Histoire des libertines (103) : « Njinga, la guerrière »
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-05-2023 dans la catégorie Dans la zone rouge
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Histoire des libertines (103) : « Njinga, la guerrière »
Njinga, Reine du Ndongo et du Matanga, appelée aussi Nzinga (1583-1663) est une héroïne nationale d’Angola et de l’Afrique, célèbre pour sa résistance au colonialisme portugais. Elle affronta les colonisateurs portugais, qui étaient en train de dépeupler l'Afrique centrale et de la transformer en un réservoir d'esclaves destinés à être déportés au Brésil. Puissante reine d'Afrique centrale, Njinga ne recula devant aucun moyen pour préserver son territoire des colonisateurs portugais esclavagistes. Au XVIIème siècle, cette figure guerrière transgressive, dont l'intelligence n'eut d'égale que la ténacité, défia toutes les lois du genre : politiques, religieuses, sociales.
Reine guerrière, elle avait une réputation de sanguinaire. Dans les écrits occidentaux, Njinga est longtemps décrite au prisme des stéréotypes misogynes et colonialistes. Les textes du biographe Cavazzi au XVIIème siècle alimentent l’image d’une reine « cannibale » au « pouvoir démoniaque ». Le roman « Zingha reine d’Angola. Histoire africaine » de Castilhon, paru en 1769, aborde les relations entre sexe et pouvoir qu’elle incarne, illustrant d’après Catherine Gallouët « une association du désir de conquête territoriale au désir de conquête du féminin qui marque les représentations coloniales ».
Sa mémoire a été souvent été rappelée par les leaders de l'indépendance angolaise, qui l'ont érigée en icône. En 1975, à l'indépendance du pays, une statue fut érigée en son honneur au centre de Luanda, comme symbole de la résistance et de la liberté. Njinga est devenu le symbole de la lutte contre la colonisation européenne. En 2013, à la demande de l'Angola, l'Unesco inscrit la reine Njinga sur la liste des «Femmes dans l'histoire de l'Afrique», à l'occasion du 350e anniversaire de sa mort. L'organisation officialise de la sorte la réhabilitation de la souveraine, afin d'effacer la légende noire de cette guerrière, longtemps incarnation de la barbarie et de la dépravation sexuelle.
UNE ENFANCE MARQUEE PAR LES GUERRES ET LA TRAITE
Au moment où nait Njinga, les Portugais ont commencé à s’implanter sur les côtes de l’Angola. Son père, Kiluajni, est roi du Ndongo. Elle est prénommée Njinga parce qu'elle est née avec le cordon ombilical autour du cou. La tradition veut que les enfants nés ainsi deviennent des adultes fiers et hautains. Une sage-femme aurait dit à sa mère que Njinga serait reine un jour. Elle est choyée par son père, qui l'autorise à l'assister lorsqu'il gouverne son royaume et qui l'emmène avec lui lorsqu'il va faire la guerre. Njinga recevra ainsi une éducation essentiellement guerrière.
En 1617, Njinga perd son père. Son frère Mbandi s’empresse de confisquer le pouvoir. Mbandi fait assassiner la mère de Njinga et le nouveau-né qu’elle a eu avec l’un de ses concubins, et il ordonne sa stérilisation ainsi que celle de ses autres sœurs. Une fois assuré d’exercer le pouvoir sans entrave, il s’engage dans une guerre sans merci contre les Portugais, qui va mal tourner pour lui. L’Espagne, qui a pris le contrôle du Portugal et de son empire en 1580, cherche en effet à développer la traite des esclaves. Telle est la mission du gouverneur Luis Mendes de Vasconcellos, à son arrivée en Angola, en 1617.
Il en résulte un conflit de la colonie portugaise avec le Ndongo et le royaume du Kongo, qui s’étend du nord de l’actuelle Angola jusqu’au Gabon. Cette période voit le plus grand mouvement d'esclaves africains vers les Amériques depuis le début de la traite, la plupart en provenance de Luanda : entre 1619 et 1624, 11.328 Africains ont été achetés et déportés à Carthagène. Cela n'est interrompu que par la prise de Bahia et le blocus temporaire de Luanda, opérés par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, en guerre contre l’empire espagnol.
