Histoire des libertines (101) : Ana de Mendoza, la princesse borgne

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Auteur femme.
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Récit libertin : Histoire des libertines (101) : Ana de Mendoza, la princesse borgne Histoire érotique Publiée sur HDS le 24-02-2023 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Histoire des libertines (101) : Ana de Mendoza, la princesse borgne
Ana de Mendoza y de la Cerda (1540-1592), princesse d'Éboli, duchesse de Pastrana et comtesse de Mélito, appartient à la puissante famille castillane des Mendoza. Elle est la fille unique de Diego Hurtado de Mendoza y de la Cerda, vice-roi d'Aragon.

LA JOLIE BORGNE

C'est une des femmes les plus talentueuses de son temps et on la considère comme une des plus belles nobles de la Cour d'Espagne malgré une anomalie qui l'oblige à porter en permanence un cache-œil sur l'œil droit. Les causes de ce défaut visuel sont encore méconnues de nos jours, certains parlent de strabisme, d'autres avancent l'hypothèse d'une monophtalmie (un œil perdu ou blessé) due au contact avec le tranchant d'un fleuret dans son enfance. Sa beauté, son caractère hautain, son amour pour le luxe et bien entendu son énigmatique œil droit lui sont indissociables.

Dans son livre cité en référence, Juliette Benzoni parle de la princesse d’Eboli comme d’une fort jolie femme, qu’elle décrit ainsi : « Brune et élancée, elle avait un beau visage au nez classique, aux lèvres très rouges bien qu’un peu fortes, un teint chaud parfaitement mis en valeur par la fraise empesée qui entourait son cou mince. Ses cheveux, coiffés en hauteur, encadraient un front volontaire et bien modelé. Avec tout cela contrastait, tragiquement mais non sans charme, le bandeau de taffetas noir qui cachait la perte de son œil droit, souvenir d’un accident de jeunesse. Mais de cette infirmité, dona Ana parvenait à jouer avec assez de grâce pour que le triste taffetas parût un ornement de plus sous l’arc délié des sourcils. Et l’œil qui lui restait était incroyablement long, brillant et spirituel. »

PRINCESSE D’EBOLI ET MAITRESSE DU ROI

On la marie à l'âge de douze ans avec Ruy Gómez de Silva (1516-1573), de vingt quatre ans son aîné), prince d'Éboli, une ville du Royaume de Naples. Cetteville, située dans la province de Salerne, a été rendue célèbre par le roman de Carlo Levi, publié en 1945, « le Christ s’est arrêté à Eboli » où l’auteur peint le portrait d'une région abandonnée à son triste sort et relate le mode de vie de ses habitants, leurs coutumes, leurs croyances, offrant du même coup à la littérature italienne certaines de ses plus belles pages

Le mariage est souhaité par le prince Philippe, futur roi Philippe II, le prince étant l'un de ses plus proches fidèles. De ce mariage, Ana aura 10 enfants.

Les deux époux soutiennent Thérèse d’Avila dans la construction de deux couvents de carmélites, à Pastrana, avant qu’Ana et Thérèse ne s’opposent violemment. Après la mort de son époux, la princesse désire entrer dans les ordres avec ses propres servantes. Thérèse d'Avila accepte, bien malgré elle, et la loge dans une chambre très modeste.

Bien vite, la duchesse se lasse de cette vie monacale et elle emménage dans une maison proche du couvent, avec ses domestiques, où elle peut garder ses robes et ses bijoux et être en contact avec le monde extérieur. Devant cette attitude assez déconcertante, sur ordre de Thérèse, toutes les religieuses abandonnent Pastrana, laissant seule la princesse. Cette dernière, revient à son palais de Madrid et rédige une biographie controversée de Thérèse qui sera interdite pendant dix ans par l'Inquisition.

Grâce à sa haute position sociale, elle maintient de proches relations avec le prince puis, ultérieurement, roi d'Espagne, Philippe II. Elle a été la maîtresse de ce dernier, consolant le roi de la perte de sa jeune et belle épouse, Isabelle de Valois (1545-1568), dont Ana avait été très proche.

La gaieté, le charme et l’esprit caustique d’Ana avaient su distraire l’humeur sombre de ce roi triste, qui a instauré un système bureaucratique complexe, célèbre par sa lenteur, qui lui vaut les surnoms de « rey Papelero » et de « rey Prudente ». Ana était devenue nécessaire, indispensable à Philippe II. La mort de Ruy Gomez les a séparés pendant trois ans.

LE SCANDALE D’UNE LIAISON

Après un deuil de trois ans, de retour à Madrid, en 1576, Ana entame une relation sentimentale passionnée avec Antonio Pérez (1539-1611), le secrétaire du roi. Antonio sera le grand amour de sa vie.

Antonio avait le même âge qu'elle. Leur relation était fondée sur l’amour, mais avait aussi une dimension politique, motivée également par la recherche d'un appui à la suite de la mort de son mari. Non seulement la princesse d’Eboli ne cache pas son amour pour Perez, un homme marié, mais encore elle repousse toutes les avances de Philippe II. Elle ose vouloir être fidèle à son amant, à la grande colère du roi, jaloux et pas prêt de partager les faveurs de la belle princesse avec son secrétaire d’Etat !

Leur relation est découverte par Juan de Escobedo, secrétaire de Don Juan d'Autriche, demi-frère du Roi. Antonio Pérez, ayant peur que leur liaison ne soit rendue publique, dénonce auprès du roi les liens politiques d'Escobedo. Selon Juliette Benzoni, Escobedo était amoureux de la belle princesse et s’est vengé parce qu’éconduit, comme le roi l’avait été avant lui.

