Récits érotiques de la mythologie (26) : des femmes dans les mythes de la Grèce ancienne

- Par l'auteur HDS Olga T -
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Récit libertin : Récits érotiques de la mythologie (26) : des femmes dans les mythes de la Grèce ancienne Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-04-2022 dans la catégorie A dormir debout
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Récits érotiques de la mythologie (26) : des femmes dans les mythes de la Grèce ancienne
Parmi les personnages que je vais évoquer, toutes fictives, seule Callisto relève de la Mythologie, Iphis et Ianthé étant issues de l’imagination du grand Ovide, alors que Lysistrata est un personnage d’une pièce d’Aristophane.

Même si la poétesse Sappho, dont j’ai parlé dans « Histoire des libertines (1) : Introduction et Sappho la poétesse de Lesbos », texte paru le 14 août 2017, a, la première, chanté l’amour entre femmes, l’homosexualité féminine est restée un tabou dans l’antiquité grecque et romaine.

La lecture de l’ouvrage de référence de Sandra Boehringer, cité dans la bibliographie à la fin de cette publication, m’a permis de découvrir ces trois mythes. Hypersexuelle, profondément bisexuelle, je dédie ce texte aux femmes libres et amoureuses, plus particulièrement à ma tendre compagne, Agun et à celles de mes lectrices qui, comme moi, ont découvert les merveilleux mystères de Lesbos.

CALLISTO ET ARTEMIS, MYTHE LESBIEN ?

Dans la mythologie grecque, Callisto ou Kallysto, dont le nom en grec ancien signifie « la plus belle », est une nymphe d'une très grande beauté faisant partie de la suite d'Artémis.

Son ascendance est incertaine et certaines versions en font la fille de Lycaon, roi d'Arcadie, ou de Nyctée, fils de Poséidon.

Le mythe trouve ses sources, comme toutes les métamorphoses de Zeus, dans le livre phare d’Ovide au livre II des « Métamorphoses » (vers 401 à 496).

Callisto faisait partie de la suite de la déesse de la chasse, Artémis qui commandait à ses compagnes une stricte chasteté. Zeus, dieu souverain et père d'Artémis, s'éprit d'elle et imagina une ruse pour la séduire. Il prit les traits d'Artémis pour l'approcher sans éveiller sa méfiance et s'unit à elle par surprise.

La jeune chasseresse préférait sa déesse au Dieu des dieux, Zeus décida donc de se transformer en Artémis pour la séduire. Il s’approcha alors de Callisto et l’embrassa passionnément, peut-être un peu trop pour la déesse de la chasteté pensa alors Callisto. Zeus, métamorphosé, en profita alors pour l’étreindre et ainsi trahir sa masculinité. Callisto se débattit de toutes ses forces, mais ne put rien faire contre le Dieu des dieux. Elle se retrouva donc, honteuse et souillée, à porter l’enfant de ce dernier en son sein. Les lunes passèrent et au bout de la neuvième, Artémis demanda à sa suite de prendre un bain, nues, avec elle.

C’est à ce moment-là que la grossesse de la Belle fut dévoilée. La déesse furieuse et se sentant trahie, chassa alors la fautive. Callisto ayant enfanté un fils, Arcas, Héra, épouse de Zeus, choisit ce moment pour châtier sa rivale en la transformant en ourse, condamnant la malheureuse à trouver refuge dans la montagne.

Quinze ans plus tard, Arcas devenu jeune homme, chassait dans les montagnes lorsqu'il tomba nez à nez avec Callisto. Selon la plupart des versions du mythe, Zeus ne permit pas que le fils portât le coup fatal à sa mère : il les fit enlever tous deux pour les placer dans le ciel où ils forment les constellations de la Grande et de la Petite Ourse.

