Histoire des libertines (113) : Femmes et libertinage au XVIIIe siècle.

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Auteur femme.
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Récit libertin : Histoire des libertines (113) : Femmes et libertinage au XVIIIe siècle. Histoire érotique Publiée sur HDS le 28-05-2024 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Histoire des libertines (113) : Femmes et libertinage au XVIIIe siècle.
AVERTISSEMENT

Dans mes publications historiques, sous la rubrique « Histoire des libertines », le XVIIIe siècle occupe une place toute particulière. Je rappelle à la fin toutes les chroniques déjà publiées, dont je recommande la lecture ou la relecture.

Plus récemment, à l’occasion de la publication de ma dernière chronique, « Histoire des libertines (112) : « La nouvelle coterie féminine » dans l’Angleterre géorgienne. », parue le 23 avril 2024, une de mes fidèles lectrices, Julie, m’a invité à consacrer une chronique spéciale à cette période clé.

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UN SIÈCLE LIBERTIN ?

Le XVIIIe siècle repousse les limites imposées par le carcan religieux et jouit des plaisirs et des nouvelles libertés conquises. Les femmes dans un contexte politique prérévolutionnaire découvrent une forme de pouvoir et d’indépendance qui s'éteindra au siècle suivant.

Dans sa préface à l’ouvrage collectif cité en référence, Anne Girardot écrit : « Le XVIIIe siècle s’est accompagné d’une certaine libération sexuelle des femmes, qui n’hésitent nullement, dans les classes privilégiées tout au moins, à afficher leurs goûts et leurs fantaisies amoureuses. ».

En France, la fin du règne de Louis XIV fut marquée par une austérité des mœurs, incarnée par Mme de Maintenon. J’ai eu l’occasion de souligner le paradoxe que cela constitua pour celle qui, au cours de sa vie, ne fut pas toujours une sainte et une bigote. (Voir « Histoire des libertines (30) : Mme de Maintenon, pas seulement dévote ! », texte publié le 28 mai 2019.)

L’institution du salon, qui connaît en France sa période de gloire au XVIIIe siècle, permet, à l’occasion de réunions régulières, des rencontres entre les deux sexes et entre des individus de milieux et d’origines divers. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de lieux démocratiques – on s’y rend par invitation ou patronné par un habitué – mais le salon permet d’entretenir une fiction d’égalité et de promouvoir des discussions.

Ne faisons pas d’anachronismes : le XVIIIe siècle n’est pas « féministe ». Il marque cependant une certaine liberté des mœurs dans les milieux privilégiés et intellectuels, aussi bien en France qu’en Angleterre. Nous verrons aussi pourquoi le XIXe siècle se caractérise par un certain retour à l’ordre moral, symbolisé par la réaction victorienne en Angleterre et par la conception napoléonienne de la femme en France, symbolisée par le Code Civil.

Si, au XVIIIe siècle, les femmes de la haute société imposent leur émancipation intellectuelle, allant de pair avec une certaine liberté sexuelle, celle-ci se fera au détriment de leur sexualité au XIXe siècle.

Le XVIIIe est le siècle du libertinage, celui où la galanterie repose sur une association ludique entre amour et violence : l’homme est le séducteur, la femme est la proie. Les rôles sont distribués avec une précision et une exigence parfaites : l’homme insiste verbalement puis physiquement pour avoir une relation sexuelle avec la femme qui, quant à elle, doit, pour préserver ses apparences de pudeur, dire non, et céder à son désir seulement car elle y est contrainte et forcée.

J’aborde le sujet en me concentrant sur la France du siècle des lumières. Dans un contexte différent, un phénomène équivalent s’est produit en Angleterre, comme le prouvent « la nouvelle coterie féminine » et l’histoire de la « scandaleuse » Lady Worsley. Là également, le libertinage de la période « géorgienne » laissa la place au conformisme victorien.

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DE LA LIBÉRATION PAR LA RÉGENCE A LA FRIVOLITÉ DE MARIE-ANTOINETTE

La Régence fut incontestablement une période libération des mœurs. Sous la Régence, les orgies et parties de débauche se multiplient au Palais Royal ou ailleurs (comme on peut les voir dans le film de Bertrand Tavernier, réalisé en 1975, « Que la fête commence »).

Anne Girardot souligne que, si la Régence a ouvert la voie, plus que le Régent, « Louis XV donna aux femmes le goût de plaire. » Il suffit de penser au célèbre « Parc aux cerfs » et au rôle de maquerelle assumée par la Pompadour, ou encore, à la fin du règne, à la sulfureuse Madame Du Barry, roturière d’origine et ancienne prostituée.

