Histoire des libertines (59) : Joséphine Baker, l’amoureuse.
Récit érotique écrit par Olga T [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 28-05-2020 dans la catégorie A dormir debout
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Histoire des libertines (59) : Joséphine Baker, l’amoureuse.
Après Kiki de Montparnasse, qui marqua l’entre-deux-guerres, j’ai souhaité aborder une autre reine de la nuit, une personnalité fascinante, celle de Joséphine Baker, de son vrai nom Freda Josephine McDonald (1906-1975), chanteuse, danseuse, actrice, meneuse de revue et résistante française (naturalisée en 1937) d'origine américaine.
Avec Kiki de Montparnasse, Joséphine sera l’autre icône du Paris des Années folles.
De Joséphine, on connaît sa ceinture de bananes. On connaît sa démesure, ses provocations. On ignore l’intégrité de ce personnage paradoxal, son côté rebelle et visionnaire, tant son sourire qui lui servait de rempart. On sait rarement ses engagements citoyens, ses combats en faveur des plus démunis, son militantisme en faveur des droits civils, sa générosité, sa lutte contre toutes les formes de discriminations. Derrière l'icône, le symbole sexuel du Paris des années 1930, l'émoi et le scandale qu'elle a créés en dansant lascivement avec sa célèbre ceinture de bananes autour de la taille, Joséphine Baker a aussi été une femme engagée, entre autres dans la Résistance française et dans la lutte pour les droits civiques des personnes noires aux États-Unis.
ENFANCE PAUVRE
Née dans le Missouri aux États-Unis, la future Joséphine avait des origines espagnole, afro-américaine et amérindienne. Elle descendrait probablement d'Eddie Carson, musicien de rue. Artistes, ses parents ont monté ensemble un numéro de chant et de danse mais Eddie abandonne sa famille en 1907. Sa mère, Carrie McDonald se remarie avec un ouvrier, Arthur Martin, dont Joséphine prend le nom.
La jeune femme passe une partie de son enfance à alterner l'école et les travaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l'envoie pour travailler. À cette époque, Joséphine Baker n'a d'autre choix que de contribuer, par son salaire, à faire vivre la fratrie dont elle est l'aînée ; la famille est très pauvre et s'est agrandie. Joséphine quitte l'école en février 1920 pour se marier avec Willie Wells. Elle est alors âgée de 13 ans !
LES DEBUTS D’UNE ARTISTE : BROADWAY
Après la fin de son premier mariage, en 1920, Joséphine Baker, qui danse depuis qu'elle est toute petite, rejoint un trio d'artistes de rue appelé le Jones Family Band, qui est ensuite intégré dans la troupe itinérante des Dixie Steppers. C'est au moment où leur tournée s'arrête à Philadelphie que Joséphine fait la rencontre de Willie Baker, qu'elle épouse en 1921 et avec qui elle s'installe. Pour gagner sa vie, elle danse au Standard Theater, où elle gagne 10 dollars par semaine.
Mais Joséphine Baker voit grand, et l'envie de danser à Broadway la pousse, âgée d'à peine 16 ans, à quitter son second mari pour aller tenter sa chance à New York. Là, elle essuie plusieurs refus avant d'enfin se voir offrir un rôle sommaire. Elle joint donc la troupe de la comédie musicale Shuffle Along, un spectacle populaire à la distribution entièrement noire.
Au bout de deux ans de tournée, elle change d’allégeance et s'associe aux « Chocolate Dandies », qu'elle quitte à leur tour pour entrer au Plantation Club, où elle fait la rencontre de Caroline Dudley Reagan. Cette mondaine, épouse de l'attaché commercial de l'ambassade américaine à Paris Donald J. Reagan, voit en Joséphine Baker un grand potentiel. Elle lui offre donc un salaire de 250 dollars par semaine si celle-ci accepte de la suivre en France, où Reagan veut monter un spectacle dont Joséphine Baker sera la vedette.
LA REVUE NEGRE : UN VENT DE FOLIE ET DE LIBERTE
En 1925, au théâtre des Champs-Elysées, la « sauvage africaine » aux seins nus conquiert le Tout-Paris et devient la première star noire mondiale.
Symbole des années 1920 débridées, Joséphine Baker enflamme Paname avec ses numéros sensuels dans La « Revue nègre ». On ne voit que cette Vénus noire, seins nus, roulant des yeux, « les trophées phalliques de sa ceinture de bananes » s’agitant au rythme endiablé de son charleston.
Le 2 octobre 1925, elle passe en première partie dans la « Revue nègre » au Théâtre des Champs-Élysées. Vêtue d'un simple pagne de fausses bananes, elle danse sur un rythme de charleston, musique alors encore inconnue en Europe, l'interprétation d'un tableau baptisé La Danse sauvage. Le scandale fait rapidement place à l'engouement général. Elle devient l'égérie des cubistes qui vénèrent son style et ses formes, et suscite l'enthousiasme des Parisiens pour le jazz et les musiques noires.
Par sa liberté de ton et d’allure, son indépendance d’esprit, sa personnalité hors-normes, son succès lié à cette présence explosant tous les codes, le phénomène Joséphine Baker devient l’emblème des Années folles et marquera l’apogée de la "mode nègre" en art.
Elle deviendra la première star à se montrer presque nue. Ses extravagances n’étaient pas réservées à la scène car, de caprices en crises d’hystérie ou d’abattement, Joséphine Baker multiplia les provocations.