Dans son ouvrage cité en référence, Sandra Boehringer réinterprète le mythe de Callisto. Elle écrit : « On ne peut s’empêcher d’émettre l’hypothèse d’une version ancienne du mythe qui raconterait simplement la relation sexuelle entre Kallisto et Artémis, version que les Anciens Grecs auraient modifié en remplaçant la déesse par un dieu, au moment de l’acte sexuel. ». L’auteure note que c’est un cas unique de métamorphose de Zeus, qui utilisait fréquemment des changements d’apparence pour parvenir à ses fins. Elle ajoute que c’est bien « dans les bras de quelqu’un qu’elle croit être une femme que Kallisto se laisse prendre » Il semble donc évident qu’un lien érotique existe entre Artémis et Kallisto.

On a parfois cru que les anciens se sont toujours représenté les femmes qui aiment les femmes, qu’ils appellent des tribades, comme des personnes sexuellement ambigües et de tempérament masculin. Et pourtant, dans le mythe de Callisto, apparait le thème de la relation sexuelle entre femmes. L’attirance, le désir et l’amour entre femmes, loin d’être ignorés ou niés, étaient tout à fait envisagés par les anciens. Les relations entre femmes n’étaient ni condamnées, ni considérées comme anormales ou choquantes. L’existence du mythe de Callisto, fondé sur le lien entre une déesse et une jeune fille corrobore cette analyse. Dans le mythe de Callisto, la substitution au moment crucial d’un dieu, qui accomplit l’acte sexuel, à une déesse, qui accomplit l’acte érotique de séduction, illustre le paradoxe d’un érotisme extrême sans acte physique.

IPHIS ET IANTHE, L’AMOUR IMPOSSIBLE
La légende d'Iphis et Ianthe met également en exergue un thème rarement évoqué dans la mythologie grecque : l'homosexualité féminine et son contrôle social exercé par la société.

Iphis et Ianthé sont deux jeunes Crétoises. Leur histoire n'est évoquée que par Ovide, à la fin du livre IX des « Métamorphoses ».

Iphis, en quête d'identité, née fille, élevée comme un garçon, tombe amoureuse d'une femme, Ianthé, dans une société conservatrice et liberticide.

Iphis, fille de Ligdos et de Téléthuse, est destinée à être mise à mort car son père, de condition modeste, ne voulait pas élever de fille. Mais la déesse Isis apparaît à Téléthuse et lui conseille de garder l'enfant quel qu'en soit le sexe. Terrifiée, Thélétuse fait croire à son entourage que son bébé est bien un garçon. Ainsi, Iphis est élevée comme un garçon à l'insu de tous.

À l'âge de treize ans, son père lui destinait pour épouse la belle Ianthé, qui a le même âge qu’elle. Elles ont été élevées ensemble. Iphis et Ianthé s'aiment.

Ovide évoque ainsi le drame d’Iphis et d’Ianthé : « Ianthé, avec impatience, attend le jour où l'hymen doit l'unir à celle qu'elle croit un amant, et qui n'est qu'une amante. Iphis aime sans espérance ; vierge, elle brûle pour une vierge ; et cet obstacle irritant son amour, et retenant à peine ses larmes : « Quel succès, dit-elle, puis-je espérer en aimant ? quelle est cette passion étonnante, et bizarre, et nouvelle ? Les dieux m'ont-ils été favorables en détournant l'arrêt de mon trépas ? et s'ils voulaient me conserver la vie, devaient-ils me donner des penchants que condamne la nature ? (...) »
Téléthuse fait repousser plusieurs fois les noces, mais devant céder, la veille du jour fatal, elle implore Isis de lui porter assistance : sous ses yeux, Iphis change alors de sexe.

La légende d'Iphis et Ianthé constitue, dans la mythologie grecque, l'un des rares exemples explicites d'homosexualité féminine et, pour employer un terme contemporain, « transgenre ».