Le roi Louis XVI fut bien différent de ses deux prédécesseurs. Mais beaucoup a été dit sur Marie-Antoinette, la dernière reine de France : frivole, dépensière, écervelée, infidèle, lubrique. On ne saura jamais la vérité sur l’intimité de la reine la plus haïe et bafouée de l’histoire de France, mais, qui, pour son malheur, incarna aussi ce siècle libertin.

Si les hommes libertins peuvent étaler leur conduite au grand jour et ne recourir à la tartufferie que de manière occasionnelle, les femmes qui s’adonnent au libertinage n’ont d’autre choix que d’agir sous le masque apparent de la vertu. Il faut d’ailleurs souligner que, même au XVIIIe siècle, la femme ne peut prétendre à l’autonomie économique et sociale.

Les enjeux des libertines ne sont pas ceux des libertins. Leur état d’esprit n’était pas le même. Leur projet ne se limitait pas à la liberté sexuelle. Leur ambition état bien plus vaste. Elles cherchaient les voies de leur indépendance, et faisaient face à des pesanteurs et des obstacles de toute sorte. Il en est ressorti une nouvelle sorte de femmes, certes très minoritaires, autonomes, maîtresses de leurs choix, ne laissant personne décider en leur nom et place.

Contrairement à une idée reçue, le siècle des Lumières ne l'est pas pour les femmes, sauf pour une infime minorité. Du moins sur un plan juridique et social. Dans le domaine de la santé publique, mais aussi de la sexualité, les historiens observent de réelles évolutions, au moins dans certains milieux privilégiés. Très peu de femmes de la noblesse ou de la bourgeoisie pouvaient réellement vivre une sexualité libre sous l'Ancien Régime. Lorsqu'elles devenaient veuves, elles évitaient souvent de se remarier, ce qui leur procurait un peu plus de liberté.

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UN EXEMPLE DE LIBERTINAGE : LA SCANDALEUSE DUCHESSE DU BERRY, FILLE DU REGENT ;

J’ai déjà raconté l’histoire de la fille du Régent (voir ci-dessous la rubrique « lectures conseillées ».)

Dans son ouvrage indiqué en référence, caractérisant la libération des mœurs et le libertinage associés à la Régence, Jean-Noël Vuarnet mentionne en passant « Au palais du Luxembourg, une amazone, la duchesse de Berry, fille préférée du Régent, se fait ouvertement monter par tout Paris, abbés et palefreniers compris. » (p.14).

Veuve à dix-huit ans, la duchesse de Berry se libéra de toute contrainte après la mort de Louis XIV. Fille préférée de Philippe d’Orléans, Mme de Berry était devenue la première dame de la Cour à l’avènement de la Régence et n’avait que l’embarras du choix quand elle sélectionnait ses amants éphémères parmi les nombreux courtisans ambitionnant tous de la séduire et de satisfaire sa voracité sexuelle pour bénéficier ensuite de sa faveur auprès du Régent, son père. Une fois installée au palais du Luxembourg sa sexualité débridée ne cessa d’inspirer les chansonniers satiriques. Cette princesse de sang royal à la cuisse trop légère, s’enivrait souvent plus que de raison, et parfois, s’encanaillait dans ses passades amoureuses, offrant l’avide fond de sa rose aux saillies de ses gardes et de ses palefreniers les mieux montés.

La « Vénus du Luxembourg » se montrait une amoureuse insatiable qui chevauchait ses « étalons » avec fougue et faisait grande consommation de ses montures, les réduisant au statut d’objets sexuels. De plus, ses appétits génésiques perdaient toute limite dès qu'elle était grosse, ce qui fut souvent le cas malgré son veuvage. Grande protagoniste des orgies de son père, même quand elle était enceinte, la Berry ne rougissait pas d’y exhiber sa nudité plantureuse, rayonnante d’orgueil et de beauté lascive, lorsque à la lueur des flambeaux elle dévoilait sa silhouette appétissante, pourtant fort alourdie par une maternité avancée. « Grosse à pleine ceinture, la féconde Berry » tenait le premier rôle dans les jeux théâtraux inspirés de la mythologie gréco-romaine qui accompagnaient souvent ces soirées licencieuses. Arborant fièrement sa fécondité triomphante, telle une déesse-mère antique, la princesse s’accouplait avec quelque éphèbe robuste, enchaînant les postures érotiques et reconstituant au naturel les tableaux des amours de Vénus, faisant étalage de ses talents amoureux et incitant l’assemblée des « roués », compagnons d’orgie du Régent, à imiter sa hiérogamie sacrée en une bacchanale enfiévrée.