Pour le rôle principal dans la Revue nègre, elle est prête à tout et n’hésite pas à satisfaire les envies du public. Elle est à la fois acclamée par les bourgeois libérés des années folles et les artistes, de Hemingway en passant par Calder, jusqu’à Picasso. En Europe, elle déclenche une véritable « Bakermania ».
Le Tout Paris des arts, des lettres et de la finance était à ses pieds (et parfois dans son lit !). Georges Simenon fut son secrétaire et amant. Elle posa pour les peintres Van Dongen, Foujita et Picasso. Elle interpréta des chansons qui demeurent dans l’histoire de la chanson française.
Sa ceinture de bananes, ses cheveux noirs ultra courts, plaqués en arrière, une raie sur le côté, et ses accroche-cœurs, ses yeux qui roulent et ses jambes fuselées qu’elle jette à la tête des spectateurs, deviennent mythiques.
Joséphine Baker libère le corps par son humour et ses danses scandaleuses : « Cette fille a le génie de laisser son corps se moquer de lui-même » (André Rouverge). Elle souffle un vent de folie et de liberté à une époque où les femmes s’émancipent, fument, boivent, raccourcissent jupes et cheveux, assument leurs nouveaux droits et le début d’une libération sexuelle.
Elle est la femme aux cheveux courts. Elle est la femme qu’il faut imiter, celle qui crée la mode du bronzage. Cette femme des années folles était la plus battante, la plus aimée, la plus provocatrice et la plus drôle.
PEPITO, SON « GIGOLO »
En 1926, elle rencontre un ancien tailleur de pierre originaire de Sicile, souvent qualifié de « gigolo », Giuseppe (dit « Pepito ») Abatino, avec qui elle entame une liaison qui dure jusqu'en 1936. Pendant cette période, il est son impresario, son manager, son mentor. Leur relation correspond à la période de l'ascension de Joséphine Baker.
Après une tournée en Europe, Joséphine Baker mène la revue des Folies Bergère de 1927 accompagnée d'un léopard, dont l'humeur fantasque terrorise l'orchestre et fait frémir le public. Cette même année, la jeune star se lance dans la chanson et suivant les conseils de Giuseppe elle participe au film La Sirène des tropiques. Avec Joséphine, Giuseppe ouvre le club « Chez Joséphine » et organise la tournée mondiale de la chanteuse en 1928.
Henri Varna, directeur du Casino de Paris, l'engage pour mener la revue de la saison 1930-1931 et lui achète un guépard, nommé Chiquita. En 1931, elle remporte un succès inoubliable avec la chanson « J'ai deux amours », composée par Vincent Scotto.
Quelques rôles lui sont proposés au cinéma par des cinéastes, tel Marc Allégret. Elle tourne ensuite dans deux films qui lui sont consacrés et dont Abatino écrit le scénario : « Zouzou » avec Jean Gabin et la fameuse chanson Fifine (composée par Vincent Scotto, Henri Varna et Emile Audiffred) puis « Princesse Tam Tam ». Ces films ne rencontrent pas le succès espéré. Sur les planches du music-hall, en revanche, elle rassemble un plus large public en chantant et en dansant même le tango Voluptuosa de José Padilla.
Sa tournée de 1936 aux États-Unis ne rencontre la réussite escomptée. Pepito et Joséphine se séparent après cet échec.
FRANCAISE ET RESISTANTE
Elle rentre en France et acquiert la nationalité française en épousant en 1937 le jeune raffineur Jean Lion, Giuseppe Abatino étant mort d'un cancer à l'automne 1936.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, Joséphine Baker devient un agent du contre-espionnage. À cet effet, elle fréquente la haute société parisienne, puis se mobilise pour la Croix-Rouge. Après la bataille de France, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre, en France puis en Afrique du Nord. Installée au Maroc entre 1941 et 1944, elle soutient les troupes alliées et américaines et se lance dans une longue tournée en jeep, de Marrakech au Caire, puis au Moyen-Orient, de Beyrouth à Damas, y glanant toutes les informations qu'elle peut auprès des officiels qu'elle rencontre.
Après une grossesse à l'issue de laquelle Joséphine Baker accouche d'un enfant mort-né, elle contracte une grave infection et doit subir une hystérectomie à Casablanca en 1941.
Elle s'acquitte durant la guerre de missions importantes, et reste connue pour avoir utilisé ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Lors de sa première mission à destination de Lisbonne, elle cache dans son soutien-gorge un microfilm contenant une liste d'espions nazis, qu'elle remet à des agents britanniques. Engagée ensuite dans les forces féminines de l'armée de l'air, elle débarque à Marseille en octobre 1944.
À la Libération, elle poursuit ses activités pour la Croix-Rouge, et chante pour les soldats et résistants près du front, suivant avec ses musiciens la progression de la 1re armée française. Ses activités durant la guerre lui vaudront la médaille de la Résistance française après les hostilités, et quelques années plus tard les insignes de chevalier de la Légion d'honneur et la Croix de guerre 1939-1945 avec palme des mains du général Martial Valin.
UNE FEMME ENGAGEE
Joséphine Baker fut l'une des premières ambassadrices de la haute couture française, « spécialement après la Seconde Guerre mondiale. Alors, lorsqu'elle était revenue des États-Unis en 1949-1950, Joséphine avait bien porté - dans un spectacle, sur scène - ces robes fabuleuses ».
Avec Jo Bouillon, qu'elle épouse en 1947, elle achète le château des Milandes en Dordogne qu'elle loue depuis 1937 et où elle vivra jusqu'en 1969. Elle y accueille douze enfants de toutes origines qu'elle a adoptés et qu'elle appelle sa « tribu arc-en-ciel ».
