à Alençon, mais non à Paris. Il restait un mois à Baudelaire pour préparer son procès.

Baudelaire se méprenait sur ses soutiens possibles : le Critique Sainte-Beuve n'a jamais écrit sur Baudelaire le grand article que celui-ci attendait de lui. Le poète s'était pourtant plus d'une fois réclamé de son aîné, qui se contenta de fournir au poète un petit argumentaire pour sa défense.

Quant à Mérimée, sur lequel Baudelaire croyait pouvoir compter, nous connaissons ses sentiments par une lettre à Mme de La Rochejaquelein, du 29 août 1857 : « Je n'ai fait aucune démarche pour empêcher de brûler le poète dont vous me parlez, sinon de dire à un ministre qu'il vaudrait mieux en brûler d'autres d'abord. Je pense que vous parlez d'un livre intitulé : « Fleurs du mal », livre très médiocre, nullement dangereux, où il y a quelques étincelles de poésie, comme il peut y en avoir dans un pauvre garçon qui ne connaît pas la vie et qui en est las parce qu'une grisette l'a trompé. Je ne connais pas l'auteur, mais je parierais qu'il est niais et honnête, voilà pourquoi je voudrais qu'on ne le brûlât pas. »
Finalement furent incriminés treize poèmes :
• Quatre pour outrage à la morale religieuse : Le Reniement de saint Pierre, Abel et Caïn, Les Litanies de Satan, Le Vin de l'assassin ;
• Neuf pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, Les Bijoux, Sed non satiata, Le Léthé, A celle qui est trop gaie, Le Beau Navire, A une mendiante rousse, Lesbos, Femmes damnées, Les Métamorphoses du vampire.

Le procès eut lieu le 20 août 1857 devant la sixième chambre de police correctionnelle du tribunal de la Seine, celle-là même qui avait acquitté, mais blâmé, Flaubert quelques mois plus tôt, au sujet de « Madame Bovary ». Le procureur fut également celui qui avait requis contre Flaubert, Ernest Pinard, futur ministre de l'Intérieur de l'empire déclinant.

Le Procureur réclame une sanction exemplaire, au nom de la défense de « cette grande morale chrétienne qui est en réalité la seule base solide de nos mœurs publiques ».

Le jugement fut rendu le jour même. Écartant l'offense à la morale religieuse, le tribunal ne retint que le délit d'offense à la morale publique. Les poèmes contenant « des passages ou expressions obscènes et immorales » étaient : Les Bijoux, Le Léthé, A celle qui est trop gaie, Femmes damnées, Lesbos et Les Métamorphoses du vampire. Ces six poèmes devaient être retranchés du recueil. Ils restèrent interdits de publication en France jusqu'à la révision du jugement en 1949 ! Ils reparurent cependant dès 1864 en Belgique et circulaient allègrement sous le manteau...

Baudelaire renonça à faire appel, il se contenta de demander à l'impératrice une remise de l'amende de 300 francs ; elle fut ramenée à 50 francs.

C’est par la loi du 25 septembre 1946 que fut créée une procédure de « révision des condamnations pour outrage aux bonnes mœurs commis par la voie du livre », exerçable par le Garde des Sceaux, à la demande de la Société des gens de lettres. Celle-ci décida aussitôt, à l’unanimité moins une voix, de demander une révision pour Les Fleurs du Mal, accordée le 31 mai 1949 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

Dans un prochain texte, je reviendrai sur un autre célèbre poème des « Fleurs du mal », lui aussi censuré lors du procès de 1857, « Lesbos »
UN POEME AU LYRISME BRULANT ET PROVOCANT
Constitué de huit quatrains en alexandrins, le poème décrit une femme nue, parée uniquement de bijoux, et s'offrant à l'amour du narrateur. Dans ce poème, Charles Baudelaire nous fait une métaphore des bijoux. Il les désigne ici comme étant le corps féminin.

Quel est le rôle des bijoux dans ce poème ? Comment le poète les représente-t-il ? Quelle dimension acquièrent-ils ?

"Les bijoux" donnent leur nom au titre du poème. Ils habillent le corps de la femme et sont à l’origine de la dimension sensuelle du texte. Une première lecture suffit à faire ressortir l’aspect sensuel de ce poème. D’entrée de jeu, nous pouvons repérer cette sensualité par l’évocation sensuelle et attirante du corps féminin. L’auteur se concentre sur l’alliance de la nudité et des bijoux qui rehausse la beauté féminine. Cette femme savait que «ses bijoux sonores » plairaient a son amant, c’est effectivement ce qu’affirme l’homme a la deuxième strophe : «ce monde rayonnant me ravit ».

Baudelaire nous fait une métaphore du bijou, une image sensuelle et attirante. Le bijou désigne dans ce poème le corps féminin et provoque en ce sens un désir que l’auteur «aime à la fureur ».

Charles Baudelaire frise la sensualité, l’érotisme lorsqu’il évoque les parties sensuelles du corps féminin comme «sa cuisse », «ses reins », «son ventre » et «ses seins ».

