Histoire des libertines (50) : femmes d’influence à l’époque du Second Empire
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 23-12-2019 dans la catégorie A dormir debout
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Histoire des libertines (50) : femmes d’influence à l’époque du Second Empire
Les récits de cette série sur l’histoire des libertines ont souvent montré le lien entre pouvoir et liberté des mœurs. Nous avons raconté le libertinage de femmes de pouvoirs ainsi que l’influence des grandes maîtresses royales.
J’ai voulu associer, dans ce texte, quatre femmes d’influence, qui ont eu un incroyable destin au milieu du XIXème siècle et ont eu une grande influence sur les souverains et hommes politiques : Harriet Howard, maîtresse du Prince-Président, futur Napoléon III, la « danseuse » Lola Montès, qui fit perdre son trône au Roi de Bavière Louis Ier, Virginia, comtesse de Castiglione, qui fit tant pour l’unité italienne, en particulier don de son corps et la comédienne Marguerite Bellanger, elle aussi maîtresse de l’empereur. Ces portraits de femmes, qui ont en commun d’avoir été des aventurières, voir des courtisanes, permettent aussi d’évoquer ce que l’historien Alain Plessis appelait la « fête impériale ».
CHAPITRE Ier : MS HOWARD, LA FEMME QUI FIT UN EMPEREUR
Harriet Howard, née Elizabeth Ann Haryett (1823–1865), est une actrice et femme du monde britannique. Maîtresse de Louis-Napoléon Bonaparte, elle fut son principal soutien financier avant qu'il ne devienne le premier président de la République française.
Elizabeth Ann Haryett est la fille d'un maître bottier-cordonnier. À quinze ans, elle s'enfuit avec Jem Mason, un jockey bien connu, pour vivre avec lui à Londres. Étant sa maîtresse et une actrice débutante, elle prit le nom de scène d'Harriet Howard, et fut connue sous le nom de Miss Howard. À dix-huit ans, son amant suivant fut le Major Mountjoy Martyn, un homme marié du régiment des Life Guards. Miss Howard lui donna un fils, Martin Constantin Haryett, né à Londres le 16 août 1842, qui, à son baptême, fut présenté comme le fils de ses parents à elle. Reconnaissant, le major Martyn les place sur son testament, léguant sa fortune à elle et à leur fils.
Alain Dag’Naud décrit ainsi Miss Howard : un « profil de camée sur un corps grec ».
Au cours d'une réception en 1846, Miss Howard rencontre Louis-Napoléon Bonaparte, prétendant au trône de France, mais, à l'époque, exilé à Londres. Le coup de foudre est immédiat et réciproque. Ils habitent ensemble. Avec sa fortune, elle finance ses efforts et ses conspirations pour retourner en France.
MAITRESSE DU PRINCE-PRESIDENT
Après la Révolution de 1848, Louis-Napoléon Bonaparte retourne en France où il se fait élire député puis président de la République, sa campagne ayant été financée par sa maîtresse.
Si le « prince-président » s’installe à l’Elysée, sa maîtresse emménage juste à côté, Rue du cirque, dans un hôtel particulier. Par une porte dérobée, le nouveau président traverse la rue et rejoint discrètement sa compagne pour passer ses soirées avec elle.
Miss Howard ne peut paraitre à l’Elysée mais est présente dans les loges officielles. Ils dorment ensemble dans les préfectures lors des déplacements officiels en province. Louis-Napoléon promet à sa compagne de « faire son bonheur, de la mettre à sa vraie place et de toujours resserrer des liens si chers ». Elle s’imagine à tort que cela va déboucher sur un mariage.
Miss Howard eut une ennemie jurée en la personne de la cousine de Napoléon, la princesse Mathilde, à qui il fut fiancé auparavant (1836), et qui lui apportait elle aussi un soutien financier. Miss Howard continua à soutenir ses aspirations à devenir empereur et finança en grande partie son coup d'État du 2 décembre 1851.
Un an plus tard, à la suite d’un plébiscite, il devient Napoléon III, empereur des Français. Bientôt, il se met à la recherche d'une épouse qui puisse devenir impératrice, et Miss Howard se retrouva mise de côté. Napoléon choisit une Espagnole, Eugénie de Montijo.
Miss Howard, qui a dépensé pour son protégé des sommes considérables, s’attendait à être récompensée. Elle fait une scène violente à l’empereur.
Lorsque Napoléon III annonça son mariage, Miss Howard fut envoyée préalablement au Havre pour une soi-disant mission en Angleterre. En son absence, des sbires de la police saccagèrent son logement et emportèrent toutes les lettres personnelles que Louis-Napoléon lui avait écrites.
Miss Howard exige que son amant la rejoigne rue du Cirque. L’explication dure trois heures. Elle obtient que les sommes avancées lui soient remboursées. Ils font l’amour, une dernière fois.
NAPOLEON III PAS RECONNAISSANT
Napoléon, devenu empereur sous le nom de Napoléon III, lui rembourse ses dettes. Elle reçoit le titre de comtesse de Beauregard du nom du château de Beauregard qu’elle possède sur les hauteurs de La Celle-Saint-Cloud. Après six mois de mariage, Napoléon reprend sa relation avec elle. Mais l'impératrice lui interdit de la revoir. Il doit renoncer à cette relation pour se consacrer à sa femme dans le but d'engendrer un héritier.
En 1854, Miss Howard se marie au capitaine Clarence Trelawny, un éleveur de chevaux qui utilisa son argent pour ses affaires. Les deux fils de Napoléon qu'elle avait élevés retournent avec leur mère. Cependant, le mariage de Harriet et Clarence fut difficile et ne dura pas : ils divorcèrent en 1865
Chapitre II : LOLA MONTES, LA COURTISANE QUI PROVOQUA UNE REVOLUTION A MUNICH
Lorsqu'on cite le nom de Lola Montes (1821-1861), on pense évidemment au chef-d’œuvre de Max Ophüls, avec Martine Carol dans le rôle-titre. Ce serait oublier qu'avant d'être immortalisée en héroïne du grand écran, cette fameuse courtisane a été une femme de chair et de sang, au destin si singulier. Née en 1821 (et morte à 40 ans), cette danseuse d'origine irlandaise fit le tour de monde et eut des amants aussi prestigieux que Louis Ier de Bavière, Richard Wagner, Alexandre Dumas fils ou Franz Liszt.
Lola Montès est le nom de scène de Marie Dolores Eliza Rosanna Gilbert, comtesse de Landsfeld, née à Grange (comté de Sligo en Irlande) le 17 février 1821 et morte à New York (USA) le 17 janvier 18611, danseuse exotique, actrice et courtisane d'origine irlandaise, célèbre pour avoir été la maîtresse du roi Louis Ier de Bavière.
Le journaliste Gustave Claudin (1819-1896) dit d’elle : « Lola Montès était une charmeuse. Il y avait dans sa personne un je ne sais quoi de provocant et de voluptueux qui attirait. Elle avait la peau blanche, des cheveux noirs ondoyants comme des pousses de chèvrefeuille, des yeux indomptés et sauvages et une bouche qu'on aurait pu comparer alors à une grenade en bouton. Ajoutez à cela une taille lancinante, des pieds charmants et une grâce parfaite. Par malheur elle n'avait, comme danseuse, aucun talent. »
UNE VIE AMOUREUSE EDIFIANTE
Lola, d’origine irlandaise par son père, mais créole côté maternel, se présentait comme une danseuse ... espagnole, du reste elle aurait inventé la tarentelle, nom tiré de la tarentule, on imagine une danse pour le moins saccadée ! Mais elle fut, semble-t-il une piètre danseuse, ne justifiant de cette qualité que par rapport à l’expression “entretenir une danseuse”, c’est-à-dire une passion, celle qu’elle inspira à ses amants argentés.
La vie amoureuse de la demoiselle est à cet égard édifiante. Mariée, elle convole une deuxième fois, ce qui la rend bigame, la situation se régularisera plus tard. Elle a de nombreux amants : Franz Liszt, peut-être Richard Wagner, à coup sûr le roi Louis Ier de Bavière (1786-1868) qui l’éleva au rang de comtesse, était-il aussi fantasque que Louis II, ce monarque qui aimait à faire construire des châteaux baroques, à l’image de sa personnalité ?
Et puis on peut y ajouter Alexandre Dumas fils, ce qui permet de supposer que nous n’avons pas affaire à une courtisane de bas étage, une lorette, mais à une égérie du demi-monde, Dumas fils en était un spécialiste jusqu’à lui consacrer une pièce de théâtre ;
Une certitude : Lola Montès devait souvent boucler ses valises ; chassée de Bavière lors du mouvement général révolutionnaire de 1848 en Europe, qui a bon dos soit dit en passant car le bon peuple de Munich supportait mal, et depuis belle lurette, l’influence délétère de Lola sur Louis, elle s’installera aux États-Unis qui ont toujours su accueillir les bannis de la vieille Europe, on la retrouve en Australie, puis de retour aux Amériques ; auparavant elle a fait scandale à Paris de 1844 à 1846 ;
Lola naît d'un père irlandais. La famille Gilbert émigre aux Indes en 1823. Peu de temps après leur arrivée, le père meurt du choléra. Sa mère se remarie l'année suivante et envoie Eliza vivre chez des parents de son beau-père en Grande-Bretagne.