DIPLOMATE ET GUERRIERE
La première mention de Njinga dans les archives européennes remonte à 1622 lorsque son frère, Mbandé veut négocier avec les Portugais, les amener à se retirer d’une forteresse bâtie sur ses terres et à lui restituer certains de ses sujets tenus captifs. Il envoie alors sa sœur à Luanda pour une rencontre avec le nouveau gouverneur, João Correia de Sousa.
Le gouverneur n'offrit aucune chaise à Njinga, l'invitant à s'asseoir sur une paillasse pendant les négociations. Refusant de s'abaisser ainsi, Njinga ordonna à l'une de ses esclaves de se mettre à quatre pattes pour s'asseoir sur son dos. Ce geste est emblématique de la personnalité de Njinga.
Njinga se convertit alors, une première fois, au christianisme, pour renforcer le traité de paix avec le Portugal, et adopte le nom de Dona Ana de Sousa en hommage à l'épouse du gouverneur, qui est sa marraine.
Le Portugal n'honora cependant pas sa part du traité, refusant de se retirer de la forteresse d'Ambaca et de rendre les sujets du Ndongo. Cet échec poussa le frère de Njinga au suicide. Des rumeurs circulèrent, accusant Njinga de l'avoir empoisonné, rumeurs que le Portugal reprit à son compte pour refuser de la reconnaître comme le successeur de son frère. Njinga assura un temps la régence au nom de son neveu, Kaza, avant de le faire disparaitre. A compter de 1626, elle prit le titre de Reine du Ndongo.
À la tête d'une armée de soldats femmes et hommes, la reine Njinga mena une guerre sans merci contre les envahisseurs qui ravageaient et dépeuplaient l'Afrique centrale, y capturant des esclaves pour les déporter au Brésil dans les plantations de canne à sucre. Njinga décida même de rejoindre la secte terrifiante des Imbangala, des cannibales, afin de contrer et d’effrayer un ennemi mieux armé.
Pendant près de quarante ans de règne, elle mène son armée d’une main de fer contre l’envahisseur portugais, se révélant guerrière implacable et négociatrice avisée entre les différentes puissances africaines et européennes qui l’entourent. Dans une région où les formes traditionnelles d’esclavage (domestique et lié aux prises de guerre) sont une réalité omniprésente, son action entrave le développement des activités de traite conduites par les Portugais sur la côte atlantique.
La reine Njinga veut dorénavant être prise pour un homme ! Elle commence par épouser un « mâle » à qui elle impose de se vêtir en « reine » et de s’adresser à elle comme à un roi. Elle ordonne par ailleurs à ses concubins et gardes du corps de porter des vêtements féminins. Elle place autour d’elle plusieurs femmes dont elle est proche. Sa sœur, notamment, sera l’une de ses principales espionnes. Plusieurs de ses concubines commanderont des unités militaires.
En 1641, les Pays-Bas, soutenus par le royaume du Kongo, s'emparèrent de Luanda. Njinga s'empressa de leur envoyer un émissaire et de conclure une alliance avec eux contre le Portugal. Njinga remporta plusieurs succès sur les Portugais. Cependant, le Portugal, avec l'aide du Brésil, reprit Luanda et Njinga fut contrainte de se replier sur Matamba, d'où elle continua à défier les armées portugaises. Ayant passé l'âge de soixante ans, elle assurait toujours personnellement la conduite de ses armées sur les champs de bataille.
En 1657, fatiguée de ses incessantes luttes, Njinga accepta de signer un traité de paix avec le Portugal. Elle y inséra une clause engageant les Portugais à soutenir le maintien de sa famille au pouvoir. Ce traité ralentira considérablement leur installation dans la région.
Njinga va consacrer les six dernières années de sa longue existence à introduire le christianisme dans son royaume de Ndongo et du Matamba. Elle choisit parmi ses courtisans un jeune garçon appelé Sebastião et, ayant renoncé à ses quarante maris et concubines, elle l’épouse selon le rite chrétien. En 1659, elle annonce la fin des sacrifices humains dont elle était coutumière. En 1661, elle reçoit une lettre du pape Alexandre VII qui l’appelle « ma sœur dans le Christ, notre Dame Anna reine Njinga » et qui reconnaît l’indépendance de son royaume.