Vuarnet note en exergue de son captivant essai : « C’est le joli temps de la Régence. Où l’on fit tout excepté pénitence. ». Peut-être, mais, la « Messaline de Berry », comme la surnommaient souvent les chansons satiriques dès les débuts de la Régence, alternait l’assouvissement de ses appétits charnels avec des retraites au couvent des Carmélites dont elle était la plus illustre visiteuse, y faisant pénitence pour se replonger ensuite avec encore plus de ferveur dans ses fureurs lubriques, comme ce fut le cas fin mars 1719, alors que se trouvant au bord de l'accouchement, elle fit de retraites fréquentes chez les Carmélites (bien trop discrètes pour s'offusquer du ventre gigantesque de la princesse), sans pour autant mettre un terme à ses orgies nocturnes trop arrosées de champagne et d’alcools violents. Les débauches et les folies de la duchesse finirent par la tuer.

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UN SYMBOLE LITTERAIRE : LE SCANDALE DES « LIAISONS DANGEREUSES ».

Le symbole de ce XVIIIe siècle libertin reste le roman de Pierre Choderlos de Laclos « Les Liaisons dangereuses », publié en 1782. Anciens amants et grands libertins, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil se confient, par lettres, leurs projets de conquêtes amoureuses. La marquise cherche à dépraver la jeune Cécile de Volanges pour assouvir une vengeance, tandis que le vicomte manœuvre pour séduire la vertueuse présidente de Tourvel. Tantôt alliés, tantôt rivaux, c'est avec art qu'ils trompent leur entourage tout en préservant leur réputation.

Le livre de Laclos entraîna immédiatement un immense scandale lié à la scélératesse des libertins et à la sensualité des scènes libertines (Valmont avec Emilie, la Comtesse de***, Cécile et Mme de Tourvel - Mme de Merteuil avec Belleroche, Prévan et Danceny). Toutefois l’œuvre de Laclos n’est pas comparable à celle de Sade. Même si, comme le dit Malraux, l’enjeu de l’intrigue se résume à « qui couche avec qui », l’érotisme n’est jamais cru mais toujours suggéré. La sensualité du livre repose sur une maîtrise parfaite de l’art de la suggestion (euphémismes, litotes, sous-entendus, métaphores) et le libertinage se situe bien plus dans les paroles que dans les actes.

De même, si la mort de Valmont et le déshonneur de Merteuil semblent offrir, dans une certaine mesure, une fin moralisatrice, le livre n’apparaît cependant pas comme un hymne à la vertu. En effet, d’une part, tous les personnages vertueux échouent, et d’autre part l’échec de Mme de Merteuil - démasquée, défigurée et dépouillée de ses biens - est quelque peu nuancé par sa fuite en Hollande avec ses bijoux et son argenterie. Quant à Valmont, sa mort tragique rachète en partie sa conduite scélérate.

L’intérêt de ce livre n’est donc pas dans sa portée morale puisqu’il est permis d’y voir aussi bien une condamnation du libertinage qu’un vrai manuel de débauche, avec les précautions prises par l’auteur. À travers ce livre sur le danger des liaisons sentimentales, Laclos offre aussi une réflexion sur l’éducation des femmes, sujet qui lui tient à cœur et sur lequel il rédigea trois essais entre 1783 et 1802.

À la question proposée par l’académie de Châlons-sur-Marne : « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? », Laclos répond par un bilan très négatif sur la condition de la femme, asservie sexuellement, socialement et juridiquement par l’homme et invite la femme à s’émanciper par la révolte. En cela, la révolte de Mme de Merteuil, jeune femme autodidacte qui revendique depuis son veuvage une indépendance totale (« Savez-vous, Vicomte, pourquoi je ne me suis pas remariée ? ... c’est uniquement pour que personne n’ait le droit de trouver à redire à mes actions. ») Il s’agit d’une tentative romanesque de libération de la femme face à une réalité de servitude. Quant au parcours de la jeune Cécile, il peut s’interpréter comme une mise en garde contre la naïveté des jeunes filles innocentes, sorties du couvent et finalement pas éduquées.