En mentionnant sans ambiguïté la féminité d’Iphis, Ovide rend caduque toute interprétation qui justifierait l’amour entre Iphis et Ianthé par la « masculinité « d’Iphis. Tout rend évident, analyse Sandra Boehringer, le caractère homosexuel de cette liaison. Avec la métamorphose d’Iphis, devenue un homme par l’intervention d’Isis, Ovide exprime le point de vue de son époque : l’amour peut exister entre deux femmes, mais pas sa réalisation physique. Ovide sait que le tribadisme existe, mais, n’entrant pas dans la catégorie « fututor/fututa », les relations entre femmes sont niées dans la société où vit Ovide, contemporain de l’empereur Aguste.

Mythe antique portant des questions toujours d'actualité, Iphis et Ianthé nous renvoie un miroir sur nos identités, nos désirs et nos libertés.

LYSISTRATA OU LA GREVE DU SEXE
Lysistrata, dont le nom en grec ancien signifiait littéralement « celle qui délie l'armée », est une comédie grecque antique du dramaturge Aristophane (né vers -450 et mort vers -385), écrite en 411 av. J.-C.

Aristophane, à plusieurs reprises, met en scène dans ses pièces des femmes qui se révoltent contre la domination des hommes, et prennent le pouvoir, ce qui entraîne des allusions, plus ou moins explicites, aux Amazones. Plusieurs situations montrent cette volonté d'inverser les rôles dans une société qui proclame que « La guerre est l'affaire des hommes et la maison, celle des femmes. »
La composition de Lysistrata se situe dans une période dramatique de l’histoire grecque : la Guerre du Péloponnèse, qui dure de -431 à -404 avant J.-C. et se termine par la défaite d’Athènes, au profit de sa grande rivale, Sparte. Lysistrata est une pièce dans laquelle le comique de mots est très présent : on y trouve souvent des jeux de mots vulgaires et des références à la sexualité.

Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, une belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes d'Athènes, ainsi que celles de toutes les cités grecques, de déclencher et de poursuivre une grève du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat. Cette pièce est un formidable plaidoyer contre la guerre et en faveur du pouvoir des femmes.

Sur un sujet grave, Lysistrata est une pièce joyeusement obscène, qui fourmille d’allusions sexuelles, de jeux de mots, de doubles sens. Dans l’Athènes d’Aristophane, les femmes n’ont aucun rôle à jouer dans la vie publique. Seules les femmes du peuple et les esclaves sortent de la maison. Les épouses de bonne condition restent au foyer où elles tissent le lin et la laine, attendent le guerrier et lui donnent des enfants, leur tâche principale.

Cette « grève du sexe » semble le seul moyen efficace pour les femmes de revendiquer leur rôle dans la société, à une époque où les hommes leur assignaient l’immobilité en amour : une femme active étant taxée de prostituée. Avant même qu’Ovide n’écrive son « Art d’aimer », Aristophane ose reconnaître le rôle des femmes dans l’amour. De toute l’Antiquité, la femme est reléguée au rang de génitrice ou de prostituée. Règnent les êtres supérieurs, ceux qui pénètrent et font la guerre. Les autres, inférieurs, car non-pénétrants, leur sont soumis.

La grève du sexe est une arme à double tranchant: si le désir ne tarde pas à torturer les hommes, les femmes aussi souffrent, et Lysistrata doit déjouer les ruses d’épouses en rut qui invoquent les tâches domestiques, les enfants et même un accouchement imminent pour se défiler. Très vite, Spartiates, Athéniens et autres Grecs sont tous dans un état si critique qu’il les contraint à conclure la paix. Et la pièce s’achève par un banquet et des chants.

Dans le contexte de la guerre, Lysistrata remporte un grand succès. Par la suite, elle paraîtra si choquante avec son langage cru et ses allusions grivoises qu’on l’exclura souvent de la liste des œuvres d’Aristophane. Les féministes ont fait de l’héroïne une icône. Mais il ne faut pas trop extrapoler: Aristophane n’envisage pas vraiment une prise de pouvoir par les femmes, une fois la paix conclue, il est clair qu’elles retournent au gynécée, et les hommes à leur misogynie habituelle.

CES FEMMES ET MOI
J’ai l’habitude de conclure ces publications en tentant de me situer par rapport aux personnages, réels ou fictifs, dont je viens de retracer le parcours.