Séparée de Jo Bouillon en 1957 (le couple divorce en 1961), elle engloutit toute sa fortune dans le domaine des Milandes, où elle emploie un personnel nombreux, et doit multiplier les concerts pour poursuivre son œuvre.
En 1951, pour sa tournée en Floride, elle impose qu’il n’y ait aucune ségrégation à ses concerts. Le FBI du sinistre Edgar Hoover ne le lui pardonnera pas.
En 1955, elle amplifie en Europe la vague d'indignation soulevée par le meurtre du jeune afro-américain Emmett Till, suivi de l'acquittement des deux assassins, puis de leurs aveux cyniques après le jugement, une fois assurés de l'impunité. En 1964, Joséphine retourne aux États-Unis, pour soutenir le mouvement des droits civiques du Pasteur Martin Luther King. Elle participe en 1963 à la Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté organisée par Martin Luther King, lors de laquelle elle prononce un discours, vêtue de son ancien uniforme de l'armée et de ses médailles de résistante.
Joséphine Baker se fera aussi remarquer par son opposition au régime cubain de Batista et son soutien à Fidel Castro. Le 13 février 1953, lors de sa tournée à La Havane, se tient une manifestation étudiante. Elle est violemment réprimée par le régime et un jeune homme est tué. Sa dépouille est emmenée dans le grand amphithéâtre de l'université et Joséphine s'y rend, afin d'assister à la veillée funèbre. Le lendemain, le corps est emmené au cimetière lors d'un défilé de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, mené par Fidel Castro. Joséphine Baker aurait ensuite décidé d'offrir les bénéfices d'un concert au parti castriste. Le 18 février, elle est arrêtée par les services de renseignement militaires de Batista, interrogée et finalement relâchée grâce à des diplomates français.
En décembre 1965 et janvier 1966, elle sera invitée à Cuba par Castro. Elle se fait remarquer pour son enthousiasme politique, chantant au siège de la délégation du Nord-Vietnam, se faisant acclamer place de la Révolution et jouant au Teatro Garcia Lorca devant Castro. L'été 1966, elle retourne donc à Cuba et retrouve le Lider Maximo. On lui remet un brevet de lieutenant des forces armées révolutionnaires cubaines.
UNE FIN DIFFICILE
En juin 1964, Joséphine Baker, criblée de dettes et harcelée par le fisc, lance un appel pour sauver sa propriété de Dordogne, où vivent ses enfants : la mise en vente aux enchères du château est annoncée. Le château est finalement vendu pour un dixième de sa valeur en 1968.
Jean-Claude Brialy la prend sous son aile et l'accueille dans son cabaret La Goulue pour se produire régulièrement à Paris. Suite à son expulsion violente des Milandes, elle est hospitalisée un temps mais trouve rapidement les forces nécessaires pour assurer le spectacle. Joséphine parcourt l'Europe en solitaire pour aller honorer des engagements à Bruxelles, Copenhague, Amsterdam ou Berlin36.
Alors que Joséphine Baker est pratiquement ruinée, la princesse Grace de Monaco lui offre alors un logement à Roquebrune pour le reste de sa vie et l'invite à Monaco pour des spectacles de charité.
Aidée aussi par la Croix Rouge, Joséphine Baker remonte sur la scène parisienne de l'Olympia, en 1968, puis à Belgrade en 1973, au Carnegie Hall en 1973, au Royal Variety Performance, au Palladium de Londres en 1974. À Paris, elle est au Gala du cirque en 1974.
Le 24 mars 1975, pour célébrer ses cinquante ans de carrière, elle inaugure la rétrospective Joséphine à Bobino. Elle retrouve son appartement parisien le 9 avril 1975 alors que le rideau vient de tomber devant une salle enthousiaste pour sa quatorzième représentation. Le lendemain matin, 10 avril, Joséphine Baker, victime d'une attaque cérébrale, est transportée dans un coma profond à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où elle meurt, le 12 avril, à 68 ans.
Elle recevra les honneurs militaires pour ses obsèques à la Madeleine.
ICONE
Joséphine Baker a su se servir de sa gloire, immense dans toute l’Europe, pour faire progresser les mentalités, déjouer les clichés coloniaux tout en alimentant les fantasmes. Insoumise et subversive, icône de la mode, drainant des foules énamourées, elle incarne un idéal féminin de réelle émancipation.
Bien qu'initialement Joséphine Baker ait été perçue comme une sensation exotique, une charmante afro-américaine au déhanchement incroyable, elle a su se forger une solide réputation dans les hautes sphères de la société parisienne, pour qui elle en vint à incarner le personnage d'une Vénus d'ébène. Elle a su intelligemment se servir de cette image et la manipuler à sa guise, façonnant elle-même son personnage public synonyme d'émancipation, symbolisant toute forme de liberté (du swing jusqu'aux droits civiques en passant par la lutte contre le fascisme), et ne définissant sa destinée qu'à sa façon.
UNE VIE SENTIMENTALE AGITEE
Parmi les hommes qui ont fait partie de la vie amoureuse tumultueuse de Joséphine Baker, on compte :
• Willie Wells : 1919-1920 (divorce). Elle se marie, à treize ans, avec cet ouvrier fondeur et travaille comme serveuse. Leur union se termine avec la bouteille que Joséphine lui fracasse sur la tête.
• William Howard Baker : 1921-1923 (divorce). Suivant dans le nord des États-Unis la troupe des « Dixie Steppers », elle épouse, à quinze ans, William Baker, garçon chez Pullman, à Philadelphie. Elle le quitte pour partir à Paris, conservant son nom qui passe ainsi à la postérité.