En 1837, âgée de 16 ans, Eliza s'enfuit avec un amant de sa mère, le lieutenant Thomas James, qu'elle épouse. Mais elle trompe son mari et le couple se sépare cinq ans après. C'est alors qu'elle devint danseuse exotique sous le nom de Lola Montez. Rapidement sa « tarentelle » et son expression : « Ce que Lola veut, Lola l'obtient » (Whatever Lola wants, Lola gets) la rendent célèbre. Ses débuts à Londres en tant que « Lola Montez, la danseuse espagnole » en juin 1843 sont perturbés quand elle est reconnue comme la femme de Thomas James. Cette notoriété nuisant à sa carrière, elle prend le chemin du continent. Dès cette époque, elle prête ses faveurs à quelques hommes riches et beaucoup la considèrent comme une courtisane.
Parmi ses amants et bienfaiteurs on trouve Franz Liszt, qu'elle aurait fait rompre définitivement avec l'écrivaine Marie d'Agoult, Alexandre Dumas fils et le journaliste Alexandre Dujarrier. C'est Liszt qui l'introduit dans l'entourage de George Sand où elle côtoie les intellectuels marquants de son époque.
LOLA PROVOQUE UNE REVOLUTION EN BAVIERE
C'est lors d'un voyage en 1846 à Munich, sur le chemin de Vienne, que Louis Ier de Bavière, alors âgé de plus de soixante ans, la remarque et qu'elle devient rapidement sa maîtresse. Il lui offre un petit palais où il écrit de la poésie, tandis qu'elle invite des opposants à son régime, libéraux et anticléricaux, ce qui déplaît au gouvernement.
Usant de son influence auprès du roi, elle devient impopulaire auprès des Bavarois, en particulier après que des documents rendus publics montrent qu'elle espérait devenir sujette bavaroise et être anoblie. En dépit de l'opposition, le 25 août 1847, jour de son anniversaire, le roi la fait comtesse de Landsfeld « pour services artistiques rendus à la Couronne », titre accompagné d’une rente considérable, puis chanoinesse de l'ordre de Sainte-Thérèse, honneur réservé aux dames de très haute noblesse et de grande vertu. Cela contribue à l'impopularité croissante du roi. Une longue mise en demeure est alors rédigée par le gouvernement à l'adresse de ce dernier pour s'en insurger, évoquant « les torrents de larmes versés par l'archevêque d'Augsbourg » qui fut alors rebaptisé Niobé, en référence à la figure mythologique de la mère inconsolable suite au meurtre de ses enfants et métamorphosée en rocher d'où coule une source. De rage, Louis Ier dissout son ministère et constitue un nouveau gouvernement, que l'on surnomme aussitôt le Lolaministerium.
En 1848, alors qu'à Munich des mouvements de contestation sociale grondent, Lola Montez prend pour amant un étudiant insurgé tandis que Louis Ier ferme l'université à la multiplication des barricades et signe à contrecœur l'ordre de bannissement de sa maîtresse. Sous la pression du mouvement révolutionnaire, le roi finit par abdiquer en faveur de son fils aîné et Lola Montez s'enfuit de Bavière pour la Suisse.
La liaison entre Lola Montez et le roi marqua si fort l'opinion munichoise que, des années après, quand Louis II, petit-fils de Louis Ier, sera sur le trône de Bavière et accueillera à Munich son idole, l'impécunieux Richard Wagner, le mettant à l'abri du besoin, réglant ses dettes et satisfaisant à tous ses caprices, les Munichois surnommeront alors non sans humour le compositeur romantique « Lolus », pendant masculin de la trublionne à l'influence ruineuse.
FIN D’UNE CARRIERE
En 1851, elle prend un nouveau départ aux États-Unis. Entre 1851 et 1853, elle se produit comme danseuse et actrice dans l'est des États-Unis, puis se rend à San Francisco en mai 1853. En juillet 1853, elle épouse Patrick Hull et s'installe à Grass Valley, en Californie, en août 1853. Au milieu des années 1850, son mariage se brise. Elle fréquente alors un coureur de piste ; il commence à la battre avant de mourir rapidement.
Lola s'installe alors en Australie dans l'État de Victoria, faisant fortune en divertissant les mineurs de la ruée vers l'or. C'est en 1855, selon l'historien Michael Cannon, qu'elle met en scène sa danse érotique de l'araignée (Spider Dance) au Théâtre royal de Melbourne, levant ses jupons tellement haut que l'assistance pouvait constater qu'elle ne portait aucun sous-vêtement et faisant sortir de son corsage des araignées articulées. Le lendemain, l'Argus stigmatise son exhibition « tout à fait subversive pour la moralité publique ». Les notables cessèrent de fréquenter le théâtre qui subit dès lors de lourdes pertes. Elle passe presque quatre ans dans l'État de Victoria. À Castlemaine, en avril 1856, elle est « bissée avec frénésie » après sa danse de l'araignée devant quatre cents mineurs (y compris des membres du conseil municipal qui avaient levé la séance plus tôt pour pouvoir assister à la représentation), mais elle soulève la colère des spectateurs en les insultant en raison d'un léger chahut. Elle gagne encore en notoriété lorsqu'à Ballarat, après une mauvaise critique dans The Ballarat Times (journal local), elle poursuit avec un fouet Henry Seekamp, le rédacteur en chef. La Lola Montes Polka, composée par Albert Denning, est inspirée de cet incident.
Ayant emménagé à New York, le 30 juin 1860, elle est victime d'un accident vasculaire cérébral et se trouve partiellement paralysée. À la mi-décembre, elle peut de nouveau marcher malgré une légère claudication, mais sa vie de courtisane est alors terminée et elle se retrouve sans argent. Elle contracte une pneumonie et meurt peu avant son quarantième anniversaire ;
Lola Montès était une aventurière, une femme libre notamment de mœurs, attitude courageuse dans une époque corsetée à l’image de l’Angleterre de la reine Victoria, un fantasme, tableau vivant de la lubricité.
CHAPITRE III : LA CASTIGLIONE, L’EMPEREUR ET LA PHOTOGRAPHIE
Virginia Oldoïni, Comtesse de Castiglione par son mariage (1837-1899) était une aristocrate piémontaise. Missionnée par Cavour, Premier Ministre du roi de Piémont-Sardaigne pour devenir maitresse de l'empereur des Français Napoléon III, elle est également une figure des premières heures de la photographie.
La comtesse de Castiglione est célèbre pour avoir été la maîtresse de Napoléon III, et pour ses tenues audacieuses arborées lors de bals aux Tuileries. Mais l’œuvre véritable de la Castiglione, ce sont ses photographies.
Si sa liaison avec l’Empereur dura un peu plus d’un an (entre 1856 et 1857), si ses apparitions en costumes fantaisistes lui accordèrent une gloire de quelques heures, ses photographies, elles, sont encore là, immortelles. Elles se détachent nettement des photographies traditionnelles et, encore aujourd’hui, fascinent par leur modernisme et leur côté provocateur.
La comtesse de Castiglione fut qualifiée de « plus belle femme de son siècle.
Elle est la fille unique du marquis Filippo Oldoïni Rapallini, député de La Spezia au Parlement du royaume de Sardaigne en 1848 puis ambassadeur italien à Lisbonne.) Elle reçoit l'éducation soignée typique de la petite noblesse piémontaise, apprenant l'anglais et le français rapidement, pratiquant la danse et la musique.
LA PERLE D’ITALIE
Consciente de sa beauté, elle est surnommée La Perla d'Italia (La Perle d'Italie). Elle épouse, le 9 janvier 1854, à l'âge de 17 ans, le comte Francesco Verasis de Castiglione (1826-1867), dont c'est le deuxième mariage et auquel elle donne le 9 mars 1855 un fils prénommé Giorgio (1855-1879). Délaissée par un mari au caractère réservé contrairement au sien et souvent appelé auprès du roi, elle prend pour amant le jeune officier et ami d'enfance Ambrogio Doria puis son frère Marcello, ce qui crée des tensions dans le couple qui s'est installé à Turin.
MAITRESSE DE VICTOR-EMMANUEL PUIS DE NAPOLEON III
Quelques semaines après ses couches, aux fins de servir en secret les intérêts du roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II, dont elle est devenue aussi la maîtresse et l'unification de l'Italie, son cousin Camillo Cavour lui demande de se rendre à Paris pour que la jeune femme de 18 ans séduise l'empereur Napoléon III, afin d'influencer, par les moyens qu'il lui plaira, ses décisions politiques afin d'obtenir l'appui du gouvernement français pour la création d'une Italie unifiée et indépendante. La comtesse rêvant de jouer un rôle politique accepte cette mission.
Le 9 janvier 1856 la Castiglione est présentée à Napoléon III, en l'absence de l'impératrice Eugénie retenue par sa grossesse, lors d'un bal chez la princesse Mathilde Bonaparte.
