Récits érotiques de la mythologie (5). Clytemnestre, adultère et meurtrière - histoire érotique

Cette fois-ci, j'ai choisi un personnage de la Mythologie a priori peu sympathique, puisque «salope» et meurtrière. Son destin fût particulièrement tragique : il s'agit de Clytemnestre, épouse adultère et meurtrière du roi de Mycènes, le légendaire Agamemnon.
Mon texte est pourtant une réhabilitation (partielle) de Clytemnestre, si tant est qu'elle a existé. Vouée aux gémonies parce qu'adultère et meurtrière avec préméditation de son époux, Clytemnestre mérite en effet largement les circonstances atténuantes. Evidemment sur son adultère, dans l'état d'esprit de liberté sexuelle que je défends et qui fait que l'adultère n'est pas un crime, mais un droit. Et ce d'autant plus qu'Agamemnon ne se gênait pas, lui qui s'était fâché avec Achille pour l'esclave Briséis et qui avait ramené de Troie, comme maîtresse, Cassandre, la fille de Priam. Oui, Cassandre, celle qui avait annoncé la fin de Troie, mais dont le destin était de ne pas être crue et qui, en plus, partagea le destin tragique du roi de Mycènes.

Quant au meurtre de son mari, sans qu'on puisse l'excuser, il ne faut pas oublier que l'Atride avait assassiné le premier mari et le bébé de Clytemnestre, puis sacrifié Iphigénie, sa fille chérie.

C'est parce que femme adultère et vengeresse que Clytemnestre a été condamnée sans appel dans la mythologie et qu'elle était considérée comme une criminelle, chez les anciens Grecs et qu?elle est restée cela dans la mémoire.

Cette histoire des Atrides a été un des sujets favoris des poètes grecs, et surtout des trois grands tragiques athéniens. Alfieri, Lemercier et Soumet, après Eschyle, Sophocle et Euripide, ont aussi mis sur la scène le crime de Clytemnestre et la fin tragique d'Agamemnon.

MARIAGE ET TRAGEDIE

Elle est la fille de Tyndare, roi de Sparte et de Léda. Née d'un oeuf commun, elle est soeur jumelle de Castor, et la demi-soeur d'Hélène et Pollux. Elle avait donc de qui tenir, quand on se souvient des frasques de sa soeur, qui provoquèrent la guerre de Troie.
Agamemnon, le roi de Mycènes, épousa Clytemnestre après qu'il eut tué son précédent mari Tantale, fils de Thyeste, ainsi que leur enfant. Agamemnon enleva donc Clytemnestre contre son gré. Castor et Pollux, pour venger cet affront, lui déclarèrent la guerre ; mais Tyndare, qui avait conseillé l'enlèvement, réconcilia les Dioscures avec Agamemnon devenu son gendre.

Agamemnon et Clytemnestre ont eu quatre enfants : Iphigénie, Chrysothémis, Électre et Oreste.

LE SACRIFICE D'AULIS

Avant son départ pour la guerre de Troie, Agamemnon et ses troupes rassemblées à Aulis, ne peuvent partir : Agamemnon a offensé Artémis en prétendant pouvoir chasser mieux qu'elle car il avait chassé un cerf sacré, et la déesse se venge en lançant des vents contraires sur la mer. Seul le sacrifice d'Iphigénie apaisera la déesse. Agamemnon sacrifie ainsi Iphigénie sur l'autel d'Artémis. Clytemnestre ne le lui pardonnera jamais. L?amour de Clytemnestre pour son mari se changea alors en haine profonde.
Avant de partir pour le siège de Troie, Agamemnon confia le soin de son épouse et de ses États à Égisthe, son cousin, mais chargea en même temps un poète et musicien Phémius de surveiller la conduite de son lieutenant et de sa femme. Tous deux furent infidèles : Égisthe s'éprit d'amour pour Clytemnestre, et concerta avec elle la mort de son mari.

LA VENGEANCE DES ATRIDES

Pour Clytemnestre, le temps est enfin venu. Le retour d'Agamemnon annonce sa terrible vengeance. Elle n'a pas oublié le visage d'Iphigénie, sa fille sacrifiée. Pourtant elle s'interroge : cet époux tant haï n'est-il pas aussi un héros, le vainqueur de la guerre de Troie, un roi craint, respecté et le père de ses enfants? N'a-t-il pas droit lui aussi à la clémence car comment juger l'autre ?
La femme recule, la mère s'indigne mais la malédiction qui pèse sur la famille des Atrides va s'accomplir.