• Giuseppe (dit « Pepito ») Abatino, son amant de 1926 à 1936. L'union entre l'actrice et ce tailleur de pierre italien se prétendant comte n'a jamais eu de fondement légal. Il organise pour elle une tournée mondiale qui débuta en mars 1928. Autriche, Hongrie, Yougoslavie, Danemark, Roumanie, Tchécoslovaquie, Allemagne, Pays-Bas, Argentine, Chili, Uruguay, Brésil : partout, son passage suscite la controverse, aiguisant sa popularité et contribuant fortement à la vente de ses disques et de ses Mémoires. L'échec de la tournée des Ziegfeld Follies aux Etats-Unis précipite leur rupture.
• En 1929, sur le bateau qui les ramenait du Brésil, l'architecte Le Corbusier eut un coup de foudre pour Joséphine Baker. Il reste de leur rencontre des dessins de Joséphine réalisés par l'architecte, encore célibataire à cette date.
• Jean Lion : 1937-1940 (divorce). En épousant ce jeune industriel de vingt-sept ans qui a fait fortune dans le sucre raffiné, Joséphine reçoit la nationalité française, et par amour pour lui se convertit au judaïsme.
• Jo Bouillon : 1947-1961 (séparation en 1957, divorce en 1961). Ce chef d'orchestre originaire de Montpellier accompagne Georgius, Mistinguett, Maurice Chevalier et Joséphine à Paris et en tournée. Elle vit avec lui aux Milandes. Elle subit à ses côtés une fausse couche très violente. Alors, ils forment et réalisent ensemble leur projet d'adopter des enfants de nationalités différentes, afin de prouver que la cohabitation de « races » différentes peut fonctionner. Finalement, ils adoptent douze enfants.
• Robert Brady : 1973-1974. Elle fait la connaissance de cet artiste et collectionneur d'art américain durant un de ses séjours aux États-Unis. Vu les échecs de ses quatre mariages précédents, ils décident d'échanger leurs vœux de mariage dans une église vide à Acapulco, Mexique, mais se séparent un an plus tard.
JOSEPHINE LA BISEXUELLE
Joséphine Baker était bisexuelle. Parmi ses amantes célèbres figurent l'écrivaine française Colette (voir « Histoire des libertines (53) : Colette, romancière et scandaleuse » paru le 15 janvier 2020) et la peintre mexicaine Frida Kahlo (1907-1954), dont nous reparlerons dans cette série sur les grandes libertines.
Jean-Claude Baker, l'un de ses enfants, mentionne dans la biographie sur sa mère, six de ses amantes : Clara Smith (1894-1935), une chanteuse de Blues, Evelyn Sheppard, Bessie Allison et Mildred Smallwood, qu'elle a toutes rencontrées sur le circuit au cours de ses premières années sur scène aux États-Unis.
C’est à Paris qu’elle aura une liaison avec Colette, puis avec sa compatriote afro-américaine expatriée Ada « Bricktop » Smith (1894-1984), danseuse, chanteuse de jazz, actrice de music-hall afro-américaine qui possédait la boîte de nuit « Chez Bricktop », rue Pigalle, à Paris de 1924 à 1961. Elle est considérée comme l'une des figures les plus légendaires et les plus durables de l'histoire culturelle américaine du XXe siècle. Joséphine Baker sera l’une des protégées de Bricktop. Bricktop fut l'une des premières qui montra les ficelles du métier à Paris à Joséphine au cours des premiers mois qui ont suivi son arrivée en Europe en 1925.
UNE BELLE PERSONNE
Devenue le symbole d’une certaine libération féminine, sa vie peut être perçue comme une revanche, individuelle et collective, tout à la fois exceptionnelle et parfaitement représentative d’une époque. Sur scène, sa rage de s’en sortir et de réussir passait par la nudité et des poses extrêmement osées. Adulée par les uns, elle était redoutée par les autres.
A son arrivée à Paris, elle est l’objet de toutes sortes de fantasmes : la noire, la sauvage, la femme fatale, la Vénus noire, l’objet de désir… Et sa réaction consiste à la fois à attiser et à retourner ces fantasmes souvent racistes. Par exemple, avec son légendaire costume de bananes. Elle utilise l’imagerie raciste, la banane, comme robe. Elle danse comme si elle balançait des objets phalliques aux yeux des spectateurs qui veulent ça. Mais, c’est comme si elle leur tendait un miroir de leur propre racisme. Joséphine Baker a énormément utilisé l’imagerie raciste, mais, à chaque fois, elle trouvait un moyen de le faire à sa façon à elle, justement pour combattre le racisme de la société.
Evoquer la personnalité de Joséphine Baker, ses carrières, ses combats, sa volonté mais aussi la liberté qu’elle a revendiquée et assumée dans sa vie de femme était pour moi légitime. C’est une marque de respect et de reconnaissance vis-à-vis d’une femme libre, une femme d’exception, une personnalité charismatique, une femme généreuse et ouverte, au parcours incroyable. Comme l’a dit le dessinateur Catel (voir la biographie) : « Elle voulait arriver au firmament de ses utopies et elle est allée au bout de ses rêves. ». Respect et admiration !
PRINCIPALES SOURCES :
Outre l’article Wikipédia dont je me suis largement inspirée, je renvoie aux liens suivants :
• http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/fiches_bio/baker_josephine/baker_josephine.htm
• https://france-amerique.com/fr/josephine-baker-a-french-american-heroine/
• http://andrepousse.free.fr/jbaker.htm
• http://www.tetue.net/josephine-baker
• https://histoireparlesfemmes.com/2014/01/11/josephine-baker-artiste-engagee/
Catel et Bocquet ont, comme ils l’avaient fait pour Kiki de Montparnasse, consacré une Bande dessinée à Joséphine Baker chez Casterman en 2016.