La relation de la comtesse avec Napoléon III se matérialise dans le parc de Saint-Cloud au milieu du château de Villeneuve-l'Étang à Marnes-la-Coquette le 27 juin 1856. L'empereur et la comtesse étant mariés, le double adultère impérial fait scandale, et contraint le comte de Castiglione à se séparer de sa femme : ruiné par le train de maison luxueux dans leur hôtel parisien de la rue de Castiglione, il repart seul en Italie où il doit vendre toutes ses possessions pour rembourser les dettes faites par son épouse.
Libre, la comtesse entretient avec l'Empereur des Français une relation de deux ans (1856-57)9. Néanmoins, d'après une rumeur infondée, la comtesse de Castiglione serait devenue en 1862, la mère d'un fils illégitime de l'empereur.
Cet adultère impérial qui défraye la chronique lui ouvre les portes des salons privés d'Europe qui, en temps normal, lui auraient été fermées. Elle y rencontre les grands de cette époque : la reine Augusta de Prusse, le comte Otto von Bismarck et l'homme politique Adolphe Thiers.
Courtisée, adulée, jalousée, la Comtesse de Castiglione défraye les chroniques mondaines du Second Empire. Sa relation avec l’empereur est au cœur de toutes les conversations et lui ouvre les portes de la haute société, dans laquelle elle se pavane en se vantant des cadeaux de son amant célèbre. Dans les bals et dîners mondains où elle est invitée, la jeune femme qu’on décrit comme vaniteuse, fuyante avec les femmes et très égocentrique, arrive toujours en retard, dans des accoutrements surprenants. Son imagination n’a pas de limite ; elle crée ses tenues dans l’unique but de choquer.
La comtesse se fiche des mauvaises langues : c’est le scandale qui fait parler d’elle ; la jalousie qu’elle suscite est une consécration. Et elle fait tout pour se faire détester.
Depuis son divorce, la Castiglione partage avec les demi-mondaines la nécessité d’avoir des amants pour maintenir son train de vie. En cela, tout cela, elle bouscule les règles établies et les hiérarchies figées de la société du Second Empire.
A un bal des Tuileries, raconte un témoin, « elle se présenta à demi-nue, en déesse antique, la chevelure dénouée, reposant épaisse et soyeuse sur ses épaules, sa robe, fendue sur le côté, laissait voir une jambe moulée dans un maillot de soie. »
Mais narcissique et capricieuse, snobant le reste de la cour et se vantant publiquement des cadeaux que l'empereur lui offre à partir des fonds secrets, elle finit par se rendre antipathique et lasse l'empereur qui prend une nouvelle maîtresse, la comtesse Marianne Walewska. De plus, dans la nuit du 5 au 6 avril 1857 alors qu'il sort de chez la comtesse Castiglione, trois carbonari accusés d'être à la solde du révolutionnaire Giuseppe Mazzini, tentent de tuer l'empereur. Soupçonnée à tort de complicité, elle est officiellement expulsée de France. Elle revient en grâce dès le mois suivant grâce à la princesse Mathilde et à son complice et confident Joseph Poniatowski.
La Castiglione prétendra que son influence sur l'empereur s'est concrétisée le 21 juillet 1858 lors de l'entrevue secrète à Plombières entre Napoléon III et le comte de Cavour, aboutissant au traité de Plombières, où fut décidée l’intervention en Italie.
Soutenue par sa beauté, mais aussi un charme irrésistible et une intelligence subtile, la comtesse de Castiglione va conquérir toutes les cours d'Europe, si bien que, durant la guerre franco-prussienne de 1870, Napoléon III, vieillissant, malade et vaincu, lui demandera une dernière fois de jouer de ses talents de diplomate pour plaider la cause de la France.
LA PREMIERE TOP MODEL : « LE CŒUR EST UN PEU BAS »
En juillet 1856, la Comtesse se rend à l'atelier des frères Mayer et de Pierre-Louis Pierson à Paris, ses premières poses signent le début d'une collaboration qui durera près de 40 ans. Sa beauté, elle en a fait une obsession, poussant son narcissisme jusqu’à devenir la femme de son époque à s’être fait tirer le plus de portraits.
On estime sa collection à environ 400 clichés, un nombre incroyable pour l’époque, où la photographie n’est qu’un moyen de se présenter à la société. Mayer et Pierson, photographes très appréciés de la noblesse parisienne du 19e siècle sont notamment à l’origine de bien de ces portraits que Virginia garde pour son plaisir personnel.
Pendant quarante ans, la comtesse de Castiglione s’est ainsi faite photographier sous toutes les coutures ; brisant rapidement les codes du portrait de l’époque dans une démarche originale, d’une modernité étonnante. Elle pose dans des mises en scène qui restent encore aujourd’hui mystérieuses.
Bien qu’appartenant au monde de la cour, la Comtesse ne dédaigne pas de s’inspirer des demi-mondaines, des femmes de spectacle, qui s’emparent elles aussi de la photographie à la même époque. Il arrive à Castiglione de s’inspirer de leurs excentricités, de leurs costumes ou encore de leur jeu d’actrices. Elle pousse jusqu’à la suggestion érotique, voire pornographique. Elle n’hésite pas à se montrer en déshabillé, voir à dévoiler ses jambes nues, ce qui ne se fait évidemment pas à l’époque.
Dans ses plus belles années la comtesse se pare de robes de bal ou de jour somptueuses, de bijoux, de postiches et de perruques poudrées, elle utilise également des accessoires pour recréer un personnage, une scène, un sentiment… Pierre-Louis Pierson réalise plus de 450 portraits pour lesquels elle organise elle-même la mise en scène (elle y dépense pratiquement toute sa fortune personnelle) et auxquels elle se décrit un jour comme « la plus belle créature qui ait existé depuis le commencement du monde »
Elle pose également avec des costumes. Celui de la « dame de cœurs » est l'un des plus beaux. La photographie prise par Aquilin Schad est retravaillée à la gouache dans l'atelier Mayer et Pierson entre 1861 et 1863. Cette œuvre est présentée à la section française de photographie de l'Exposition universelle de 1867 à Paris.
La comtesse a porté cette robe le 17 février 1857 dans le bal donné au ministère des Affaires étrangères. Au point culminant de leur relation désormais connue de tous à la cour, Napoléon III déguisé et masqué essaye de se divertir incognito mais les invités suivent attentivement ses gestes. Cette soirée montre un reflet du faste de la cour impériale marquée par la nostalgie de Versailles ou de Trianon, Marie-Antoinette inspire particulièrement l’impératrice Eugénie. Tous les invités portent des costumes faisant référence à cette époque. Mal vue à la cour pour ses frasques assumées avec l'Empereur, la comtesse porte « le costume le plus fantaisiste et le plus hardi qui puisse être imaginé ». Ce costume Louis XV, moitié actuel, portait pour titre : « dame de cœurs ». Les jupes retroussées sur le jupon de dessous ainsi que le corsage se trouvaient enlacés de chaînes formant de gros cœurs. La merveilleuse chevelure de la comtesse en cascades sur son cou. Le costume éblouissant d'or était magnifique…À la vue du cœur central cousu sur la robe juste au-dessus du haut des cuisses de la comtesse, Eugénie réplique sèchement « Le cœur est un peu bas. » La tenue est indécente, elle porte sa robe sans corset, la gaze révèle presque le bout de son sein.
Certains clichés sont réellement suggestifs. Ils dévoilent ses épaules (Epaules nues), ses bras (Série Les beaux bras, ou Le voile), une œillade aguicheuse… Mais tout n’est que jeu !
Dans "Un dimanche", elle invite à l’abandon, le doigt posé au coin des lèvres, une main sur la taille, tout en apparaissant masquée : elle se dérobe. Ainsi, dans la série d’Instantanés, elle est proche et lointaine à la fois, insaisissable.
Sur une photo de la Série Ritrosetta, elle semble prête à camoufler son visage derrière l’éventail qu’elle tient dans sa main droite, invitant le spectateur à profiter d’une vision qui va bientôt s’évanouir. La Castiglione, même dans ses poses les plus langoureuses, ne s’abandonne jamais tout à fait. Pourquoi ?
Virginia, en s’appropriant ainsi l’espace, raconte en fait une histoire. Son histoire. Ces clichés nous dévoilent une femme accomplie, sûre d’elle-même, certes narcissique et consciente de sa beauté jusqu’à l’excès, mais surtout une âme tourmentée
Quand elle revient en France en 1861 avec son fils Giorgio (Georges) commence une période de grande créativité jusqu'en 1863.
Pour la première fois depuis son retour à Paris en 1861, elle est invitée à la Cour, au bal costumé des Tuileries le 9 février 1863. Elle y apparaît déguisée en reine d’Étrurie. Son costume se compose d'un péplum de velours noir sur une jupe orangée, elle porte des bijoux en cuivre doré et tient dans sa main un éventail en plumes de paon. Virginia se précipite le lendemain à l'atelier de photographie pour immortaliser sa tenue. Persuadée de son succès et de son retour dans les hautes sphères, elle prend des poses lascives et suaves, mime l'innocence. Toutefois son costume fait scandale. Mal aimée à la Cour, la presse se déchaine, elle est accusée d'être apparue nue à la fête. Son mari, le Comte François, toujours en Italie, menace de lui reprendre Giorgio. Elle lui répondra par une photographie nommée « La Vengeance » et garde l'enfant. Sur cette photo, elle est vêtue du même costume de reine d’Étrurie mais avec la cape recouvrant ses épaules et ses bras nus, à la main elle tient un poignard.