***
Njinga était une femme instruite. En plus de sa langue maternelle et des langues vernaculaires, elle parlait couramment le Portugais, atout de taille pour traiter avec ses adversaires. Elle connaissait également l'histoire et les populations portugaises, ce qui lui permettait de s'adapter aux situations de négociation avec une connaissance parfaite des enjeux. Redoutable stratège et diplomate, l'ensemble de son règne a consisté à préserver l'intégrité territoriale de son royaume, par la guerre et négociation avec les Portugais. Njinga envoyait régulièrement des espions à Luanda pour étudier l'entraînement des troupes portugaises, afin de préparer son armée aux combats.
Elle utilisait également les enjeux religieux et commerciaux pour négocier avec les Portugais. La promesse de conversion des peuples du Ndongo et du Matamba au christianisme était sa principale monnaie d'échange. Elle jouait de la rivalité des ordres religieux, notamment les Capucins contre les jésuites, en profitant des rivalités au sein du monde catholique après la Restauration de l’indépendance portugaise à partir de 1640.
«Celui qui est né libre se doit de conserver sa liberté et de ne pas se soumettre à d'autres», tel est le principe qui guide toute l'action de Njinga.
***
Il serait anachronique de présenter Njinga comme une féministe. Pour autant, on ne saurait oublier sa détermination à s’affirmer en tant que femme dans des postures ordinairement réservées exclusivement aux hommes comme l’art de la guerre, l’exercice du pouvoir et de la négociation.
Elle s’habille comme les hommes, du moins quand elle participe au combat. Elle entretient un harem de vaillants guerriers et quand elle épouse Ngola Ntombo, elle l’oblige à s'habiller en femme car elle voulait que tout le monde la considère comme si elle appartenait à la gent masculine. Bisexuelle, elle disposait également d’un harem composé de femmes pour son usage personnel
Certains mouvements féministes ont largement contribué à faire de Njinga l’archétype de la femme qui vit sa sexualité hors des normes morales imposées par la tradition chrétienne ou locale, même si à la fin de sa vie, elle avait interdit la polygamie.
L’interprétation du personnage est ainsi fonction de la situation politico-culturelle du moment. Cela entraîne une recomposition de son image. Les féministes des années 75-80 mettent en avant sa volonté constante de se libérer des interdits touchant la sexualité, évacuant les prédicats que les encyclopédistes ou les écrivains du XVIII° siècle avaient attachés à son nom (Elle « immolait ses amants dès qu’ils avaient joui d’elle » " écrit Sade dans sa Philosophie dans le boudoir).
Perçue dans la durée, Njinga acquiert une fonction polémique de revendication au service de causes qui sont le produit « du milieu et du moment » et se voit du même coup idéalisée par une série de simplifications (on fait ainsi l’impasse sur le métissage religieux qu’elle a toujours pratiqué entre les rites mbundu et chrétiens, sur le cannibalisme, sur la pratique esclavagiste etc.)
Linda M. Heywood, professeure d'histoire à l'université de Boston, a mis neuf ans à réunir la documentation, recoupant les sources portugaises, jugées partiales, avec celles des bibliothèques en Angola, Italie, France, Vatican, Brésil, Angleterre, et Pays-Bas. Ce travail, à partir de l’étude scrupuleuse d’archives inédites, sera traduit et édité en Français en 2018. Il rend justice à ce personnage hors norme, qui a toute sa place dans l'histoire africaine et mondiale.
Les « vies posthumes « de Njinga comme sa personnalité et ses modes d’actions politiques ne sont pas seulement la preuve de sa survivance dans la mémoire collective africaine ou afro-américaine ; elles suscitent des interrogations qui touchent aux fondements de l’histoire et de l’anthropologie tels les rapports entre barbarie et civilisation, le statut de l‘esclavage et celui de la femme vis-à-vis des institutions politiques. Ce qui fait de la « lionne du Matamba » une personnalité à part.