Avec Kiki de Montparnasse, Joséphine sera l’autre icône du Paris des Années folles.
De Joséphine, on connaît sa ceinture de bananes. On connaît sa démesure, ses provocations. On ignore l’intégrité de ce personnage paradoxal, son côté rebelle et visionnaire, tant son sourire qui lui servait de rempart. On sait rarement ses engagements citoyens, ses combats en faveur des plus démunis, son militantisme en faveur des droits civils, sa générosité, sa lutte contre toutes les formes de discriminations. Derrière l'icône, le symbole sexuel du Paris des années 1930, l'émoi et le scandale qu'elle a créés en dansant lascivement avec sa célèbre ceinture de bananes autour de la taille, Joséphine Baker a aussi été une femme engagée, entre autres dans la Résistance française et dans la lutte pour les droits civiques des personnes noires aux États-Unis.
ENFANCE PAUVRE
Née dans le Missouri aux États-Unis, la future Joséphine avait des origines espagnole, afro-américaine et amérindienne. Elle descendrait probablement d'Eddie Carson, musicien de rue. Artistes, ses parents ont monté ensemble un numéro de chant et de danse mais Eddie abandonne sa famille en 1907. Sa mère, Carrie McDonald se remarie avec un ouvrier, Arthur Martin, dont Joséphine prend le nom.
La jeune femme passe une partie de son enfance à alterner l'école et les travaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l'envoie pour travailler. À cette époque, Joséphine Baker n'a d'autre choix que de contribuer, par son salaire, à faire vivre la fratrie dont elle est l'aînée ; la famille est très pauvre et s'est agrandie. Joséphine quitte l'école en février 1920 pour se marier avec Willie Wells. Elle est alors âgée de 13 ans !
LES DEBUTS D’UNE ARTISTE : BROADWAY
Après la fin de son premier mariage, en 1920, Joséphine Baker, qui danse depuis qu'elle est toute petite, rejoint un trio d'artistes de rue appelé le Jones Family Band, qui est ensuite intégré dans la troupe itinérante des Dixie Steppers. C'est au moment où leur tournée s'arrête à Philadelphie que Joséphine fait la rencontre de Willie Baker, qu'elle épouse en 1921 et avec qui elle s'installe. Pour gagner sa vie, elle danse au Standard Theater, où elle gagne 10 dollars par semaine.
Mais Joséphine Baker voit grand, et l'envie de danser à Broadway la pousse, âgée d'à peine 16 ans, à quitter son second mari pour aller tenter sa chance à New York. Là, elle essuie plusieurs refus avant d'enfin se voir offrir un rôle sommaire. Elle joint donc la troupe de la comédie musicale Shuffle Along, un spectacle populaire à la distribution entièrement noire.
Au bout de deux ans de tournée, elle change d’allégeance et s'associe aux « Chocolate Dandies », qu'elle quitte à leur tour pour entrer au Plantation Club, où elle fait la rencontre de Caroline Dudley Reagan. Cette mondaine, épouse de l'attaché commercial de l'ambassade américaine à Paris Donald J. Reagan, voit en Joséphine Baker un grand potentiel. Elle lui offre donc un salaire de 250 dollars par semaine si celle-ci accepte de la suivre en France, où Reagan veut monter un spectacle dont Joséphine Baker sera la vedette.
LA REVUE NEGRE : UN VENT DE FOLIE ET DE LIBERTE
En 1925, au théâtre des Champs-Elysées, la « sauvage africaine » aux seins nus conquiert le Tout-Paris et devient la première star noire mondiale.
Symbole des années 1920 débridées, Joséphine Baker enflamme Paname avec ses numéros sensuels dans La « Revue nègre ». On ne voit que cette Vénus noire, seins nus, roulant des yeux, « les trophées phalliques de sa ceinture de bananes » s’agitant au rythme endiablé de son charleston.
Le 2 octobre 1925, elle passe en première partie dans la « Revue nègre » au Théâtre des Champs-Élysées. Vêtue d'un simple pagne de fausses bananes, elle danse sur un rythme de charleston, musique alors encore inconnue en Europe, l'interprétation d'un tableau baptisé La Danse sauvage. Le scandale fait rapidement place à l'engouement général. Elle devient l'égérie des cubistes qui vénèrent son style et ses formes, et suscite l'enthousiasme des Parisiens pour le jazz et les musiques noires.
Par sa liberté de ton et d’allure, son indépendance d’esprit, sa personnalité hors-normes, son succès lié à cette présence explosant tous les codes, le phénomène Joséphine Baker devient l’emblème des Années folles et marquera l’apogée de la "mode nègre" en art.
Elle deviendra la première star à se montrer presque nue. Ses extravagances n’étaient pas réservées à la scène car, de caprices en crises d’hystérie ou d’abattement, Joséphine Baker multiplia les provocations.
Pour le rôle principal dans la Revue nègre, elle est prête à tout et n’hésite pas à satisfaire les envies du public. Elle est à la fois acclamée par les bourgeois libérés des années folles et les artistes, de Hemingway en passant par Calder, jusqu’à Picasso. En Europe, elle déclenche une véritable « Bakermania ».