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RETOUR EN ARRIERE

La Révolution porte un coup à la sociabilité des Lumières et à la liberté de ton des salons. L’idéal qui en émerge réduit les femmes au rôle de mère et d’épouse. En 1793, Olympe de Gouges monte à l’échafaud après avoir réclamé une égalité de droits à laquelle elle avait pu croire, mais qui ne devait pas être véritablement remise à l’ordre du jour avant plus d’un siècle.

Il n’est pas surprenant que, pendant la Terreur, sous le règne de la vertu, Marie-Antoinette comme la Du Barry furent comparées à Messaline. Devant le Tribunal Révolutionnaire, les liaisons hors mariage, réelles ou supposées, et le libertinage sont des éléments à charge, qui nourrissent les accusations et toujours, pour l’accusateur public, une circonstance aggravante.

La conception napoléonienne est dans la même lignée. Le Code civil de 1804 fait de la femme une mineure permanente, qui passe de la tutelle du père à celle du mari. Il suffit de se souvenir de ce que Napoléon, qui n’oubliant pas les infidélités de sa chère Joséphine, disait de la très libertine Theresa Tallien. Les rapports de Theresa avec Bonaparte furent très tendus. Il écrivit un jour à Joséphine : « Je te défends de voir madame Tallien, sous quelque prétexte que ce soit. Je n'admettrai aucune excuse. Si tu tiens à mon estime, ne transgresse jamais le présent ordre ». Devenu empereur, il lui refuse une invitation pour le bal des Tuileries, au prétexte qu'elle avait «eu deux ou trois maris et des enfants de tout le monde». Avec le Premier Consul, c’est le retour à l’ordre moral. Theresa, qualifiée de « Messaline » et de « plus grande putain de Paris » est désormais personnalité « non grata ».

Alors que l'image du libertin est globalement associée à la liberté, celle de la libertine est reléguée au rang des abominations. L'homme peut dominer la femme, mais la femme émancipée heurte la bonne morale bourgeoise, même sous la Révolution.

On peut aussi se remémorer l’hostilité entre Napoléon et la très libertine Mme de Staël. Le 3 janvier 1798, Talleyrand ménage une entrevue de Germaine avec Bonaparte. Elle le rencontre plusieurs fois par la suite. Impressionnée, elle l'assaille de questions : « Général, quelle est pour vous la première des femmes ? — Celle qui fait le plus d'enfants, Madame » lui aurait-il répondu. Ce fut le début d'une longue animosité !

Et il faudra de longs combats pour que les femmes retrouvent en France et en Angleterre des droits qu’une petite minorité d’entre elles avait exercés au XVIIIe siècle. Mais ceci est une longue histoire, une lutte jamais achevée, tant qu'il est vrai que, dans certaines parties du monde, cette liberté est loin d'être gagnée pour toutes, même à ce jour !

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POUR MIEUX CONNAITRE CETTE EPOQUE LIBERTINE : LECTURES RECOMMANDEES SUR HDS (PRECEDENTES CHRONIQUES)

A LIRE OU A RELIRE (les dates de publication figurent entre parenthèses) au sujet des libertines du XVIIIe siècle :

• « Histoire des libertines (31) : trois scandaleuses » (10 juin 2019). Il s’agit de l’histoire de Jeanne de Luynes (1670-1736), rendue célèbre par le film d’Axel Corti, « la putain du roi » (1990) et de deux filles du Régent, Marie-Louise, Duchesse de Berry (1695-1719) et Charlotte-Aglaé, duchesse de Modène (1700-1761).
• « Histoire des libertines (105) : La Parabère, la sulfureuse comtesse de la Régence » (29 mai 2023)
• « Histoire des libertines (34) : la Pompadour » (24 juillet 2019)
• « Histoire des libertines (35) : Catherine II de Russie ou l’appétit sexuel au pouvoir » (5 août 2019)
• « Histoire des libertines (36) : La Du Barry, la dernière favorite » (16 août 2019)
• « Histoire des libertines (106) : Sophie Arnould et Françoise Raucourt, les grandes libertines » (6 août 2023)
• « Histoire des libertines (38) : Marie-Antoinette, la reine calomniée ? » (30 août 2019)
• « Histoire des libertines (39) : des femmes libres sous la Révolution » (6 septembre 2019). Il s’agit de Théroigne de Méricourt (1762-1817), « la belle Liégeoise », Olympe de Gouges (1748-1793), Manon Roland (1754-1793), l’égérie des Girondins et Mulâtresse Solitude (1772-1802), héroïne de la révolte des esclaves.
• « Histoire des libertines (40) : Madame Tallien, la Merveilleuse » (13 septembre 2019)
• « Histoire des libertines (41) : Joséphine, grand amour de Napoléon et grande libertine » (25 septembre 2019)
• « Histoire des libertines (42) : Emma Hamilton, maîtresse de Nelson » (2 octobre 2019)
• « Histoire des libertines (43) : Marie-Louise de Bourbon-Parme, reine d’Espagne ou le ménage à trois. » (8 octobre 2019)
• « Histoire des libertines (48) : Germaine de Staël et Juliette Récamier » (3 décembre 2019)
• « Erotisme et cinéma (18) : « The Scandalous Lady W », de Sheree Folkson (2015) » (9 mars 2024)
• « Histoire des libertines (112) : La « nouvelle coterie féminine » dans l’Angleterre géorgienne. » (23 avril 2024)