Femme libre, reine courageuse et fière qui défendit ardemment son rang et son africanité, Njinga reste vivante dans la mémoire des descendants d'esclaves, en Amérique comme en Afrique centrale.
REFERENCES :
• Jean-Michel Deveau, « La reine Nzingha et l'Angola au XVIIe siècle » (Karthala, 2015)
• Linda H. Heywood (trad. de l'anglais), « Njinga : Histoire d'une reine guerrière (1582-1663) » (La Découverte, 2018)
• « Njinga, la lionne du Matamba », 2 tomes (2020 et 2022) de Jean-Pierre Pécau (scénariste) et Alessia De Vincenzi (illustratrice) dans la collection des bandes dessinées historiques « Les reines de sang » (Delcourt)
Sur le web, je recommande la lecture de :
• https://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi/biography
• https://www.caminteresse.fr/histoire/njinga-la-fascinante-reine-guerriere-dangola-11125648/
• https://www.liberation.fr/livres/2018/09/26/njinga-reine-sanguinaire-et-sans-pitie_1681417/
• https://www.africavivre.com/angola/a-lire/la-reine-njinga-de-la-realite-au-mythe.html
• https://memoire-esclavage.org/biographies/njinga
• https://www.dw.com/fr/la-reine-njinga-mbande-la-guerri%C3%A8re-diplomate/a-42038809
Reine guerrière, elle avait une réputation de sanguinaire. Dans les écrits occidentaux, Njinga est longtemps décrite au prisme des stéréotypes misogynes et colonialistes. Les textes du biographe Cavazzi au XVIIème siècle alimentent l’image d’une reine « cannibale » au « pouvoir démoniaque ». Le roman « Zingha reine d’Angola. Histoire africaine » de Castilhon, paru en 1769, aborde les relations entre sexe et pouvoir qu’elle incarne, illustrant d’après Catherine Gallouët « une association du désir de conquête territoriale au désir de conquête du féminin qui marque les représentations coloniales ».
Sa mémoire a été souvent été rappelée par les leaders de l'indépendance angolaise, qui l'ont érigée en icône. En 1975, à l'indépendance du pays, une statue fut érigée en son honneur au centre de Luanda, comme symbole de la résistance et de la liberté. Njinga est devenu le symbole de la lutte contre la colonisation européenne. En 2013, à la demande de l'Angola, l'Unesco inscrit la reine Njinga sur la liste des «Femmes dans l'histoire de l'Afrique», à l'occasion du 350e anniversaire de sa mort. L'organisation officialise de la sorte la réhabilitation de la souveraine, afin d'effacer la légende noire de cette guerrière, longtemps incarnation de la barbarie et de la dépravation sexuelle.
UNE ENFANCE MARQUEE PAR LES GUERRES ET LA TRAITE
Au moment où nait Njinga, les Portugais ont commencé à s’implanter sur les côtes de l’Angola. Son père, Kiluajni, est roi du Ndongo. Elle est prénommée Njinga parce qu'elle est née avec le cordon ombilical autour du cou. La tradition veut que les enfants nés ainsi deviennent des adultes fiers et hautains. Une sage-femme aurait dit à sa mère que Njinga serait reine un jour. Elle est choyée par son père, qui l'autorise à l'assister lorsqu'il gouverne son royaume et qui l'emmène avec lui lorsqu'il va faire la guerre. Njinga recevra ainsi une éducation essentiellement guerrière.
En 1617, Njinga perd son père. Son frère Mbandi s’empresse de confisquer le pouvoir. Mbandi fait assassiner la mère de Njinga et le nouveau-né qu’elle a eu avec l’un de ses concubins, et il ordonne sa stérilisation ainsi que celle de ses autres sœurs. Une fois assuré d’exercer le pouvoir sans entrave, il s’engage dans une guerre sans merci contre les Portugais, qui va mal tourner pour lui. L’Espagne, qui a pris le contrôle du Portugal et de son empire en 1580, cherche en effet à développer la traite des esclaves. Telle est la mission du gouverneur Luis Mendes de Vasconcellos, à son arrivée en Angola, en 1617.
