Histoire des libertines (94) D’autres femmes libres dans l’Antiquité

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Auteur femme.
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Récit libertin : Histoire des libertines (94) D’autres femmes libres dans l’Antiquité Histoire érotique Publiée sur HDS le 28-03-2022 dans la catégorie A dormir debout
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Histoire des libertines (94) D’autres femmes libres dans l’Antiquité
Les lectures et les recherches que j’ai été amenées à faire récemment dans le cadre de l’écriture du parcours érotique de Tullia, matrone hypersexuelle, personnage fictif, sous l’empire romain, m’a fait découvrir d’autres femmes libres qui ont toute leur place dans cette rubrique des « grandes libertines ».

J’ai déjà raconté la vie de Clodia Metelli : « (92) : Clodia Metelli, la scandaleuse », paru le 30 décembre 2021.

Dans ce chapitre, je veux parler de femmes ayant vécu à des moments et sous des civilisations différentes. Elles ont en commun d’être des femmes libres dans leurs mœurs et qui firent scandale en leur temps :
• La première est Philénis de Samos, auteure du IVème siècle avant notre ère, qui écrivit un manuel érotique et dont la réputation que lui ont fait d’autres auteurs était celle d’une hétaïre, débauchée et tribade.

• Une matrone romaine, Sempronia et Fulvia, très impliquée dans le célèbre complot de Catilina, en -63 avant Jésus-Christ
PHILENIS DE SAMOS : PORNOGRAPHE, HETAIRE ET TRIBADE ?

Philénis de Samos a vécu au IVème siècle avant notre ère. Philénis de Samos est connue comme l’auteure d’un manuel du sexe et des pratiques courtisanes qui eut du succès en Grèce antique.

Il s’agit des ouvrages pornographiques les plus célèbres de l’Antiquité. Cela valut à Philénis d’être accusée de débauche par le sophiste Polycrate d'Athènes, qui avait aussi écrit un pamphlet contre Socrate.

Le poète Eschrion de Samos, originaire de la même cité que Philénis, prit sa défense contre Polycrate en attribuant la paternité du livre à Polycrate lui-même.

Quelques vers d’Eschrion sur ce sujet ont été conservés car ils sont cités par le grammairien Tzétzès et au livre VIII du Banquet des Deipnosophistes d’Athénée : « Moi, Philénis, célèbre parmi les hommes, je repose ici, après une longue vieillesse. O ! Nautonier insensé, en doublant ce cap, ne fais pas de moi un sujet de plaisanterie, de risée insultante, car, j'en atteste Zeus et les deux jeunes frères qui viennent tour à tour ici-bas, je n’ai jamais eu de commerce illicite avec les hommes, ni vécu en femme publique. C’est Polycrate d'Athènes, cet imposteur, cette mauvaise langue, qui a écrit tout ce qu’on dit que j’ai écrit ; car pour moi je n'en sais rien. »
Un fragment d'un exemplaire du livre de Philénis a été redécouvert sur un papyrus d'Oxyrhynque, en Egypte, qui date du IIe siècle av. J.-C. Il s’agit du tout début du livre, il indique que le père de Philénis se nomme Ocymène. Le livre était un traité sur l’art du sexe, décrivant des techniques de séduction, certaines positions sexuelles, des produits aphrodisiaques, abortifs et cosmétiques.

Philénis de Samos était une courtisane, devenue célèbre pour avoir écrit un manuel sur les positions sexuelles lesbiennes et des conseils pour faire la cour à un membre du même sexe ou du sexe opposé. Son œuvre n'existe plus, mais elle est citée par des auteurs ultérieurs. Le terme « lesbienne », pour désigner une femme homosexuelle, n'existait pas dans l'Antiquité et n'apparut que plus tard, lorsque les gens commencèrent à identifier les femmes homosexuelles à la poétesse Sappho (voir « Histoire des libertines, Sappho, la poétesse de Lesbos », paru le 14 août 2017), en raison de ses poèmes d'amour intimes orientés vers les femmes.

À l'époque de Philénis, une femme homosexuelle était connue sous le nom de tribade (du mot « tribo » signifiant « se frotter », en référence à l'activité sexuelle des femmes entre elles). On dit que son ouvrage couvrait les meilleures positions sexuelles, les parfums, les cosmétiques, les moyens de provoquer des avortements, l'art du baiser et l'art de la séduction, y compris la façon de faire des passes réussies.

Écrit dans le style des Histoires d'Hérodote - une sorte d'Histoire du sexe - son livre fut très populaire et largement lu, même si les gens semblent l'avoir publiquement condamné. Leur désapprobation avait moins à voir avec le sujet traité qu'avec le fait qu'une femme l'ait écrit.