Chez Baudelaire, la nudité est exaltée, comme dans le genre poétique du blason, par l’évocation des attributs sexuels féminins, mais nous notons une focalisation particulière sur les hanches, le bassin et les reins. C’est le triomphe de la femme lascive, tout en courbes, qui évoque peut-être le serpent de la Genèse, la femme sensuelle et tentatrice.

INSPIRE PAR JEANNE DUVAL ?

Certains ont voulu y reconnaître une femme que Baudelaire avait aimée et dont il ne cite pas le nom, peut-être la mulâtresse Jeanne Duval, sa muse. La vie amoureuse de Baudelaire connaitra de douloureuses turbulences. L’amour de sa vie fut sans conteste Jeanne Duval, comédienne et demi-mondaine.

On sait très peu de choses de la vie de Jeanne Duval. Les hypothèses sur ses origines géographiques sont nombreuses et variées, sa date de naissance n’est pas connue. Même son nom n’est pas connu avec certitude : pour fuir ses créanciers, elle apparaît sous des patronymes aussi divers que Duval, Lemer, Lemaire ou Prosper.

De même, son aspect physique a été diversement décrit. On ignore la date de son arrivée à Paris. En 1838-1839, elle tient de petits rôles, au théâtre de la Porte-Saint-Antoine, sous le nom de scène de Berthe. Elle rencontre alors Nadar, dont elle devient la maîtresse. Elle connut Baudelaire en 1842. Baudelaire installe Jeanne dans l’Île Saint-Louis, tout près de l’Hôtel Pimodan, sur le Quai d'Anjou, où il habite. Suivent de longues années de cohabitations, de séparations, de ruptures et de réconciliations. Baudelaire se disputera toute sa vie avec celle dont il ne pouvait se passer.

Les commentaires de ses contemporains sur l’influence qu’a pu exercer Jeanne sur Baudelaire sont généralement négatifs. Il est en revanche admis qu’elle lui a inspiré quelques-uns de ses plus beaux poèmes. Mais la plupart des biographes l’accusent de l’avoir persécuté, ruiné et même empêché de réaliser son œuvre. D'autres, moins nombreux, la décrivent en victime dévouée du « grand homme ». Il est pourtant probable que ces deux aspects de leur relation ont été inextricablement liés : « Opposant divinité et bestialité, [les] poèmes qui la chantent si magnifiquement s’opposent à ceux où l’amour se change en combat, laissant deviner l’histoire d’une liaison tempétueuse, faite de ruptures et de retrouvailles, de volupté et de férocité, de remords, de dévouement, d’égoïsme et de charité. » (Claude Pichois, Jean-Paul Avice, Dictionnaire Baudelaire, éditions Du Lérot, 2002)
BAUDELAIRE ET MOI
Passionnée de poésie, j’ai très tôt découvert dans la bibliothèque familiale « les Fleurs du Mal ». Ouverts d’esprit, pétris de culture française, mes parents n’avaient pas jugé utile de placer le recueil de poésie dans « l’enfer « de la bibliothèque familiale, qui était censée m’être interdit. Précaution vaine d’ailleurs, comme je l’ai déjà expliqué à propos d’autres ouvrages qui, eux, n’auraient pas dû passer dans mes mains et auxquels j’ai eu accès, d’une part parce que l’interdit accroissait mon intérêt, d’autre part parce qu’on avait voulu me laisser accéder aux lectures défendues.

Pour en revenir aux Fleurs du Mal, l’adolescente que j’étais a dévoré les poèmes de Baudelaire et était particulièrement attirée par les textes qui avaient fait l’objet de la censure du Second Empire. Par rapport à ce qu’on peut découvrir aujourd’hui sur le net, ces poèmes suggestifs peuvent sembler bien timides. Et pourtant, ils me troublaient.

Par la suite, j’ai repensé à ce texte dans ma vie avec Philippe, qui a toujours aimé m’offrir les plus beaux bijoux et m’exhiber, comme je l’ai souvent raconté. Un jour, dans notre intimité, alors que j’étais nue sur notre grand lit conjugal, après m’avoir paré de mes bijoux, Philippe m’a déclamé le poème de Baudelaire. Il me confirmait ainsi qu’il était l’homme que j’avais espéré depuis que j’avais conscience d’être une femme.

TEXTE DU POEME : LES BIJOUX
La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueurQu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,Ce monde rayonnant de métal et de pierreMe ravit en extase, et j’aime à la fureurLes choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,Et du haut du divan elle souriait d’aiseÀ mon amour profond et doux comme la mer,Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,Et la candeur unie à la lubricitéDonnait un charme neuf à ses métamorphoses ;Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal,Pour troubler le repos où mon âme était mise,Et pour la déranger du rocher de cristalOù, calme et solitaire, elle s’était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessinLes hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe !
— Et la lampe s’étant résignée à mourir,Comme le foyer seul illuminait la chambre,Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre !

REFERENCES
Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) : RONSARD : « Plût-il à Dieu» (Ronsard) », publié le 17 décembre 2019, je mentionnerai, au sujet de ce poème de Baudelaire, les liens suivants :
• https://fr.scribd.com/document/57576630/Texte-1-Les-Bijoux
• https://www.etudes-litteraires.com/baudelaire-fleurs-du-mal.php

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