Il en résulte un conflit de la colonie portugaise avec le Ndongo et le royaume du Kongo, qui s’étend du nord de l’actuelle Angola jusqu’au Gabon. Cette période voit le plus grand mouvement d'esclaves africains vers les Amériques depuis le début de la traite, la plupart en provenance de Luanda : entre 1619 et 1624, 11.328 Africains ont été achetés et déportés à Carthagène. Cela n'est interrompu que par la prise de Bahia et le blocus temporaire de Luanda, opérés par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, en guerre contre l’empire espagnol.
DIPLOMATE ET GUERRIERE
La première mention de Njinga dans les archives européennes remonte à 1622 lorsque son frère, Mbandé veut négocier avec les Portugais, les amener à se retirer d’une forteresse bâtie sur ses terres et à lui restituer certains de ses sujets tenus captifs. Il envoie alors sa sœur à Luanda pour une rencontre avec le nouveau gouverneur, João Correia de Sousa.
Le gouverneur n'offrit aucune chaise à Njinga, l'invitant à s'asseoir sur une paillasse pendant les négociations. Refusant de s'abaisser ainsi, Njinga ordonna à l'une de ses esclaves de se mettre à quatre pattes pour s'asseoir sur son dos. Ce geste est emblématique de la personnalité de Njinga.
Njinga se convertit alors, une première fois, au christianisme, pour renforcer le traité de paix avec le Portugal, et adopte le nom de Dona Ana de Sousa en hommage à l'épouse du gouverneur, qui est sa marraine.
Le Portugal n'honora cependant pas sa part du traité, refusant de se retirer de la forteresse d'Ambaca et de rendre les sujets du Ndongo. Cet échec poussa le frère de Njinga au suicide. Des rumeurs circulèrent, accusant Njinga de l'avoir empoisonné, rumeurs que le Portugal reprit à son compte pour refuser de la reconnaître comme le successeur de son frère. Njinga assura un temps la régence au nom de son neveu, Kaza, avant de le faire disparaitre. A compter de 1626, elle prit le titre de Reine du Ndongo.
À la tête d'une armée de soldats femmes et hommes, la reine Njinga mena une guerre sans merci contre les envahisseurs qui ravageaient et dépeuplaient l'Afrique centrale, y capturant des esclaves pour les déporter au Brésil dans les plantations de canne à sucre. Njinga décida même de rejoindre la secte terrifiante des Imbangala, des cannibales, afin de contrer et d’effrayer un ennemi mieux armé.
Pendant près de quarante ans de règne, elle mène son armée d’une main de fer contre l’envahisseur portugais, se révélant guerrière implacable et négociatrice avisée entre les différentes puissances africaines et européennes qui l’entourent. Dans une région où les formes traditionnelles d’esclavage (domestique et lié aux prises de guerre) sont une réalité omniprésente, son action entrave le développement des activités de traite conduites par les Portugais sur la côte atlantique.
La reine Njinga veut dorénavant être prise pour un homme ! Elle commence par épouser un « mâle » à qui elle impose de se vêtir en « reine » et de s’adresser à elle comme à un roi. Elle ordonne par ailleurs à ses concubins et gardes du corps de porter des vêtements féminins. Elle place autour d’elle plusieurs femmes dont elle est proche. Sa sœur, notamment, sera l’une de ses principales espionnes. Plusieurs de ses concubines commanderont des unités militaires.
En 1641, les Pays-Bas, soutenus par le royaume du Kongo, s'emparèrent de Luanda. Njinga s'empressa de leur envoyer un émissaire et de conclure une alliance avec eux contre le Portugal. Njinga remporta plusieurs succès sur les Portugais. Cependant, le Portugal, avec l'aide du Brésil, reprit Luanda et Njinga fut contrainte de se replier sur Matamba, d'où elle continua à défier les armées portugaises. Ayant passé l'âge de soixante ans, elle assurait toujours personnellement la conduite de ses armées sur les champs de bataille.
En 1657, fatiguée de ses incessantes luttes, Njinga accepta de signer un traité de paix avec le Portugal. Elle y inséra une clause engageant les Portugais à soutenir le maintien de sa famille au pouvoir. Ce traité ralentira considérablement leur installation dans la région.