Les photographies de Virginia de Castiglione ont marqué l'histoire de la photographie. Ses poses innovantes se distinguent des normes de l'époque.
Après la fin du Second Empire, la mort de son mari puis de son fils, Virginia s'enferme au 26 place Vendôme dans un appartement morne, triste et sombre. Ne parvenant pas à faire le deuil de son succès passé, elle réalise quatre-vingt-deux photos dans l'atelier parisien où elle revêt ses tenues fastueuses d'antan. D'une façon pathétique et morbide elle pose, comme avant, toutefois sa légendaire beauté s'en est allée.
Virginia vit dans un monde qui ne lui ressemble plus. Dans les années 1880, esclave de son image et ne supportant pas de vieillir, elle souffre de neurasthénie et misanthropie. Elle se terre à l'abri des miroirs qu'elle a fait voiler dans son appartement parisien, où elle sombre dans l'anonymat et le dénuement. Elle ne sort plus qu'à la nuit tombée, pour ne pas être confrontée au regard que les passants pourraient porter sur les « ravages » que le temps, d'après elle, a fait subir à sa beauté. Elle décède à son domicile parisien du 1er arrondissement, à l'âge de 62 ans, aux côtés des dépouilles empaillées de ses chiens. Le secrétaire d'ambassade italienne à Paris Carlo Sforza accourt pour brûler ses papiers compromettants.
Alors si la Castiglione a été une des favorites de Napoléon III, si à la demande de Camillo Cavour et de Victor Emmanuel, elle a œuvré par son charme à l’unité italienne, si elle a été sollicitée par Thiers afin d’user de son influence auprès de Bismarck, si elle a été cette femme libre, aux nombreux amants, puis cette femme déchue errant presque folle dans les rues parisiennes de la nouvelle république…Elle était avant tout une artiste, ayant tout de même songé jusqu’au bout à organiser une exposition de ses portraits à l’occasion des expositions universelle de 1867, puis de 1900.
CHAPITRE IV : MARGUERITE BELLANGER, LA DERNIERE MAITRESSE
Marguerite Bellanger (1838-1886) est une comédienne française qui compte parmi les personnes qui ont marqué leur époque. Elle devient une figure du monde littéraire et artistique, côtoya la plupart de ceux qui animèrent la vie artistique et politique de cette période.
Elle demeure pour l'histoire la dernière favorite de Napoléon III. On adit d’elle qu’elle fut la Montespan de Napoléon III. Elle est en quelque sorte la dernière d’une succession de « grandes maîtresses » des monarques français : Agnès Sorel, Diane de Poitiers, Gabrielle d’Estrées, la Montespan, la Maintenon, la Pompadour, la Du Barry.
Née Julie Leboeuf, elle est placée comme blanchisseuse, à 15 ans, à Saumur. Elle se laissera séduire par un beau lieutenant de Saumur, Rives, qui lui ouvre de plus larges horizons.
Après avoir été danseuse acrobatique et écuyère dans un cirque de province, elle "monte" à Paris où elle fait ses débuts de comédienne au théâtre de La Tour d'Auvergne, sous le nom de Marguerite Bellanger.
UNE DES COCOTTES LES PLUS RECHERCHEES DE PARIS
Surnommée « Margot la rigoleuse », elle mène un train de vie princier, et l'apogée de sa vie galante a lieu dans les années 1862-1866. Sa célébrité est telle qu'elle devient une figure du monde littéraire et artistique. Zola la cite comme une amie de Nana. Elle fut aussi modèle de Manet.
MAITRESSE IMPERIALE
Au cours d'une promenade en voiture dans le parc de Saint-Cloud par un après-midi orageux de juin 1863, Napoléon III aperçoit une charmante inconnue abritée sous un arbre. Napoléon III est envoûté par sa nouvelle rencontre. Marguerite est une belle fille blonde aux grands yeux verts. Danseuse acrobatique, elle serait entrée dans le cabinet impérial sur les mains, jupes renversées, exhibant son intimité.
Marguerite Bellanger devient la maîtresse de l'empereur Napoléon III. Bientôt, au su et au vu de tous - y compris l'impératrice qui ira trouver sa rivale chez elle pour la sommer de lui rendre son mari, après un grave malaise de l’empereur, qui ne peut plus soutenir le rythme imposée par Marguerite -, elle le suit dans ses déplacements privés ou officiels.
Parmi ses nombreux présents, l'Empereur lui offre deux maisons, l'une à Passy, l'autre à Saint-Cloud, dans le parc de Montretout, donnant par une porte dérobée sur les jardins du château.
En février 1864, Marguerite Bellanger donne naissance à un fils, sans doute issu de sa liaison avec Napoléon III. En novembre 1864, l'empereur offre à « Margot » le château de Villeneuve-sous-Dammartin, près de Meaux. L'empereur Napoléon III dote également l'enfant d'une pension et du château de Mouchy, dans l'Oise.
La liaison fait scandale car Marguerite n’est pas discrète, au contraire, elle tient à ce que ça se sache.
La belle Marguerite n’est pas fidèle : toujours séduisante, elle fait encore des conquêtes lorsqu'elle s'installe fin 1864 à Villeneuve-sous-Dammartin. Parmi ses amants, le général de Lignières, et selon certaines sources, Léon Gambetta. Sa liaison avec l'empereur se prolonge jusqu'à la guerre de 1870, et même pendant sa captivité en Westphalie.
LA CHATTE ASSAGIE ?
À la chute de l'Empire, elle part en Angleterre et épouse le baronnet Louis William Kulbach, capitaine dans l'armée britannique. Devenue une lady, elle mène une vie rangée et donne dans les bonnes œuvres. En France, elle fait l'objet de caricatures et de divers cancans. Paul Hadol, dans sa série de caricatures sur la « Ménagerie Impériale », en fait une chatte.
PRINCIPALES SOURCES (en dehors des articles Wikipédia)
1. Miss Howard : on peut se référer à l’ouvrage d’Alain Dag’Naud « Les Dessous croustillants de l’histoire de France » (Larousse 2017)
2. Sur Lola Montès : http://eve-adam.over-blog.com/2018/04/lola-montes-et-louis-1er-de-baviere.html
3. La Castiglione : Outre l’ouvrage déjà cité d’Alain Dag’Naud et une biographie que lui consacra Alain Decaux (Editions Perrin 2001), on peut se référer à :
• http://plume-dhistoire.fr/la-castiglione-ses-photos-fascination-et-modernisme/
• http://plume-dhistoire.fr/la-castiglione-ses-photos-folie-et-obsession/
• https://vivreparis.fr/portrait-de-femme-qui-a-marque-paris-la-comtesse-de-castiglione/
• https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/la-comtesse-de-castiglione-beaute-insolente-et-photographe-secrete-de
• http://peccadille.net/2015/12/19/dans-le-miroir-la-comtesse-de-castiglione/
• https://www.retronews.fr/societe/long-format/2018/06/08/castiglione-grandeur-et-decadence-de-la-plus-belle-femme-du-siecle
4. Sur Marguerite Bellanger : elle est également mentionnée dans l’ouvrage d’Alain Dag’Naud et dans celui de Patrick Caujolle « Histoire de la France polissonne » (Le Paillon rouge éditeurs 2013). On peut aussi citer le livre de Léopold Stapleaux « Les courtisanes du second empire (Hachette 2012).
J’ai voulu associer, dans ce texte, quatre femmes d’influence, qui ont eu un incroyable destin au milieu du XIXème siècle et ont eu une grande influence sur les souverains et hommes politiques : Harriet Howard, maîtresse du Prince-Président, futur Napoléon III, la « danseuse » Lola Montès, qui fit perdre son trône au Roi de Bavière Louis Ier, Virginia, comtesse de Castiglione, qui fit tant pour l’unité italienne, en particulier don de son corps et la comédienne Marguerite Bellanger, elle aussi maîtresse de l’empereur. Ces portraits de femmes, qui ont en commun d’avoir été des aventurières, voir des courtisanes, permettent aussi d’évoquer ce que l’historien Alain Plessis appelait la « fête impériale ».
CHAPITRE Ier : MS HOWARD, LA FEMME QUI FIT UN EMPEREUR
Harriet Howard, née Elizabeth Ann Haryett (1823–1865), est une actrice et femme du monde britannique. Maîtresse de Louis-Napoléon Bonaparte, elle fut son principal soutien financier avant qu'il ne devienne le premier président de la République française.