Le Tout Paris des arts, des lettres et de la finance était à ses pieds (et parfois dans son lit !). Georges Simenon fut son secrétaire et amant. Elle posa pour les peintres Van Dongen, Foujita et Picasso. Elle interpréta des chansons qui demeurent dans l’histoire de la chanson française.
Sa ceinture de bananes, ses cheveux noirs ultra courts, plaqués en arrière, une raie sur le côté, et ses accroche-cœurs, ses yeux qui roulent et ses jambes fuselées qu’elle jette à la tête des spectateurs, deviennent mythiques.
Joséphine Baker libère le corps par son humour et ses danses scandaleuses : « Cette fille a le génie de laisser son corps se moquer de lui-même » (André Rouverge). Elle souffle un vent de folie et de liberté à une époque où les femmes s’émancipent, fument, boivent, raccourcissent jupes et cheveux, assument leurs nouveaux droits et le début d’une libération sexuelle.
Elle est la femme aux cheveux courts. Elle est la femme qu’il faut imiter, celle qui crée la mode du bronzage. Cette femme des années folles était la plus battante, la plus aimée, la plus provocatrice et la plus drôle.
PEPITO, SON « GIGOLO »
En 1926, elle rencontre un ancien tailleur de pierre originaire de Sicile, souvent qualifié de « gigolo », Giuseppe (dit « Pepito ») Abatino, avec qui elle entame une liaison qui dure jusqu'en 1936. Pendant cette période, il est son impresario, son manager, son mentor. Leur relation correspond à la période de l'ascension de Joséphine Baker.
Après une tournée en Europe, Joséphine Baker mène la revue des Folies Bergère de 1927 accompagnée d'un léopard, dont l'humeur fantasque terrorise l'orchestre et fait frémir le public. Cette même année, la jeune star se lance dans la chanson et suivant les conseils de Giuseppe elle participe au film La Sirène des tropiques. Avec Joséphine, Giuseppe ouvre le club « Chez Joséphine » et organise la tournée mondiale de la chanteuse en 1928.
Henri Varna, directeur du Casino de Paris, l'engage pour mener la revue de la saison 1930-1931 et lui achète un guépard, nommé Chiquita. En 1931, elle remporte un succès inoubliable avec la chanson « J'ai deux amours », composée par Vincent Scotto.
Quelques rôles lui sont proposés au cinéma par des cinéastes, tel Marc Allégret. Elle tourne ensuite dans deux films qui lui sont consacrés et dont Abatino écrit le scénario : « Zouzou » avec Jean Gabin et la fameuse chanson Fifine (composée par Vincent Scotto, Henri Varna et Emile Audiffred) puis « Princesse Tam Tam ». Ces films ne rencontrent pas le succès espéré. Sur les planches du music-hall, en revanche, elle rassemble un plus large public en chantant et en dansant même le tango Voluptuosa de José Padilla.
Sa tournée de 1936 aux États-Unis ne rencontre la réussite escomptée. Pepito et Joséphine se séparent après cet échec.
FRANCAISE ET RESISTANTE
Elle rentre en France et acquiert la nationalité française en épousant en 1937 le jeune raffineur Jean Lion, Giuseppe Abatino étant mort d'un cancer à l'automne 1936.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, Joséphine Baker devient un agent du contre-espionnage. À cet effet, elle fréquente la haute société parisienne, puis se mobilise pour la Croix-Rouge. Après la bataille de France, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre, en France puis en Afrique du Nord. Installée au Maroc entre 1941 et 1944, elle soutient les troupes alliées et américaines et se lance dans une longue tournée en jeep, de Marrakech au Caire, puis au Moyen-Orient, de Beyrouth à Damas, y glanant toutes les informations qu'elle peut auprès des officiels qu'elle rencontre.
Après une grossesse à l'issue de laquelle Joséphine Baker accouche d'un enfant mort-né, elle contracte une grave infection et doit subir une hystérectomie à Casablanca en 1941.
Elle s'acquitte durant la guerre de missions importantes, et reste connue pour avoir utilisé ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Lors de sa première mission à destination de Lisbonne, elle cache dans son soutien-gorge un microfilm contenant une liste d'espions nazis, qu'elle remet à des agents britanniques. Engagée ensuite dans les forces féminines de l'armée de l'air, elle débarque à Marseille en octobre 1944.
À la Libération, elle poursuit ses activités pour la Croix-Rouge, et chante pour les soldats et résistants près du front, suivant avec ses musiciens la progression de la 1re armée française. Ses activités durant la guerre lui vaudront la médaille de la Résistance française après les hostilités, et quelques années plus tard les insignes de chevalier de la Légion d'honneur et la Croix de guerre 1939-1945 avec palme des mains du général Martial Valin.
UNE FEMME ENGAGEE
Joséphine Baker fut l'une des premières ambassadrices de la haute couture française, « spécialement après la Seconde Guerre mondiale. Alors, lorsqu'elle était revenue des États-Unis en 1949-1950, Joséphine avait bien porté - dans un spectacle, sur scène - ces robes fabuleuses ».
Avec Jo Bouillon, qu'elle épouse en 1947, elle achète le château des Milandes en Dordogne qu'elle loue depuis 1937 et où elle vivra jusqu'en 1969. Elle y accueille douze enfants de toutes origines qu'elle a adoptés et qu'elle appelle sa « tribu arc-en-ciel ».
Séparée de Jo Bouillon en 1957 (le couple divorce en 1961), elle engloutit toute sa fortune dans le domaine des Milandes, où elle emploie un personnel nombreux, et doit multiplier les concerts pour poursuivre son œuvre.