Njinga va consacrer les six dernières années de sa longue existence à introduire le christianisme dans son royaume de Ndongo et du Matamba. Elle choisit parmi ses courtisans un jeune garçon appelé Sebastião et, ayant renoncé à ses quarante maris et concubines, elle l’épouse selon le rite chrétien. En 1659, elle annonce la fin des sacrifices humains dont elle était coutumière. En 1661, elle reçoit une lettre du pape Alexandre VII qui l’appelle « ma sœur dans le Christ, notre Dame Anna reine Njinga » et qui reconnaît l’indépendance de son royaume.
***
Njinga était une femme instruite. En plus de sa langue maternelle et des langues vernaculaires, elle parlait couramment le Portugais, atout de taille pour traiter avec ses adversaires. Elle connaissait également l'histoire et les populations portugaises, ce qui lui permettait de s'adapter aux situations de négociation avec une connaissance parfaite des enjeux. Redoutable stratège et diplomate, l'ensemble de son règne a consisté à préserver l'intégrité territoriale de son royaume, par la guerre et négociation avec les Portugais. Njinga envoyait régulièrement des espions à Luanda pour étudier l'entraînement des troupes portugaises, afin de préparer son armée aux combats.
Elle utilisait également les enjeux religieux et commerciaux pour négocier avec les Portugais. La promesse de conversion des peuples du Ndongo et du Matamba au christianisme était sa principale monnaie d'échange. Elle jouait de la rivalité des ordres religieux, notamment les Capucins contre les jésuites, en profitant des rivalités au sein du monde catholique après la Restauration de l’indépendance portugaise à partir de 1640.
«Celui qui est né libre se doit de conserver sa liberté et de ne pas se soumettre à d'autres», tel est le principe qui guide toute l'action de Njinga.
***
Il serait anachronique de présenter Njinga comme une féministe. Pour autant, on ne saurait oublier sa détermination à s’affirmer en tant que femme dans des postures ordinairement réservées exclusivement aux hommes comme l’art de la guerre, l’exercice du pouvoir et de la négociation.
Elle s’habille comme les hommes, du moins quand elle participe au combat. Elle entretient un harem de vaillants guerriers et quand elle épouse Ngola Ntombo, elle l’oblige à s'habiller en femme car elle voulait que tout le monde la considère comme si elle appartenait à la gent masculine. Bisexuelle, elle disposait également d’un harem composé de femmes pour son usage personnel
Certains mouvements féministes ont largement contribué à faire de Njinga l’archétype de la femme qui vit sa sexualité hors des normes morales imposées par la tradition chrétienne ou locale, même si à la fin de sa vie, elle avait interdit la polygamie.
L’interprétation du personnage est ainsi fonction de la situation politico-culturelle du moment. Cela entraîne une recomposition de son image. Les féministes des années 75-80 mettent en avant sa volonté constante de se libérer des interdits touchant la sexualité, évacuant les prédicats que les encyclopédistes ou les écrivains du XVIII° siècle avaient attachés à son nom (Elle « immolait ses amants dès qu’ils avaient joui d’elle » " écrit Sade dans sa Philosophie dans le boudoir).
Perçue dans la durée, Njinga acquiert une fonction polémique de revendication au service de causes qui sont le produit « du milieu et du moment » et se voit du même coup idéalisée par une série de simplifications (on fait ainsi l’impasse sur le métissage religieux qu’elle a toujours pratiqué entre les rites mbundu et chrétiens, sur le cannibalisme, sur la pratique esclavagiste etc.)
Linda M. Heywood, professeure d'histoire à l'université de Boston, a mis neuf ans à réunir la documentation, recoupant les sources portugaises, jugées partiales, avec celles des bibliothèques en Angola, Italie, France, Vatican, Brésil, Angleterre, et Pays-Bas. Ce travail, à partir de l’étude scrupuleuse d’archives inédites, sera traduit et édité en Français en 2018. Il rend justice à ce personnage hors norme, qui a toute sa place dans l'histoire africaine et mondiale.