Les temps ont heureusement évolué et, si leurs mythes me touchent, je me sens comme une Callisto ou encore une Iphis qui assument amour des femmes et bisexualité.

C’est évidemment plus compliqué en ce qui concerne Lysistrata, car je dois reconnaître qu’il est difficile d’imaginer une hypersexuelle faire la grève du sexe, même pour une aussi noble cause que la paix. Lysistrata est la première féministe de la littérature occidentale. C’est la question du désir et du contrôle que toute la pièce finit par poser, non sans égratigner gentiment le machisme athénien ambiant. « Il n’est pas possible de vivre avec ces pestes ; il n’est pas non plus possible de vivre sans ces pestes », fait dire Aristophane.

Sans céder à l’anachronisme qui consisterait à faire d’Aristophane un féministe, sa vision du rôle de la femme dans le plaisir, qui sera aussi celle d’Ovide dans « l’Art d’aimer » est étonnamment moderne.

PRINCIPALES SOURCES
Je renvoie à l’ouvrage de Sandra Boehringer « L’homosexualité féminine dans l’antiquité grecque et romaine » (Editions Les belles Lettres, 2021) ainsi qu’aux articles de Wikipédia sur Callisto, Iphos et Ianthé et Lysistrata, ainsi qu’aux liens suivants sur la toile :
Au sujet du mythe de Callisto :
• https://mythologica.fr/grec/callisto.htm
• http://www.alex-bernardini.fr/mythologie/callisto-la-nymphe.php
• https://www.cosmovisions.com/$Callisto.htm
• https://lesamoursdejupiter.wordpress.com/2012/04/25/le-mythe-de-callisto-et-jupiter/
• https://lesamoursdezeusenimages.wordpress.com/2015/04/09/callisto-trompee-par-zeus/
Au sujet d’Iphis et Ianthé :
• https://www.liberation.fr/theatre/2013/04/22/iphis-et-iante-piece-d-identite_898117/
Au sujet de Lysistrata :
• https://www.lemonde.fr/blog/sexologie/2017/07/10/lysistrata-revisitee/

Les avis des lecteurs

@ Didier, merci. Comme les chroniques "histoire des libertines" ces textes sur la mythologie ont pour but de mieux appréhender la place des femmes et les mœurs dans ces sociétés antiques, en particulier la Grèce. Je te remercie pour tes interprétations et les nuances que tu apportes et que je partage.

Histoire Erotique
Olga,
Comme toujours avec cette série sur la mythologie, tu partage avec nous tes impressions sur des textes anciens, et je t’en remercie.
Tes deux premiers écrits sont bien oui des hymnes sur l’amour porté aux femmes par des femmes, avec une homosexualité féminine totalement occultée dans ces civilisations antiques axés exclusivement sur le «mâle dominant».
Je voudrais néanmoins, si tu m’y autorise, y apporter mes interprétations et donc quelques nuances sur ces deux premières présentations.
Pour Callisto, le texte m’évoque aussi par certains aspects (la mystification de Zeus, la honte de Callisto, puis son bannissement par Arthemis, l’«abandon» de son fils) le sujet sensible qu’est le viol des femmes et de ses conséquences sur leurs vies.
Concernant la légende d'Iphis et Ianthe, là aussi je voudrais apporter une nuance. Je vois dans la métamorphose d’Iphis, une allusion, plus soft que celle faite par Martial, à une sexualité « fututor/fututa » comme pouvait la pratiquer une Philénis de Samos en son temps.
La troisième présentation, je la vois aussi comme un moyen que les femmes, avec le droit de disposer de leur corps, ont trouver pour œuvrer pour la paix.
Ce qui m’amène à cette conclusion, dans cette société grecque antique Aristophane était peut-être pour l’époque plus pacifiste que féministe.
OUI je confirme tes propos, ces textes dit anciens sont bien modernes dans leurs écrits pour leurs époques.
Didier



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