Philénis a été associée aux termes de tribas et aux rapports sexuels entre femmes dans deux épigrammes du poète Martial (38-102) et dans un des passages des « Amours » du « pseudo-Lucien ».

Philénis apparaît dans les épigrammes du poète romain Martial comme une femme « masculine », connue pour avoir des relations sexuelles avec des femmes. Les écrivains chrétiens Justin Martyr, Tatien et Clément d'Alexandrie déplorent les écrits de Philénis comme dépravés et immoraux. Un texte attribué à l’écrivain et rhéteur Lucien de Samosate (120-180), ou plutôt du pseudo-Lucien fait référence à Philénis, qui aurait utilisé un gode ceinture pour avoir des relations sexuelles avec des femmes !

Pour les Romains, Philénis et ses écrits symbolisaient la débauche perçue des villes grecques d’Asie Mineure. Philénis est mentionné dans la Priapeia , une collection de poèmes latins à l'origine associés aux statues du dieu Priape et plus tard, collectées au cours du premier siècle de notre ère.

Chez Martial, Philénis est décrite comme une tribade stéréotypée, qui sodomise les garçons, a des relations sexuelles avec des femmes et se livre au cunnilingus. Pour Martial, Philénis est une femme à l’appétit sexuel hors norme, une nymphomane bisexuelle, qui consommae autant de garçons que de filles
Voici deux extraits de textes de Martial :
1. « Cette tribade Philaenis sodomise les garçons,et avec plus de rage qu'un mari dans sa luxure raide,elle fait travailler onze filles à peu près chaque jour. »
2. « Toi, Philaenis, tribade aux tribades,appelle à juste titre amie celle que tu baises. »
À la fin de l'Antiquité, Philénis est devenue l'objet du mépris et de la désapprobation des pères de l'Église chrétienne.

Au deuxième siècle de notre ère, l'apologiste chrétien Justin Martyr fait référence aux écrits de Philénis comme des œuvres qui fournissent aux gens une éducation honteuse. Le théologien Tatian mentionne les œuvres de Philénis comme des exemples de créations horribles. Clément d'Alexandrie déplore ceux qui affichent des peintures inspirées des œuvres de Philénis comme si elles étaient des représentations des Travaux d’Héraclès. L'équation de Clément des positions sexuelles de Philénis avec les Travaux d'Héraclès implique qu'il croyait que seulement un gymnaste avec des "pouvoirs herculéens" pouvait réellement avoir des relations sexuelles dans les positions décrites par elle.

Le pseudo-Lucien cite Philénis comme un exemple de « licence tribadique » et prétend qu'elle a utilisé un gode ceinture pour le plaisir des « amours androgynes »
La quasi-totalité des œuvres de Philénis a disparu. Pour faire écho à la série fictive que je publie sur Tullia, une matrone hypersexuelle et bisexuelle, j’aime à croire que parmi les ouvrages élégiaques qu’elle a lus et qui l’ont inspiré, figuraient les textes de Philénis de Samos.

AU CŒUR DU COMPLOT DE CATILINA
Le grand orateur Cicéron (Marcus Tullius Ciceron 106-43 avant Jésus-Christ) s’est rendu célèbre, en 63 avant notre ère, quand, consul de Rome, il a fait échoué le complot contre la République romaine de Lucius Sergius Catilina (108-62). Ceux et celles qui ont fait du Latin se souviennent des « Catilinaires » : « Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? » (Jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu, enfin, de notre patience ?)
Il ne s’agit pas ici de raconter ce fameux complot, son échec et sa répression, mais de souligner le rôle qu’ont joué deux matrones hors du commun.

La première est Sempronia, veuve de l’ancien consul Decimus Junius Brutus. Belle, distinguée et passionnée, elle représente l'émergence d'un nouveau type de femme romaine, par opposition à la femme romaine traditionnelle attachée aux anciennes valeurs républicaines. Elle a été impliquée dans la Conjuration de Catilina, et est la mère de Decimus Junius Brutus Albinus, l'un des assassins de Jules César lors des Ides de mars, en 44 avant notre ère.

Sempronia appartient à l’une des plus illustres familles de Rome, celle des Gracques, descendants du grand Scipion l’Africain et qui, tribuns de la plèbe, avaient été assassinés pour avoir tenté de défendre la plèbe contre les « optimates ».

Catilina a bien compris l’intérêt de s’appuyer sur des femmes comme Sempronia, comme lui très endettées et qui trouvent dans la galanterie le moyen de subvenir à leurs goûts dispendieux.

Pour Catilina, ces femmes sont une arme pour rallier autour de sa cause ou pour écarter des adversaires.