Elizabeth Ann Haryett est la fille d'un maître bottier-cordonnier. À quinze ans, elle s'enfuit avec Jem Mason, un jockey bien connu, pour vivre avec lui à Londres. Étant sa maîtresse et une actrice débutante, elle prit le nom de scène d'Harriet Howard, et fut connue sous le nom de Miss Howard. À dix-huit ans, son amant suivant fut le Major Mountjoy Martyn, un homme marié du régiment des Life Guards. Miss Howard lui donna un fils, Martin Constantin Haryett, né à Londres le 16 août 1842, qui, à son baptême, fut présenté comme le fils de ses parents à elle. Reconnaissant, le major Martyn les place sur son testament, léguant sa fortune à elle et à leur fils.
Alain Dag’Naud décrit ainsi Miss Howard : un « profil de camée sur un corps grec ».
Au cours d'une réception en 1846, Miss Howard rencontre Louis-Napoléon Bonaparte, prétendant au trône de France, mais, à l'époque, exilé à Londres. Le coup de foudre est immédiat et réciproque. Ils habitent ensemble. Avec sa fortune, elle finance ses efforts et ses conspirations pour retourner en France.
MAITRESSE DU PRINCE-PRESIDENT
Après la Révolution de 1848, Louis-Napoléon Bonaparte retourne en France où il se fait élire député puis président de la République, sa campagne ayant été financée par sa maîtresse.
Si le « prince-président » s’installe à l’Elysée, sa maîtresse emménage juste à côté, Rue du cirque, dans un hôtel particulier. Par une porte dérobée, le nouveau président traverse la rue et rejoint discrètement sa compagne pour passer ses soirées avec elle.
Miss Howard ne peut paraitre à l’Elysée mais est présente dans les loges officielles. Ils dorment ensemble dans les préfectures lors des déplacements officiels en province. Louis-Napoléon promet à sa compagne de « faire son bonheur, de la mettre à sa vraie place et de toujours resserrer des liens si chers ». Elle s’imagine à tort que cela va déboucher sur un mariage.
Miss Howard eut une ennemie jurée en la personne de la cousine de Napoléon, la princesse Mathilde, à qui il fut fiancé auparavant (1836), et qui lui apportait elle aussi un soutien financier. Miss Howard continua à soutenir ses aspirations à devenir empereur et finança en grande partie son coup d'État du 2 décembre 1851.
Un an plus tard, à la suite d’un plébiscite, il devient Napoléon III, empereur des Français. Bientôt, il se met à la recherche d'une épouse qui puisse devenir impératrice, et Miss Howard se retrouva mise de côté. Napoléon choisit une Espagnole, Eugénie de Montijo.
Miss Howard, qui a dépensé pour son protégé des sommes considérables, s’attendait à être récompensée. Elle fait une scène violente à l’empereur.
Lorsque Napoléon III annonça son mariage, Miss Howard fut envoyée préalablement au Havre pour une soi-disant mission en Angleterre. En son absence, des sbires de la police saccagèrent son logement et emportèrent toutes les lettres personnelles que Louis-Napoléon lui avait écrites.
Miss Howard exige que son amant la rejoigne rue du Cirque. L’explication dure trois heures. Elle obtient que les sommes avancées lui soient remboursées. Ils font l’amour, une dernière fois.
NAPOLEON III PAS RECONNAISSANT
Napoléon, devenu empereur sous le nom de Napoléon III, lui rembourse ses dettes. Elle reçoit le titre de comtesse de Beauregard du nom du château de Beauregard qu’elle possède sur les hauteurs de La Celle-Saint-Cloud. Après six mois de mariage, Napoléon reprend sa relation avec elle. Mais l'impératrice lui interdit de la revoir. Il doit renoncer à cette relation pour se consacrer à sa femme dans le but d'engendrer un héritier.
En 1854, Miss Howard se marie au capitaine Clarence Trelawny, un éleveur de chevaux qui utilisa son argent pour ses affaires. Les deux fils de Napoléon qu'elle avait élevés retournent avec leur mère. Cependant, le mariage de Harriet et Clarence fut difficile et ne dura pas : ils divorcèrent en 1865
Chapitre II : LOLA MONTES, LA COURTISANE QUI PROVOQUA UNE REVOLUTION A MUNICH
Lorsqu'on cite le nom de Lola Montes (1821-1861), on pense évidemment au chef-d’œuvre de Max Ophüls, avec Martine Carol dans le rôle-titre. Ce serait oublier qu'avant d'être immortalisée en héroïne du grand écran, cette fameuse courtisane a été une femme de chair et de sang, au destin si singulier. Née en 1821 (et morte à 40 ans), cette danseuse d'origine irlandaise fit le tour de monde et eut des amants aussi prestigieux que Louis Ier de Bavière, Richard Wagner, Alexandre Dumas fils ou Franz Liszt.
Lola Montès est le nom de scène de Marie Dolores Eliza Rosanna Gilbert, comtesse de Landsfeld, née à Grange (comté de Sligo en Irlande) le 17 février 1821 et morte à New York (USA) le 17 janvier 18611, danseuse exotique, actrice et courtisane d'origine irlandaise, célèbre pour avoir été la maîtresse du roi Louis Ier de Bavière.
Le journaliste Gustave Claudin (1819-1896) dit d’elle : « Lola Montès était une charmeuse. Il y avait dans sa personne un je ne sais quoi de provocant et de voluptueux qui attirait. Elle avait la peau blanche, des cheveux noirs ondoyants comme des pousses de chèvrefeuille, des yeux indomptés et sauvages et une bouche qu'on aurait pu comparer alors à une grenade en bouton. Ajoutez à cela une taille lancinante, des pieds charmants et une grâce parfaite. Par malheur elle n'avait, comme danseuse, aucun talent. »
UNE VIE AMOUREUSE EDIFIANTE
Lola, d’origine irlandaise par son père, mais créole côté maternel, se présentait comme une danseuse ... espagnole, du reste elle aurait inventé la tarentelle, nom tiré de la tarentule, on imagine une danse pour le moins saccadée ! Mais elle fut, semble-t-il une piètre danseuse, ne justifiant de cette qualité que par rapport à l’expression “entretenir une danseuse”, c’est-à-dire une passion, celle qu’elle inspira à ses amants argentés.
La vie amoureuse de la demoiselle est à cet égard édifiante. Mariée, elle convole une deuxième fois, ce qui la rend bigame, la situation se régularisera plus tard. Elle a de nombreux amants : Franz Liszt, peut-être Richard Wagner, à coup sûr le roi Louis Ier de Bavière (1786-1868) qui l’éleva au rang de comtesse, était-il aussi fantasque que Louis II, ce monarque qui aimait à faire construire des châteaux baroques, à l’image de sa personnalité ?
Et puis on peut y ajouter Alexandre Dumas fils, ce qui permet de supposer que nous n’avons pas affaire à une courtisane de bas étage, une lorette, mais à une égérie du demi-monde, Dumas fils en était un spécialiste jusqu’à lui consacrer une pièce de théâtre ;
Une certitude : Lola Montès devait souvent boucler ses valises ; chassée de Bavière lors du mouvement général révolutionnaire de 1848 en Europe, qui a bon dos soit dit en passant car le bon peuple de Munich supportait mal, et depuis belle lurette, l’influence délétère de Lola sur Louis, elle s’installera aux États-Unis qui ont toujours su accueillir les bannis de la vieille Europe, on la retrouve en Australie, puis de retour aux Amériques ; auparavant elle a fait scandale à Paris de 1844 à 1846 ;
Lola naît d'un père irlandais. La famille Gilbert émigre aux Indes en 1823. Peu de temps après leur arrivée, le père meurt du choléra. Sa mère se remarie l'année suivante et envoie Eliza vivre chez des parents de son beau-père en Grande-Bretagne.
En 1837, âgée de 16 ans, Eliza s'enfuit avec un amant de sa mère, le lieutenant Thomas James, qu'elle épouse. Mais elle trompe son mari et le couple se sépare cinq ans après. C'est alors qu'elle devint danseuse exotique sous le nom de Lola Montez. Rapidement sa « tarentelle » et son expression : « Ce que Lola veut, Lola l'obtient » (Whatever Lola wants, Lola gets) la rendent célèbre. Ses débuts à Londres en tant que « Lola Montez, la danseuse espagnole » en juin 1843 sont perturbés quand elle est reconnue comme la femme de Thomas James. Cette notoriété nuisant à sa carrière, elle prend le chemin du continent. Dès cette époque, elle prête ses faveurs à quelques hommes riches et beaucoup la considèrent comme une courtisane.
Parmi ses amants et bienfaiteurs on trouve Franz Liszt, qu'elle aurait fait rompre définitivement avec l'écrivaine Marie d'Agoult, Alexandre Dumas fils et le journaliste Alexandre Dujarrier. C'est Liszt qui l'introduit dans l'entourage de George Sand où elle côtoie les intellectuels marquants de son époque.
LOLA PROVOQUE UNE REVOLUTION EN BAVIERE
C'est lors d'un voyage en 1846 à Munich, sur le chemin de Vienne, que Louis Ier de Bavière, alors âgé de plus de soixante ans, la remarque et qu'elle devient rapidement sa maîtresse. Il lui offre un petit palais où il écrit de la poésie, tandis qu'elle invite des opposants à son régime, libéraux et anticléricaux, ce qui déplaît au gouvernement.