En 1951, pour sa tournée en Floride, elle impose qu’il n’y ait aucune ségrégation à ses concerts. Le FBI du sinistre Edgar Hoover ne le lui pardonnera pas.
En 1955, elle amplifie en Europe la vague d'indignation soulevée par le meurtre du jeune afro-américain Emmett Till, suivi de l'acquittement des deux assassins, puis de leurs aveux cyniques après le jugement, une fois assurés de l'impunité. En 1964, Joséphine retourne aux États-Unis, pour soutenir le mouvement des droits civiques du Pasteur Martin Luther King. Elle participe en 1963 à la Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté organisée par Martin Luther King, lors de laquelle elle prononce un discours, vêtue de son ancien uniforme de l'armée et de ses médailles de résistante.
Joséphine Baker se fera aussi remarquer par son opposition au régime cubain de Batista et son soutien à Fidel Castro. Le 13 février 1953, lors de sa tournée à La Havane, se tient une manifestation étudiante. Elle est violemment réprimée par le régime et un jeune homme est tué. Sa dépouille est emmenée dans le grand amphithéâtre de l'université et Joséphine s'y rend, afin d'assister à la veillée funèbre. Le lendemain, le corps est emmené au cimetière lors d'un défilé de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, mené par Fidel Castro. Joséphine Baker aurait ensuite décidé d'offrir les bénéfices d'un concert au parti castriste. Le 18 février, elle est arrêtée par les services de renseignement militaires de Batista, interrogée et finalement relâchée grâce à des diplomates français.
En décembre 1965 et janvier 1966, elle sera invitée à Cuba par Castro. Elle se fait remarquer pour son enthousiasme politique, chantant au siège de la délégation du Nord-Vietnam, se faisant acclamer place de la Révolution et jouant au Teatro Garcia Lorca devant Castro. L'été 1966, elle retourne donc à Cuba et retrouve le Lider Maximo. On lui remet un brevet de lieutenant des forces armées révolutionnaires cubaines.
UNE FIN DIFFICILE
En juin 1964, Joséphine Baker, criblée de dettes et harcelée par le fisc, lance un appel pour sauver sa propriété de Dordogne, où vivent ses enfants : la mise en vente aux enchères du château est annoncée. Le château est finalement vendu pour un dixième de sa valeur en 1968.
Jean-Claude Brialy la prend sous son aile et l'accueille dans son cabaret La Goulue pour se produire régulièrement à Paris. Suite à son expulsion violente des Milandes, elle est hospitalisée un temps mais trouve rapidement les forces nécessaires pour assurer le spectacle. Joséphine parcourt l'Europe en solitaire pour aller honorer des engagements à Bruxelles, Copenhague, Amsterdam ou Berlin36.
Alors que Joséphine Baker est pratiquement ruinée, la princesse Grace de Monaco lui offre alors un logement à Roquebrune pour le reste de sa vie et l'invite à Monaco pour des spectacles de charité.
Aidée aussi par la Croix Rouge, Joséphine Baker remonte sur la scène parisienne de l'Olympia, en 1968, puis à Belgrade en 1973, au Carnegie Hall en 1973, au Royal Variety Performance, au Palladium de Londres en 1974. À Paris, elle est au Gala du cirque en 1974.
Le 24 mars 1975, pour célébrer ses cinquante ans de carrière, elle inaugure la rétrospective Joséphine à Bobino. Elle retrouve son appartement parisien le 9 avril 1975 alors que le rideau vient de tomber devant une salle enthousiaste pour sa quatorzième représentation. Le lendemain matin, 10 avril, Joséphine Baker, victime d'une attaque cérébrale, est transportée dans un coma profond à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où elle meurt, le 12 avril, à 68 ans.
Elle recevra les honneurs militaires pour ses obsèques à la Madeleine.
ICONE
Joséphine Baker a su se servir de sa gloire, immense dans toute l’Europe, pour faire progresser les mentalités, déjouer les clichés coloniaux tout en alimentant les fantasmes. Insoumise et subversive, icône de la mode, drainant des foules énamourées, elle incarne un idéal féminin de réelle émancipation.
Bien qu'initialement Joséphine Baker ait été perçue comme une sensation exotique, une charmante afro-américaine au déhanchement incroyable, elle a su se forger une solide réputation dans les hautes sphères de la société parisienne, pour qui elle en vint à incarner le personnage d'une Vénus d'ébène. Elle a su intelligemment se servir de cette image et la manipuler à sa guise, façonnant elle-même son personnage public synonyme d'émancipation, symbolisant toute forme de liberté (du swing jusqu'aux droits civiques en passant par la lutte contre le fascisme), et ne définissant sa destinée qu'à sa façon.
UNE VIE SENTIMENTALE AGITEE
Parmi les hommes qui ont fait partie de la vie amoureuse tumultueuse de Joséphine Baker, on compte :
• Willie Wells : 1919-1920 (divorce). Elle se marie, à treize ans, avec cet ouvrier fondeur et travaille comme serveuse. Leur union se termine avec la bouteille que Joséphine lui fracasse sur la tête.
• William Howard Baker : 1921-1923 (divorce). Suivant dans le nord des États-Unis la troupe des « Dixie Steppers », elle épouse, à quinze ans, William Baker, garçon chez Pullman, à Philadelphie. Elle le quitte pour partir à Paris, conservant son nom qui passe ainsi à la postérité.