Les « vies posthumes « de Njinga comme sa personnalité et ses modes d’actions politiques ne sont pas seulement la preuve de sa survivance dans la mémoire collective africaine ou afro-américaine ; elles suscitent des interrogations qui touchent aux fondements de l’histoire et de l’anthropologie tels les rapports entre barbarie et civilisation, le statut de l‘esclavage et celui de la femme vis-à-vis des institutions politiques. Ce qui fait de la « lionne du Matamba » une personnalité à part.
Femme libre, reine courageuse et fière qui défendit ardemment son rang et son africanité, Njinga reste vivante dans la mémoire des descendants d'esclaves, en Amérique comme en Afrique centrale.
REFERENCES :
• Jean-Michel Deveau, « La reine Nzingha et l'Angola au XVIIe siècle » (Karthala, 2015)
• Linda H. Heywood (trad. de l'anglais), « Njinga : Histoire d'une reine guerrière (1582-1663) » (La Découverte, 2018)
• « Njinga, la lionne du Matamba », 2 tomes (2020 et 2022) de Jean-Pierre Pécau (scénariste) et Alessia De Vincenzi (illustratrice) dans la collection des bandes dessinées historiques « Les reines de sang » (Delcourt)
Sur le web, je recommande la lecture de :
• https://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi/biography
• https://www.caminteresse.fr/histoire/njinga-la-fascinante-reine-guerriere-dangola-11125648/
• https://www.liberation.fr/livres/2018/09/26/njinga-reine-sanguinaire-et-sans-pitie_1681417/
• https://www.africavivre.com/angola/a-lire/la-reine-njinga-de-la-realite-au-mythe.html
• https://memoire-esclavage.org/biographies/njinga
• https://www.dw.com/fr/la-reine-njinga-mbande-la-guerri%C3%A8re-diplomate/a-42038809
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16 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
@ Alain Dex, un plaisir pour moi que de permettre ces découvertes!
cette histoire de Njinga la guerrière, est une révélation pour moi, mille mercis à Olga T...
Merci Briard. Oui une telle femme mérite d'être connue!
Excellent texte biographique Olga, un plaisir à lire. C'est captivant, enrichissant et finalement assez novateur d'apprendre qu'une reine a combattu à l'époque d'Isabelle la Catholique démontrant que les femmes ont largement contribué à l'écriture de l'histoire. Briard
@ Julie, si rien ne justifie les excès de Njinga, les pires criminels furent, en effet,les colonisateurs et leur traite des esclaves déportant des populations à fond de cale vers les Amériques
Quand bien même Njinga a utilisé des armes terribles, comme le cannibalisme, pour terrifier ses adversaires, on ne saurait oublier que les agresseurs, ceux qui commirent l'abominable crime contre l'humanité que fut la traite négrière, ce furent les colonisateurs portugais.
Ce que je retiens est cette belle phrase qu'on lui attribue: «Celui qui est né libre se doit de conserver sa liberté et de ne pas se soumettre à d'autres»
Merci pour avoir rappelé le parcours de la "lionne du Matamba"
Julie
Ce que je retiens est cette belle phrase qu'on lui attribue: «Celui qui est né libre se doit de conserver sa liberté et de ne pas se soumettre à d'autres»
Merci pour avoir rappelé le parcours de la "lionne du Matamba"
Julie
@ Daniel, pas de soucis!
@ cher lectrice anonyme, je suis consciente que l'audience est restreinte, mais je continue à faire le pari de continuer à écrire de tels textes
@ JA, je suis entièrement d'accord avec toi
@ cher lectrice anonyme, je suis consciente que l'audience est restreinte, mais je continue à faire le pari de continuer à écrire de tels textes
@ JA, je suis entièrement d'accord avec toi
Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'Histoire et ce sont des hommes en général.
Si une femme leur a botté le cul, cela ne peut être dû à son intelligence ou à ses qualités de stratège.
Elle a fait un pacte avec des forces démoniaques et se livre à des rites innommables, forcément.
Jolie page d'Histoire.
Si une femme leur a botté le cul, cela ne peut être dû à son intelligence ou à ses qualités de stratège.
Elle a fait un pacte avec des forces démoniaques et se livre à des rites innommables, forcément.
Jolie page d'Histoire.