Usant de son influence auprès du roi, elle devient impopulaire auprès des Bavarois, en particulier après que des documents rendus publics montrent qu'elle espérait devenir sujette bavaroise et être anoblie. En dépit de l'opposition, le 25 août 1847, jour de son anniversaire, le roi la fait comtesse de Landsfeld « pour services artistiques rendus à la Couronne », titre accompagné d’une rente considérable, puis chanoinesse de l'ordre de Sainte-Thérèse, honneur réservé aux dames de très haute noblesse et de grande vertu. Cela contribue à l'impopularité croissante du roi. Une longue mise en demeure est alors rédigée par le gouvernement à l'adresse de ce dernier pour s'en insurger, évoquant « les torrents de larmes versés par l'archevêque d'Augsbourg » qui fut alors rebaptisé Niobé, en référence à la figure mythologique de la mère inconsolable suite au meurtre de ses enfants et métamorphosée en rocher d'où coule une source. De rage, Louis Ier dissout son ministère et constitue un nouveau gouvernement, que l'on surnomme aussitôt le Lolaministerium.
En 1848, alors qu'à Munich des mouvements de contestation sociale grondent, Lola Montez prend pour amant un étudiant insurgé tandis que Louis Ier ferme l'université à la multiplication des barricades et signe à contrecœur l'ordre de bannissement de sa maîtresse. Sous la pression du mouvement révolutionnaire, le roi finit par abdiquer en faveur de son fils aîné et Lola Montez s'enfuit de Bavière pour la Suisse.
La liaison entre Lola Montez et le roi marqua si fort l'opinion munichoise que, des années après, quand Louis II, petit-fils de Louis Ier, sera sur le trône de Bavière et accueillera à Munich son idole, l'impécunieux Richard Wagner, le mettant à l'abri du besoin, réglant ses dettes et satisfaisant à tous ses caprices, les Munichois surnommeront alors non sans humour le compositeur romantique « Lolus », pendant masculin de la trublionne à l'influence ruineuse.
FIN D’UNE CARRIERE
En 1851, elle prend un nouveau départ aux États-Unis. Entre 1851 et 1853, elle se produit comme danseuse et actrice dans l'est des États-Unis, puis se rend à San Francisco en mai 1853. En juillet 1853, elle épouse Patrick Hull et s'installe à Grass Valley, en Californie, en août 1853. Au milieu des années 1850, son mariage se brise. Elle fréquente alors un coureur de piste ; il commence à la battre avant de mourir rapidement.
Lola s'installe alors en Australie dans l'État de Victoria, faisant fortune en divertissant les mineurs de la ruée vers l'or. C'est en 1855, selon l'historien Michael Cannon, qu'elle met en scène sa danse érotique de l'araignée (Spider Dance) au Théâtre royal de Melbourne, levant ses jupons tellement haut que l'assistance pouvait constater qu'elle ne portait aucun sous-vêtement et faisant sortir de son corsage des araignées articulées. Le lendemain, l'Argus stigmatise son exhibition « tout à fait subversive pour la moralité publique ». Les notables cessèrent de fréquenter le théâtre qui subit dès lors de lourdes pertes. Elle passe presque quatre ans dans l'État de Victoria. À Castlemaine, en avril 1856, elle est « bissée avec frénésie » après sa danse de l'araignée devant quatre cents mineurs (y compris des membres du conseil municipal qui avaient levé la séance plus tôt pour pouvoir assister à la représentation), mais elle soulève la colère des spectateurs en les insultant en raison d'un léger chahut. Elle gagne encore en notoriété lorsqu'à Ballarat, après une mauvaise critique dans The Ballarat Times (journal local), elle poursuit avec un fouet Henry Seekamp, le rédacteur en chef. La Lola Montes Polka, composée par Albert Denning, est inspirée de cet incident.
Ayant emménagé à New York, le 30 juin 1860, elle est victime d'un accident vasculaire cérébral et se trouve partiellement paralysée. À la mi-décembre, elle peut de nouveau marcher malgré une légère claudication, mais sa vie de courtisane est alors terminée et elle se retrouve sans argent. Elle contracte une pneumonie et meurt peu avant son quarantième anniversaire ;
Lola Montès était une aventurière, une femme libre notamment de mœurs, attitude courageuse dans une époque corsetée à l’image de l’Angleterre de la reine Victoria, un fantasme, tableau vivant de la lubricité.
CHAPITRE III : LA CASTIGLIONE, L’EMPEREUR ET LA PHOTOGRAPHIE
Virginia Oldoïni, Comtesse de Castiglione par son mariage (1837-1899) était une aristocrate piémontaise. Missionnée par Cavour, Premier Ministre du roi de Piémont-Sardaigne pour devenir maitresse de l'empereur des Français Napoléon III, elle est également une figure des premières heures de la photographie.
La comtesse de Castiglione est célèbre pour avoir été la maîtresse de Napoléon III, et pour ses tenues audacieuses arborées lors de bals aux Tuileries. Mais l’œuvre véritable de la Castiglione, ce sont ses photographies.
Si sa liaison avec l’Empereur dura un peu plus d’un an (entre 1856 et 1857), si ses apparitions en costumes fantaisistes lui accordèrent une gloire de quelques heures, ses photographies, elles, sont encore là, immortelles. Elles se détachent nettement des photographies traditionnelles et, encore aujourd’hui, fascinent par leur modernisme et leur côté provocateur.
La comtesse de Castiglione fut qualifiée de « plus belle femme de son siècle.
Elle est la fille unique du marquis Filippo Oldoïni Rapallini, député de La Spezia au Parlement du royaume de Sardaigne en 1848 puis ambassadeur italien à Lisbonne.) Elle reçoit l'éducation soignée typique de la petite noblesse piémontaise, apprenant l'anglais et le français rapidement, pratiquant la danse et la musique.
LA PERLE D’ITALIE
Consciente de sa beauté, elle est surnommée La Perla d'Italia (La Perle d'Italie). Elle épouse, le 9 janvier 1854, à l'âge de 17 ans, le comte Francesco Verasis de Castiglione (1826-1867), dont c'est le deuxième mariage et auquel elle donne le 9 mars 1855 un fils prénommé Giorgio (1855-1879). Délaissée par un mari au caractère réservé contrairement au sien et souvent appelé auprès du roi, elle prend pour amant le jeune officier et ami d'enfance Ambrogio Doria puis son frère Marcello, ce qui crée des tensions dans le couple qui s'est installé à Turin.
MAITRESSE DE VICTOR-EMMANUEL PUIS DE NAPOLEON III
Quelques semaines après ses couches, aux fins de servir en secret les intérêts du roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II, dont elle est devenue aussi la maîtresse et l'unification de l'Italie, son cousin Camillo Cavour lui demande de se rendre à Paris pour que la jeune femme de 18 ans séduise l'empereur Napoléon III, afin d'influencer, par les moyens qu'il lui plaira, ses décisions politiques afin d'obtenir l'appui du gouvernement français pour la création d'une Italie unifiée et indépendante. La comtesse rêvant de jouer un rôle politique accepte cette mission.
Le 9 janvier 1856 la Castiglione est présentée à Napoléon III, en l'absence de l'impératrice Eugénie retenue par sa grossesse, lors d'un bal chez la princesse Mathilde Bonaparte.
La relation de la comtesse avec Napoléon III se matérialise dans le parc de Saint-Cloud au milieu du château de Villeneuve-l'Étang à Marnes-la-Coquette le 27 juin 1856. L'empereur et la comtesse étant mariés, le double adultère impérial fait scandale, et contraint le comte de Castiglione à se séparer de sa femme : ruiné par le train de maison luxueux dans leur hôtel parisien de la rue de Castiglione, il repart seul en Italie où il doit vendre toutes ses possessions pour rembourser les dettes faites par son épouse.
Libre, la comtesse entretient avec l'Empereur des Français une relation de deux ans (1856-57)9. Néanmoins, d'après une rumeur infondée, la comtesse de Castiglione serait devenue en 1862, la mère d'un fils illégitime de l'empereur.
Cet adultère impérial qui défraye la chronique lui ouvre les portes des salons privés d'Europe qui, en temps normal, lui auraient été fermées. Elle y rencontre les grands de cette époque : la reine Augusta de Prusse, le comte Otto von Bismarck et l'homme politique Adolphe Thiers.
Courtisée, adulée, jalousée, la Comtesse de Castiglione défraye les chroniques mondaines du Second Empire. Sa relation avec l’empereur est au cœur de toutes les conversations et lui ouvre les portes de la haute société, dans laquelle elle se pavane en se vantant des cadeaux de son amant célèbre. Dans les bals et dîners mondains où elle est invitée, la jeune femme qu’on décrit comme vaniteuse, fuyante avec les femmes et très égocentrique, arrive toujours en retard, dans des accoutrements surprenants. Son imagination n’a pas de limite ; elle crée ses tenues dans l’unique but de choquer.
La comtesse se fiche des mauvaises langues : c’est le scandale qui fait parler d’elle ; la jalousie qu’elle suscite est une consécration. Et elle fait tout pour se faire détester.