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REFERENCES :

Je recommande tout particulièrement la lecture des ouvrages suivants :

• Anne Girardot : « Femmes et libertinage au XVIIIe siècle, ou les caprices de Cythère » (Presses Universitaires de France, 2004)
• Olivier Blanc : « Les libertines. Plaisir et liberté aux temps des lumières. » (Perrin, 1997)
• Jean-Noël Vuarnet : « Le joli temps: Philosophes et artistes sous la Régence et Louis XV, 1715-1774 » (Hatier, 1994)

Sur la toile, je signale :

• https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/femmes-des-annees-1780-68980.php
• https://www.simonlevacher.com/2018/05/les-femmes-et-la-sexualite-dans-la-societe-francaise-au-xviiie-siecle.html
• https://enmarges.fr/2018/11/20/de-la-culture-du-viol-dans-la-litterature-libertine-du-xviiie-siecle-roxane-darlot-harel/

Les avis des lecteurs

@ Micky, je suis d'accord avec toi en ce qui concerne le mouvement de balancier et le risque actuel de retour en arrière. La liberté n'est jamais acquise, il faut se battre pour elle!
@ John, tu as raison de souligner que l'histoire est faite par les hommes et qu'on la voit à travers leurs écrits et leurs témoignages.

Histoire Erotique
Le commentaire de Micky est très pertinent quant à l'état actuel de la morale contemporaine, quoiqu'il devienne de plus en plus difficile à faire la généralisation dans notre société 'atomisée'.

Peut-être l'aspect le plus révélateur de cette chronique d'Olga, c'est de montrer comment l'histoire (et l'Histoire) avait été tant écrit par des hommes. Il est difficile de ne pas voir le XVIIIe siècle par le regard masculin lorsque la quasi-totalité des sources sont rédigées par des hommes. Par exemple, pour prendre le cas de la 'nouvelle coterie féminine', les sources primaires sont presque toutes issues des hommes contemporains, qui regardèrent ces femmes-ci comme des êtres exotiques, source de fascination, et ensuite, de la condescendance. Et c'est sans doute pareil pour du Barry, tandis qu'Olga avait bien démontré comment le point de vue du Laclos avait évolué, et comment 'Les Liaisons dangereuses' sont, en effet, la moralité vu par un homme de son temps, dans son temps (il faut que je dise que ça fait près de vingt ans depuis j'avais lu le roman, et aussi longtemps depuis j'avais vu l'adaptation de Christopher Hampton au théâtre !).

En tout cas, merci beaucoup à Olga pour cette analyse passionnante et perspicace !

John W

Très pertinente, cette évocation d'Olga sur ce siècle libertin. J'ai vu au cinéma les liaisons dangereuses et le film récent sur la duchesse de Berry, de Maïwenn. J'ai aussi dans ma bibliothèque la compilation des auteurs libertins dans la pochothèque, pas toujours très lisibles d'ailleurs. Ce qui me frappe dans le texte d'Olga, c'est ce mouvement de balancier qui intervient dans notre société, tantôt puritaine et tantôt libérée, l'une succédant toujours à l'autre. Après la libération post 68 succédant au conservatisme des moeurs, nous voilà revenus dans une période puritaine, dont nous ne sommes qu'aux prémices (montée du wokisme). Sans doute y-a-t-il eu des abus au détriment des femmes (droit de cuissage) mais ce mouvement de balancier nous entraine vers un retour en arrière dont il n'est pas certain du tout qu'il sourira aux femmes.