J'aurais jamais pensé apprendre qu'un tel personnage eut existé sur un site pareil
@ Olga, pardon pour le clin d'œil à toi et Micky, mais voilà une véritable "saga africaine"
Daniel
Daniel
@ Chris, je suis une inconditionnelle des textes de Laetitia et elle suit mes publications. C'est un plaisir que de pouvoir lire des auteures comme elle, mais aussi comme toi, comme Micky, Patrick et quelques autres (le danger avec une énumération est d'en oublier :-)
La qualité permet aussi d'attirer sur cette page de nouveaux auteurs, comme Chloé et Juliette. Une excellente nouvelle!
La qualité permet aussi d'attirer sur cette page de nouveaux auteurs, comme Chloé et Juliette. Une excellente nouvelle!
Latitia et Olga, deux femmes qui immanquablement devaient se recontrer...
Merci à Laetitia, Didier ainsi que Chloé et Juliette, que suis heureuse de voir sur HDS
Il est bon de rappeler que les femmes ont aussi fait l'histoire. La reine Njinga est une icône en Afrique, symbole de la lutte contre le colonialisme et aussi symbole du féminisme.
Bien sûr Njinga a eu son côté sombre, mais quelle femme!
Il est bon de rappeler que les femmes ont aussi fait l'histoire. La reine Njinga est une icône en Afrique, symbole de la lutte contre le colonialisme et aussi symbole du féminisme.
Bien sûr Njinga a eu son côté sombre, mais quelle femme!
Bonsoir Olga :) C'est parfait comme d'habitude :)
Chloé et Juliette
Chloé et Juliette
Olga,
Je fais preuve d’une vraie méconnaissance sur l’histoire de l’Afrique et merci donc d’avoir levé par cet écrit un pan du voile.
C’est une drôle de femme au multiples facettes, que tu nous présente là avec cette chronique atypique.
Combative et guerrière, elle a su tenir fermement face aux européens, afin de défendre les droits de l’Afrique et de ces peuples.
Libertine, elle le fût probablement avec ses deux harems masculins et féminins.
Fît-t-elle preuve d’un certain féminisme, voire de misandrie, peut-être au regard de la manière dont elle a traité les hommes de son entourage.
Ce qui est sûr c’est qu’elle est devenue et reste l’icône emblématique de tout un pays, l’Angola, faisant donc d’elle une figure marquante de l’histoire africaine, comme peut l’être le roi zoulou Cetshwayo.
Didier
Je fais preuve d’une vraie méconnaissance sur l’histoire de l’Afrique et merci donc d’avoir levé par cet écrit un pan du voile.
C’est une drôle de femme au multiples facettes, que tu nous présente là avec cette chronique atypique.
Combative et guerrière, elle a su tenir fermement face aux européens, afin de défendre les droits de l’Afrique et de ces peuples.
Libertine, elle le fût probablement avec ses deux harems masculins et féminins.
Fît-t-elle preuve d’un certain féminisme, voire de misandrie, peut-être au regard de la manière dont elle a traité les hommes de son entourage.
Ce qui est sûr c’est qu’elle est devenue et reste l’icône emblématique de tout un pays, l’Angola, faisant donc d’elle une figure marquante de l’histoire africaine, comme peut l’être le roi zoulou Cetshwayo.
Didier
Alors là ! Je ne connaissais pas du tout.
Merci donc Olga pour cette épisode.
Comme quoi le matriarcat et les reines changent parfois l’histoire.
J’aime bien le final et le parallèle avec le mouvement féministe. Eh oui, les féministes des années 70 revendiquaient le droit à leur corps et à un e et sexualité libre, ainsi qu’à leur place au sein de la famille et de la société. Bien loin des neo-féministes d’aujourd’hui, aux messages plus sur flous.
Merci donc Olga pour cette épisode.
Comme quoi le matriarcat et les reines changent parfois l’histoire.
J’aime bien le final et le parallèle avec le mouvement féministe. Eh oui, les féministes des années 70 revendiquaient le droit à leur corps et à un e et sexualité libre, ainsi qu’à leur place au sein de la famille et de la société. Bien loin des neo-féministes d’aujourd’hui, aux messages plus sur flous.