Peu de temps après, Escodebo est assassiné et l'opinion publique accuse Pérez de sa mort. Il se dit que le crime a été commandité par Ana. Un an plus tard, en 1579, le roi ordonne sa mise en détention. S'ensuit la disgrâce de la princesse d'Éboli.

Il est fort probable que la révélation de la relation amoureuse entre la princesse et Antonio Pérez, leur possible complot à propos de la succession du trône vacant du Portugal et leurs supposées manigances afin d'éviter le mariage de Juan d'Autriche avec Marie Stuart aient contribué à la disgrâce de la princesse d'Éboli.

EMPRISONNEE

La princesse est emprisonnée par ordre de Philippe II en 1579, d'abord au Torreón de Pinto, puis à la forteresse de Santorcaz. Elle est privée de la tutelle de ses enfants et de l'administration de ses biens. En 1581, elle est transférée à son palais ducal de Pastrana, où elle passe le restant de sa vie accompagnée de sa fille cadette Ana de Silva et de trois domestiques. En raison de la fuite d'Antonio Pérez en 1590, Philippe II décide de faire installer des grilles aux portes et fenêtres du palais ducal. La mélancolique princesse d'Éboli passe bon nombre de ses heures au palais dans un balcon grillagé donnant sur la place de la Hora.

L'attitude cruelle de Philippe II envers la princesse reste assez inexplicable, en dehors de la jalousie envers Antonio Pérez. Dans les lettres envoyées au roi, la princesse le nomme « primo » (cousin) et lui demande de la protéger comme un bon gentilhomme le ferait. Philippe II, quant à lui, l'appelle « la hembra » (la femelle). Il est vrai que le monarque continue de protéger et de s'occuper particulièrement bien des enfants de cette dernière.

Elle ne devait jamais revoir Pérez, qui réussit à s’échapper de sa prison et à se réfugier en France. Ana mourut d’amour et d’obstination, le cœur rongé par l’absence de Pérez et par sa longue détention.

POURQUOI LA PRINCESSE D’EBOLI ?

Ana de Mendoza a été une épouse exemplaire, qui a donné dix enfants à un mari bien plus âgé qu’elle. Elle lui a été fidèle, du moins jusqu’à sa liaison avec Philippe II, devenu veuf. Devenue veuve, c’est à un âge bien avancé qu’elle rencontre le grand amour de sa vie avec Antonio Perez, liaison qui ne dura que trois ans avant que la répression ne frappe les amants.

Rien donc qui fait de la princesse d’Eboli une grande libertine, même si elle a révélé sur le tard une réelle sensualité.

Qui plus est, elle a été accusée d’avoir commandité un meurtre, en poussant son amant à assassiner Escobedo. Le point reste controversé, car Pérez a toujours affirmé que le meurtre avait été commandité par le roi, pour éliminer le plus proche collaborateur de son rival et demi-frère, Don Juan d’Autriche (1545-1578), bâtard de Charles Quint et brillant vainqueur des Turcs à Lépante.

J’ai souhaité évoquer Ana de Mendoza, parce qu’elle était une femme de caractère, qui avait osé s’opposer à la terrible Thérèse d’Avila. Elle a surtout été une femme libre et courageuse, qui a affiché un amour qui fit scandale dans une Espagne catholique si conservatrice. Une femme, issue de la plus grande noblesse d’Espagne, sœur du Grand Inquisiteur d’Espagne, osait résister au redoutable Philippe II, de refuser à lui. Elle le paya très cher.

Le courage d’Ana et son histoire tragique ajoutent à la légende noire de Philippe II. Le roi catholique n’avait pas hésité à avoir une liaison avec l’épouse de son grand ami Ruy Gomez et voulait reprendre cette liaison, alors que le roi s’était entre temps remarié avec sa nièce Anne d’Autriche (1549-1580), qui lui donna enfin un héritier.

Ce roi sinistre appliquait la maxime célèbre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Ana de Mendoza, la jolie borgne, a, elle, été fidèle à ses sentiments.

REFERENCES :

Juliette Benzoni a consacré un chapitre à la « princesse borgne » dans son livre « Par le fer ou par le poison » (Perrin, 2018)

Je renvoie également à l’article de Wikipedia sur Ana de Mendoza.

Les avis des lecteurs

Merci Julie, c'est exactement ça!

Histoire Libertine
Le roi catholique ne l'était pas tant que ça, lui qui voulait coucher avec la jolie borgne!
Ana n'est pas vraiment une libertine, mais cette chronique est, comme toujours, très intéressante!
Julie

Merci à Didier et à Laetitia, pour ces encouragements. Je sais que ces textes ont par définition une audience plus réduite que d'autres "plus hard", mais j'ai plaisir à les écrire et je me réjouis que des lectrices et lecteurs passionnés d'histoire ont plaisir à les découvrir

Merci Olga

Je connais mal l’histoire de l’Espagne.
Merci pour ce moment de lecture donc.
C’est remarquable écrit.
Comme d’habitude serais-je tentée de dire.

Histoire Erotique
Olga,
Amours et intrigues à la cours de Philippe II d’Espagne…
Ta chronique est très intéressante historiquement sur cette période sombre et marquée par l’inquisition de la très catholique Espagne.
Tout d’abord, elle m’a permis de découvrir sous un nouveau jour ce roi réputé austère et qui se disait si pieux…
Cependant, quel plaisir, à la lecture de ton écrit, de découvrir cette femme, Ana de Mendoza, qui ne fut point une femme sulfureuse, mais plutôt une femme libre et fidèle de ses choix, de ses engagements amoureux jusqu’à en mourir.
C’est encore une très belle chronique enrichissante, merci.
Didier



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