@ Henri, je suis d'accord, même si les religions du livre ont poussé le plus loin le contrôle patriarcal et, j'ose le terme, l'oppression des femmes.
@ Roland, oui c'était une morale prônée par l’Église (et les religions du livre en général, le premier exemple étant dans les tables de la Loi, brandies par Moïse)
En ce qui concerne la duchesse de Berry, oui ne pas confondre les deux femmes. j'ai bien précisé qu'il s'agissait de la fille du Régent. Et enfin, Theresa Cabarrus, connue surtout sous le nom de Mme Tallien (on l'appela aussi Notre Dame de Thermidor), libertine ou non? Question d'appréciation. On connait l'opinion de Bonaparte à ce sujet, sans doute vexé parce qu'elle aurait repoussé ses avances. Ce qui est certain, c'est qu'elle fut l'une des Merveilleuses, avec Julitte Récamier et Joséphine de Beauharnais. Ce qui explique sans doute l'opinion de Napoléon envers Theresa.

Histoire Erotique
Encore une fois merci Olga pour ce très intéressant texte.
Tu parles de morale bourgeoise. Certes. Mais c'est aussi la morale aristocratique. En fait il s'agit de la morale chrétienne : croissez et multipliez, ne faites l'amour QUE pour avoir des enfants et jamais pour votre plaisir. Je suis tout à fait d'accord avec la teneur générale de ton message, mais je voudrais apporter deux précisions.
D'abord, ne pas confondre la duchesse de Berry que tu évoques à raison, qui est Marie Louise Elisabeth d'Orléans (1695-1719) qui fut en effet célèbre pour ses mœurs débridées, même si ce fut pour une période courte puisqu'elle est décédée à 24 ans, avec une autre duchesse de Berry, Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, qui naquit presque 100 ans plus tard et dont la vie fut peu dissolue, quoique passionnante.
Ensuite, je souhaite revenir sur celle que tu nommes Theresa Tallien, et qui est connue et aimée à Bordeaux où elle a sa rue, sous son nom de jeune fille, Teresa Cabarrus (après tout, elle a eu trois époux et ne fut Mme Tallien que pendant 8 ans), pour dire que je ne crois pas du tout qu'elle puisse être considérée comme libertine. Après un premier mariage malheureux (et un divorce) avec un débauché qui a dépensé sa dot et l'a ruinée mais ne l'a pas entraînée dans le libertinage, elle s'est peut-être donnée (même s'ils semblent avoir vécu une brève mais réelle passion) à Tallien pour sauver sa tête et par la même occasion celle de dizaines de bordelais. Plus tard, séparée de Tallien qu'elle trouvait décidément trop sanguinaire, elle aura Barras pour amant et là aussi on peut penser qu'elle a couché « utile », puis Barras l'a « vendue » à Ouvrard, riche financier, dont elle aura 4 enfants entre 1800 et 1804. Un an plus tard, elle divorce et rencontre son troisième époux, ils se marient en 1805 et ne se quitteront plus jusqu'au décès de Teresa trente ans plus tard. Il ne me semble vraiment pas que ce soit là le parcours d'une libertine. Mais chacun peut avoir son opinion.
Roland

Histoire Erotique
Tout cela est intéressant, mais il serait réducteur de laisser croire que seules les religions monothéistes ont « contraint » les femmes à la fidélité. Sans doute ont-elles imposé des règles plus restrictives comparées :
• pour le judaïsme, avec les pratiques égyptiennes ou de Mésopotamie
• pour le christianisme, avec les libertés que s’accordaient les riches dames de la Grèce antique ou les matrones romaines.
• Pour l’Islam, si on compare aux religions perses, indiennes etc.
Pour autant, le fil conducteur derrière l’obligation de fidélité, c’était, quelle que soit la religion, de s’assurer la filiation.
Henri

@ Marc, un nouveau commentaire très pertinent!

Histoire Erotique
Merci Olga. Je voulais ajouter qu'il n'y a pas, dans la période contemporaine, de rupture absolue entre les phases de libéralisation et celles d'ordre moral. La seule rupture majeure est la libération de masse à la fin des années 60, incarnée par Mai 68 en France.
Précédemment, les changements de mentalités et de comportements concernaient une minorité de privilégiées et il y a toujours eu des pionnières. On pourrait rappeler une personnalité hors normes comme George Sand, ou encore la "Fête impériale" ou les grandes courtisanes de la Belle Epoque, toutes ces femmes libres dont tu as parlées dans ta très belle série "histoire des libertines"
Marc

@ Marc, la comparaison entre la régence et Thermidor est très pertinente.