Depuis son divorce, la Castiglione partage avec les demi-mondaines la nécessité d’avoir des amants pour maintenir son train de vie. En cela, tout cela, elle bouscule les règles établies et les hiérarchies figées de la société du Second Empire.
A un bal des Tuileries, raconte un témoin, « elle se présenta à demi-nue, en déesse antique, la chevelure dénouée, reposant épaisse et soyeuse sur ses épaules, sa robe, fendue sur le côté, laissait voir une jambe moulée dans un maillot de soie. »
Mais narcissique et capricieuse, snobant le reste de la cour et se vantant publiquement des cadeaux que l'empereur lui offre à partir des fonds secrets, elle finit par se rendre antipathique et lasse l'empereur qui prend une nouvelle maîtresse, la comtesse Marianne Walewska. De plus, dans la nuit du 5 au 6 avril 1857 alors qu'il sort de chez la comtesse Castiglione, trois carbonari accusés d'être à la solde du révolutionnaire Giuseppe Mazzini, tentent de tuer l'empereur. Soupçonnée à tort de complicité, elle est officiellement expulsée de France. Elle revient en grâce dès le mois suivant grâce à la princesse Mathilde et à son complice et confident Joseph Poniatowski.
La Castiglione prétendra que son influence sur l'empereur s'est concrétisée le 21 juillet 1858 lors de l'entrevue secrète à Plombières entre Napoléon III et le comte de Cavour, aboutissant au traité de Plombières, où fut décidée l’intervention en Italie.
Soutenue par sa beauté, mais aussi un charme irrésistible et une intelligence subtile, la comtesse de Castiglione va conquérir toutes les cours d'Europe, si bien que, durant la guerre franco-prussienne de 1870, Napoléon III, vieillissant, malade et vaincu, lui demandera une dernière fois de jouer de ses talents de diplomate pour plaider la cause de la France.
LA PREMIERE TOP MODEL : « LE CŒUR EST UN PEU BAS »
En juillet 1856, la Comtesse se rend à l'atelier des frères Mayer et de Pierre-Louis Pierson à Paris, ses premières poses signent le début d'une collaboration qui durera près de 40 ans. Sa beauté, elle en a fait une obsession, poussant son narcissisme jusqu’à devenir la femme de son époque à s’être fait tirer le plus de portraits.
On estime sa collection à environ 400 clichés, un nombre incroyable pour l’époque, où la photographie n’est qu’un moyen de se présenter à la société. Mayer et Pierson, photographes très appréciés de la noblesse parisienne du 19e siècle sont notamment à l’origine de bien de ces portraits que Virginia garde pour son plaisir personnel.
Pendant quarante ans, la comtesse de Castiglione s’est ainsi faite photographier sous toutes les coutures ; brisant rapidement les codes du portrait de l’époque dans une démarche originale, d’une modernité étonnante. Elle pose dans des mises en scène qui restent encore aujourd’hui mystérieuses.
Bien qu’appartenant au monde de la cour, la Comtesse ne dédaigne pas de s’inspirer des demi-mondaines, des femmes de spectacle, qui s’emparent elles aussi de la photographie à la même époque. Il arrive à Castiglione de s’inspirer de leurs excentricités, de leurs costumes ou encore de leur jeu d’actrices. Elle pousse jusqu’à la suggestion érotique, voire pornographique. Elle n’hésite pas à se montrer en déshabillé, voir à dévoiler ses jambes nues, ce qui ne se fait évidemment pas à l’époque.
Dans ses plus belles années la comtesse se pare de robes de bal ou de jour somptueuses, de bijoux, de postiches et de perruques poudrées, elle utilise également des accessoires pour recréer un personnage, une scène, un sentiment… Pierre-Louis Pierson réalise plus de 450 portraits pour lesquels elle organise elle-même la mise en scène (elle y dépense pratiquement toute sa fortune personnelle) et auxquels elle se décrit un jour comme « la plus belle créature qui ait existé depuis le commencement du monde »
Elle pose également avec des costumes. Celui de la « dame de cœurs » est l'un des plus beaux. La photographie prise par Aquilin Schad est retravaillée à la gouache dans l'atelier Mayer et Pierson entre 1861 et 1863. Cette œuvre est présentée à la section française de photographie de l'Exposition universelle de 1867 à Paris.
La comtesse a porté cette robe le 17 février 1857 dans le bal donné au ministère des Affaires étrangères. Au point culminant de leur relation désormais connue de tous à la cour, Napoléon III déguisé et masqué essaye de se divertir incognito mais les invités suivent attentivement ses gestes. Cette soirée montre un reflet du faste de la cour impériale marquée par la nostalgie de Versailles ou de Trianon, Marie-Antoinette inspire particulièrement l’impératrice Eugénie. Tous les invités portent des costumes faisant référence à cette époque. Mal vue à la cour pour ses frasques assumées avec l'Empereur, la comtesse porte « le costume le plus fantaisiste et le plus hardi qui puisse être imaginé ». Ce costume Louis XV, moitié actuel, portait pour titre : « dame de cœurs ». Les jupes retroussées sur le jupon de dessous ainsi que le corsage se trouvaient enlacés de chaînes formant de gros cœurs. La merveilleuse chevelure de la comtesse en cascades sur son cou. Le costume éblouissant d'or était magnifique…À la vue du cœur central cousu sur la robe juste au-dessus du haut des cuisses de la comtesse, Eugénie réplique sèchement « Le cœur est un peu bas. » La tenue est indécente, elle porte sa robe sans corset, la gaze révèle presque le bout de son sein.
Certains clichés sont réellement suggestifs. Ils dévoilent ses épaules (Epaules nues), ses bras (Série Les beaux bras, ou Le voile), une œillade aguicheuse… Mais tout n’est que jeu !
Dans "Un dimanche", elle invite à l’abandon, le doigt posé au coin des lèvres, une main sur la taille, tout en apparaissant masquée : elle se dérobe. Ainsi, dans la série d’Instantanés, elle est proche et lointaine à la fois, insaisissable.
Sur une photo de la Série Ritrosetta, elle semble prête à camoufler son visage derrière l’éventail qu’elle tient dans sa main droite, invitant le spectateur à profiter d’une vision qui va bientôt s’évanouir. La Castiglione, même dans ses poses les plus langoureuses, ne s’abandonne jamais tout à fait. Pourquoi ?
Virginia, en s’appropriant ainsi l’espace, raconte en fait une histoire. Son histoire. Ces clichés nous dévoilent une femme accomplie, sûre d’elle-même, certes narcissique et consciente de sa beauté jusqu’à l’excès, mais surtout une âme tourmentée
Quand elle revient en France en 1861 avec son fils Giorgio (Georges) commence une période de grande créativité jusqu'en 1863.
Pour la première fois depuis son retour à Paris en 1861, elle est invitée à la Cour, au bal costumé des Tuileries le 9 février 1863. Elle y apparaît déguisée en reine d’Étrurie. Son costume se compose d'un péplum de velours noir sur une jupe orangée, elle porte des bijoux en cuivre doré et tient dans sa main un éventail en plumes de paon. Virginia se précipite le lendemain à l'atelier de photographie pour immortaliser sa tenue. Persuadée de son succès et de son retour dans les hautes sphères, elle prend des poses lascives et suaves, mime l'innocence. Toutefois son costume fait scandale. Mal aimée à la Cour, la presse se déchaine, elle est accusée d'être apparue nue à la fête. Son mari, le Comte François, toujours en Italie, menace de lui reprendre Giorgio. Elle lui répondra par une photographie nommée « La Vengeance » et garde l'enfant. Sur cette photo, elle est vêtue du même costume de reine d’Étrurie mais avec la cape recouvrant ses épaules et ses bras nus, à la main elle tient un poignard.
Les photographies de Virginia de Castiglione ont marqué l'histoire de la photographie. Ses poses innovantes se distinguent des normes de l'époque.
Après la fin du Second Empire, la mort de son mari puis de son fils, Virginia s'enferme au 26 place Vendôme dans un appartement morne, triste et sombre. Ne parvenant pas à faire le deuil de son succès passé, elle réalise quatre-vingt-deux photos dans l'atelier parisien où elle revêt ses tenues fastueuses d'antan. D'une façon pathétique et morbide elle pose, comme avant, toutefois sa légendaire beauté s'en est allée.
Virginia vit dans un monde qui ne lui ressemble plus. Dans les années 1880, esclave de son image et ne supportant pas de vieillir, elle souffre de neurasthénie et misanthropie. Elle se terre à l'abri des miroirs qu'elle a fait voiler dans son appartement parisien, où elle sombre dans l'anonymat et le dénuement. Elle ne sort plus qu'à la nuit tombée, pour ne pas être confrontée au regard que les passants pourraient porter sur les « ravages » que le temps, d'après elle, a fait subir à sa beauté. Elle décède à son domicile parisien du 1er arrondissement, à l'âge de 62 ans, aux côtés des dépouilles empaillées de ses chiens. Le secrétaire d'ambassade italienne à Paris Carlo Sforza accourt pour brûler ses papiers compromettants.