• Giuseppe (dit « Pepito ») Abatino, son amant de 1926 à 1936. L'union entre l'actrice et ce tailleur de pierre italien se prétendant comte n'a jamais eu de fondement légal. Il organise pour elle une tournée mondiale qui débuta en mars 1928. Autriche, Hongrie, Yougoslavie, Danemark, Roumanie, Tchécoslovaquie, Allemagne, Pays-Bas, Argentine, Chili, Uruguay, Brésil : partout, son passage suscite la controverse, aiguisant sa popularité et contribuant fortement à la vente de ses disques et de ses Mémoires. L'échec de la tournée des Ziegfeld Follies aux Etats-Unis précipite leur rupture.
• En 1929, sur le bateau qui les ramenait du Brésil, l'architecte Le Corbusier eut un coup de foudre pour Joséphine Baker. Il reste de leur rencontre des dessins de Joséphine réalisés par l'architecte, encore célibataire à cette date.
• Jean Lion : 1937-1940 (divorce). En épousant ce jeune industriel de vingt-sept ans qui a fait fortune dans le sucre raffiné, Joséphine reçoit la nationalité française, et par amour pour lui se convertit au judaïsme.
• Jo Bouillon : 1947-1961 (séparation en 1957, divorce en 1961). Ce chef d'orchestre originaire de Montpellier accompagne Georgius, Mistinguett, Maurice Chevalier et Joséphine à Paris et en tournée. Elle vit avec lui aux Milandes. Elle subit à ses côtés une fausse couche très violente. Alors, ils forment et réalisent ensemble leur projet d'adopter des enfants de nationalités différentes, afin de prouver que la cohabitation de « races » différentes peut fonctionner. Finalement, ils adoptent douze enfants.
• Robert Brady : 1973-1974. Elle fait la connaissance de cet artiste et collectionneur d'art américain durant un de ses séjours aux États-Unis. Vu les échecs de ses quatre mariages précédents, ils décident d'échanger leurs vœux de mariage dans une église vide à Acapulco, Mexique, mais se séparent un an plus tard.
JOSEPHINE LA BISEXUELLE
Joséphine Baker était bisexuelle. Parmi ses amantes célèbres figurent l'écrivaine française Colette (voir « Histoire des libertines (53) : Colette, romancière et scandaleuse » paru le 15 janvier 2020) et la peintre mexicaine Frida Kahlo (1907-1954), dont nous reparlerons dans cette série sur les grandes libertines.
Jean-Claude Baker, l'un de ses enfants, mentionne dans la biographie sur sa mère, six de ses amantes : Clara Smith (1894-1935), une chanteuse de Blues, Evelyn Sheppard, Bessie Allison et Mildred Smallwood, qu'elle a toutes rencontrées sur le circuit au cours de ses premières années sur scène aux États-Unis.
C’est à Paris qu’elle aura une liaison avec Colette, puis avec sa compatriote afro-américaine expatriée Ada « Bricktop » Smith (1894-1984), danseuse, chanteuse de jazz, actrice de music-hall afro-américaine qui possédait la boîte de nuit « Chez Bricktop », rue Pigalle, à Paris de 1924 à 1961. Elle est considérée comme l'une des figures les plus légendaires et les plus durables de l'histoire culturelle américaine du XXe siècle. Joséphine Baker sera l’une des protégées de Bricktop. Bricktop fut l'une des premières qui montra les ficelles du métier à Paris à Joséphine au cours des premiers mois qui ont suivi son arrivée en Europe en 1925.
UNE BELLE PERSONNE
Devenue le symbole d’une certaine libération féminine, sa vie peut être perçue comme une revanche, individuelle et collective, tout à la fois exceptionnelle et parfaitement représentative d’une époque. Sur scène, sa rage de s’en sortir et de réussir passait par la nudité et des poses extrêmement osées. Adulée par les uns, elle était redoutée par les autres.
A son arrivée à Paris, elle est l’objet de toutes sortes de fantasmes : la noire, la sauvage, la femme fatale, la Vénus noire, l’objet de désir… Et sa réaction consiste à la fois à attiser et à retourner ces fantasmes souvent racistes. Par exemple, avec son légendaire costume de bananes. Elle utilise l’imagerie raciste, la banane, comme robe. Elle danse comme si elle balançait des objets phalliques aux yeux des spectateurs qui veulent ça. Mais, c’est comme si elle leur tendait un miroir de leur propre racisme. Joséphine Baker a énormément utilisé l’imagerie raciste, mais, à chaque fois, elle trouvait un moyen de le faire à sa façon à elle, justement pour combattre le racisme de la société.
Evoquer la personnalité de Joséphine Baker, ses carrières, ses combats, sa volonté mais aussi la liberté qu’elle a revendiquée et assumée dans sa vie de femme était pour moi légitime. C’est une marque de respect et de reconnaissance vis-à-vis d’une femme libre, une femme d’exception, une personnalité charismatique, une femme généreuse et ouverte, au parcours incroyable. Comme l’a dit le dessinateur Catel (voir la biographie) : « Elle voulait arriver au firmament de ses utopies et elle est allée au bout de ses rêves. ». Respect et admiration !
PRINCIPALES SOURCES :
Outre l’article Wikipédia dont je me suis largement inspirée, je renvoie aux liens suivants :
• http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/fiches_bio/baker_josephine/baker_josephine.htm
• https://france-amerique.com/fr/josephine-baker-a-french-american-heroine/
• http://andrepousse.free.fr/jbaker.htm
• http://www.tetue.net/josephine-baker
• https://histoireparlesfemmes.com/2014/01/11/josephine-baker-artiste-engagee/
Catel et Bocquet ont, comme ils l’avaient fait pour Kiki de Montparnasse, consacré une Bande dessinée à Joséphine Baker chez Casterman en 2016.
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