Histoire Erotique
La Révolution française, si elle a signifié la fin de l'absolutisme, est aussi le triomphe de la bourgeoisie et donc de la morale bourgeoise dont parle Mélissa. Et de ce point de vue, il y a continuité entre le règne de la Vertu, en 1793-1794 et le Code civil napoléonien.
Comme toujours dans des périodes de troubles, il y a des phénomènes de balancier. Dans les périodes de libertinage, y compris de la part de (certaines) femmes, il ne faut pas oublier la réaction thermidorienne et le Directoire, comparables au plan des moeurs, à ce que fut la Régence. Il suffit de penser aux Merveilleuses, en particulier à Mme Tallien, à Joséphine, à Juliette Récamier.
Le 18 Brumaire marque aussi le triomphe de l'ordre moral, mais cette fois pour longtemps.
Marc

@ Maurice, j'adore cette chanson!
@ Melissa, bienvenue parmi mes lectrices! Nous sommes sur la même ligne.

Histoire Libertine
Ce libéral ou libertin XVIIIe siècle fut, comme toutes les périodes de libération des mœurs, citées par Olga (on peut y inclure, Didier a raison les années folles, mais on pourrait élargir à la première partie du règne de Louis XIV, à travers la Montespan ou encore le fascinant personnage de Ninon de Lenclos) n'ont concerné qu'une partie limitée de femmes de l'aristocratie, de la Cour. La morale "bourgeoise", telle que la raille Molière, était, quant à elle, très restrictive.
La vraie rupture correspond en effet à la fin des années 60. Il serait exagéré de parler de retour en arrière, de retour à l'ordre moral, mais il y a des tendances au repli.
Merci Olga de nous permettre ce genre de débats ici.
Melissa

Histoire Erotique
Pour reprendre le titre d'une très belle chanson de Jean Ferrait, inspirée d'un poème de Louis Aragon, "la femme est l'avenir de l'homme"
Maurice

@ Luc, merci pour ta longue fidélité!
@ Julie, oui et cela remonte loin, aux Tables de la loi, aux vieilles malédictions, au mythe d'Eve et de la pomme. Je rappelle ce que j'écrivais dans un texte consacré à la philosophe Hypatie, massacrée en 415 à Alexandrie par des fanatiques chrétiens, parce qu'elle était femme, belle et intelligente: "« Jamais l’église n’aima la femme, incarnation de cette Eve qui perdit Adam, instrument du démon » Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople au Vè siècle en parlait ainsi : "un mal nécessaire, une tentation naturelle, une désirable calamité, un péril domestique, une fascination mortelle, un fléau fardé. »

Histoire Libertine
Pour compléter ce que dit Didier, j'ajouterai que les religions monothéistes, celle du Livre, ont essayé d'enfermer la femme dans sa fonction reproductrice. Les moyens modernes de contraception, peu à peu accessibles à toutes à partir des années 60, ont aussi contribué à la libération des mœurs.
J'ajoute, en réponse à Dyonisia, que, oui, les textes d'Olga me comblent. Et ici doublement en effet, car c'était une "commande" que je lui avais faite.
Julie

@ Didier, merci pour ces précisions très utiles. Oui j'aurais pu aussi mentionner les "années folles", après la terrible grande guerre.
Même si la véritable rupture dans la "chape de plomb" fut après guerre, ou plutôt dans les années 60, avec la révolte de la Jeunesse, partout, en Occident du moins.

Histoire Erotique
C'est ce type de textes qui fait l'originalité des publications d'Olga, même si j'apprécie aussi beaucoup ses autobiographies, la suivant depuis très longtemps (à l'époque de son blog sur Erog)
Luc

Histoire Erotique
Olga,
Pour rebondir sur le commentaire de Daniel, il est vrai que l’avènement des religions monothéistes dans nos sociétés patriarcales a véritablement déversé une chape de plomb sur la sexualité en général, où le plaisir masculin était proéminent, et sur celle des femmes en particulier, déjà laissée dans un unique rôle de reproduction. Et où seul les puissantes, les nanties, les lettrées pouvaient se permettre, s’autoriser de transgresser les interdits, les tabous d’une morale imposée par les différentes églises.
Je terminerai mon propos en disant tu aurais pu également citer comme période positive dans le combat des femmes, les Années Folles, même s'il est vrai là aussi ce ne fut réservées qu'à une minorité un peu plus étoffée d’entre elles.
Didier

@ Daniel, en effet, les phases de libération, jusqu'à une période récente, et y compris le XVIIIe siècle, n'ont concerné qu'une petite minorité de "privilégiées"