Agamemnon avait ramené de Troie Cassandre ; par jalousie, par amour pour son amant ou par rancune du sacrifice d'Iphigénie, Clytemnestre égorgea son mari dans un bain, de concert avec Egisthe. La belle Cassandre périt à son tour.
Égisthe épousa Clytemnestre à la suite de la mort d'Agamemnon.

Clytemnestre sera à son tour tuée, en même temps qu'Égisthe, par son fils Oreste, sept ans plus tard. Il donna ordre de les enterrer hors de la ville, les jugeant indignes du tombeau d'Agamemnon.

POURQUOI TANT D'AVERSION POUR CLYTEMNESTRE ?

Les Grecs anciens considéraient le crime de Clytemnestre comme un acte diabolique.

La tragédie, l'opéra se sont emparés de Clytemnestre, pour nous présenter le portrait souvent convenu d'une femme dure, avide de pouvoir, meurtrière enfin.
Le personnage conduit à une réflexion sur la responsabilité, l'amour, le destin. Clytemnestre a commis un crime unique et sera maudite tandis que d'autres commettront des carnages et seront louangés. C?est là un paradoxe incompréhensible par sa vigueur et sa résistance au temps.

L'explication tient probablement au fait que Clytemnestre est une femme. Mais une femme qui a osé défier la puissance masculine. Un symbole qu'il fallait faire taire, de peur de contagion.
Clytemnestre a commis un crime, odieux il est vrai, mais motivé avant tout par l'assassinat de sa fille Iphigénie.

En sacrifiant sa fille, Agamemnon a commis un crime d'autant plus odieux qu'il s'agissait de plaire aux dieux pour mener une guerre et libérer une femme adultère.

Oreste poussé par sa soeur a assassiné sa mère. Il s'agit d'un matricide, acte grave dans toutes les cultures. Oreste et Electre n'ont pas cherché à connaitre la vérité ni à venger la mort de leur soeur Iphigénie.

On sait aussi qu'Electre a été le pendant féminin d'Oedipe. On parle à ce sujet de complexe d'Electre quand une fille est amoureuse de son père, ce qui fût mon cas à l'adolescence. Elle a alors tendance à tout pardonner à celui qu'elle adule et ses relations avec sa mère, considérée comme une rivale, sont particulièrement conflictuelles, voire haineuses. J'ai connu cela !

Clytemnestre fût une «honnête épouse» durant quinze ans. C'est l'assassinat de sa fille qui la poussera à l'adultère et à la vengeance. Mais les préjugés ont la vie dure et le mythe de Clytemnestre, odieuse criminelle, persistera.

Très loin de nous, Clytemnestre est aussi très proche. Elle nous parle, en femme, du mariage et de la maternité, de l'amour, de l'ambition et de la guerre, du pouvoir et des richesses, de la vengeance dévastatrice, et des hommes qui se prennent pour des dieux.

Figure de la femme-épouse, aigrie par un mariage forcé, la reine fut contrainte de quitter son foyer familial pour épouser un roi absent. Clytemnestre est le prototype de la reine ayant souffert de sa condition d'épouse royale. Clytemnestre est la représentante, de manière plus générale, des épouses victimes des mariages sans amour : « nous sommes femmes, Électre, nous avons le droit d'aimer » (acte II, scène V Electre, de Jean Giraudoux). Je souscris tout à fait à cette maxime !

Il me plait aussi à penser qu'en quelques millénaires l'humanité a profondément évolué. Oh certes pas partout et pas chez tous, loin de là. D'abord une plus grande liberté sexuelle dans le couple a fini, très récemment à l'échelle de l'histoire, par considérer l'adultère comme n'étant plus un crime, même plus une faute. Et quelle plus grande chance quand la liberté sexuelle est reconnue et, même, dans un cadre candauliste, encouragée ! Lointaine fille d'Hélène et de Clytemnestre, je mesure le privilège que mon Agamemnon accepte, encourage et prend plaisir à mes frasques.
Il n'est pas question de tolérer la vengeance privée et de justifier le meurtre, car la sanction doit relever de la société et d'elle seule. Mais aujourd'hui, face au tribunal de l'histoire et de la mémoire, Clytemnestre ne mérite-t-elle pas au moins les circonstances atténuantes ?