Alors si la Castiglione a été une des favorites de Napoléon III, si à la demande de Camillo Cavour et de Victor Emmanuel, elle a œuvré par son charme à l’unité italienne, si elle a été sollicitée par Thiers afin d’user de son influence auprès de Bismarck, si elle a été cette femme libre, aux nombreux amants, puis cette femme déchue errant presque folle dans les rues parisiennes de la nouvelle république…Elle était avant tout une artiste, ayant tout de même songé jusqu’au bout à organiser une exposition de ses portraits à l’occasion des expositions universelle de 1867, puis de 1900.
CHAPITRE IV : MARGUERITE BELLANGER, LA DERNIERE MAITRESSE
Marguerite Bellanger (1838-1886) est une comédienne française qui compte parmi les personnes qui ont marqué leur époque. Elle devient une figure du monde littéraire et artistique, côtoya la plupart de ceux qui animèrent la vie artistique et politique de cette période.
Elle demeure pour l'histoire la dernière favorite de Napoléon III. On adit d’elle qu’elle fut la Montespan de Napoléon III. Elle est en quelque sorte la dernière d’une succession de « grandes maîtresses » des monarques français : Agnès Sorel, Diane de Poitiers, Gabrielle d’Estrées, la Montespan, la Maintenon, la Pompadour, la Du Barry.
Née Julie Leboeuf, elle est placée comme blanchisseuse, à 15 ans, à Saumur. Elle se laissera séduire par un beau lieutenant de Saumur, Rives, qui lui ouvre de plus larges horizons.
Après avoir été danseuse acrobatique et écuyère dans un cirque de province, elle "monte" à Paris où elle fait ses débuts de comédienne au théâtre de La Tour d'Auvergne, sous le nom de Marguerite Bellanger.
UNE DES COCOTTES LES PLUS RECHERCHEES DE PARIS
Surnommée « Margot la rigoleuse », elle mène un train de vie princier, et l'apogée de sa vie galante a lieu dans les années 1862-1866. Sa célébrité est telle qu'elle devient une figure du monde littéraire et artistique. Zola la cite comme une amie de Nana. Elle fut aussi modèle de Manet.
MAITRESSE IMPERIALE
Au cours d'une promenade en voiture dans le parc de Saint-Cloud par un après-midi orageux de juin 1863, Napoléon III aperçoit une charmante inconnue abritée sous un arbre. Napoléon III est envoûté par sa nouvelle rencontre. Marguerite est une belle fille blonde aux grands yeux verts. Danseuse acrobatique, elle serait entrée dans le cabinet impérial sur les mains, jupes renversées, exhibant son intimité.
Marguerite Bellanger devient la maîtresse de l'empereur Napoléon III. Bientôt, au su et au vu de tous - y compris l'impératrice qui ira trouver sa rivale chez elle pour la sommer de lui rendre son mari, après un grave malaise de l’empereur, qui ne peut plus soutenir le rythme imposée par Marguerite -, elle le suit dans ses déplacements privés ou officiels.
Parmi ses nombreux présents, l'Empereur lui offre deux maisons, l'une à Passy, l'autre à Saint-Cloud, dans le parc de Montretout, donnant par une porte dérobée sur les jardins du château.
En février 1864, Marguerite Bellanger donne naissance à un fils, sans doute issu de sa liaison avec Napoléon III. En novembre 1864, l'empereur offre à « Margot » le château de Villeneuve-sous-Dammartin, près de Meaux. L'empereur Napoléon III dote également l'enfant d'une pension et du château de Mouchy, dans l'Oise.
La liaison fait scandale car Marguerite n’est pas discrète, au contraire, elle tient à ce que ça se sache.
La belle Marguerite n’est pas fidèle : toujours séduisante, elle fait encore des conquêtes lorsqu'elle s'installe fin 1864 à Villeneuve-sous-Dammartin. Parmi ses amants, le général de Lignières, et selon certaines sources, Léon Gambetta. Sa liaison avec l'empereur se prolonge jusqu'à la guerre de 1870, et même pendant sa captivité en Westphalie.
LA CHATTE ASSAGIE ?
À la chute de l'Empire, elle part en Angleterre et épouse le baronnet Louis William Kulbach, capitaine dans l'armée britannique. Devenue une lady, elle mène une vie rangée et donne dans les bonnes œuvres. En France, elle fait l'objet de caricatures et de divers cancans. Paul Hadol, dans sa série de caricatures sur la « Ménagerie Impériale », en fait une chatte.
PRINCIPALES SOURCES (en dehors des articles Wikipédia)
1. Miss Howard : on peut se référer à l’ouvrage d’Alain Dag’Naud « Les Dessous croustillants de l’histoire de France » (Larousse 2017)
2. Sur Lola Montès : http://eve-adam.over-blog.com/2018/04/lola-montes-et-louis-1er-de-baviere.html
3. La Castiglione : Outre l’ouvrage déjà cité d’Alain Dag’Naud et une biographie que lui consacra Alain Decaux (Editions Perrin 2001), on peut se référer à :
• http://plume-dhistoire.fr/la-castiglione-ses-photos-fascination-et-modernisme/
• http://plume-dhistoire.fr/la-castiglione-ses-photos-folie-et-obsession/
• https://vivreparis.fr/portrait-de-femme-qui-a-marque-paris-la-comtesse-de-castiglione/
• https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/la-comtesse-de-castiglione-beaute-insolente-et-photographe-secrete-de
• http://peccadille.net/2015/12/19/dans-le-miroir-la-comtesse-de-castiglione/
• https://www.retronews.fr/societe/long-format/2018/06/08/castiglione-grandeur-et-decadence-de-la-plus-belle-femme-du-siecle
4. Sur Marguerite Bellanger : elle est également mentionnée dans l’ouvrage d’Alain Dag’Naud et dans celui de Patrick Caujolle « Histoire de la France polissonne » (Le Paillon rouge éditeurs 2013). On peut aussi citer le livre de Léopold Stapleaux « Les courtisanes du second empire (Hachette 2012).
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18 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
@ Arthur, certains récits ont déja été publiés, d'autres sont dans ma liste de personnages
et encore à écrire. C'est en effet une source d'inspiration, que celle de ces "grandes
horizontales", au fil des siècles
et encore à écrire. C'est en effet une source d'inspiration, que celle de ces "grandes
horizontales", au fil des siècles
Dans le cadre de cette rubrique, parler de quelques-unes des grandes courtisanes
s'imposait. Je suppose qu'il y en aura d'autres
Arthur
s'imposait. Je suppose qu'il y en aura d'autres
Arthur
Merci Julie!
"Les grandes courtisanes" de Joëlle Chevé (First 2012) consacre un chapitre à Lola Montès
Julie
Julie
Une conclusion que je partage totalement, Jean-Philippe!
Il est toujours intéressant de continuer de faire ce constat qui m'accablent, : le manque
d'équite homme femmes vis à vis de la liberté de moeurs.
Ce sont justement ces visions mysogyne qui enferment les femes "ordinaire" dans des
pseudos position d'honorabilité et de pureté. Mais quelle plus belle pureté qu'un
orgasme, cette décharge libératrice, ce don de soi au monde.
d'équite homme femmes vis à vis de la liberté de moeurs.
Ce sont justement ces visions mysogyne qui enferment les femes "ordinaire" dans des
pseudos position d'honorabilité et de pureté. Mais quelle plus belle pureté qu'un
orgasme, cette décharge libératrice, ce don de soi au monde.
ni pour toutes, même si ces femmes sont emblématiques
Une époque de libération des moeurs, même si ce ne fut pas pour tous
Yacine
Yacine
C'est exactement ça, Paul!
La Castiglione, une vraie patriote qui était prête à tout donner pour l'unité italienne, y compris son corps!
Paul
Paul
@ Micky, je n'avais pas vu le second commentaire. L'objet de cette rubrique est aussi de faire connaitre des personnages moins connues, mais intéressantes, du point de vue de leur libertinage
@ Daniel, c'est vrai. J'ai rattaché Lola Montès à ce texte parce que contemporaine de cette période du XIXème siècle qui fut si libertin, du moins dans certains milieux, celui de la politique,du spectacle notamment
@ Daniel, c'est vrai. J'ai rattaché Lola Montès à ce texte parce que contemporaine de cette période du XIXème siècle qui fut si libertin, du moins dans certains milieux, celui de la politique,du spectacle notamment
Merci à Luc, Maurice et Micky, fidèles lecteurs!
En fait, c'est Braguindet qu'on aurait dû l'appeler
Encore un gros travail documentaire d'Olga. J'avoue que je ne connaissais pas tout ça, sauf Lola Montes à cause du film d'Ophuls. Finalement, ce n'est pas Badinguet qu'on aurait dû surnommer Napoléon III mais Bradinguet. (Micky)
Miss Howard, la Castiglione et Marguerite Bellanger ont été les maîtresses de Napoléon III. Pas Lola Montès!
Daniel
Daniel
La pauvre impératrice Eugénie!
Julie
Julie
Ce Badinguet (Napoléon III) était un sacré queutard!
Maurice
Maurice
" La fête impériale", le second empire mérite bien d'être appelé ainsi!
Luc
Luc