Histoire Erotique
Olga a raison de souligner que le libertinage, au XVIIIe siècle, ne concernait qu'une minorité de femmes, issues de milieux privilégiés.
La masse des femmes vivait sous l'emprise de la morale dominante, sous l'emprise de la religion.
Daniel

Merci Dyonisia de resituer sur "le temps long" le combat des femmes pour leur liberté, en particulier, c'est ici le sujet, sexuel, le droit au plaisir.
On pourrait évoquer aussi:
-les libertés des anciennes Égyptiennes, du moins de quelques reines, comme Hatchepsout ou Cléopâtre.
- A Rome, à certaines impératrices (comme Messaline ou Faustine, mon sujet du moment), princesses (comme Julie fille d'Auguste) ou plus généralement à des patriciennes (incarnées par la belle Clodia) et des matrones, aux moeurs très libres
Le Moyen-Age fut une longue période de recul pour les droits des femmes, mais il y eut aussi le temps des troubadours et de l'amour courtois, qu'incarne parfaitement Aliénor d'Aquitaine. Faut-il aussi évoquer le destin funeste des brus de Philippe le Bel ou la réputation sulfureuse d'Isabeau de Bavière?
A partir de la renaissance et jusqu'à la reprise en mains "bourgeoise" (Révolution et Empire en France, morale victorienne en Angleterre) il y eut une phase de libération, du moins dans les hautes sphères de la population.
Dyonisia a raison de rappeler que ce combat n'est jamais terminé et qu'il y a toujours des retours de balancier. Il semble bien que notre époque en soit un, loin du "jouir sans entraves " que préconisait mai 68.
Je fais ainsi un large tour d'horizon, sommaire évidemment, mais destiné à lancer le débat.

@ Julie, merci, ce fut un plaisir! Et tu as bien été la première!
@ Didier, merci pour cette lecture attentive et cette analyse pertinente.

Chère Julie, vous êtes donc deux fois comblée :)

Une nouvelle page de l'encyclopédie d'Olga sur notre longue histoire féminine, toujours aussi documentée et pleine d'enseignements.
J'avoue que cet intermède de la Régence me paraît avoir été une éclaircie riche de promesses et pour tout dire fort tentante. Le retour de balancier advint hélas avec la "pureté" révolutionnaire et le "puritanisme" bourgeois, aussi prégnant d'ailleurs des deux côtés de la Manche, malgré des antécédents différents, pour ne parler que de la France et du Royaume Uni. Le feu couvait, pourtant, si l'on veut bien se souvenir des littératures respectives. N'empêche, il ne reprendra pleinement que plus tard.
Je note pourtant que si les allées et venues de la "bonne" morale alternaient alors de siècle en siècle, elles le font de notre temps d'une génération à l'autre. Les mères ont brûlé leurs soutien-gorges en réaction au rigorisme (souvent plus apparent que réel, d'ailleurs) de leurs propres mères. Leurs filles en ont acquis une potentielle liberté dont elle n'ont peut-être pas assez usé, et leurs petites-filles semblent vouloir aujourd'hui revenir à une étroite et mesquine conception des rapports humains parée de modernisme.
Pour ma part, je reste admirative de celles qui, de toute époque, se sont battues pour la liberté de l'esprit et du corps.
Merci Olga de nous rappeler régulièrement leur exemple.

Histoire Erotique
Olga,
C'est un très bon texte que tu nous livre là avec cette chronique sur cette période très libérale et libérée sexuellement pour une minorité de femme de l’époque, naturellement.
Je trouve ta présentation excellente avec tout d'abord ce bon rappel de la période de la régence et du règne de Louis XV, bien illustré de plus par tes chroniques sur la Duchesse De Berry et sur le livre "Les liaisons dangereuses", dont je connaissais l’histoire relative que par les films, du même nom et Valmont…
Puis ta démonstration se poursuit ensuite avec cette évocation de ce retour, un peu brutal, d’un certain puritanisme avec la révolution puis l'empire, également bien illustré là aussi par les mots assez machistes de Napoléon, au sujet des femmes.
Saches également que je souscris totalement à ta conclusion, tant qu’il est vrai qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour les femmes pour obtenir une totale liberté sexuelle.
Merci une fois encore d’avoir partager avec nous tes précieuses connaissances historiques.
Didier

Histoire Libertine
Merci Olga, d'avoir répondu à ma demande! J'espère avoir le plaisir d'être la première à commenter ton excellent texte
Julie



Texte coquin : Histoire des libertines (113) : Femmes et libertinage au XVIIIe siècle.
Histoire sexe : Une rose rouge
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