Sempronia est fort belle et très intelligente. Elle danse, joue avec talent de la cithare, compose des poésies. Elle alterne la modestie et la provocation. Ses plaisanteries sont fameuses. Elle bénéficie d’un charme indéniable et fait de la séduction une arme politique redoutable. Sans se préoccuper de son honneur, oubliant la réserve habituelle de la matrone, elle ne craint pas de solliciter les hommes par des avances sans ambigüités. Rien ne lui fait peur et c’est ce qui la rapproche de Catilina.

Elle est une alliée précieuse de Catilina et ses charmes permettent de fournir appuis et subsides. Elle tentera même de convaincre les Gaulois Allobroges de soutenir la conjuration.

Si Sempronia fut l’âme de la conjuration, une autre femme, Fulvia, contribua à la faire échouer. Courtisane, amante du sénateur Quintus Curius, complice de Catilina, c’est elle qui révéla le complot à Cicéron, suite à une dispute avec son amant.

J’ai découvert le personnage de Sempronia, bien après que j’ai commencé à écrire « Matrone et Domina : Tullia, une patricienne hypersexuelle dans la Rome impériale ». Par beaucoup d’aspects, la liberté de mœurs, la beauté, la culture, l’intelligence, l’amour de la poésie, l’intérêt pour la politique et même la participation à des complots politiques, nos deux matrones ont beaucoup de points communs.

Ce qui les sépare est que, contrairement à Sempronia, mon personnage fictif, Tullia se refuse à la violence, à la spoliation et au meurtre. Il n’empêche que des personnages comme Sempronia, ou encore Clodia Metelli, ont contribué à profondément modifier les mentalités et les modes de vies dans la haute société romaine.

REFERENCES :
1. Sur Philénis de Samos, je renvoie aux pages (275 à 314) que lui consacre Sandra Boehringer dans son ouvrage « L’homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine » (Éditions Les Belles Lettres 2021)
2. Sur Sempronia et Fulvia, voir Catherine Salles, « L’amour au temps des Romains » (Editions First 2011), pages 261 à 265)
Je renvoie aussi aux articles de Wikipédia ainsi qu’aux liens suivants sur internet :
1. Sur Philénis de Samos :
• https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-737/dix-femmes-reputees-honorables-ou-infames-en-grece/
• https://stringfixer.com/fr/Philaenis
• http://vincentfortune.over-blog.com/article-martial-liber-vii-67-livre-vii-67-contre-philenis-66727160.html
2. Sur Sempronia :
• http://autourdemesromans.com/sempronia-patricienne-danseuse-et-musicienne/

Les avis des lecteurs

@ Didier, merci pour cette analyse très pertinente. Je confirme que Philénis de Samos sera mentionné dans "Matrone et Domina". Quant au personnage de Martial, il y jouera un rôle important. ceci dit, son œuvre mériterait une publication spécifique dans une autre série des mes textes "Erotisme et poésie"

Histoire Erotique
Olga,
tu nous fournis là encore une très belle chronique très instructive sur des femmes libres et modernes en leurs temps et de plus sur les mœurs de l’antiquité.
Concernant Philénis de Samos, j’ai automatiquement rapproché ton écrit à ta chronique «Le temps des hétaïres».
J’en déduis donc que Philénis aurait eu le statut de «mâle», car elle «pénétrait» aussi bien les hommes que les femmes…
Ta présentation, sur Philénis de Samos et ses écrits, nous démontre aussi que l’homosexualité féminine était déjà dès cette époque bel et bien présente.
Une fois de plus on ne peut que constater qu’avec l’avènement du christianisme une véritable «chape de plomb» est tombée sur la sexualité pendant plus de 1500 ans.
Concernant les deux matrones, Sempronia et Fulvia, elles furent ennemies mais utilisèrent les mêmes armes pour défendre leurs causes, en faisant fi des usages et de toutes morales.
Elles étaient donc bien des femmes modernes en leurs temps.
Pour faire le lien avec ton récit fictif, « Matrone et Domina : Tullia, une patricienne hypersexuelle dans la Rome impériale », oui tu as bien réussi, avec ta belle héroïne Tullia, à cerner et présenter le personnage de la matrone libre et moderne.
Toujours concernant ce récit, il est impossible que les écrits de Philénis de Samos ne soient pas dans la bibliothèque de Marcus. Je suis donc persuadé, convaincu que tu trouveras bien le moyen ou l’occasion pour que Tullia en fasse allusion d’ici la fin…
Je voudrais ajouter pour finir que bien qu’il ne fasse pas partie intégrante de ta présentation, j’ai bien aimé les poèmes de Martial.
Encore un poète que tu sort de ton chapeau, qui m’est totalement inconnu.
Consacreras tu une chronique sur lui? Ou comme c’est un contemporain de Tullia en fera tu allusion dans ton récit fictif?
Didier



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